Ayant constaté que l'intéressée avait disposé de procédures lui permettant de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique, la cour d'appel a pu en déduire que l'atteinte portée au droit au respect de sa vie privée, à raison de la déclaration d'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité et, par suite, de la demande d'expertise biologique, n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi, et n'a donc pas méconnu les exigences résultant de la CESDH. Telle est la solution de l'arrêt rendu le 5 octobre 2016 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 5 octobre 2016, n° 15-25.507, FS-P+B+I
N° Lexbase : A9346R4W). En l'espèce, Mme X épouse Y était née en 1946 de Mme B et avait été reconnue en 1965 par M. X, qui l'avait légitimée par son mariage avec sa mère le même jour. Ce dernier était décédé en 2001. En 2005, Mme Y avait été reconnue par M. Z, lequel était décédé en 2006. Un jugement irrévocable du 20 novembre 2007 avait déclaré irrecevable comme prescrite la contestation de la reconnaissance de M. X formée par Mme Y et sa mère et avait annulé la reconnaissance de paternité effectuée par M. Z. Par acte du 29 juillet 2011, Mme Y avait assigné les enfants de M. Z sur le fondement de l'article 327 du Code civil (
N° Lexbase : L8829G9U), afin que soit ordonnée une expertise biologique et que sa filiation avec M. Z soit établie. Elle faisait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes. En vain. La Haute juridiction relève, en premier lieu, que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel n'avait pas déclaré l'action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite, mais avait constaté l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 20 novembre 2007 et, par suite, l'existence d'une filiation définitivement établie faisant obstacle, en application de l'article 320 du Code civil (
N° Lexbase : L8822G9M), à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. En second lieu, la Cour suprême rappelle, d'abord, que si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR), l'obstacle opposé à Mme Y est prévu à l'article 320 du Code civil et poursuit un but légitime en ce qu'il tend à garantir la stabilité du lien de filiation et à mettre les enfants à l'abri des conflits de filiations. Ensuite, l'arrêt relevait que M. X avait reconnu Mme Y en 1965 et avait été son père aux yeux de tous jusqu'à son décès en 2001, sans que personne ne remette en cause ce lien de filiation conforté par la possession d'état ; il ajoutait que Mme Y, elle-même, avait disposé d'un délai de trente ans à compter de sa majorité pour contester la paternité de M. X, ce qu'elle n'avait pas fait, et qu'elle avait hérité de ce dernier à son décès. Approuvant la cour d'appel, la Cour suprême retient la solution précitée.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable