La lettre juridique n°978 du 21 mars 2024 : Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Panorama] Panorama d’actualités jurisprudentielles relatif au contentieux accident du travail / maladie professionnelle (janvier - février 2024)

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par Yann Bougenaux, Avocat associé, cabinet Oren Avocats

le 20 Mars 2024

Mots-clés : Accident du travail • maladie professionnelle • état antérieur • présomption d’imputabilité • réserves motivées • charge de la preuve • information de l’employeur • exposition au risque • malaise mortel • syndrome anxio-dépressif • faute inexcusable • CRRMP • expertise judiciaire • longueur d’arrêt

La revue Lexbase Social vous propose de retrouver, tous les deux mois, le panorama d’actualités jurisprudentielles dédié aux juridictions du fond, de Yann Bougenaux, Avocat associé du cabinet Oren Avocats, relatif au contentieux des accidents du travail et maladies professionnelles.


Sommaire

I. Définition d’accident du travail

- CA Rouen, 9 février 2024, n° 22/00683
- CA Bordeaux, 11 janvier 2024, n° 21/04527
- CA Amiens, 9 janvier 2024, n° 22/03996
- CA Nancy, 10 janvier 2024, n° 22/02580

II. Délai d’émission de réserves motivées

- CA Amiens, 16 février 2024, n° 22/00130

III. Condition de reconnaissance des maladies professionnelles

- CA Amiens, 30 janvier 2024, n° 22/03872
- CA Rouen, 9 février 2024, n° 23/03107
- CA Grenoble, 15 février 2024, n° 22/02596
- CA Orléans, 30 janvier 2024, n° 22/02267
- CA Amiens, 8 janvier 2024, n° 22/03903

IV. Faute inexcusable

- CA Grenoble, 8 février 2024, n° 22/02549
- CA Lyon, 16 janvier 2024, n° 21/05787

V. Procédure

- CA Orléans, 23 janvier 2024, n° 22/02822
- CA Grenoble, 8 janvier 2024, n° 19/04294

VI. Longueur d’arrêt

- CA Poitiers, 8 février 2024, n° 21/01343


I. Définition d’accident du travail

CA Rouen, 9 février 2024, n° 22/00683 N° Lexbase : A25312N3 : il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un fait accidentel pour bénéficier de la présomption d’imputabilité des accidents du travail.

L’employeur contestait l’existence même d’un fait accidentel.

Le salarié indiquait s’être blessé à l’épaule en ouvrant une porte coupe-feu en forçant.

La cour d’appel suit l’argumentation de la CPAM et considère qu’il s’agit d’un fait accidentel, corroboré par d’autres éléments tels que le passage à l’infirmerie.

Il est donc fait application de la présomption d’imputabilité (CSS, art. L. 411-1 N° Lexbase : L4725MHH).

Pour aller plus loin : ÉTUDE : La définition de l’accident du travail, Le principe de la présomption d’imputabilité, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E95553WS

CA Bordeaux, 11 janvier 2024, n° 21/04527 N° Lexbase : A20062EZ : un employeur peut user d’une vidéosurveillance pour contester la réalité d’un fait accidentel.

Afin de contester la version du salarié qui affirmait avoir été victime d’un accident du travail, l’employeur verse aux débats devant le tribunal judiciaire, la vidéosurveillance.

La CPAM affirme qu’il s’agit d’un procédé déloyal.

Le tribunal rejette cette argumentation sur la loyauté en rappelant que l’employeur avait évoqué l’existence de cette vidéo au cours de l’instruction contradictoire.

Il relevait donc de la responsabilité de la CPAM de consulter ladite vidéo.

CA Amiens, 9 janvier 2024, n° 22/03996 N° Lexbase : A83922D8 : l’existence d’un état antérieur ne fait pas obstacle à la présomption d’imputabilité en présence d’un fait accidentel.

Un salarié se plaint de ressentir des douleurs aux dos après avoir porté un carton de 30 kg.

