Jurisprudence : Cass. civ. 3, Conclusions, 16-01-2025, n° 23-21.174

Cass. civ. 3, Conclusions, 16-01-2025, n° 23-21.174

A74426QP

Référence

Cass. civ. 3, Conclusions, 16-01-2025, n° 23-21.174. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/114965620-cass-civ-3-conclusions-16012025-n-2321174
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AVIS DE Mme VASSALLO, PREMIÈRE AVOCATE GÉNÉRALE

Arrêt n° 18 du 16 janvier 2025 (FS-B) – Troisième chambre civile Pourvoi n° 23-21.174⚖️ Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Nice du 24 novembre 2022 la société Immobilière pour le commerce et la réparation automobile C/ le préfet des Alpes maritimes _________________

Expropriation - requête en annulation de l'arrêté de cessibilité - art.L.223-2 du code de l'expropriation🏛 - recevabilité du pourvoi

1. Il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure aux écritures du

conseiller rapporteur, il sera seulement précisé que, par ordonnance du 24 novembre 2022, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Nice a déclaré exproprié immédiatement pour cause d'utilité publique au bénéfice de l'établissement public foncier [LOCALITÉ 9] les immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers figurant dans sa décision.

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Par arrêté préfectoral du 22 septembre 2022, les parcelles concernées avaient été déclarées cessibles en application d'une DUP relative à la réalisation de la ZAC [Localité 1]. Cet arrêté a été attaqué, après rejet d'un recours gracieux, devant le tribunal administratif de Nice par un des expropriés, à savoir une filiale du groupe Renault, la société immobilière pour le commerce et la réparation automobile (SIMCRA), la société Renault Retail Group (RRG) qui emploie plus d'une centaine de salariés, louant à cette dernière le terrain et les locaux dans le cadre d'un bail commercial. Le greffe a accusé réception de cette requête le 16 mars 2023. La société immobilière pour le commerce et la réparation automobile (SIMCRA), titulaire d'un bail à construction, a formé un pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation et soutient deux moyens, seul le premier retiendra notre attention.

2. Elle fait grief, dans ce premier moyen, à l'ordonnance d'expropriation d'avoir déclaré immédiatement expropriés les immeubles concernés et d'avoir envoyé l'autorité expropriant en possession, alors selon le moyen que :

l'annulation par le juge administratif de l'arrêté de cessibilité priverait de base légale l'ordonnance d'expropriation prise sur le fondement de l'arrêté de cessibilité du 22 septembre 2022 frappé d'un recours pour excès de pouvoir dès lors que le juge administratif viendrait à annuler cet arrêté (manque de base légale en application des articles L. 1, L. 221- 1 et L. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique🏛🏛). Le pourvoi provoqué formé par les époux [P] reprend les mêmes griefs. Le pourvoi formé contre une ordonnance d'expropriation est il recevable alors que l'arrêté de cessibilité qui lui sert de fondement est attaqué devant la juridiction administrative mais que celle-ci n'a pas encore statué ?

3. La recevabilité d'un pourvoi formé avant que le juge administratif n'ait statué sur l'arrêté de cessibilité 3 - 1 Avant la loi du 2 février 1995🏛 instaurant un nouvel article L.12-5 du code de l'expropriation🏛, dès lors que l'ordonnance d'expropriation était définitive, elle donnait à l'expropriant un titre inattaquable, même en cas d'annulation de l'arrêté de cessibilité (voir par ex. 3e civ., 3 juillet 1969, Bull. 1969, III, n°546). La doctrine a critiqué cet état de fait et a déploré que des expropriations puissent survivre alors que la déclaration d'utilité publique avait été annulée, certains, à l'instar de Louis Favoreu, y voyant même un déni de justice. 1 1

P.Carrias, La fin d'un “déni de justice” D. 1995 chronique p.217, ou encore René Hostiou, D. 1988, p.197;

