Le Quotidien du 18 mars 2021 : Droit pénal spécial

[Brèves] Affaire « Julie » : application immédiate de la loi dite « Schiappa » s’agissant des actes sexuels commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans

Réf. : Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.318, FS-P+I (N° Lexbase : A24634LS)

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N6847BYA

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[Brèves] Affaire « Julie » : application immédiate de la loi dite « Schiappa » s’agissant des actes sexuels commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65940724-breves-affaire-julie-application-immediate-de-la-loi-dite-schiappa-s-agissant-des-actes-sexuels-com
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par Adélaïde Léon

le 24 Mars 2021

► Jugeant que les dispositions de la loi dite « Schiappa », relatives aux actes sexuels commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans, sont de nature interprétative, la Chambre criminelle de la Cour de cassation juge qu’elles s’appliquent immédiatement, même à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur.

Rappel des faits et de la procédure. En août 2010, une mineure dénonçait des faits de viols et d’agressions sexuelles mettant en cause plusieurs sapeurs-pompiers qu’elle aurait subis à compter de janvier, puis d’avril 2009, alors qu’elle était âgée de 10 ans à 15 ans et qu’elle souffrait de troubles psychiques. À l’issue de l’information, les faits de viols et agressions sexuelles sur mineure de 15 ans en réunion, commis en novembre 2009, étaient requalifiés en atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace, ni surprise sur mineure de 15 ans, avec cette circonstance que les faits ont été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices. Il ordonnait un non-lieu pour tous les autres faits dont il était saisi et ordonnait le seul renvoi de trois prévenus pour atteintes sexuelles sur mineure de 15 ans en réunion pour les seuls faits commis en réunion en novembre 2009.

Cette ordonnance a été confirmée par la chambre de l’instruction dans toutes ses dispositions.

La partie civile, ses parents et son frère ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Moyens du pourvoi. Il était notamment fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir, dans son arrêt, confirmé le non-lieu pour viols et agressions sexuelles et s’agissant des prévenus renvoyés, d’avoir requalifié les faits en atteintes sexuelles. Il était également reproché à la juridiction d’appel d’avoir confirmé l’ordonnance disant n’y avoir lieu à suivre du chef d’abstention de porter assistance à personne en péril et de corruption de mineur de moins de 15 ans par utilisation d’un réseau de communications électroniques. Enfin, les parties civiles faisaient grief à la chambre de l’instruction de s’être bornée à retenir l’absence de crédibilité et de fiabilité des témoignages de la victime sans répondre sur ce point aux conclusions de son conseil et d’avoir confirmé l’ordonnance de non-lieu sans tirer les conséquences de ce que de nombreux mis en cause, majeurs, avaient reconnu avoir obtenu des actes  de pénétration sexuelle au détriment de la victime mineure, ce qui aurait dû justifier leur mise en examen du chef d’atteinte sexuelle sur mineurs de 15 ans.

Décision. La Chambre criminelle casse l’arrêt en ses seules dispositions relatives au délit de corruption de mineur ainsi qu’aux dispositions limitant le renvoi d’un des prévenus du chef d’atteinte sexuelle aux seuls faits commis en réunion en novembre 2009.

La Haute juridiction rappelle que pour que le crime de viol et le délit d’agression sexuelle soient constitués, il est nécessaire que les faits aient été commis « avec violence, contrainte, menace ou surprise », cette contrainte pouvait être physique ou morale. À défaut, l’acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans constitue le délit d’atteinte sexuelle. En 2018, la loi dite « Schiappa » (loi n° 2018-703, du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ) était venue préciser, s’agissant des mineurs de 15 ans que la contrainte morale ou la surprise sont caractérisés par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes.

La Cour de cassation répond ici à la question de la rétroactivité de la loi « Schiappa ». Comme l’avait souligné l’avocat général dans son avis oral, « la Cour de cassation ne peut rejuger les faits et l’objet de cette audience n’est pas de savoir si les pompiers mis en cause doivent être renvoyés pour viol devant une cour d’assises. Il s’agit uniquement d’apprécier la conformité de l’arrêt de la chambre d’instruction de Versailles à la règle de droit, et de surcroît […] à la règle de droit telle qu’applicable au moment des faits. »

Par une interprétation conforme à la volonté du législateur telle qu’elle résulte des travaux parlementaires, la Chambre criminelle juge que ces dispositions de la loi « Schiappa », de nature interprétative, ont vocation à s’appliquer immédiatement ainsi qu’à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur. Comme la Cour le précise dans son communiqué, il appartient à la chambre de l’instruction d’appliquer ce texte lorsqu’elle se prononce sur des faits concernant un mineur de 15 ans pour déterminer s’il existe une contrainte morale ou une surprise.

La Cour de cassation rejette par ailleurs le moyen critiquant le non-lieu pour viols et agressions sexuelles estimant que la chambre de l’instruction a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, estimé que la victime disposait du discernement nécessaire et que la contrainte morale n’était pas établie.

Elle casse en revanche l’arrêt en ce qu’il a confirmé le non-lieu pour corruption de mineur aggravée par la minorité de 15 ans car elle estime que les magistrats n’ont pas recherché si les mis en cause savaient que la victime était mineure, connaissance qui aurait suffi à caractériser le délit.

Enfin, estimant que les juges ne pouvaient ignorer que les faits dénoncés avaient débuté au printemps 2009, la Cour casse l’arrêt en ce qu’il a limité le renvoi de l’un des prévenus pour les seuls faits commis en novembre 2009.

Contexte. En ce début d’année 2021, le Président Emmanuel Macron lui-même sommait le Garde des Sceaux d’entamer une consultation afin de renforcer la loi pour mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. Dans la nuit du 15 au 16 mars 2021, l’Assemblée nationale a voté en première lecture un texte en ce sens. Ce texte revenant notamment sur la notion de consentement amènera probablement la Haute juridiction à se prononcer à nouveau sur la loi applicable à des faits antérieurs.

Pour aller plus loin : v. M. Bouchet, Du crime de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans : retour sur une proposition sous le feu des projecteurs, Lexbase Pénal, février 2021 (N° Lexbase : N6465BY4).

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