L’employeur conteste la réalité de l’accident en démontrant que le salarié avait indiqué à ses collègues s’être blessé dans un accident de vélo durant ses congés quelques jours avant.

Le tribunal rejette cette argumentation et rappelle que le salarié décrit un fait accidentel et que par conséquent la présomption d’imputabilité joue.

CA Nancy, 10 janvier 2024, n° 22/02580 N° Lexbase : A91282DG : Le salarié doit faire le lien entre le malaise survenu hors temps et lieu de travail et l’activité professionnelle pour obtenir la reconnaissance d’un accident du travail.

Un salarié est victime d’un AVC à son domicile.

Pour faire le lien avec son activité professionnelle, le salarié évoque un essoufflement survenu cinq jours avant sur le lieu de travail, et ayant été constaté médicalement.

La cour d’appel considère que cette argumentation est insuffisante pour reconnaître l’existence d’un accident du travail, compte tenu notamment du délai entre ledit essoufflement et l’AVC.

II. Délai d’émission de réserves motivées

CA Amiens, 16 février 2024, n° 22/00130 N° Lexbase : A15852PE : le délai de dix jours permettant à l’employeur d’émettre des réserves motivées expire au jour de l’expédition du courrier.

La CPAM considère que l’employeur a émis des réserves motivées hors délai.

Selon la caisse il conviendrait qu’elle reçoive le courrier de réserve dans le délai de dix jours.

L’employeur, quant à lui, affirme qu’il doit bénéficier d’un délai complet de dix jours et qu’il doit donc envoyer son courrier dans ce délai.

La cour valide la position de l’employeur rappelant que le délai doit nécessairement inclure l’expédition et non la réception par la CPAM.

III. Condition de reconnaissance des maladies professionnelles

CA Amiens, 30 janvier 2024, n° 22/03872 N° Lexbase : A01702KI : c’est la CPAM qui supporte la charge de démontrer que les conditions du tableau sont remplies et que la désignation de la pathologie correspond.

La CPAM décide d’une prise en charge d’une maladie professionnelle n° 98 relative à une hernie discale.

L’employeur conteste en relevant que le tableau n° 98 concerne les sciatiques par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

La CPAM doit donc démontrer l’atteinte radiculaire.

Or, aucun élément du dossier ne fait référence à une telle atteinte.

La décision de prise en charge doit dès lors être déclarée inopposable.

CA Rouen, 9 février 2024, n° 23/03107 N° Lexbase : A24202NX : un changement de date de première constatation médicale en cours de procédure doit faire l’objet d’une justification et d’une information à l’employeur.

La CPAM instruit une maladie professionnelle en retenant une date de première constatation médicale qu’elle modifie par la suite, après transmission du dossier au CRRMP.

L’employeur se plaint de découvrir un changement de date de première constatation médicale dans le courrier de prise en charge.

La cour déclare inopposable la décision de prise en charge, dans la mesure où la CPAM ne justifie aucunement du changement de date.

CA Grenoble, 15 février 2024, n° 22/02596 N° Lexbase : A11472P8 : pour démontrer l’exposition au risque du salarié, la CPAM doit tenir compte des changements de poste du salarié.

Il apparaît que la CPAM a instruit une déclaration de maladie professionnelle et que l’employeur et le salarié ne décrivent pas le même poste de travail.

L’employeur démontrait que le salarié était en formation durant le délai de prise en charge du tableau (14 jours en l’occurrence) et qu’il n’était dès lors pas exposé au risque.

La cour valide cette démonstration et reproche à la CPAM de ne pas avoir tenu compte de cette situation auprès du salarié.

CA Orléans, 30 janvier 2024, n° 22/02267 N° Lexbase : A37132L4 : un malaise mortel au temps et au lieu du travail n’exonère pas la CPAM d’une véritable enquête sur les causes du malaise et du décès.

La cour constate que la CPAM a diligenté une enquête contradictoire au terme de laquelle elle a obtenu l’information selon laquelle le salarié était suivi pour des problèmes cardiaques.

Pourtant la CPAM n’a pas poursuivi l’enquête sur ce point.

La cour reproche ainsi à la CPAM d’avoir réalisé une enquête purement formelle et déclare inopposable la décision de prise en charge (CSS, art. R. 441-11 N° Lexbase : L6173IED, anc.).

CA Amiens, 8 janvier 2024, n° 22/03903 N° Lexbase : A60272DL : l’existence d’un syndrome anxio-dépressif est insuffisant pour caractériser une maladie professionnelle.

S’agissant d’une maladie hors tableau, la cour rappelle qu’elle doit être « essentiellement et directement causée par le travail de la victime » pour être reconnu comme étant d’origine professionnelle.

La cour constate l’existence d’un syndrome anxio-dépressif, mais considère que les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer un lien suffisant pour reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle.

IV. Faute inexcusable

CA Grenoble, 8 février 2024, n° 22/02549 N° Lexbase : A61402DR : les conditions de reconnaissance d’une faute inexcusable ne sont pas réunies lorsque les circonstances de l’accident du travail sont indéterminées.

Un salarié est victime d’un malaise en sortant d’une réunion.

Les parties s’opposent sur la façon dont la réunion se serait déroulée. Or, la charge de la preuve pèse sur le demandeur en matière de reconnaissance de faute inexcusable.

La cour constate que l’employeur n’était pas informé de la fragilité psychologique de son salarié et qu’il n’avait donc pas conscience d’un danger.

La cour rejette la demande de reconnaissance de faute inexcusable.

CA Lyon, 16 janvier 2024, n° 21/05787 N° Lexbase : A99332EM : une faute inexcusable ne peut être reconnue en présence d’un évènement imprévisible.

Une salariée est victime d’un accident du travail constitué d’une chute à la suite d’une glissade.

L’employeur justifie avoir évalué le risque de chute, et avoir sensibilisé ses salariés aux règles de prévention.

Par ailleurs l’accident s’est déroulé de manière imprévisible la salariée ayant glissé à la suite d’un verre d’eau renversé par un collègue.

Pour la cour cet évènement était imprévisible et ne peut conduire à la reconnaissance d’une faute inexcusable.

V. Procédure

CA Orléans, 23 janvier 2024, n° 22/02822 N° Lexbase : A87012I4 : l’acte de décès ne peut remplacer le certificat médical de décès dans les pièces consultées par l’employeur.

La cour rappelle sans surprise les pièces qui doivent être présentes dans le dossier lors de la phase de consultation.

En l’occurrence, la cour constate que le dossier était constitué notamment de l’acte de décès, mais non du certificat médical de décès.

Pour la cour l’acte de décès n’est qu’un acte administratif dépourvu de toute constatation médicale et ne peut se substituer au certificat médical de décès.

En l’absence d’une telle pièce, la décision de prise en charge est déclarée inopposable.

CA Grenoble, 8 janvier 2024, n° 19/04294 N° Lexbase : A61402DR : le second CRRMP doit disposer des mêmes pièces que le premier CRRMP, et donc d’un dossier complet, pour que la procédure soit régulière.

La cour constate que le premier CRRMP disposait d’un avis du médecin du travail alors que le second CRRMP n’y fait pas référence.

Par conséquent la procédure est irrégulière et entraîne l’inopposabilité de la décision de prise en charge.

VI. Longueur d’arrêt

CA Poitiers, 8 février 2024, n° 21/01343 N° Lexbase : A30382NT : un changement de dénomination de maladie dans les certificats médicaux peut constituer un commencement de preuve suffisant permettant la mise en œuvre d’une expertise médicale.

Un salarié est victime d’un malaise vagal pris en charge en accident de travail.

Par la suite les arrêts font état d’un épuisement professionnel et d’une dépression réactionnelle.

L’employeur affirmait ainsi qu’il était peu probable qu’une dépression réactionnelle soit imputable à un malaise vagal.

Pour la cour ce changement justifie la mise en œuvre d’une expertise judiciaire portant sur l’imputabilité des arrêts et soins à l’accident initial.

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