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Cette situation résulte de l'autonomie des deux phases qui caractérisent la procédure d'expropriation, à savoir la phase administrative à laquelle se rattache la DUP et l'arrêté de cessibilité, et la phase judiciaire qui s'articule autour de l'ordonnance d'expropriation. L'incoordination des deux contentieux (judiciaire et administratif) est à l'origine de la nouvelle rédaction de l'article L.12-5 du code de l'expropriation (devenu L.223-1 et L.223-2) suggérée dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 1991. La pratique prétorienne antérieure de la Cour consistait à surseoir à statuer2 jusqu'à la décision du juge administratif, les pourvois faisaient l'objet d'un retrait du rôle et il appartenait aux parties de rétablir l'affaire une fois la décision administrative définitive intervenue. Dans son rapport annuel pour l'année 1991 (pages 30 et 31), la Cour avait suggéré deux alternatives (voir la loi Barnier du 2 février 1995 et le nouvel article L.12-5 du code de l'expropriation, les petites affiches, 13 mars 1996): - soit priver, sans intervention du juge, l'ordonnance de transfert de propriété de tout effet à l'égard des biens concernés (effet automatique), - soit réserver la possibilité de faire constater par le juge l'annulation de l'ordonnance d'expropriation à tout exproprié qui le souhaiterait (sachant que, dans certains cas, les propriétaires peuvent ne pas souhaiter remettre en cause le transfert) et ajouter à l'article L.12-5 un alinéa prévoyant, en cas d'annulation, le droit de faire constater par le juge de l'expropriation que son ordonnance est dépourvue d'effet. C'est cette seconde solution qui a été retenue. La vision adoptée est celle d'une procédure unitaire de l'opération, l'annulation de la procédure administrative privant de base légale l'ordonnance d'expropriation. 3 - 2 L'article L. 223-2 du code de l'expropriation qui reprend l'article L.12-5 ancien issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, dispose à présent : "Sans préjudice de l' article L. 223-1, en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et demander son annulation. Après avoir constaté l'absence de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété, le juge statue sur les conséquences de son annulation."

Désormais la pratique, aboutissant au même résultat, consiste à prononcer la radiation de l'affaire, voir 3e civ., 26 mai 2010, pourvoi n°09-67.163⚖️; 2

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Tout exproprié peut ainsi, en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance d'expropriation est de ce fait « dépourvue de base légale » ( CE, 3 nov. 2006, n° 293794⚖️, B, Syndicat intercommunal d'assainissement du Nord : “L'article L. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit qu'en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ( ...)” Analyse). L'article R.223-1 du code de l'expropriation🏛 retient explicitement un manque de base légale en cas d'annulation de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité. La décision définitive d'annulation prive donc l'ordonnance d'expropriation de tout effet et le transfert de propriété est rétroactivement annulé. L'article L.223-2 susvisé permet, en cas d'annulation, de ne pas laisser subsister l'ordonnance d'expropriation, mais il revient à l'exproprié, dans les délais impartis, de prendre l'initiative de l'action. L'article L.223-1 auquel il est renvoyé dispose pour sa part, dès lors que l'ordonnance d'expropriation n'est pas définitive: “ L'ordonnance d'expropriation ne peut être attaquée que par pourvoi en cassation et pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme.” Le pourvoi en cassation reste donc ouvert, dans la limite susvisée (incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme), contre l'ordonnance d'expropriation. Il doit à présent être formé dans le délai de droit commun de deux mois (art.612 du CPC🏛). 3 - 3 Quelles sont les conditions d'application de l'article L.223-2 du code de l'expropriation ? L'action doit, aux termes mêmes de l'article précité, émaner de l'exproprié ( CE, 5 juill. 2010, B, n° 309355⚖️, Cne d'Angerville 3), un locataire ne peut en conséquence se prévaloir de la qualité d'exproprié pour soulever l'absence de base légale de l'ordonnance ( Cass. 3e civ., 5 déc. 2007, n° 06-18.682⚖️ 4).

3 “ (...) l'article L. 12-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui permet de faire constater par le juge de l'expropriation, dans les conditions et limites qu'il détermine, que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale par suite de l'annulation de la déclaration d'utilité publique, dès lors que la procédure ainsi instituée ne peut être engagée qu'à l'initiative de la personne expropriée (...)”

“(...) le titulaire d'un bail commercial sur un immeuble ayant fait l'objet d'une ordonnance de donné acte n'est pas un exproprié et n'a ni intérêt ni qualité pour faire constater par le juge de l'expropriation, en application de l'article L. 12-5, alinéa 2, le défaut de base légale de cette ordonnance.(...)”

