Chapitre Ier : De la Commission nationale de protection et de réinsertion
Section 1 : Composition
Article 1
La Commission nationale de protection et de réinsertion prévue à l'article 706-63-1 du code de procédure pénale est placée auprès du ministre de l'intérieur. Elle est composée :
― d'un magistrat hors hiérarchie, en activité ou honoraire, président, désigné par le ministre de la justice ;
― d'un magistrat exerçant ou ayant exercé au sein d'une juridiction interrégionale spécialisée, désigné par le ministre de la justice ;
― d'un magistrat représentant de la direction des affaires criminelles et des grâces ;
― d'un représentant de la direction générale de la police nationale ;
― d'un représentant de la direction générale de la gendarmerie nationale ;
― d'un représentant du ministre chargé des douanes.
Elle comprend, en outre, avec voix consultative, un représentant du service interministériel d'assistance technique au ministère de l'intérieur.
Les membres de la commission, ainsi que leurs suppléants, sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable une fois, par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des douanes.
Article 2
Sur proposition de son président, la commission établit son règlement intérieur.
Article 3
Les membres de la commission, ainsi que toute personne concourant à ses missions, sont soumis au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
Article 4
Les membres de la commission exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Article 5
Le service interministériel d'assistance technique assure le secrétariat permanent de la commission.
Section 2 : Saisine et instruction des dossiers
Article 6
La commission est saisie par le procureur de la République chargé du dossier, ou, le cas échéant, par le juge d'instruction qui en avise le procureur. Copie de la demande ainsi que des pièces qui l'accompagnent sont versées dans un dossier distinct du dossier de la procédure. Ce dossier est conservé par le procureur.
Article 7
Dès réception de la demande, le président de la commission sollicite le service interministériel d'assistance technique aux fins d'instruction.
A cette fin :
― les personnes concernées par les mesures peuvent être entendues à tout moment ;
― toutes personnes utiles à la mission de la commission peuvent être requises et tous justificatifs utiles peuvent être demandés ;
― le procureur de la République ou le magistrat instructeur demandeurs peuvent être sollicités pour des précisions complémentaires.
Article 8
Le service interministériel d'assistance technique rend compte de son instruction au président de la commission.
Celui-ci rejette les demandes qui ne remplissent pas les conditions tenant au champ d'application de la loi.
Article 9
En cas d'urgence, le service interministériel d'assistance technique prend les mesures nécessaires et en informe sans délai le président de la commission.
Section 3 : Examen des dossiers par la commission
Article 10
La commission se réunit chaque fois qu'il est utile et au moins une fois par semestre pour évaluer l'ensemble des mesures en cours.
Elle se réunit sur convocation de son président, qui fixe l'ordre du jour.
Les séances de la commission ne sont pas publiques.
Article 11
Si les mesures prises en urgence par le service interministériel d'assistance technique en application de l'article 9 revêtent un caractère substantiel, la commission se réunit dans les meilleurs délais, et au plus tard dans les quinze jours, pour statuer sur leur maintien ou leur modification.
Elle est informée des autres mesures lors de la prochaine séance.
Article 12
Le service interministériel d'assistance technique expose les faits et formule un avis sur la pertinence des mesures de protection demandées.
Avant de délibérer, la commission peut entendre les personnes concernées par les mesures.
Article 13
La commission délibère valablement si au moins quatre de ses membres sont présents. Si le quorum n'est pas atteint, la commission est à nouveau convoquée avec le même ordre du jour dans les meilleurs délais, et au plus tard dans les quinze jours. Le quorum s'apprécie à l'ouverture de chaque séance.
La commission se prononce à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.
Article 14
La commission peut décider de toutes mesures proportionnées qu'elle définit, notamment de protection physique et de domiciliation, destinées à assurer la protection des personnes mentionnées à l'article 706-63-1 du code de procédure pénale.
Elle définit également, s'il y a lieu, les mesures de réinsertion, eu égard notamment à la situation matérielle et sociale de la personne concernée et, le cas échéant, de sa famille et de ses proches.
Le cas échéant, elle propose la mise en œuvre de la procédure relative à l'identité d'emprunt prévue aux articles 18 à 25.
Article 15
La commission peut modifier ou mettre fin aux mesures de protection et de réinsertion accordées.
Article 16
Les décisions de la commission s'imposent aux administrations et aux organismes chargés d'une mission de service public.
Article 17
Le service interministériel d'assistance technique met en œuvre les décisions de la commission.
Chapitre II : De l'identité d'emprunt
Section 1 : Procédure relative au principe du recours à une identité d'emprunt
Article 18
Le président du tribunal de grande instance de Paris est compétent pour statuer sur les demandes aux fins d'autorisation d'usage et de retrait d'autorisation d'une identité d'emprunt prévus à l'article 706-63-1 du code de procédure pénale.
Article 19
Le président du tribunal est saisi par requête du président de la commission, à laquelle est jointe la demande écrite de l'intéressé ainsi que les pièces invoquées à l'appui de cette dernière. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.
La requête est présentée en double exemplaire. Elle communiquée pour avis au ministère public.
Article 20
Le président du tribunal peut décider d'entendre la personne ayant demandé à bénéficier d'une identité d'emprunt. Cette audition n'est pas publique. Elle ne donne pas lieu à l'établissement d'un procès-verbal.
L'ordonnance, rendue non publiquement, est exécutoire au seul vu de la minute. Elle est notifiée au président de la commission et à l'intéressé par tout moyen.
Le double de l'ordonnance est conservé au greffe.
Article 21
S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté devant le premier président de la cour d'appel par le président de la commission, le ministère public ou par la personne ayant demandé à bénéficier d'une identité d'emprunt. Le délai d'appel est de quinze jours.
Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.
Article 22
L'appel est formé, instruit et jugé dans les conditions prévues aux articles 950 et 952 du code de procédure civile ainsi qu'au dernier alinéa de l'article 19 et à l'article 20 du présent décret.
Article 23
Le retrait de l'autorisation est prononcé, sur requête du président de la commission ou de l'intéressé, lorsque cette mesure n'apparaît plus nécessaire, notamment lorsque la commission met fin aux mesures de protection et de réinsertion précédemment accordées ou lorsque la personne bénéficiant de l'autorisation d'user d'une identité d'emprunt ne le souhaite plus.
Le retrait peut aussi être prononcé lorsque la personne qui bénéficie de l'autorisation adopte un comportement incompatible avec la mise en œuvre ou le bon déroulement de cette mesure.
La demande est formée, instruite et jugée dans les conditions prévues aux articles 19 à 22. Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, la personne est entendue par le président, dans les conditions prévues à l'article 20.
Section 2 : Conséquences du recours à une identité d'emprunt
Article 24
Seul le service interministériel d'assistance technique est habilité à créer les identités d'emprunt, à conserver l'ensemble des identités d'emprunt attribuées et à faire le rapprochement entre les identités d'emprunt et les identités réelles.
Article 25
En cas de poursuite pénale à l'encontre d'une personne bénéficiant d'une identité d'emprunt, celle-ci est condamnée sous son identité d'emprunt. La condamnation est inscrite au casier judiciaire sous l'identité d'emprunt.
En cas de retrait de l'autorisation d'usage d'une identité d'emprunt, la personne est condamnée sous son identité réelle dès lors que le retrait intervient avant la décision de condamnation. Si la personne a fait précédemment l'objet de condamnations sous son identité d'emprunt, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris requiert le casier judiciaire d'inscrire ces condamnations sous l'identité réelle et de supprimer toute référence à l'identité d'emprunt.
Chapitre III : Dispositions finales
Article 26
Le présent décret est applicable sur tout le territoire de la République à l'exception des Terres australes et antarctiques françaises.
Article 27
La garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'intérieur, le ministre des outre-mer et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.