La lettre juridique n°834 du 3 septembre 2020 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Du droit de porter le foulard et la robe…

Réf. : CA Douai, 9 juillet 2020, n° 19/05808 (N° Lexbase : A94213RD)

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N4311BYC

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par Marie Le Guerroué

le 02 Septembre 2020

► Est légale la délibération du conseil de l’Ordre du barreau des avocats de Lille interdisant tout port de signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique et notamment le port du foulard lors des missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction (CA Douai, 9 juillet 2020, n° 19/05808 N° Lexbase : A94213RD).

Procédure. Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Lille avait notifié à ses confrères la consolidation du règlement intérieur au barreau par l’ajout d’un alinéa 5 à l’article 9-3 relatif aux rapports avec les institutions, désormais, ainsi rédigé : « L’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ». Une élève avocate de l’IXAD avait formé un recours préalable contre cette délibération devant le Bâtonnier du barreau de Lille. Celle-ci avait été rejeté au motif qu’elle n’était pas avocate. Elle formait alors un recours devant la cour d’appel de Douai sollicitant l’abrogation du nouvel alinéa estimant celui-ci discriminatoire et donc contraire aux dispositions législatives en vigueur. Parallèlement, un avocat au barreau de Lille avait également formé un recours préalable contre cette délibération, également rejeté. Il formait également un recours devant la cour d’appel de Douai.

Réponse de la cour. La cour répond, d’abord, que l’appelante ne peut utilement revendiquer à son bénéficie les dispositions de l’article 15 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), alors même que n’étant pas avocate, elle ne peut justifier d’un intérêt professionnel lésé par cette délibération. Le fait qu’elle ait prêté serment afin de pouvoir participer à la formation dispensée par l’IXAD ou que cette école soit directement liée, dans son fonctionnement et son financement, aux barreaux des ressorts de la cour d’appel auxquels elle est rattachée, n’est pas de nature à assimiler l’élève avocat à un avocat, ni à lui conférer la qualité exigée par ce texte. C’est donc à juste titre, pour les juges du fond, que le conseil de l’Ordre a déclaré irrecevable la réclamation de l’élève-avocate, sur le fondement de l’article 15, qui réserve les recours qu’il décrit aux seuls avocats. L’appelante, non-soumise au port de la robe en sa qualité d’élève- avocate, ne peut pas plus se prévaloir d’une violation actuelle de ses droits et libertés reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’elle a pu suivre sa formation tout en portant le foulard et que si elle avait voulu plaider vêtue ainsi aux côtés de son maître de stage devant une juridiction, la délibération litigieuse n’aurait pu l’en empêcher. En l’absence de toute violation actuelle du droit de porter le foulard, elle ne peut invoquer une privation de tout recours effectif à l’encontre de la délibération litigieuse au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1109HYQ).

Sur la compétence du conseil de l’Ordre. La cour répond que si, l’article 21-1 prévoit que le Conseil national des barreaux est l’organe qui dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocats, force est toutefois de constater que le Conseil national des barreaux n’a pas entendu intégrer au Règlement Intérieur de la profession d’avocat des dispositions relatives au costume d’avocat, alors même que la conférence des Bâtonniers avait adopté une résolution relative au port de la robe et signe d’appartenance religieuse ou politique et avait appelé à réglementer l’usage et la forme du costume d’audience notamment en prescrivant l’interdiction d’ajouts personnels à la robe à l’exception des décorations françaises pour les audiences solennelles, et en disposant que les avocats se présentent tête nue dans l’exercice public de leurs fonctions d’assistance et de représentation. Au vu des dispositions législatives rappelés et dès lors que le costume d’audience est une question intéressant l’exercice de la profession des avocats inscrits au barreau de Lille son conseil de l’Ordre était compétent pour modifier son règlement intérieur à ce sujet.

Sur la demande d’annulation. Sur ce point, la cour précise qu'afin de protéger les droits et libertés d’autrui et en l’espèce ceux du justiciable que l’avocat représente ou assiste, chaque avocat dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation se doit d’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit, le port de la robe sans aucun signe distinctif étant nécessaire afin de témoigner de cette disponibilité à tout justiciable. Dès lors, selon la cour, l’interdiction édictée par la délibération litigieuse ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, la liberté qui lui est reconnue de manifester sa religion devant céder, lorsqu’elle intervient comme auxiliaire de justice, concourant au service public de la justice, devant la protection des droits et la liberté du justiciable. L’objectif recherché est ainsi bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des seules missions de l’avocat de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction. En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande d’annulation de la délibération litigieuse.

Rejet. La cour rejette la demande d’annulation de la délibération du conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Lille prise le 24 juin 2019 (V., ETUDE : La qualité d'auxiliaire de justice de l'avocat N° Lexbase : E36283RS et ETUDE : La contestation des délibérations et des décisions du conseil de l'Ordre N° Lexbase : E33993RC in l’Ouvrage « La profession d’avocat »).

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