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Elle doit être introduite dans le délai de deux mois qui court à compter de la notification de la décision administrative annulant l'arrêté de cessibilité ou la DUP (Ccass 3ème 12 juillet 2018 n° 17-15.417⚖️ ). Est-il possible de former un pourvoi en cassation alors que le juge administratif n'a pas encore statué sur le recours en excès de pouvoir formé contre l'arrêté? Dans un premier temps, il avait été jugé que l'ordonnance rendue par le juge de l'expropriation statuant dans le cadre des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.12-5 ne pouvait être attaquée que par la voie du recours en cassation (Cass. 3e civ., 12 mai 1999, n° 98-70.069⚖️). Il est désormais acquis que la faculté donnée à l'exproprié de faire constater par le juge de l' expropriation , en cas d'annulation par le juge administratif de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité, que l'ordonnance portant transfert de propriété se trouve « dépourvue de base légale » ne saurait néanmoins priver celui-ci du droit de former, avant même le prononcé de cette annulation, un pourvoi à l'encontre de cette ordonnance pour en demander la cassation « par voie de conséquence » de l'annulation à intervenir (Cass. 3e civ., 17 décembre 2008 n° 07-17.739⚖️ 5; 12 janvier 2010, n° 08-20.823⚖️ ; 5 novembre 2013 , n° 12-22.436⚖️; 10 mars 2016 n° 1514.014). Il ressort de cette jurisprudence que l'exproprié peut former, avant même que soit prononcée l'annulation par le juge administratif de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité, un pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation et demander la cassation par voie de conséquence de l'annulation à intervenir. Cependant, l'exproprié peut aussi attendre que la décision administrative d'annulation soit définitive et saisir le juge de l'expropriation qui ne pourra que constater l'absence de base légale et prononcer l'annulation de l'ordonnance. Il est à ce titre en état de compétence liée. L'exproprié dispose donc de deux voies distinctes et indépendantes : - saisir le juge de l'expropriation une fois la décision définitive administrative intervenue (voie introduite par la loi de 1995) ; - former par anticipation un pourvoi avant que la décision administrative n'intervienne et demander l'annulation par voie de conséquence (voie plus ancienne).

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La faculté donnée à tout exproprié par les articles L. 12-5 et R. 12-5-1 et suivants du code de l'expropriation, de faire constater par le juge de l'expropriation la perte de fondement juridique d'une ordonnance portant transfert de propriété, en cas d'annulation par une décision irrévocable du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, ne prive pas l'exproprié du droit de former un pourvoi en cassation contre l'ordonnance, pour demander la cassation par voie de conséquence de l'annulation à intervenir.

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Interrogée sur la constitutionnalité de l'article L.12-5 ancien au regard du droit à un recours juridictionnel effectif, du droit de propriété, des libertés d'entreprendre, du commerce et de l'industrie, et de la séparation des pouvoirs entre le domaine législatif et exécutif, la 3ème chambre n'a pas jugé la question sérieuse (Ccass 3ème 13 décembre 2013, n°13-40.057⚖️; 8 juillet 2014, n°14-10.922). Le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi sur le fondement de cet article mais s'est prononcé dans deux décisions n° 2012-292 QPC⚖️ 15 février 2013 et n° 2012-247 QPC, 16 mai 2012, notamment sur les articles L12-1 et L.12-6 anciens du code l'expropriation, notamment sur le droit à rétrocession. S'agissant de la qualité pour saisir le juge de l'expropriation aux fins de constater la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation, l'ordonnance d'expropriation ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier, seuls le propriétaire et le titulaire de ce droit ont qualité pour faire constater une éventuelle perte de base légale. Le preneur à bail du bien dispose, pour ce qui le concerne, « notamment d'une action pour faire fixer ou contester l'indemnité d'éviction à laquelle il a droit » (Cass. 3e civ., 8 juill. 2014, n° 14-10.922⚖️; 29 octobre 2015 n° 14-20.893⚖️). En application de l'article L.251-3 du code de la construction et de l'habitation🏛, le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier permettant à son titulaire d'avoir qualité pour agir. 3 - 4 Au cas présent, la SIMCRA est effectivement titulaire de 3 baux à construction sur un ensemble immobilier d'une superficie de 22 315 m2. La société Renault Retail Group exploite le terrain et les locaux dans le cadre d'un bail commercial. L'ordonnance d'expropriation du 24 novembre 2022 a été notifiée, le 17 juillet 2023, par l'établissement public foncier [LOCALITÉ 9]. Il est mentionné dans cette notification qu'elle a été envoyée par LRAR à la société SIMCRA à [Localité 3]. La déclaration de pourvoi, en date du 15 septembre 2023, faite par cette dernière paraît recevable. Peut-on conserver notre jurisprudence traditionnelle et déclarer recevable ce pourvoi par anticipation ou bien considère-t-on qu'il convient d'attendre le prononcé d'une décision définitive du juge administratif ? En d'autres termes, limite-t-on le recours de l'exproprié au seul article L. 223-2 en interprétant strictement l'article L.223-1 ou bien laisse-t-on subsister notre jurisprudence initiée avant la création de cette seconde voie? Laisser ouverte la voie d'un pourvoi formé par anticipation pourrait, ce que relève le mémoire en défense, encombrer la Cour et laisser en sommeil pendant plusieurs années une affaire qui peut voir sa durée prolongée par l'exercice des voies de recours devant la juridiction administrative. Le Conseil d'état a jugé pour sa part que la circonstance que l'ordonnance d'expropriation n'ait pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation n'a pas pour

