CAA Bordeaux, 23-01-2023, n° 23BX00106
A17089BU
Référence
Procédure antérieure :
La société Saveurs d'ici, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014.
Par un jugement n° 2000434 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, la société Saveurs d'ici, représentée par Me Carbonnier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- le jugement, qui ne comporte pas les signatures requises, est irrégulier ;
- le jugement est rendu au vu des " autres pièces du dossier " sans précision sur la teneur de ces pièces ni sur la partie qui les a produites et elle n'a pas pu prendre connaissance de ces pièces, en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement ne mentionne pas si les parties ont été informées de la mise en œuvre d'une clôture d'instruction à effet immédiat, en méconnaissance des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative🏛🏛 ;
- le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative🏛 ; le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que l'administration fiscale avait admis, dans son courrier du 3 mai 2018, son éligibilité au dispositif applicable dans les zones franches d'activités ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'avis de vérification ne lui a pas été régulièrement notifié, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales🏛 ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier du dispositif prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts🏛 ; la notion d'activité principale doit s'apprécier au regard du Kbis ou des statuts de la société ;
- l'administration a elle-même reconnu, dans son courrier du 3 mai 2018, qu'elle exerçait une activité principale éligible au dispositif ; elle peut se prévaloir de ce courrier en application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales🏛🏛 ;
- le redressement qui lui a été assigné traduit une grave atteinte à sa liberté de gestion.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;
- le code de justice administrative.
1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative🏛 : " () les présidents de formation de jugement () des cours () peuvent, par ordonnance : () 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens () Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours () peuvent () par ordonnance () après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement () ".
2. La société Saveurs d'ici, qui exerce une activité de production et vente en gros et au détail de plats cuisinés, samoussas, pâtisseries et autres spécialités locales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013 à 2015. Par une proposition de rectification du 21 décembre 2016, confirmée par une décision du 21 avril 2017, l'administration fiscale lui a notifié des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 180 669 euros. Cette somme a été mise en recouvrement par un avis du 29 novembre 2019. Sa réclamation contentieuse présentée le 16 décembre 2019 ayant été rejetée, la société Saveurs d'ici a demandé au tribunal administratif de La Réunion de lui accorder la décharge des impositions supplémentaires ainsi mises à sa charge. Elle fait appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative🏛 : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il résulte de l'examen de la minute du jugement que celle-ci est revêtue des signatures exigées par les dispositions précitées.
5. Si le jugement a été rendu au vu des " autres pièces du dossier ", aucune disposition ni aucun principe ne faisait obligation au tribunal de détailler dans les visas de son jugement la nature de chaque pièce produite au dossier et d'indiquer la partie qui avait produit chacune de ces pièces. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que parmi ces pièces, le tribunal se serait abstenu d'en communiquer certaines en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2 ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " () L'instruction peut également être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue ".
7. Il résulte de l'instruction que par courrier du 23 novembre 2021 adressé par l'application télérecours et reçu le même jour, le conseil de la société Saveurs d'ici a été informé qu'il était envisagé d'inscrire le dossier à une audience qui pourrait avoir lieu au cours du 2ème ou 3ème trimestre 2022. Le courrier, qui reproduit les dispositions utiles des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, indiquait également que si les parties entendaient de produire un nouveau mémoire ou de nouvelles pièces, il était impératif qu'elles le fassent avant le 15 décembre 2021, date à laquelle l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans qu'elles en soient préalablement informées. Le 16 décembre 2021, une ordonnance a fixé la clôture de l'instruction à cette même date et l'audience s'est tenue le 20 septembre 2022. Ainsi, la procédure prévue par les dispositions précitées a été respectée sans qu'y fasse obstacle l'absence de mention dans le jugement attaqué sur ce point.
8. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
9. Le jugement expose précisément les motifs pour lesquels le tribunal a écarté les moyens soulevés devant lui par la société Saveurs d'ici. Si les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que l'administration fiscale avait admis, dans son courrier du 3 mai 2018, son éligibilité au dispositif applicable dans les zones franches d'activités, cette circonstance n'entache pas le jugement d'irrégularité dès lors que ce moyen est inopérant, un contribuable ne pouvant utilement se prévaloir de la position prise par l'interlocuteur départemental au cours de la procédure de rectification sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Sur le fond :
10. Dans sa requête d'appel, la société Saveurs d'ici reprend ses moyens de première instance tirés de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et de ce qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de l'abattement prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dans les zones franches d'activités. Elle n'invoque à l'appui de ces moyens aucun élément nouveau de droit ou de fait. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
11. Dès lors que l'activité principale de la société Saveurs d'ici n'était pas au nombre de celles qui ouvrent droit à l'avantage prévu par l'article 44 quaterdecies du livre des procédures fiscales🏛, la rectification dont elle a fait l'objet, consistant à remettre en cause l'abattement dont elle avait cru pouvoir bénéficier, ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte illégale à sa liberté de gestion.
12. Enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société Saveurs d'ici ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position prise par l'interlocuteur départemental au cours de la procédure de rectification.
13. Il résulte de ce qui précède que la société Saveurs d'ici n'est manifestement pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de La Réunion, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Ainsi, sa requête peut être rejetée par application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de la société Saveurs d'ici est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Saveurs d'ici et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée pour information à la direction régionale de contrôle fiscal du Sud-Ouest.
Fait à Bordeaux, le 23 janvier 2023.
La présidente de chambre,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
No 23BX00106
Article, R222-1, CJA Article, L9, CJA Article, R741-7, CJA Article, R613-1, CJA Article, R611-11-1, CJA Suppléments d'impôt sur les sociétés Jugement irrégulier Avis de vérification Activité principale Statuts d'une société Activité de production Vérification de la comptabilité Visas du jugement Nouveau mémoire Procédures prévues par les dispositions Moyens soulevés devant lui Moyen inopérant