Jurisprudence : Cons. const., décision n° 81-132 DC, du 16-01-1982

Cons. const., décision n° 81-132 DC, du 16-01-1982

A8037ACN

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°81-132 DC du 16-01-1982


Publié au Journal officiel du 17 janvier 1982
Rec. p. 18

Loi de nationalisation


Le Conseil constitutionnel, Saisi le 18 décembre 1981, d'une part, par MM Charles Pasqua, Jean Chérioux, François Collet, Paul Malassagne, Christian de La Malène, Marc Jacquet, Michel Giraud, Raymond Brun, Maurice Schumann, Geoffroy de Montalembert, Edmond Valcin, Michel Alloncle, Sosefo Makapé Papilio, Roger Romani, Michel Maurice-Bokanowski, Henri Collette, Jacques Delong, Maurice Lombard, Michel Chauty, Georges Repiquet, Michel Caldaguès, Lucien Gautier, Adrien Gouteyron, René Tomasini, Jean Amelin, Paul Kauss, Bernard Hugo, Hubert d'Andigné, Yvon Bourges, Jean Natali, Amédée Bouquerel, Marcel Fortier, Marc Bécam, Henri Belcour, Jacques Braconnier, Louis Souvet, Henri Portier, Pierre Carous, Roger Moreau, Jacques Valade, René Touzet, Etienne Dailly, Paul Girod, Raymond Soucaret, Jacques Moutet, Jean-Pierre Cantegrit, Jacques Pelletier, Henri Collard, Charles-Edmond Lenglet, Charles Beaupetit, Charles de Cuttoli, Mme Brigitte Gros, MM Paul Robert, Adolphe Chauvin, Daniel Hoeffel, Alphonse Arzel, Octave Bajeux, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Jean-Marie Bouloux, Raymond Bouvier, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Marcel Daunay, François Dubanchet, Charles Durand, Charles Ferrant, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Alfred Gérin. Henri Goetschy, Marcel Henry, Jean Gravier, Rémi Herment, René Jager, Louis Jung, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Yves Le Cozannet, André Lejeune, Marcel Lemaire, Bernard Lemarié, Louis Le Montagner, Roger Lise, Georges Lombard, Jean Madelain, Kléber Malécot, Daniel Millaud, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Francis Palmero, Paul Pillet, Raymond Poirier, Roger Poudonson, Maurice Prévoteau, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Jean Sauvage, Pierre Schiélé, Paul Séramy, René Tinant, Georges Treille, Raoul Vadepied, Pierre Vallon, Louis Virapoullé, Joseph Yvon, Charles Zwickert, Bernard Laurent, Philippe de Bourgoing, Lionel Cherrier, Richard Pouille, Michel Miroudot, Pierre-Christian Taittinger, Pierre Sallenave, Jean Bénard Mousseaux, Jean-Pierre Fourcade, Modeste Legouez, Jean-Marie Girault, Guy Petit, Albert Voilquin, Serge Mathieu, Louis Lazuech, Michel d'Aillières. Pierre Louvot, Michel Crucis, Bernard Barbier, Pierre Croze, Paul d'Ornano, Jean Chamant, André Bettencourt, Guy de La Verpillière, Roland Ruet, Marcel Lucotte, Michel Sordel, Jean Puech, Paul Guillard, René Travert, Robert Schmitt, Jacques Ménard, Jules Roujon, Jean-François Pintat, Hubert Martin, Louis Martin, Léon Jozeau-Marigné, Louis de la Forest, Henri Olivier, Jacques Larché, Paul Guillaumot, Frédéric Wirth, Marc Castex, Louis Boyer, Jacques Descours Desacres, Henri Torre, Hector Dubois, Jacques Habert, Jean Desmarets, Yves Durand, Roland du Luart, Raymond Bourgine, Charles Ornano, sénateurs,