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conséquence de priver d'objet la requête en annulation de l'arrêté de déclaration d'utilité publique (CE, 3 novembre 2006, Syndicat intercommunal d'assainissement du Nord, n°293794). Dès lors, refermer la voie traditionnelle serait sans incidence sur les suites de la procédure et ne priverait pas l'exproprié d'une action en restitution de son bien (ou d'une indemnisation en cas de restitution impossible, ce qui peut être le cas lorsqu'un ouvrage public a été construit sur ledit terrain 6). Mais, vos très nombreuses décisions récentes continuent à laisser à l'exproprié la faculté de vous saisir par anticipation ( notamment : Ccass 3ème 11 juillet 2024 n° 23-11.763⚖️; 24 juin 2024 n° 23-14.931⚖️; n° 23-16.930⚖️; 23 mai 2024 n° 23-10.421⚖️ ; 15 février 2024 n° 23-12.388⚖️; 1er mars 2023 n° 21-23.422⚖️; 14 décembre 2022 N° 21-23.829⚖️; 16 novembre 2022 n° 21-22.031⚖️; 26 octobre 2022, n° 2122.459; 2 février 2022 n° 20-22.285⚖️; n° 20-22.288⚖️; 20-22.289⚖️; 8 décembre 2021 n° 20-18.600⚖️; n° 20-20.288⚖️; n° 20-17.412⚖️; 21 janvier 2021 n° 20-13.257⚖️; 17 septembre 2020, n° 19-13.999⚖️; 9 juillet 2020 n° 19-18.949⚖️; 14 mai 2020 n° 19-14.403⚖️). S'agissant de cette coexistence de voies, R. Hostiou relevait (annulation de la DUP et constatation du défaut de base légale de l'ordonnance d'expropriation RFD adm. 2020 p 73) : “Il avait en effet été jugé - très logiquement - que la faculté nouvellement accordée à l'exproprié ne saurait avoir pour effet de priver celui-ci du droit - dont il disposait déjà antérieurement - de former par anticipation, c'est-à-dire avant même le prononcé de l'annulation de la DUP (ou de l'arrêté de cessibilité), un pourvoi à l'encontre de l'ordonnance d'expropriation pour en demander la cassation « par voie de conséquence » de l'annulation à intervenir, la Cour de cassation procédant en pareil cas au retrait du rôle - qualifié désormais de radiation - de l'affaire et celle-ci pouvant ensuite être réinscrite, « à la demande de la personne la plus diligente », une fois l'annulation de la DUP (ou de l'arrêté de cessibilité) définitivement acquise. ”En disposant expressément que les dispositions nouvelles ne préjudicient pas à celles de l'article L. 223 -1, le nouveau code de l' expropriation a clairement avalisé cette jurisprudence. Rien n'interdit par conséquent à l'exproprié de former, dans un premier temps, un pourvoi contre l'ordonnance d' expropriation auprès de la Cour de cassation en arguant de l'annulation future - de la DUP (ou de l'arrêté de cessibilité) et ensuite, dans un deuxième temps, une fois cette annulation définitivement prononcée, de saisir le juge de l' expropriation pour demander à celui-ci de « constater » l'absence de base légale de l'ordonnance aux termes de laquelle il a été privé de la propriété de son bien et de statuer sur les conséquences de cette annulation“7. 6

