Jurisprudence : TA Dijon, du 25-04-2023, n° 2200995


Références

Tribunal Administratif de Dijon

N° 2200995

2ème chambre
lecture du 25 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril et 22 septembre 2022, la société anonyme (SA) Leroy Merlin France, représentée par la société d'exercice libéral par actions simplifiée Fidal, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises, et des taxes annexes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020, dans les rôles de la commune de Mâcon ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- sa réclamation ne tendait pas à la contestation des coefficients de localisation ;

- elle doit bénéficier, au titre de l'année 2020, des mécanismes de planchonnement et de lissage sur la base d'un coefficient de localisation égal à 1,3, applicable dès l'imposition de 2017, dès lors que la fixation à 1,3 de ce coefficient de localisation à compter de l'imposition due au titre de l'année 2019 ne résulte pas d'un changement de circonstances ou de faits, mais d'une erreur commise par la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels ;

- le refus de lui accorder le dégrèvement sollicité constitue une rupture d'égalité entre les contribuables dont les valeurs locatives ont été correctement évaluées dès l'année 2017, et les contribuables pour lesquels le coefficient de localisation n'a été fixé qu'à compter d'une année ultérieure.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 août et 3 octobre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 9 août 2022 que cette affaire était susceptible, à compter du 26 septembre 2022, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative🏛.

La clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2022 par ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958🏛 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B A,

- et les conclusions de Mme Mélody Desseix, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Leroy Merlin France est propriétaire de locaux commerciaux sis 448 rue Jacquard à Mâcon en Saône-et-Loire, pour lesquels elle a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises et aux taxes annexes à cette taxe, au titre de l'année 2020, à raison d'une somme de 84 375 euros. Par une décision explicite du 24 février 2022, l'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse du 29 décembre 2021 de la société. Par sa requête, la SA Leroy Merlin France demande au tribunal la décharge de cette imposition primitive.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1467 du code général des impôts🏛 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. ".

3. Aux termes du I de l'article 1498 du code général des impôts🏛, dans sa version applicable à l'année 2018 : " La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes du II du même article : " A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II. / B. () 2. Les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés. / () Les tarifs par mètre carré peuvent être majorés de 1,1,1,15,1,2 ou 1,3 ou minorés de 0,7,0,8,0,85 ou 0,9, par application d'un coefficient de localisation destiné à tenir compte de la situation particulière de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation. ". Aux termes du premier alinéa du A du III du même article : " La valeur locative des propriétés ou des fractions de propriété qui présentent des caractéristiques exceptionnelles est déterminée en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété, telle qu'elle serait constatée si elle était libre de toute location ou occupation à la date de référence définie au B du présent III. ".

4. Aux termes du III de l'article 1518 A quinquies du code général des impôts🏛, dans sa version applicable à l'imposition en litige : " Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025 : / 1° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du I est positive, celle-ci est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ; / 2° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du même I est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence. ". Aux termes de l'article 1518 E de ce code🏛 : " Pour les biens mentionnés au I de l'article 1498 : / 1° Des exonérations partielles d'impôts directs locaux sont accordées au titre des années 2017 à 2025 lorsque la différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 en application du présent code et la cotisation qui aurait été établie au titre de cette même année sans application du A du XVI de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010🏛 de finances rectificative pour 2010, dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016, est positive. / Pour chaque impôt, l'exonération est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent 1° pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence. () / 2° Les impôts directs locaux établis au titre des années 2017 à 2025 sont majorés lorsque la différence entre la cotisation qui aurait été établie au titre de l'année 2017 sans application du A du XVI de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 précitée, dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016, et la cotisation établie au titre de cette même année est positive. / Pour chaque impôt, la majoration est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent 2° pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence. ".

5. L'article 34 de la loi du 29 décembre 2010🏛 de finances rectificative pour 2010 modifiée, notamment ses points XVI et XXII, a prévu un processus de révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels retenues pour l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises ainsi que de leurs taxes additionnelles. Cette réforme s'applique à compter du 1er janvier 2017 pour l'ensemble des locaux professionnels, commerciaux et biens divers définis à l'article 1498 du code général des impôts, pour ceux affectés à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du même code🏛 ou spécialement aménagés pour l'exercice d'une activité particulière mentionnée à l'article 1497 du code général des impôts🏛. Aux termes de ce même article, il est prévu, par comparaison avec la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017, des mécanismes de diminution de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2017 et des années suivantes pour atténuer l'augmentation qui en résulte par rapport à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2016, notamment aux articles 1518 A quinquies et 1518 E précités du code général des impôts.

6. Aux termes du II de l'article 1518 ter du code général des impôts, dans sa version applicable aux années 2018 et 2019 : " La commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels prévue à l'article 1650 B peut modifier chaque année l'application des coefficients de localisation mentionnés au 2 du B du II de l'article 1498, après avis des commissions communales ou intercommunales des impôts directs respectivement prévues aux articles 1650 et 1650 A. Les décisions de la commission sont publiées et notifiées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et sont transmises à l'administration fiscale avant le 31 décembre de l'année précédant celle de leur prise en compte pour l'établissement des bases. ". Par une décision du 29 novembre 2018, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) a fixé, pour le département de Saône-et-Loire, après avis de la commission intercommunale des impôts directs (CIID) de la communauté d'agglomération Mâconnais Beaujolais Agglomération, la liste des parcelles affectées d'un nouveau coefficient de localisation à prendre en compte pour la mise à jour permanente des valeurs locatives révisées des locaux professionnels, au titre du II précité de l'article 1518 ter du code général des impôts. Elle a notamment affecté un coefficient de 1,3 aux parcelles de la section BP de la commune de Mâcon.

7. Au soutien de sa demande de décharge des cotisations de cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes à cette taxe, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 dans les rôles de la commune de Mâcon, la société requérante soutient que la circonstance que la CDVLLP de Saône-et-Loire ait décidé de l'application de coefficients de localisation en 2018 à effet en 2019 l'a privée de la possibilité de bénéficier des mécanismes de planchonnement et de lissage mis en place par le législateur pour atténuer l'augmentation de ces taxes due à la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels et qu'en l'absence de changement de circonstances ou de faits, les montants résultant des mécanismes de planchonnement et de lissage doivent être calculés comme si le coefficient de localisation décidé en 2018 avait été appliqué dès l'imposition due au titre de l'année 2017.

8. En premier lieu, dès lors, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 1518 E du code général des impôts déterminent le calcul des exonérations partielles d'impôts directs locaux qu'elles prévoient au 1° de cet article, au titre des années 2017 à 2025, à partir de la seule différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 compte tenu de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et celle qui aurait été établie au titre de cette même année, en l'absence de révision, et d'autre part, que le législateur a prévu la possibilité de modifier les coefficients de localisation prévus au B du II de l'article 1498 du même code chaque année (puis, à compter de 2020, au cours des troisième et cinquième années qui suivent celle du renouvellement général des conseils municipaux), les seules circonstances que de tels coefficients aient été fixés pour la première fois au titre d'une année postérieure à l'année 2017, et que cette modification ne soit pas motivée par un changement de circonstances de fait, sont sans incidence sur le montant des exonérations partielles.

9. Contrairement à ce que soutient la SA Leroy Merlin France, alors que celle-ci ne conteste pas la légalité de la décision du 29 novembre 2018, ayant fixé à 1,3 le coefficient de localisation applicable aux parcelles de la section BP de la commune de Mâcon, il résulte de ce qui vient d'être dit que les seules circonstances que la CDVLLP n'ait à aucun moment, avant le 29 novembre 2018, décidé l'application de coefficients de localisation minorant ou majorant la valeur locative au mètre carré en ce qui concerne ces parcelles de la commune de Mâcon, ainsi que le lui permettaient les dispositions précitées, et qu'il ne soit fait état d'aucun changement de circonstances justifiant l'application de tels coefficients à compter de l'imposition due au titre de l'année 2019, sont, par elles-mêmes, sans incidence, tant sur le montant de l'exonération partielle dont elle bénéficie au titre de l'année 2020 que sur la légalité de la décision d'imposition en litige, dont le principe et le montant sont déterminés dans les conditions de droit et de fait existant à la date de son fait générateur.

10. En second lieu, en soutenant que le refus de lui accorder le dégrèvement sollicité constitue une rupture d'égalité entre les contribuables dont les valeurs locatives ont été correctement évaluées dès l'année 2017, et les contribuables pour lesquels le coefficient de localisation n'a été fixé qu'à compter d'une année ultérieure, la société requérante, eu égard à la portée de son argumentaire ne peut qu'être regardée comme soutenant que la combinaison des dispositions précitées des articles 1518 A quinquies, 1518 E et 1518 ter du code général des impôts, en tant qu'elles permettent de modifier les coefficients de localisation au titre des impositions dues de 2018 à 2026, sans modifier le calcul des atténuations résultant des mécanismes de planchonnement et de lissage, méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt. Un tel moyen ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative🏛. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable et doit, pour ce motif, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la SA Leroy Merlin France à fin de décharge des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises et de taxes annexes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2020 dans les rôles de la commune de Mâcon, doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SA Leroy Merlin France, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Leroy Merlin France est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société anonyme Leroy Merlin France et à la directrice régionale des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Nicolet, président,

Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

M. Hugez, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.

Le rapporteur,

I. A

Le président,

Ph. Nicolet

La greffière,

L. Curot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

lc

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - CONTRIBUTIONS ET TAXES

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.