et, d'autre part, le 19 décembre 1981, par MM Claude Labbé, Marc Lauriol, Roger Corrèze, Pierre Bas, Michel Barnier, Daniel Goulet, Michel Cointat, Michel Debré, François Fillon, Jean Narquin, Edouard Frédéric-Dupont, Charles Miossec, Pierre Weisenhorn, Pierre Raynal, Jean Tiberi, Jean de Préaumont, Lucien Richard, Jean-Paul de Rocca Serra, Jean-Louis Goasduff, Bernard Pons, Yves Lancien, Pierre Sauvaigo, Jacques Marette, Philippe Séguin, Jacques Chirac, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Jacques Godfrain, Maurice Couve de Murville, Emmanuel Aubert, Pierre Mauger, Jacques Toubon, Jacques Chaban-Delmas, Robert Wagner, Michel Péricard, Pierre-Bernard Cousté, Olivier Guichard, Claude-Gérard Marcus, Régis Perbet, Jean-Louis Masson, René La Combe, Georges Tranchant, Georges Gorse, Roland Nungesser, Mme Florence d'Harcourt, MM François Grussenmeyer, Michel Noir, Germain Sprauer, Jean Valleix. Etienne Pinte, Jean Foyer, Pierre-Charles Krieg, Pierre Messmer, Pierre Gascher, Gabriel Kaspereit, Robert-André Vivien, Antoine Gissinger, Jean Falala, Didier Julia, Christian Bergelin, Robert Galley, Camille Petit, Charles Millon, Raymond Marcellin, Raymond Barre, Edmond Alphandery, Jean-Claude Gaudin, Roger Lestas, Claude Birraux, Emile Koehl, Pascal Clément, François d'Aubert, Victor Sablé, François d'Harcourt, Henri Baudouin, Jean Desanlis, Emmanuel Hamel, Jean Rigaud, Marcel Esdras, Maurice Ligot, Alain Madelin, Paul Pernin, Jean Bégault, Marcel Bigeard, Olivier Stirn, Michel d'Ornano, Philippe Mestre, Claude Wolff, Francisque Perrut, Charles Fèvre, Jean-Pierre Soisson, Jean-Paul Fuchs, Henri Bayard, Germain Gengenwin, Jacques Fouchier, Albert Brochard, Jean Proriol, Jean Brocard, Jean Briane, Maurice Dousset, Christian Bonnet, Charles Deprez, Francis Geng, Jacques Barrot, Jean-Marie Daillet, Pierre Micaux, Jacques Blanc, Adrien Durand, Pierre Méhaignerie, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, André Rossinot, Jean Seitlinger, Mme Louise Moreau, MM Bernard Stasi, Gilbert Gantier, Georges Delfosse, René Haby, Alain Mayoud, Georges Mesmin, Gilbert Mathieu, Loïc Bouvard, Yves Sautier, François Léotard, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de nationalisation, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement le 18 décembre 1981 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;