Voir par ex. 3e Civ., 4 décembre 2013, pourvoi n° 12-28.919⚖️;

Cet auteur, commentant la jurisprudence de la Cour de cassation ultérieure à la loi de 1995, en concluait que “ ces deux voies de droit ne sont nullement exclusives l'une de l'autre et que la faculté offerte à l'exproprié par les dispositions de l'article L. 223-2 ne saurait priver celui-ci du droit de former - avant même le prononcé de cette annulation - un pourvoi à l'encontre de l'ordonnance pour en demander l'annulation « par voie de conséquence » de l'annulation à intervenir ”, René Hostiou, “Au sujet de l'ordonnance d'expropriation : quid du fait qu'au moment où est prononcé le transfert de propriété un recours en annulation ait été intenté à l'encontre de la DUP ?”, RD imm.2017, p.237; voir également René Hostiou, “Questions autour du droit pour l'ancien propriétaire à la restitution d'un bien exproprié dans des conditions irrégulières. Quel juge ? Quel préjudice ?”, 7

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René Hostiou fait également valoir que “le mécanisme mis en place par la loi Barnier est d'inspiration quelque peu différente [du mécanisme ancien]”, ce qui pourrait plaider en faveur de la coexistence des deux voies8. Dans une chronique publiée dans la revue juridique de l'entreprise publique n° 585, mars 2002, chron. 100040, F. Cruz constatait le maintien du recours traditionnel en cassation avant la décision irrévocable du juge administratif. Elle précisait qu'un pourvoi par anticipation restait recevable et que cette faculté reconnue à l'exproprié ne saurait être de nature à le priver d'utiliser la voie traditionnelle dont il disposait antérieurement. Il nous semble que le principal intérêt de la coexistence des deux voies réside dans la possibilité, pour l'exproprié, d'exercer son droit d'accéder à un juge sans attendre, c'est-à-dire de pouvoir rester actif dans le versant judiciaire de son procès. Ce versant judiciaire de la procédure est essentiel, le juge judiciaire étant le “gardien de la propriété privée et [le] garant des intérêts du propriétaire”9. De plus, la dualité de juridictions est de nature à complexifier la procédure10 et à nuire au droit d'accéder à un tribunal au sens de l'article 6$ 1er de la Convention EDH. En fermant la voie traditionnelle, et donc en éteignant une instance susceptible de renaître de ses cendres après un passage du justiciable devant le juge administratif, cela pourrait augmenter le sentiment pour l'exproprié d'être ballotté d'un ordre juridictionnel à un autre, sentiment qui doit être pris en compte au regard des arrêts de la Cour EDH (“Justice must not only be done, but must also be seen to be done”). En définitive, nous concluons au maintien de votre jurisprudence et au prononcé d'un sursis à statuer et d'une radiation, l'affaire pouvant être réinscrite après production de la décision irrévocable intervenue sur le recours formé devant la juridiction administrative. Sur le pourvoi provoqué qui soutient, sans argumenter plus avant, que l'annulation de l'arrêté vaudra erga omnes et entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'ordonnance pour défaut de base légale, il convient de rappeler que l'annulation n'a d'effet qu'à l'égard de l'auteur du pourvoi ( Ccass 3ème 30 novembre 2004 n° 0270.134), si elle devait intervenir, elle ne concernerait que les demandeurs au pourvoi provoqué, à savoir les époux [P]. Nous concluons donc à la recevabilité des pourvois, la faculté donnée à l'exproprié de faire constater par le juge de l'expropriation que son RFDA adm. 2015, p.483; cette analyse est partagée par Pierre Bon, “D'un code de l'expropriation à l'autre”, RFD adm. 2015, p.293; René Hostiou, “Questions autour du droit pour l'ancien propriétaire à la restitution d'un bien exproprié dans des conditions irrégulières. Quel juge ? Quel préjudice ?”, RFD adm. 2015, p.483 8

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JCP éd. G. 1994, n°6, 22207;

René Hostiou, “Du dualisme juridictionnel en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique”, Defrénois 2019, n°17, p.56; 10

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ordonnance est dépourvue de base légale ne le privant pas du droit, avant le prononcé d'une annulation par le juge administratif, de former, même après le décret n 2005- 467 du 13 mai 2005🏛, un pourvoi pour demander la cassation par voie de conséquence de l'annulation à intervenir. Avis de radiation.

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