Le Quotidien du 1 juillet 2020 : Voies d'exécution

[Brèves] Caractère de titre exécutoire des actes notariés d’Alsace-Moselle : fin de la controverse jurisprudentielle

Réf. : Cass. civ. 2, 25 juin 2020, n° 19-23.219, F-P+B+I (N° Lexbase : A33663PD) ; Cass. QPC, 25 juin 2020, n° 19-23.219, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A72423PW).

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 30 Juin 2020

Après avoir interprété par plusieurs arrêts, que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l'exécution forcée immédiate, le présent pourvoi a soulevé des controverses doctrinales et des divergences de jurisprudence entre les cours d'appel de Metz et de Colmar, qui justifient un nouvel examen ;

►La Cour de cassation a donc opéré un revirement de jurisprudence, attendu par les professionnels du droit des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par un arrêt rendu le 25 juin 2020, en énonçant que constitue un titre exécutoire au sens de l’article 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7819LPB), un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

Faits et procédure. Dans cette affaire, deux prêts hypothécaires, ont, par acte notarié, été consentis par le Crédit foncier de France à des époux. En recouvrement des sommes restant dues, il a été signifié au débiteur un commandement de payer à fin d’exécution forcée immobilière portant sur l’un de ses biens. La vente du bien a été requise par voie d’exécution forcée. Une ordonnance rejetant la requête a été rendue par le tribunal d’instance de Metz. La banque a formé un pourvoi immédiat, et le tribunal d’instance a maintenu l’ordonnance déférée et ordonnée la transmission de l’affaire devant la cour d’appel de Metz. Le pourvoi a été déclaré recevable, et a confirmé l’ordonnance.

Le pourvoi. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt rendu le 9 août 2019 par la cour d'appel Metz, de confirmer l'ordonnance par laquelle le tribunal d'instance de Metz a rejeté sa requête en exécution forcée immobilière.

Dans un premier moyen, la demanderesse au pourvoi, invoque par refus d’application la violation l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Elle énonce qu’en vertu de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7819LPB), pris dans sa version antérieure à la loi précédemment citée, que constituent des titres exécutoires « les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ».

Le caractère de titre exécutoire est reconnu lorsque les actes ont pour objet le paiement d’une somme déterminée ou déterminable. La demanderesse énonce que l’article 108 de la loi du 23 mars 2019, reflète une disposition interprétative, dont la finalité porte sur le caractère impérieux d’intérêt général, ayant pour but de restaurer la force exécutoire aux actes notariés de prêt instrumentés par les notaires des trois départements, indiquant dans ce sens l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 18 octobre 1989, (Cass. civ. 2, 18 octobre 1989, n° 88-16.401, publié au bulletin (N° Lexbase : A3776AHC) et en listant des arrêts illustrant démontrant un revirement de jurisprudence (Cass. civ. 1, 4 octobre 2017, n° 16-15.458, F-D N° Lexbase : A2007WUU ; Cass. civ. 2, 17 octobre 2017, deux arrêts, n° 16-26.413, F-D N° Lexbase : A4491WWA et n° 16-19.675, F-D N° Lexbase : A4516WW8).

Les juges d’appel ont retenu que le requérant ne pouvait se prévaloir de la nouvelle rédaction de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d'exécution, compte tenu du fait que sa requête en exécution forcée avait été déposée antérieurement à la publication de la loi du 23 mars 2019, et qu’aucune disposition transitoire relative à son article 108 a été rédigée.

Réponse de la Cour suprême. La Cour suprême énonçant la solution précitée, indique que les actes d’exécution étaient antérieurs au 25 mars 2019, et que la cour d’appel en a exactement déduit que le litige était soumis aux dispositions de l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019. Elle précise également que cet article procédant d'une loi relative aux procédures civiles d'exécution, dépourvue de caractère interprétatif, est d'application immédiate et ne concerne que pour les actes d’exécution forcée postérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Dans un second moyen, la demanderesse au pourvoi, invoque la violation de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7819LPB), ensemble les articles L. 111-2 (N° Lexbase : L5790IRU) et L. 111-6 (N° Lexbase : L5794IRZ) du même code. Elle énonce que la cour d’appel a constaté que selon acte notarié, la banque avait accordé aux époux deux prêts avec l’indication des sommes empruntées, des taux d’intérêts et du nombre de mensualités, avec un tableau d’amortissement en annexe. Les juges d’appel ont retenu que la banque ne se trouvait pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites. Il convient de rappeler que dans cette affaire la banque avait produit un décompte intégrant des éléments postérieurs tels que la déchéance du terme acquise, le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus et de l'indemnité forfaitaire. La demanderesse énonce que ce décompte n’était pas de nature à retirer à l’acte de prêt son caractère d’acte notarié ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour suprême, en sus de la solution précitée, énonce que l’article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC), a modifié l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, en vue de mettre le droit local en conformité avec les règles applicables sur le reste du territoire national, concernant le caractère de titre exécutoire des actes notariés de prêt.

Les Hauts magistrats indiquent qu’aux termes de l'article précité : « dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate. » 

C’est donc à tort que les juges d’appel ont retenu que la créance invoquée à l'appui de la mesure d'exécution forcée immobilière ne résulte pas de l’acte de prêt, relevant que ce dernier portait l’indication de la somme empruntée, du taux nominal des intérêts, du nombre de mensualités, reproduits dans un tableau d'amortissement, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l'indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n'est pas encore fixé. De plus, qu’ils ont également retenu que le décompte déterminé de la créance ne figurait que dans le commandement de payer qui avait été signifié au débiteur. En retenant que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était requise et n’était pas suffisamment déterminée dans l’acte notarié servant de fondement aux poursuites, ils ont violé les dispositions de l’article précité.

Solution de la Cour. Enonçant la solution précitée au visa de l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la Cour suprême casse et annule l’arrêt d’appel.

Question prioritaire de constitutionnalité. Dans le cadre de cette affaire, la banque a tenté de soulever l’inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, dans leur version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Pour rejeter la demande de renvoi, la Cour de cassation, dans un arrêt distinct (Cass. QPC, 25 juin 2020, n° 19-23.219, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A72423PW), énonce que la question posée n’était pas nouvelle et ne présentait pas de caractère sérieux, compte tenu du revirement de jurisprudence effectué par l’arrêt rendu sur le fond.

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