Le Quotidien du 18 mars 2021 : Baux commerciaux

[Brèves] « Loyers covid-19 » : jouissance paisible, force majeure et acquisition de la clause résolutoire

Réf. : CA Riom, 2 mars 2021, n° 20/01418 (N° Lexbase : A56574ID)

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[Brèves] « Loyers covid-19 » : jouissance paisible, force majeure et acquisition de la clause résolutoire. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/65940685-breves-loyers-covid19-jouissance-paisible-force-majeure-et-acquisition-de-la-clause-resolutoire
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par Vincent Téchené

le 18 Mars 2021

► D’une part, l'inexécution qui découle de l'interdiction administrative d'ouvrir le commerce en raison de l’épidémie de covid-19 ne saurait engager la responsabilité contractuelle du bailleur et le preneur ne peut en tirer argument pour s'exonérer de sa propre obligation ;

► D’autre part, le propriétaire ayant fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 9 juin 2020, le délai expirait le 9 juillet 2020, soit postérieurement à l'expiration de la période d'état d'urgence sanitaire fixée au 23 juin 2020, de sorte que le locataire refusant de payer les loyers des mois d'avril et de mai 2020, le bail s'est trouvé résilié le 9 juillet 2020, soit antérieurement à la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire (N° Lexbase : L6437LXP) et applicable à compter du 11 juillet 2020.

Faits et procédure. Après avoir fait délivrer un commandement à sa locataire d'avoir à lui payer une certaine somme au titre des loyers et charges impayés, commandement resté vain, la propriétaire de locaux commerciaux l'a faite assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire qui, par ordonnance rendue le 23 septembre 2020, a, notamment, constaté que la clause résolutoire mentionnée dans le bail commercial est acquise depuis le 9 juillet 2020, et condamné la locataire à payer une certaine somme au titre des loyers et charges impayés arrêtée en juin 2020.

La locataire a interjeté appel.

Décision. La cour d’appel se prononce successivement sur l’obligation de jouissance paisible, l’exécution de bonne foi du bail, l’exception d’inexécution pour force majeure et, enfin, sur la question de l’acquisition de la clause résolutoire en « période covid-19 », ajoutant sa pierre à l’édifice jurisprudentiel, déjà fourni, relatif à ce que l’on peut nommer les « loyers covid ».

Sur la jouissance paisible. La cour d’appel commence par retenir que l'impossibilité pour la locataire d'exercer son activité dans les lieux n'est pas la conséquence d'un manquement de la bailleresse à son obligation de garantie de jouissance paisible, mais d'une décision de l'autorité qui s'impose à la locataire comme à la bailleresse. Cette dernière ne dispose d'aucun moyen pour interdire elle-même l'accès des locaux loués au public. Si elle doit assurer la jouissance de la locataire, elle ne lui garantit pas que le bail sera fructueux, qu'elle réalisera les profits espérés, cette mesure de fermeture n'affectant pas les lieux loués mais le fonds de commerce, la locataire conservant la possibilité de sous-louer, de stocker sa marchandise, de faire des travaux d'amélioration ou de rénovation.

Sur la bonne foi. Par ailleurs, la cour d’appel relève que la bailleresse n'avait pas exigé le paiement immédiat du loyer dans les conditions prévues au contrat mais avait proposé de reporter des loyers non réglés pendant la période de confinement et de mettre en place à la fin du confinement un échelonnement pour le règlement lesdits loyers jusqu'à la fin de l'année en cours. La bailleresse avait donc exécuté de bonne foi ses obligations au regard des circonstances.

Sur la force majeure. La cour d’appel énonce ensuite que la mise en place d'un fonds de solidarité et de mesures pour reporter ou étaler le paiement des loyers pour une catégorie d'entreprises exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences de la propagation du covid-19, démontre que le législateur ne reconnaît pas le caractère de force majeure à la pandémie. Au demeurant, le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant la force majeure (v. Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-20.306, F-P+B N° Lexbase : A8468MWK).

Dès lors, l'obligation au paiement de la locataire n'est pas sérieusement contestable.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire. Sur ce dernier point, l’arrêt d’appel rappelle que l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), a pour effet d'interdire l'exercice par le créancier d'un certain nombre de voies d'exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
En l’espèce, la propriétaire a fait délivrer un commandement de payer le 9 juin 2020. Ainsi, le délai expirait le 9 juillet 2020, soit postérieurement à l'expiration de la période d'état d'urgence sanitaire fixée au 23 juin 2020.
En outre, le commandement de payer les sommes dues au titre des loyers impayés visait la clause résolutoire contenue dans le bail. Ainsi, pour la cour d’appel, ce commandement étant resté infructueux, la locataire refusant de payer les loyers des mois d'avril et de mai 2020, le bail s'est trouvé résilié le 9 juillet 2020, soit antérieurement à la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire et applicable à compter du 11 juillet 2020.

Observations. Sur la question de la clause résolutoire, on rappellera que selon l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, « les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période [juridiquement protégée] », c'est-à-dire entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. Dans ce cas, la date à laquelle « ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ». Ainsi, comme certains l'ont relevé, « une approche littérale du texte conduit [...] à considérer que la prorogation de l’article 4 ne concerne que les clauses résolutoires visées par un commandement de payer qui accorderait au preneur un délai d’un mois devant expirer durant la période juridiquement protégée, soit avant le 23 juin 2020 minuit » (G. Allard-Kohn et T. Brault, BRDA 12/20). C'est bien en ce sens qu'a statué la cour d'appel de Riom en retenant que le délai expirait, en l'espèce, le 9 juillet 2020.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E504834Q).

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