Jurisprudence : CA Rouen, 09-02-2024, n° 23/03107

CA Rouen, 09-02-2024, n° 23/03107

A24202NX

Référence

CA Rouen, 09-02-2024, n° 23/03107. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104994312-ca-rouen-09022024-n-2303107
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N° RG 23/03107 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOWR


COUR D'APPEL DE ROUEN


CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE


ARRET DU 09 FEVRIER 2024


DÉCISION DÉFÉRÉE :


22/00401

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 31 Août 2023



APPELANTE :


S.A.S. [5]

[Adresse 3]

[Localité 4]


représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN


INTIMEE :


CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'EURE

[Adresse 1]

[Localité 2]


représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN



COMPOSITION DE LA COUR  :


En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile🏛, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Décembre 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.


Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :


Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère


GREFFIER LORS DES DEBATS :


M. GUYOT, Greffier


DEBATS :


A l'audience publique du 13 décembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 février 2024


ARRET :


CONTRADICTOIRE


Prononcé le 09 Février 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,


signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.


* * *



EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE


M. [Aa] [Ab] [C] a déclaré à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Eure (la caisse), le 24 novembre 2021, des 'lombalgies chroniques et sciatalgies plutôt droites-tableau n°98'.


Estimant que la maladie était hors tableau, la caisse a transmis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Normandie, le taux d'incapacité prévisible de l'assuré étant supérieur ou égal à 25 %.


Après avis favorable de ce comité, la caisse a notifié à l'employeur, la société [5] (la société), une décision de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels, rendue le 24 juin 2022.


La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse et a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Évreux d'un recours contre la décision implicite de rejet. La commission a rejeté le recours le 26 janvier 2023.



Par jugement du 31 août 2023, le tribunal a :

- débouté la société de sa demande d'inopposabilité fondée sur la violation du principe du contradictoire,

- dit que l'avis rendu par le CRRMP de Normandie était régulier,

- avant-dire droit, désigné le CRRMP de Bretagne pour qu'il donne son avis sur le point de savoir si la maladie déclarée par M. [Ab] avait été directement et essentiellement causée par son travail habituel,

- dans l'attente, sursis à statuer sur la demande de la société tendant à contester le caractère professionnel de la maladie,

- réservé les dépens.



La société a relevé appel de cette décision le 14 septembre 2023.


EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Par conclusions remises le 3 octobre 2023, soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'inopposabilité,

- déclarer la décision de prise en charge de la pathologie de M. [Ab] inopposable,

- condamner la caisse aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Elle expose que :

- elle a été avisée, le 10 décembre 2021, d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 98, avec pour date de première constatation médicale, le 2 octobre 2021, conformément au certificat médical initial et à la déclaration de maladie professionnelle,

- la caisse a ouvert une instruction conformément aux dispositions applicables aux maladies reconnues dans un tableau, portant le numéro 211002761,

- la caisse l'a avisée de l'ouverture d'une instruction, des délais de consultation des pièces et de la date prévue pour sa décision,

- elle l'a avisée en cours d'instruction, le 21 mars 2022, de ce qu'elle transmettait le dossier au CRRMP,

- elle lui a écrit, le 24 juin 2022, qu'elle reconnaissait la maladie « hors tableau » du salarié, avec pour date de première constatation médicale le 25 novembre 2019, comme étant d'origine professionnelle, le courrier portant le numéro de dossier 19112564.


Elle soutient qu'à aucun moment elle n'a été avisée par la caisse d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle datée du 25 novembre 2019 qui serait hors tableau et de la transmission du dossier pour avis au CRRMP ou d'une modification de la date de première constatation de la maladie professionnelle déclarée, enregistrée sous le numéro 211002761. Elle indique que les courriers d'information concernant l'instruction du dossier ont été adressés par voie électronique à une adresse qui n'existait plus depuis deux ans, de sorte que la caisse a nécessairement dû recevoir un message d'erreur l'informant d'une impossibilité de remettre ces courriers. Elle en déduit que la caisse n'est pas en capacité de justifier du respect du principe du contradictoire ni de justifier, en tout état de cause, que le document qu'elle communique contenait une information particulière relative à la modification de la date de première constatation médicale. Elle considère que la modification du numéro de dossier, sans information à ce sujet, justifie l'inopposabilité de la décision de prise en charge.


Par conclusions remises le 13 décembre 2023, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter la société de ses demandes,

- la condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Elle fait valoir que le médecin-conseil détermine la qualification de la pathologie et fixe la date de première constatation médicale de la maladie, les mentions figurant dans la fiche de colloque médico-administratif ; que cette mention suffit à garantir le respect du contradictoire ; que par ailleurs l'employeur a eu connaissance de la période pendant laquelle il pouvait consulter les pièces du dossier, comportant la fiche du colloque. Elle explique que depuis le 1er juillet 2018 (loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017🏛), le point de départ de l'indemnisation des maladies professionnelles correspond à la date de première constatation de la maladie et non plus à la date à laquelle la victime est informée, par un certificat médical initial, du lien possible entre sa pathologie et son activité professionnelle. Elle en déduit que la date du sinistre n'est connue de manière définitive qu'après fixation de la date de première constatation médicale par le médecin-conseil, de sorte qu'elle est contrainte d'attribuer une date de sinistre et un numéro de dossier provisoire jusqu'à l'issue de la phase d'instruction et, qu'une fois la date de première constatation médicale définitivement fixée, elle peut attribuer un numéro de dossier définitif, ces références étant internes et leur modification étant sans incidence sur le respect de la procédure contradictoire d'instruction. Elle soutient, s'agissant de l'adresse électronique invalide de la société, que celle-ci ne peut lui reprocher une erreur de destinataire, valant défaut d'information, alors qu'elle n'a pas mis à jour ses données personnelles.


Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.



MOTIFS DE LA DÉCISION


1. Sur le respect de la procédure contradictoire


En l'espèce, par courrier du 10 décembre 2021, reçu le 15 par la société, la caisse l'a informée d'une déclaration de maladie professionnelle effectuée le 25 novembre 2021 par son salarié, M. [Ab] [C], mentionnant l'intitulé de la pathologie et comme date de celle-ci, le 2 octobre 2021. Le courrier indiquait par ailleurs que la société avait la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler ses observations du 7 au 18 mars 2022, directement en ligne, sur un site dont l'adresse était communiquée, impliquant la création d'un compte en ligne par l'employeur.


Par courrier du 21 mars 2022, reçu par la société le 24, la caisse l'a informée que la maladie déclarée, dont l'intitulé était rappelé, ne pouvait être prise en charge directement et que le dossier avait été transmis au CRRMP. L'employeur était informé par ailleurs de la possibilité de compléter son dossier en ligne et de faire ses observations, dans des délais communiqués.


Ainsi que l'a relevé le tribunal, la caisse établit que parmi les pièces du dossier consultable par l'employeur figurait la fiche de concertation médico-administrative, laquelle mentionne un accord du médecin-conseil sur le diagnostic figurant sur le certificat médical initial, une date de première constatation de la pathologie fixée au 18 novembre 2019 sur la base de la date de l'arrêt de travail en lien avec la pathologie, un taux d'IPP estimé supérieur ou égal à 25 % et l'indication d'une transmission au CRRMP en raison d'une 'affection hors tableau ou non exposition au risque'.


Il résulte de ces éléments que la société ne peut faire grief à la caisse d'avoir envoyé certains courriels sur une adresse mail qu'elle n'avait pas modifiée après qu'elle était devenue invalide, alors qu'en tout état de cause les informations devant être délivrées par la caisse à l'employeur dans le cadre de ses obligations légales et réglementaires ont été adressées par courriers recommandés. Par ailleurs, la caisse avait rappelé à l'employeur, par mail du 17 février 2022, soit avant la période pendant laquelle les pièces pouvaient être consultées, l'adresse mail déclarée sur son compte en ligne, de sorte qu'il avait été mis en mesure de vérifier la validité de cette adresse.


Il en résulte en outre que l'employeur a été informé que la maladie professionnelle, initialement déclarée au titre du tableau n° 98, était finalement soumise à l'avis du CRRMP comme étant une maladie hors tableau. Il a également été informé de la possibilité de consulter les pièces du dossier, dont la fiche du colloque médico-administratif, retenant une date de première constatation de la pathologie différente de celle mentionnée dans le certificat médical initial.


Ainsi, la caisse a instruit une seule demande de reconnaissance de la même maladie tout au long de la procédure.


Toutefois, alors que le médecin-conseil a retenu une date de première constatation médicale du 18 novembre 2019, la décision de prise en charge du 24 juin 2022 porte sur une maladie du 25 novembre 2019.


Il s'ensuit que cette décision, qui porte sur une maladie dont la date n'a jamais été mentionnée lors de l'instruction de la caisse, doit être déclarée inopposable à la société. Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'inopposabilité.


2. Sur les frais du procès


La caisse qui perd le procès est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Elle est en outre condamnée à payer à la société une somme de 1 200 euros sur le même fondement.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort :


Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 31 août 2023 en ce qu'il a débouté la société [5] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure de la maladie déclarée par M. [Aa] [Ab] [C] le 24 novembre 2021 ;


Statuant à nouveau et y ajoutant :


Déclare inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure du 24 juin 2022 ;


Condamne la caisse aux dépens d'appel ;


La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;


La condamne à payer à la société une somme de 1 200 euros sur le même fondement.


LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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