I :
Sur la procédure législative :
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 40 de la Constitution :
Considérant qu'il est soutenu que la loi de nationalisation soumise à l'examen du Conseil constitutionnel aurait été adoptée en méconnaissance de l'article 40 de la Constitution du fait que les dispositions de cet article auraient été opposées à tort à plusieurs amendements et du fait que des amendements auraient été rejetés sans discussion.
Considérant, d'une part, que les amendements dont il s'agit tendaient soit à garantir un taux minimum de 11 p 100 par an pour les intérêts attachés aux obligations données en échange des actions des sociétés nationalisées, soit à prévoir pour l'amortissement de ces obligations une durée inférieure à celle prévue au projet de loi, soit à instituer au profit de certains actionnaires des sociétés nationalisées une indemnité en espèces, soit à aménager les règles sur l'imposition des plus-values d'une façon dérogatoire au droit commun en ce qui concerne celles réalisées lors de la cession d'obligations émises pour l'indemnisation des anciens actionnaires, soit, enfin, à mettre à la seule charge de l'Etat les ressources de la caisse nationale des banques nécessaires à l'indemnisation des anciens actionnaires ;
que chacun de ces amendements aurait eu pour effet d'aggraver une charge publique et que c'est donc par une exacte application de l'article 40 de la Constitution qu'ils ont été déclarés irrecevables.
Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition de la Constitution n'a été méconnue en l'espèce dès lors que les amendements dont il s'agit n'ont pas été indûment déclarés irrecevables, qu'ils ont pu être soutenus et que leur rejet a résulté de votes de l'assemblée devant laquelle ils ont été déposés ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er, alinéa 4, et de l'article 2, alinéa 5, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances :
Considérant qu'il est soutenu que les dispositions de la loi de nationalisation génératrices de dépenses qui affecteront l'équilibre financier de plusieurs années ont été votées en méconnaissance des règles posées par l'article 1er, alinéa 4, et par l'article 2, alinéa 5, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 du fait qu'une loi de finances n'a ni prévu ni évalué ni autorisé ces charges nouvelles ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959, rapprochées des dispositions du titre V de la Constitution, que les règles posées par son article 1er, alinéa 4, et par son article 2, alinéa 5, ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une loi permette des dépenses nouvelles alors que ses incidences sur l'équilibre financier de l'année, ou sur celui d'exercices ultérieurs, n'auraient pas été appréciées et prises en compte, au préalable, par des lois de finances ;
Considérant que la loi de nationalisation ne méconnaît pas ces règles dès lors qu'elle ne permet pas qu'il soit fait face aux charges qu'elle implique sans qu'au préalable les crédits nécessaires pour chacun des exercices en cause aient été prévus, évalués et autorisés par une ou plusieurs lois de finances ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 :
Considérant qu'il est soutenu qu'en prévoyant que la caisse nationale de l'industrie et la caisse nationale des banques émettront des obligations destinées à être remises aux anciens actionnaires à titre d'indemnisation et que ces obligations pourront être utilisées comme moyen de paiement d'une dépense publique, les dispositions de la loi de nationalisation seraient contraires à l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui exige que les émissions d'emprunt fassent l'objet d'une autorisation donnée par une loi de finances et qui interdit, sauf disposition expresse d'une loi de finances, l'utilisation de titres d'emprunt d'Etat comme moyen de paiement d'une dépense publique ;
Considérant que la remise, à titre de paiement, d'obligations aux anciens actionnaires des sociétés nationalisées ne constitue pas une opération d'emprunt au sens de l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
qu'ainsi, les dispositions critiquées, n'entrant pas dans le champ d'application de cet article 15, ne sauraient l'avoir méconnu.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 de la même ordonnance :
Considérant que, contrairement à ce qui est allégué, les ressources de la caisse nationale de l'industrie et de la caisse nationale des banques provenant de la redevance versée par les sociétés nationalisées et dont le montant sera fixé chaque année par la loi de finances n'ont pas à figurer au budget de l'Etat ;
qu'en effet elles constituent des ressources d'établissements publics et non des ressources de l'Etat ;
qu'ainsi les articles 12 et 24 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 74 de la Constitution :
Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la saisine, la loi de nationalisation, en raison des conséquences qu'elle aura sur la vie économique et sociale des territoires d'outre-mer, doit être regardée comme relative à l'organisation particulière de ces territoires et, comme telle, aurait dû, avant son adoption, être soumise à la consultation des assemblées territoriales intéressées ;
Considérant que la loi qui nationalise des sociétés dont le siège social est situé en France métropolitaine ne touche pas à l'organisation particulière des territoires d'outre-mer et, par suite, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 74 de la Constitution ;
En ce qui concerne l'ensemble des moyens relatifs à la procédure législative :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la loi de nationalisation a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;

II :
AU FOND :
Sur le principe des nationalisations :
Considérant que l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame :
"Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression" ;
que l'article 17 de la même Déclaration proclame également :
"La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité" ;

Considérant que le peuple francais, par le référendum du 5 mai 1946, a rejeté un projet de Constitution qui faisait précéder les dispositions relatives aux institutions de la République d'une nouvelle Déclaration des droits de l'homme comportant notamment l'énoncé de principes différant de ceux proclamés en 1789 par les articles 2 et 17 précités.
Considérant qu'au contraire, par les référendums du 13 octobre 1946 et du 28 septembre 1958, le peuple français a approuvé des textes conférant valeur constitutionnelle aux principes et aux droits proclamés en 1789 ;
qu'en effet, le préambule de la Constitution de 1946 "réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789" et tend seulement à compléter ceux-ci par la formulation des "principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps" ;
que, aux termes du préambule de la Constitution de 1958, "le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946".
Considérant que, si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ;
que la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ;
Considérant que l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 dispose :
"Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité" ;
que cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de rendre inapplicables aux opérations de nationalisation les principes susrappelés de la Déclaration de 1789 ;

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