Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 24-08-2023, n° 22/11590, Infirmation


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4


ARRÊT AU FOND

DU 24 août 2023


N°2023/142


Rôle N° RG 22/11590 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4XP


S.A.S. A


C/


S.A.S. PLEIN SUD

S.A.S. VANDERMERSCH HOLDING


Copie exécutoire délivrée le :

à :


Me Maud DAVAL-GUEDJ


Me Romain CHERFILS


Me Françoise BOULAN


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2022F00242.



APPELANTE


S.A.S. PHARMABEST, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 4] - [Localité 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE, plaidant


INTIMEES


S.A.S. PLEIN SUD prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 6] - [Localité 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Sandrine BOURDAROT COUSY, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant


S.A.S. VANDERMERSCH HOLDING prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3] - [Localité 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Olivier JOUGLA, avocat au barreau du HAVRE, plaidant


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.


Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller


Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 août 2023, après prorogation du délibéré


ARRÊT


Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 août 2023.


Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


* * *


La société Pharmabest a pour objet la fourniture de prestations de service destinées aux officines de pharmacie dans les domaines de :

- gestion des achats et notamment le référencement de laboratoires fournisseurs,

- marketing et communication,

- développement commercial,

- gestion administrative et des ressources humaines,

- informatique.


Les sociétés Plein Sud, Vandermersch Holding et Teroma, qui font partie des premiers actionnaires de la SAS Pharmabest, sont des sociétés de holding, chacune étant liée à une société exploitant une officine de pharmacie affiliée au réseau Pharmabest.


L'assemblée générale des actionnaires de la SAS Pharmabest a voté le 11 mai 2018 l'exclusion des sociétés Plein Sud, Vandermersch Holding et Teroma au motif d'une violation par ces associés d'une obligation de non-concurrence.


Les parties n'ayant pu s'accorder sur la valorisation des actions des actionnaires exclus, la société Pharmabest a saisi le président du tribunal de commerce de Marseille aux fins de désignation d'un expert évaluateur sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil🏛.


Par ordonnance du 8 novembre 2018, le président du tribunal de commerce de Marseille a désigné M. [H] [E] avec mission de :

- convoquer les parties et les entendre en leurs explications,

- se rendre au siège social de la société Pharmabest ou en tout autre lieu qu'il jugerait utile pour les besoins de sa mission,

- se faire remettre tous documents utiles à sa mission,

- déterminer la valeur des actions Pharmabest détenues par Teroma SAS, Plein Sud SAS et Vandermersch Holding SAS en appliquant les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.


L'expert ayant réuni les parties le 18 mars 2019, celles-ci se sont opposées sur la détermination de l'exercice comptable à prendre en considération par l'expert pour le calcul du prix de cession des actions.

L'expert a proposé aux parties une lettre de mission aux termes de laquelle il prévoyait d'effectuer deux chiffrages, l'un fondé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2017 et l'autre sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2018, estimant qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur un différend qui relevait d'une question de droit devant être tranchée par le tribunal.

La société Pharmabest a signé la lettre de mission avec une réserve, affirmant que seul l'exercice 2018 devait être pris en compte par l'expert pour la valorisation des actions conformément à l'article 4 du pacte d'associés.


L'expert a sollicité de la société Pharmabest la communication d'un certain nombre de documents relatifs aux exercices comptables 2016 à 2019.

La société Pharmabest s'étant abstenue de procéder à des communications qu'elle estimait injustifiées, les sociétés Teroma et Plein Sud ont saisi le président du tribunal de commerce statuant en référé afin qu'il soit fait injonction à la société Pharmabest sous astreinte de communiquer à M. [E] les documents nécessaires à son expertise en ce compris ceux nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017.


Par ordonnance du 17 septembre 2020, le président du tribunal de commerce de Marseille a ordonné la communication des pièces demandées par l'expert au titre de l'exercice 2019 et relevant une contestation sérieuse sur le surplus, dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de communication d'éléments comptables relatifs aux exercices 2017 et 2018.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de cette cour rendu le 1er décembre 2021.


Par acte du 18 février 2022, les sociétés Teroma, Plein Sud et Vandermersch Holding ont fait assigner à bref délai la société Pharmabest devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'entendre enjoindre à la société Pharmabest SAS de communiquer à M. [H] [E] les pièces listées dans le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] adressé à la société Pharmabest SAS le 12 mai 2020, nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017 sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.


La société Pharmabest s'opposait aux demandes et demandait au tribunal de juger nulles les clauses de la lettre de mission contraires au pacte d'associés, de déclarer les prétentions des requérantes irrecevables et mal fondées, de dire que l'expert devra respecter la méthode de valorisation du pacte d'associés et les dispositions de l'article 1843-4 du code civil, de rejeter les demandes de pièces non nécessaires ou dont la production est impossible.



Par jugement du 29 juin 2022, le tribunal de commerce de Marseille a :

- enjoint à la société Pharmabest SAS de communiquer à M. [H] [E] les pièces listées dans le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] adressé à la société Pharmabest SAS le 12 mai 2020, nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017 dans les 30 jours suivant la signification du jugement et à défaut sous astreinte de 1000 euros par jour de retard dans le délai d'un mois,

- débouté la société Pharmabest SAS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- laissé les dépens à la charge de la société Pharmabest SAS,

- dit que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.


Le tribunal a considéré que la lettre de mission de l'expert est conforme à l'article 1843-4 du code civil et au pacte d'associés et permettra au tribunal de trancher la question de droit sur l'interprétation de l'article 4 du pacte d'actionnaires, que la société Pharmabest, signataire de la lettre de mission comportant l'engagement des parties de mettre à disposition de l'expert l'ensemble des documents et informations que celui-ci juge nécessaires à l'exécution de sa mission, ne peut s'arroger le rôle de l'expert et sapiteur en choisissant les pièces qu'elle doit communiquer.

Sur la demande de communication des comptes de la société G7 et du GIE G7, que la société Pharmabest prétend ne pas pouvoir produire s'agissant de personnes morales distinctes, le tribunal a retenu que les liens entre la société Pharmabest et la SAS G7 étaient établis par la consultation du site Web de Pharmabest, de ses statuts et du pacte d'associés.

Sur la demande de production du chiffre d'affaires de la société par entité du réseau (pharmacies) et par produits , le tribunal a considéré que la société Pharmabest, qui rétrocédait aux pharmacies les remises qu'elle obtenait auprès des laboratoires et fournisseurs, ne démontrait pas que ces rétrocessions n'étaient pas fonction du chiffre d'affaires de chaque pharmacie ainsi que du volume effectué par celles-ci avec les laboratoires et fournisseurs, de sorte que la société Pharmabest avait forcément connaissance du chiffre d'affaires par entité de son réseau et par produit.



La société Pharmabest a interjeté appel de ce jugement le 12 août 2022 à l'encontre des sociétés Plein Sud et Vandermersch Holding.


Par conclusions déposées et notifiées le 7 avril 2023, la société Pharmabest demande à la cour, vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile🏛🏛, 1843-4, 1128, 1153, 1162 du code civil, L.227-1, L.227-5 du code de commerce🏛, L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution🏛, l'article 1er du protocole n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de :

- annuler et subsidiairement infirmer la décision déférée, le premier juge ayant procédé par défaut de base légale et par violation de l'article 1843-4 du code civil en obligeant la société Pharmabest à communiquer un certain nombre de pièces en violation du cadre strict de la méthode de valorisation stipulée entre les parties ; le premier juge ayant en outre procédé par violation des droits de la défense et des principes directeurs du procès en obligeant sous astreinte la société Pharmabest à réaliser une obligation qui ne lui est pas personnelle, à savoir la communication de pièces qui émanent d'un tiers, et à communiquer des pièces inexistantes,

Statuant à nouveau :

- juger irrecevable les intimées en toutes leurs prétentions tendant à obtenir des pièces dans ce qui s'analyse en une expertise de gestion, en violation de l'autorité de la chose jugée,

- en toute hypothèse débouter les intimées en toutes leurs prétentions, déclarer recevable la société Pharmabest en ses demandes, annuler les clauses de la lettre de mission contraires au pacte d'associés en ce qu'elles prévoient plusieurs valorisations des actions de Pharmabest en violation des statuts et du pacte d'associés de la société Pharmabest, lequel ne prévoit qu'une seule valorisation basée sur le dernier chiffre d'affaires approuvé en AG des associés ; et en particulier les clauses suivantes :

'en revanche, il m'appartient de fournir tous les éléments aux magistrats afin qu'ils puissent fixer la valeur des parts sociales en fonction de la position de droit qu'ils auront retenu.

Pour ce faire je me propose d'effectuer deux chiffrages, l'un fondé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2017 et un second fondé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2018, pour autant que ces comptes aient été arrêtés et approuvés avant la production de mon rapport et à la condition que je dispose du temps nécessaire à leur exploitation'

- juger irrecevables les prétentions des intimées comme se fondant sur un acte nul et de nul effet: les dispositions de la lettre de mission prévoyant une multi valorisation des actions de Pharmabest en violation des statuts et du pacte d'associés de Pharmabest ; et comme violant les dispositions impératives des articles 1103 et 1843-4 du code civil🏛 et des articles L.227-1 et L.227-5 du code de commerce🏛,

En toute hypothèse :

- juger irrecevable les prétentions des intimées dénuées de tout intérêt à agir comme se rapportant à l'exercice clos au 31 décembre 2017 qui est, suivant les propres observations de l'expert, devenu hors sujet,

En toute hypothèse :

- débouter les intimés en toutes leurs demandes fins et conclusions, lesquelles se fondant sur un acte nul et de nul effet : les dispositions de la lettre de mission prévoyant une multi valorisation des actions de Pharmabest en violation des statuts et du pacte d'associés de Pharmabest ; et comme violant les dispositions impératives des articles 1103 et des articles L.227-1 et L.227-5 du code de commerce,

- faire injonction à l'expert de respecter la méthode de valorisation du pacte d'associés qui prévoit une seule valorisation basée sur le dernier exercice de Pharmabest et la dernière valorisation des marques de Pharmabest approuvée en assemblée des associés ; par application stricte des dispositions de l'article 1843-4 du Code civil et du pacte d'associés,

- juger en conséquence qu'aucune pièce autre que celles strictement prévues dans la méthode de valorisation stipulée dans le pacte d'associés, devant être appliquée au dernier exercice approuvé en assemblée générale des associés, soit celui clos au 31 décembre 2020, ne saurait être demandée à la société Pharmabest ; toute demande de pièces non nécessaires à l'application de la méthode de valorisation ainsi stipulée dans le pacte d'associés étant contraire aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil,

Infiniment subsidiairement, pour le cas improbable où la cour ferait droit à la demande de communication de pièces, il conviendra d'aménager cette communication de la façon suivante:

- débouter les intimées à voir enjoindre la société Pharmabest à communiquer sous astreinte les pièces suivantes :

- toutes pièces relatives à la société G7 et au GIE G7,

- le détail mensuel du chiffre d'affaires de la société par entité du réseau (pharmacies) et par produits pour les exercices clos au 31 décembre 2017, 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019 ; ces pièces relevant des sociétés affiliées à Pharmabest et alors qu'aucune obligation contractuelle ne pèse sur les affiliées pour faire remonter ces données chiffrées à Pharmabest,

- dire et juger que la société Pharmabest disposera d'un délai d'un mois courant à compter de la signification de la décision à intervenir pour communiquer les pièces faisant l'objet d'une injonction de communication de faire,

En toute hypothèse :

- condamner in solidum les intimés aux entiers frais et dépens de l'instance, outre au paiement chacune de la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Par conclusions déposées et notifiées le 11 octobre 2022, la société Vandermersch Holding demande à la cour, vu les articles 1843-4, 1103 et suivants du code civil, 121, 122 du code de procédure civile de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 29 juin 2022,

- juger irrecevable et mal fondée la société Pharmabest en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Pharmabest de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société Pharmabest au paiement de la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens, distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence.


Par conclusions déposées et notifiées le 6 avril 2023, la société Plein Sud demande à la cour, vu les articles 1843-4, 1103 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 29 juin 2022,

- débouter la société Pharmabest de toutes ses demandes,

- condamner la société Pharmabest à payer à la société Plein Sud la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Pharmabest aux entiers dépens, avec distraction au profit Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence.


