Jurisprudence : CA Lyon, 16-02-2023, n° 21/02685

CA Lyon, 16-02-2023, n° 21/02685

A521094Q

Référence

CA Lyon, 16-02-2023, n° 21/02685. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97145444-ca-lyon-16022023-n-2102685
Copier

AFFAIRE PRUD'HOMALE


RAPPORTEUR


N° RG 21/02685 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQTW


[C]

C/

Société H&L PRESTATIONS A DOMICILE


APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT ETIENNE

du 23 Mars 2021

RG : F19/00359


COUR D'APPEL DE LYON


CHAMBRE SOCIALE C


ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023



APPELANTE :


[W] [C]

née le … … … à [Localité 2] DE LA REUNION ([Localité 2])

[Adresse 1]

[Adresse 1]


représentée par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE


(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012470 du 06/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)


INTIMÉE :


Société H&L PRESTATIONS A DOMICILE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]


représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Sidonie LACROIX-GIRARD de la SELARL AKLEA, avocat au barreau de PARIS


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Septembre 2022


Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


- Nathalie PALLE, présidente

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller


ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 16 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 ;


Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


********************


FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :


Mme [C] (la salariée) a été engagée, le 19 juin 2018, par la société H&L Prestations à domicile (l'employeur) suivant un contrat de travail à durée déterminée à terme imprécis et à temps partiel de 2 heures par mois. Son contrat de travail comportait une durée minimale d'engagement de six mois du 19 juin 2018 au 31 décembre 2018 inclus, pour un poste d'aide à domicile, relevant du niveau 1 de la classification de la convention collective des services à la personne.


Le 6 novembre 2018, la société a proposé à la salariée un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2019. Le 6 décembre 2018, la salariée a accepté cette proposition par un courriel. Il n'a pas été établi de contrat de travail écrit. Le 11 juin 2019, la salarié a adressé un courrier à l'employeur dans lequel elle revendique le bénéfice d'un contrat de travail à temps plein, en l'absence de contrat de travail écrit ainsi qu'un rappel de salaire sur cette base.


Le 22 juillet 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif notamment qu'elle devrait être considérée comme travaillant à temps complet et que son employeur ne lui avait pas confié de mission depuis juin 2019. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2019, la société a contesté les motifs de cette prise d'acte.


Par requête du 17 septembre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne afin d'obtenir la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à temps complet ou, à titre subsidiaire, sur la base de 24 heures par semaine, ainsi que la qualification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a sollicité la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité spécifique de requalification, du rappel de salaire à temps complet, des congés payés, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que de l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.


Par jugement du 12 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a :


- débouté la salariée de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,


- requalifié le contrat à temps partiel de 2 heures mensuelles en contrat à temps partiel de 64 heures mensuelles,


- condamné l'employeur à lui payer la somme de 2 591,85 euros à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents (259,18 euros)


- débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.


Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix sur les autres demandes,


La salariée a relevé appel de ce premier jugement, le 27 octobre 2020, sous le numéro RG 20/05923, sur lequel il a été statué par arrêt séparé de la présente cour, le 16 février 2023.



Par jugement du 23 mars 2021, le juge départiteur, après avis des conseillers présents, a :


- constaté que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par la salariée est aux torts exclusifs de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes suivantes :


641,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

64,19 euros à titre des congés payés sur préavis,

173,31 euros à titre d'indemnité de licenciement,

1 283, 84 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- condamné l'employeur à payer à Me [T] la somme de 1 500 euros par application de l'article 37 du code de procédure civile🏛,


- condamné l'employeur aux dépens.



La salariée a relevé appel de ce second jugement le 15 avril 2021, sous le numéro RG 21/02685, objet du présent arrêt.


Dans ses conclusions notifiées le 25 avril 2022 relatives à l'appel du jugement du 23 mars 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la salariée demande à la cour de :


- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 23 mars 2021 en ce qu'il a :

- constaté que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée le 23 juillet 2019 est aux torts exclusifs de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné l'employeur à payer à Me [T] la somme de 1 500 euros selon les modalités prévues à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'aux dépens.


- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :


A titre principal,


- condamner l'employeur à verser à la salariée les sommes suivantes :

- 1 521,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 152,12 euros à titre des congés payés sur préavis,

- 448,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,


A titre subsidiaire,


- condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 1 042,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 104,23 euros à titre des congés payés sur préavis,

- 307,48 euros à titre d'indemnité de licenciement,


Dans les deux cas,


- condamner l'employeur à lui verser la somme de 10 000 euros à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- débouter l'employeur de son appel incident et de toutes ses demandes,


- condamner l'employeur au paiement d'une somme complémentaire de 2 500 euros, au profit de Me [T] en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


La salariée fait valoir que :


- les relations se sont dégradées avec l'employeur à la suite d'un problème qu'elle a rencontré pour se rendre chez une personne ; les jours suivants les interventions prévues ont été supprimées pour le mois d'avril, ne travaillant plus que 6 heures en avril 2019 puis 3,92 heures en mai 2019 et aucune heure en juin 2019 ; qu'elle n'a pas reçu de convocation pour le rendez-vous allégué auprès de la médecine du travail, l'employeur ne justifiant pas l'envoi de cette convocation ; elle n'a reçu aucun planning et n'a pas été informée qu'une intervention devait être réalisée le 1er juillet 2019, c'est pourquoi elle ne s'est pas présentée chez cette personne ; qu'ainsi, les conditions et relations de travail étaient abusives et déloyales lui causant un préjudice liée à l'incertitude de sa situation pendant de nombreux mois,


- la société a commis des manquements graves en utilisant abusivement le contrat à temps partiel pour la maintenir à sa disposition permanente sans lui assurer la moindre garantie, en ne payant pas les salaires afférents au contrat à temps complet, en diminuant drastiquement les missions confiées puis en ne fournissant plus de travail et en lui reprochant de manière injustifié une absence au travail ; que ces manquements justifient la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;


- concernant la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'absence de travail à partir du printemps 2019 a occasionné de graves difficultés financières alors qu'elle a deux enfants à charge qu'elle élève seule, elle n'a pu assurer le paiement intégral de son loyer et a du contracter un emprunt ; que le barème de l'article L.1235-3 du code du travail🏛 ne permet pas une réparation adéquate compte tenu du préjudice qu'elle a subi, c'est pourquoi il doit être écarté.


Dans ses conclusions notifiées le 24 septembre 2021 relatives à l'appel du jugement du 23 mars 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'employeur demande à la cour de :


- déclarer la salariée mal fondée en son appel ;


- le recevoir en son appel incident ;


- réformer le jugement de départage du 23 mars 2021 en ce qu'il a :

- constaté que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :


641,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 64,19 euros au titre des congés payés afférents ;

173,31 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

1 238,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 500 euros selon les modalités prévues à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Statuant à nouveau,


- constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée n'est pas justifiée et produit les effets d'une démission ;


- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes.


- condamner la salariée au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


L'employeur fait valoir que :


- la salariée a expressément accepté de travailler sur une base hebdomadaire inférieure à 24 heures ; qu'elle disposait d'une certaine latitude quant aux horaires qu'elle souhaitait effectuer ; qu'elle avait choisi cette organisation au regard de ses contraintes personnelles, cette flexibilité lui convenant, elle n'a jamais demandé une réévaluation de son temps de travail;


- ses plannings étant établis en fonction de ses besoins et disponibilités, la diminution du temps de travail sur les mois d'avril et mai résulte d'un choix de la part de la salariée, tout comme l'absence de travail, ne se présentant pas à son poste au mois de juillet,


- la salariée ne rapporte pas la preuve de l'exécution déloyale par la société du contrat de travail ; qu'elle a volontairement décidé de ne pas se rendre à sa visite médicale de contrôle et n'a pas honoré des prestations qui étaient planifiées ; qu'elle n'a pas étayé l'existence d'un préjudice.


- concernant la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le barème de l'article L.1235-3 du code du travail ne saurait être considéré comme contraire au principe d'une réparation adéquate.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.



MOTIFS DE LA DECISION


Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail


La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si sont constatés, à l'encontre de l'employeur, des manquements suffisamment graves à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.


Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.


L'écrit de prise d'acte ne fixe pas les limites du litige et la preuve des faits qui fondent la prise d'acte incombe au salarié.


A l'appui de sa prise d'acte, notifiée à l'employeur par courrier du 22 juillet 2019, la salarié invoque l'absence d'un contrat à durée indéterminée écrit, revendique un contrat de travail à temps complet, souligne la variation perpétuelle de ses horaires et de son travail ainsi que l'absence de fourniture de travail depuis juin 2019 ainsi que le reproche infondé de sa prétendue absence le 1er juillet 2019.


La salariée a été embauchée par un contrat de travail à durée déterminée du 19 juin 2018, conclu à temps partiel et à terme non défini pour une durée minimale de six mois du 19 juin au 31 décembre 2018, pour un poste d'aide à domicile, moyennant une durée mensuelle moyenne de travail de deux heures et il est constant qu'à l'issue de ce contrat, le 31 décembre 2018, la relation contractuelle s'est poursuivie à compter du 1er janvier 2019, sans formalisation d'un écrit.


Sur l'utilisation abusive d'un contrat à temps partiel


Le non respect par l'employeur des conditions encadrant le contrat de travail à temps partiel ayant motivé la requalification de la relation contractuelle liant les parties en contrat à temps complet par arrêt rendu ce jour par la présente cour, il est suffisamment démontré que la salariée, dont le contrat conclut à durée déterminée pour une durée de deux heures par mois, effectuait dès le mois de juin 2018, début de la relation contractuelle, puis chaque mois jusqu'en mai 2019, systématiquement un nombre d'heures de travail supérieur à l'horaire contractuel, variable d'un mois à l'autre, et atteignant 81 h 30 en juillet 2018 et 84 h 30 en janvier 2019, sans que l'employeur ne justifie du respect du délai de prévenance contractuel.


En effet l'employeur se prévaut des plannings d'interventions de la salariée sans toutefois offrir la preuve qui lui incombe de ce que ces mêmes plannings avaient été portés à la connaissance de la salariée chaque mois préalablement à ses interventions, les mentions «maladie justifiée» ou «autre congé non rémunéré» qui figurent sur certaines dates des plannings de juillet 2018, août 2018, janvier 2019 et mars 2019, pour des motifs qui par nature ne peuvent être connus à l'avance, tendant à établir qu'ils ont été établis postérieurement aux interventions mensuelles.


Il en résulte que, dans ce contexte, la salariée était maintenue dans un état de précarité et de totale dépendance par l'impossible prévisibilité du rythme et de la quantité de son travail, ce qui constitue déjà un manquement par l'employeur.


Sur le non paiement des salaires afférents à un temps complet


Alors que par courrier de son conseil adressé par lettre recommandée dont l'employeur accusait la reception le 13 juin 2019, la salariée observait qu'en l'absence d'écrit depuis le 1er janvier 2019 la relation salariale était nécessairement à temps complet, qu'elle ne percevait pas une rémunération pour un temps complet et réclamait un rappel de salaire depuis le 1er janvier 2019 au minimum, ainsi qu'une rémunération à venir sur la base d'un temps complet, l'employeur ne procédait à aucune régularisation.


Sur la diminution des missions confiées, l'absence de fourniture de travail et le reproche injustifié d'une absence au travail


La salariée justifie qu'alors que, depuis le début de la relation contractuelle, elle avait effectué entre 20 et 84 heures de travail par mois, l'employeur ne lui confiait plus que 6 heures de travail en avril 2019, 3,92 heures en mai 2019 et plus aucun travail en juin et juillet 2019, alors même que dans un message du 7 mai 2019 (pièce n°14 de l'appelante) elle lui demandait des explications relativement à l'absence de toute intervention et lui rappelait son «besoin de travailler».


