Réf. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2021, n° 20-15.361, F-B (N° Lexbase : A45067BI)
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par Marie Le Guerroué
le 01 Décembre 2021
► L’abus de droit de la part d’un mandant qui met fin à ses relations contractuelles avec un avocat n’est pas caractérisé en l’absence d’état de dépendance de l’avocat, de caractère brutal de la rupture, de preuve d’une réduction de capital du cabinet, d'obligation de se séparer de deux collaboratrices, de désorganisation du cabinet et de perte significative du chiffre d'affaires consécutive à la révocation.
Faits et procédure. Une banque, aux droits de laquelle est venue une société, avait mandaté, en 2009, un avocat avec pour mission de représenter ses intérêts dans les actions en responsabilité et en paiement relatives aux affaires dites « Apollonia ». Arguant de la réorganisation interne du groupe de sociétés auquel elle appartient, la société avait mis fin, le 2 octobre 2015, au mandat conféré à l'avocat, s'agissant de la gestion des dossiers relatifs à ce contentieux, avant de le décharger, le 6 janvier 2016, des autres dossiers qu’il gérait dans son intérêt. S'estimant victime d'une révocation abusive de son mandat, l’avocat avait assigné la société devant un tribunal de grande instance aux fins d’indemnisation. Devant la Cour de cassation, l’avocat fait grief à l'arrêt d’appel de le débouter de l'ensemble de ses demandes tendant à « dire et juger » que la société avait rompu brutalement leur relation, de le débouter de ses demandes tendant à réparer ses préjudices financier et moral et de le condamner à verser à la société la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG).
Réponse de la Cour. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par l’avocat, l’arrêt d’appel relève que si, en 2010 et 2011, le chiffre d'affaires de l’avocat, lié aux dossiers Apollonia, a atteint 43 % du contentieux du cabinet, il avait diminué à 26 % en 2013 et 2014 et 28 % sur 9 mois en 2015, ce qui ne peut caractériser un état de dépendance. La décision précise que ce contentieux sériel résultant d’un sinistre, important en nombre de dossiers à son apparition, n’était pas destiné à perdurer dans le temps ce que ne pouvait ignorer l'avocat, de sorte que la rupture, qui est intervenue en 2015, ne peut être qualifiée de brutale. L'arrêt retient également que l'avocat ne démontre pas, contrairement à ce qu'il prétend, qu'il a dû procéder à une réduction de capital, en lien avec la présente affaire, qu'il ne justifie pas davantage avoir été dans l'obligation de se séparer de deux collaboratrices chargées de ce contentieux, que la rupture aurait entraîné une désorganisation du cabinet et qu’enfin, la perte du chiffre d'affaires prétendument consécutive à la révocation n'était pas significative. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui ne s’est pas bornée à relever l’absence d’une situation de dépendance économique et qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a, aux termes d’une motivation détaillée, pu en déduire que l’avocat ne pouvait prétendre à une indemnité, en l'absence d'abus de droit de la part du mandant.
Rejet. Pour la Cour de cassation, le moyen n’est pas fondé. Le pourvoi est rejeté.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La représentation en justice et défense, La révocation de l'avocat, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E36483RK). |
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