La procédure a été clôturée le 12 avril 2023.



MOTIFS :


Sur la recevabilité des prétentions de l'appelante :


La société Vandermersch Holding soulève l'irrecevabilité des demandes formées par la société Pharmabest devant la cour, soutenant que ces demandes, destinées selon elle à couper court par anticipation à un procès susceptible d'être éventuellement engagé sur la légalité des conclusions du rapport d'expertise, sur la date légale ou conventionnelle à retenir pour établir le rapport et pour valoriser les actions des associés exclus, auraient un caractère purement déclaratoire.


Les prétentions formulées par la société Pharmabest en première instance et reprises devant la cour tendent à combattre les prétentions des sociétés demanderesses à une action en communication de pièces et à remettre en cause à cet effet la validité des clauses de la lettre de mission de l'expert qu'elle estime contraires au pacte d'associés, ainsi que la méthode de valorisation retenue par l'expert et mise en oeuvre par ce dernier.


Les prétentions de l'appelante s'inscrivent en conséquence dans un litige existant, lui conférant un intérêt né et actuel à contester les demandes de communications formées par les parties adverses et à faire trancher, dès avant le dépôt du rapport de l'expert, le litige, déjà exprimé par les parties devant l'expert, portant sur l'interprétation de la convention liant les parties que l'expert est tenu d'appliquer en application de l'article 1843-4 du code civil.


La fin de non-recevoir tirée du caractère prétendument déclaratoire des prétentions de l'appelante sera en conséquence rejetée.


Sur la demande d'annulation du jugement dont appel :


La société Pharmabest sollicite à titre principal l'annulation du jugement dont appel, faisant valoir que le tribunal aurait dénaturé le pacte d'associés, violé les dispositions de l'article 1843-4 du code civil en retenant la possibilité d'une double valorisation des actions et en imposant une méthode contraire au texte et à la loi des parties, en commettant une erreur de droit, en violant les droits de la défense en lui ordonnant de communiquer sous une astreinte conséquente des pièces détenues par des tiers.


Le tribunal, qui a rejeté la demande de la société Pharmabest en annulation de la lettre de mission de l'expert et ordonné la communication de pièces, a appuyé sa décision sur une motivation détaillée et statué dans les limites de ses pouvoirs.

Les critiques développées par l'appelante sont des moyens d'infirmation du jugement et ne caractérisent aucun excès de pouvoir.

La demande d'annulation du jugement sera en conséquence rejetée.


Sur la demande d'annulation des clauses de la lettre de mission de l'expert :


Il résulte des dispositions de l'article 1843-4 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014 applicable au litige que dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné soit par les parties, soit, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.


Ainsi que l'a rappelé le président du tribunal de commerce dans sa décision du 8 novembre 2018 désignant M. [H] [E], l'expertise prévue par l'article 1843-4 n'est pas une mesure d'instruction destinée à éclairer le juge au sens des articles 143 et suivants du code de procédure civile🏛 et l'expert désigné en application de ce texte n'est pas investi d'une mission d'expertise judiciaire au sens des articles 263 et suivants du même code🏛.

Il agit en qualité de tiers estimateur, mandataire commun des parties, et la valeur qu'il détermine s'impose aux cocontractants, sans que les parties ne puissent contester ses conclusions devant le juge, sauf recours en annulation pour erreur grossière de l'expert ou pour fraude.

Lorsqu'il est fait application de la procédure prévue à l'article 1843-4, d'ordre public, seul l'expert a le pouvoir de déterminer la valeur des parts les parties ne peuvent demander au tribunal de se substituer à l'expert et de fixer lui-même la valeur des droits sociaux.


C'est en conséquence à tort que l'expert, dans la lettre de mission du 19 avril 2019, s'est proposé, en l'état de la contestation opposant les parties sur la date d'évaluation des parts sociales, d'effectuer deux chiffrages au motif qu'il lui appartenait de 'fournir tous les éléments aux magistrats afin qu'ils puissent fixer la valeur des parts sociales en fonction de la position de droit qu'ils auront retenue' et les premiers juges, aux termes des motifs du jugement dont appel, ont considéré qu'il était conforme à l'article 1843-4 du code civil que l'expert procède à deux chiffrages permettant au tribunal de trancher entre les deux valorisations proposées.


Il appartenait à l'expert, saisi d'une contestation qu'il estimait excéder ses pouvoirs sur l'interprétation des conventions liant les parties, de surseoir à la poursuite de ses opérations et d'inviter les parties à saisir le tribunal compétent afin de faire trancher préalablement le litige, puis de fixer lui-même la valeur des parts après que la décision judiciaire soit rendue sur l'interprétation des conventions.


En proposant une mission consistant à effectuer deux chiffrages et à fournir tous éléments d'information en vue d'une fixation de la valeur des parts par le tribunal, l'expert a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d'annulation des clauses de la lettre de mission par lesquelles l'expert affirme qu'il lui appartient de fournir tous les éléments aux magistrats afin qu'ils puissent fixer la valeur des parts sociales en fonction de la position de droit qu'ils auront retenue et se propose d'effectuer deux chiffrages, contraires au texte précité.

Le jugement sera infirmé sur ce point.


Sur la demande de communication de pièces :


Le tribunal a enjoint à la société Pharmabest SAS de communiquer à M. [H] [E] 'les pièces listées dans le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] adressé à la société Pharmabest SAS le 12 mai 2020, nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017'.

La décision dont appel n'énonce pas expressément, dans ses motifs ou son dispositif, les pièces concernées par l'injonction et aucune des parties ne produit devant la cour le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] en date du 12 mai 2020.

Les parties demanderesses à l'instance en communication ne précisent pas non plus dans leurs écritures la listes des pièces dont elles sollicitent la communication à l'expert.


Il ressort cependant du dispositif de l'assignation du 18 février 2022 et de celui du jugement dont appel que la communication sollicitée et ordonnée porte sur des pièces 'nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017'.


Dans un rapport d'étape établi le 15 mai 2020, l'expert relève qu'aucune des parties ne conteste que l'évaluation des parts sociales doit se faire sur la base des stipulations de l'article 4 du pacte d'associés.

L'article 16 des statuts de la société Pharmabest renvoie d'ailleurs sur ce point à la convention des parties.


L'article 4 du pacte d'associés intitulé 'méthode de détermination du prix des actions de la société Pharmabest' est rédigé comme suit :


Lorsque sont mises en oeuvre les dispositions de l'article 1843-4 du code civil par application de l'article 13 des statuts (agrément) ou de l'article 16 des statuts (exclusion), un expert est désigné.

La détermination du prix de cession par l'expert est définitive et non susceptible de recours, sauf en cas de fraude ou d'erreur grossière.

L'expert aura pour mission de revoir les documents échangés par les parties et de déterminer le prix de cession conformément aux stipulations du pacte c'est à dire en appliquant la méthode suivante de détermination du prix des actions :


Prix par action = X + Y

Z


X = Valeur de la marque ou des marques exploitées par la société Pharmabest telle que fixée par un expert indépendant chaque année et présentée aux associés lors de l'assemblée d'approbation des comptes de la société. Il sera retenu, pour la détermination du prix de chaque action, à la date à laquelle l'expert désigné par application de l'article 1843-4 du code civil établira son rapport, l'évaluation présentée aux associés lors de la dernière assemblée d'approbation des comptes de la société. En l'absence d'évaluation de la marque ou des marques exploitées par la société Pharmabest présentée lors de la dernière assemblée d'approbation des comptes de la société connue à la date à laquelle l'expert désigné par application de l'article 1843-4 du code civil établira son rapport, ce dernier établira lui-même cette valeur, à la date de son rapport.


Y = 4,5 fois le résultat d'exploitation de la société Pharmabest (Ligne GG de la liasse CERFA 2050 à 2053) + Dotation aux amortissements sur immobilisations (ligne GA), plus ou moins la trésorerie nette de cette société (Valeurs mobilières de placements nettes (ligne CD) + Disponibilités (ligne CF) - Emprunts et dettes auprès des établissements de crédit (ligne DU)).

Il sera retenu, pour la détermination du prix de chaque action, à la date à laquelle l'expert désigné par application de l'article 1843-4 du code civil établira son rapport, les derniers bilans et comptes de résultats présentés aux associés lors de la dernière assemblée d'approbation des comptes de la société.


Z= nombre d'actions de la société Pharmabest.


Il ressort clairement des termes de cet article que les éléments à prendre en compte par l'expert pour la détermination de la valeur des parts sont ceux présentés à l'assemblée générale d'approbation des comptes la plus récente, disponibles à la date à laquelle l'expert rédige son rapport définitif clôturant ses opérations et non pas, comme l'a soutenu à tort la société Plein Sud, ceux existant au jour de l'ouverture des opérations expertales.


L'expert indique, dans un courrier adressé aux conseils des parties le 6 janvier 2022, disposer des éléments d'information relatifs aux exercices 2018, 2019 et 2020.

Le même jour, l'expert a informé le cabinet Roman, qui avait été sollicité comme sapiteur pour déterminer la valeur de la marque de la société Pharmabest au 31 décembre 2017, de ce que sa mission était devenue caduque.


L'injonction de communiquer à l'expert des pièces 'nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017', n'est en conséquence pas fondée.


Selon l'appelante, la liste des pièces réclamées par l'expert suivant courriel du 12 mai 2020 comporterait également des pièces et demandes d'explications relatives aux comptes des exercices 2018 et 2019, relevant d'une véritable expertise de gestion étrangère à la mission de l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil.


Les intimées ne désignent pas précisément les pièces dont elles sollicitent la communication et ne démontrent pas, pour chacune d'entre elles, la nécessité pour l'expert d'en disposer pour déterminer la valeur des parts conformément à la méthode fixée par l'article 4 du pacte d'associés.


De son côté, l'expert se dit en mesure, par courrier adressé aux conseils des parties le 6 janvier 2022, de déposer son rapport définitif et disposer des éléments d'information relatifs aux exercices 2018 à 2020.


Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a enjoint à la société Pharmabest SAS de communiquer à M. [H] [E] les pièces listées dans le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] adressé à la société Pharmabest SAS le 12 mai 2020, nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017, sous astreinte, et l'expert sera invité à établir son rapport définitif ne comportant qu'une seule valorisation établie sur la base des éléments les plus récents dont il dispose, conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil et aux stipulations du pacte d'associés.


Parties succombantes en appel, les sociétés intimées seront condamnées in solidum aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile comme il sera dit au dispositif.



PAR CES MOTIFS :


La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,


Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Vandermersch Holding et déclare la société Pharmabest recevable en ses prétentions devant la cour,


Déboute la société Pharmabest de sa demande d'annulation du jugement dont appel,


Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,


Annule les clauses de la lettre de mission du 19 avril 2019 par lesquelles l'expert énonce qu'il lui appartient de fournir tous les éléments aux magistrats afin qu'ils puissent fixer la valeur des parts sociales en fonction de la position de droit qu'ils auront retenu, et que pour ce faire il se propose d'effectuer deux chiffrages, l'un fondé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2017 et un second fondé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 2018, pour autant que ces comptes aient été arrêtés et approuvés avant la production de son rapport et à la condition qu'il dispose du temps nécessaire à leur exploitation,


Rejette la demande des intimées tendant à ce qu'il soit fait injonction à la société Pharmabest de communiquer à l'expert les pièces listées dans le tableau annexé au courriel de M. [H] [E] adressé à la société Pharmabest SAS le 12 mai 2020, nécessaires à l'évaluation de la marque Pharmabest au 31 décembre 2017,


Invite l'expert à établir et communiquer aux parties son rapport définitif comportant la valorisation des droits sociaux fondée sur les derniers états financiers dont il dispose, arrêtés et approuvés avant la rédaction de son rapport,


Condamne la société Vandermersch Holding et la société Plein sud à payer chacune une somme de 3500 euros à la société Pharmabest en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,


Déboute les parties du surplus de leurs demandes,


Condamne la société Vandermersch Holding et la société Plein sud in solidum aux dépens.


LE GREFFIER LE PRESIDENT

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