Pour toute explication, l'employeur se borne à invoquer les absences injustifiées de la salariée les 29 juin 2019 et 1er juillet 2019, sans toutefois offrir la preuve qu'il lui avait préalablement indiqué les dates et heures des interventions en cause, de même qu'alors qu'il reproche à la salariée pas s'être rendue à la visite médicale de contrôle auprès de la médecine du travail, il ne justifie pas davantage qu'elle avait connaissance de la convocation à s'y rendre.


Par leur nature et leur nombre, les manquements contractuels imputés à l'employeur étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée aux torts exclusifs de l'employeur produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Aussi convient-il de confirmer le jugement sur ce point.


Sur les conséquences financières de la rupture


Compte tenu de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet prononcée par arrêt de la présente cour sur appel du jugement du 12 octobre 2020, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents ainsi que l'indemnité légale de licenciement auxquels la salariée peut prétendre doivent être calculés sur la base d'un taux horaire de 10,03 euros conduisant à un salaire mensuel brut de 1 521,25 euros pour 151,67 heures mensuelles.


Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents


En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail🏛🏛, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.


Par application de l'article L. 1234-1, 2°, du code du travail🏛 et sur la base d'un salaire mensuel de 1521,25 euros bruts, l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle peut prétendre la salariée doit donc être fixée à 1 521,25 euros bruts, à laquelle s'ajoute l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 152,12 euros bruts.


Le jugement est réformé de ce chef.


Sur l'indemnité légale de licenciement


Si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat c'est-à-dire à l'expiration normale du préavis même s'il y a eu dispense de l'exécuter.


Par application de l'article R. 1234-2 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable, sur la base du salaire de 1 521,25 euros bruts et compte tenu de l'ancienneté de la salariée de 1an et 2 mois, incluant un mois de préavis, l'indemnité légale de licenciement due est de 443,69 euros bruts ([1521,25 x 1 /4] + [1521,25x 1/4 x 2/12]).


Le jugement est réformé de ce chef.


Sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif


Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à sa publication, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.


Selon l'article 24, partie II, de la Charte sociale européenne révisée, relative au droit à la protection en cas de licenciement, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement les Parties s'engagent à reconnaître notamment b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.


Eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


Par ailleurs, selon l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT)concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, d'application directe en droit interne, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente Convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.


En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.


Aux termes de l'article L.1235-3-1 du code du travail🏛, l'article L. 1235-3 de ce code est écarté lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.


Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail🏛, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.


ll en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.


Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.


Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, de sorte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée, ainsi que le juge la Cour de cassation par un arrêt du 11 mai 2022, publié au Bulletin (Soc.,pourvoi n° 21-14.490⚖️).


En conséquence, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui prévoient notamment pour un salarié ayant une année complète d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.


Au vu des circonstances de la rupture, de la rémunération mensuelle brute applicable, de l'ancienneté de la salariée et des répercussions de la perte de son emploi sur sa situation économique dont elle justifie, ainsi que de sa situation économique actuelle marquée par des périodes de chômage, le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture doit être indemnisé par la somme 3 042,50 euros à titre de dommages-intérêts.


Le jugement est réformé en ce sens.


Sur les demandes accessoires


Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de l'employeur les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à l'avocat de la salariée, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, une indemnité au titre de l'article 700, 2°, du code de procédure civile🏛.


L'employeur qui succombe dans ses prétentions est condamné aux dépens d'appel.


L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700, 2°, du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,


INFIRME le jugement du 23 mars 2021 en ce qu'il condamne la société H&L Prestations à domicile à payer à Mme [W] [C] les sommes suivantes :

- 641,92 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 64,19 euros au titre des congés payés afférents,

- 173,31 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1 283,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


CONFIRME le jugement du 23 mars 2021 en ses autres dispositions,


Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,


CONDAMNE la société H&L Prestations à domicile à payer à Mme [W] [C] les sommes suivantes :


- 1 521,25 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 152,12 euros au titre des congés payés afférents,

- 443,69 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3 042,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


REJETTE la demande de la société H&L Prestations à domicile au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


CONDAMNE la société H&L Prestations à domicile à payer à Maître [T], avocat, conseil de Mme [W] [C], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700, 2°, du code de procédure civile,


CONDAMNE la société H&L Prestations à domicile aux dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus