TA Versailles, du 06-03-2023, n° 2102302
A11359KA
Référence
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 18 mars 2021, 11 novembre et 23 novembre 2022, M. G A, représenté par l'AARPI Richer et associés, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision par laquelle la directrice de l'établissement public de santé Barthélémy Durant a implicitement rejeté son recours gracieux présenté le 9 décembre 2020 à l'encontre de la décision du 15 octobre 2020 mettant fin à son stage en qualité d'infirmier et le licenciant pour insuffisance professionnelle, ensemble ladite décision ;
2°) de mettre à la charge de cet établissement le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛🏛.
Il soutient que :
- la décision du 15 octobre 2020 a été signée par une autorité incompétente ;
- cette décision, qui doit être regardée comme un licenciement en cours de stage, n'est pas motivée ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- le licenciement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 octobre et 18 novembre 2022, l'établissement public de santé (EPS) Barthélémy Durant, représenté par sa directrice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens sont infondés.
Par une ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction initialement fixée au 12 novembre puis au 21 novembre 2022 a été reportée au 24 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛🏛 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛🏛 ;
- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997🏛🏛 ;
- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010🏛🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gibelin, rapporteur,
- les conclusions de Mme Ghiandoni, rapporteure publique,
- et les observations de Mme F di Schiabica, représentant l'EPS Barthélémy Durant.
1. M. A a été nommé infirmier en soins généraux diplômé d'Etat stagiaire à compter du 3 juin 2019 à l'EPS Barthélémy Durant. La commission administrative paritaire locale s'est prononcée le 8 septembre 2020 en faveur de sa non-titularisation et de son licenciement. Par une décision du 15 octobre 2020, la directrice de l'établissement a décidé de mettre fin à son stage et de le licencier pour insuffisance professionnelle à compter du 1er novembre 2020. M. A a présenté un recours gracieux à l'encontre de cette décision par un courrier du 7 décembre 2020 reçu le 9 décembre suivant, implicitement rejeté. Par la présente requête, il sollicite l'annulation des décisions des 15 octobre 2020 et 9 février 2021.
2. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. I D, adjoint au directeur délégué du site étampois des ressources humaines, des affaires médicales et de la recherche, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, consentie par une décision n° 13.2019 du 4 novembre 2019, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département de l'Essonne n° 028 du 5 mars 2020, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B et de Mme C, dont il n'est pas établi qu'ils n'auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 5 du décret du 29 septembre 2010🏛🏛 portant statut particulier du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière : " I. - Les infirmiers en soins généraux et spécialisés reçus à l'un des concours mentionnés aux articles 6 et 7 sont nommés agents stagiaires par l'autorité investie du pouvoir de nomination et accomplissent un stage d'une durée d'une année. / II. - A l'issue du stage, les agents stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Les agents qui n'ont pas été titularisés à l'issue du stage peuvent être autorisés à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. / Les agents stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas donné satisfaction sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. ". La procédure ainsi instaurée impose qu'à l'issue du stage d'une année, la situation de l'intéressé soit examinée et qu'après avis de la commission administrative paritaire, une décision soit prise pour le titulariser ou le cas échéant pour proroger son stage et à défaut le licencier. En cas de prorogation du stage, celui-ci prend fin de plein droit à l'issue de la période de prorogation. En l'absence de décision expresse de titularisation en fin de stage, l'agent conserve après cette date la qualité de stagiaire, à laquelle l'administration peut mettre fin à tout moment pour des motifs tirés de l'inaptitude de l'intéressé à son emploi.
4. D'autre part, aux termes de l'article 32 du décret du 12 mai 1997🏛🏛 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " () la durée totale des congés rémunérés de toute nature accordés aux agents stagiaires en sus du congé annuel ne peut être prise en compte comme période de stage que pour un dixième de la durée statutaire de celui-ci. ".
5. L'émergence du coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19, particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l'année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l'épidémie. Dans le même temps, l'activité de nombreuses administrations a été réduite aux missions les plus essentielles dans le cadre de la mise en œuvre de plans de continuité d'activité, les agents dont la présence sur leur lieu de travail n'était pas nécessaire à cette fin étant invités à télé-travailler ou, en cas d'impossibilité, pour ceux identifiés vulnérables, étant placés en autorisation spéciale d'absence.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A a bénéficié de la part de son employeur d'une autorisation spéciale d'absence du 1er avril au 1er juillet 2020 en raison de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19. Une telle autorisation d'absence doit en l'espèce être regardée comme relevant des congés rémunérés accordés en sus du congé annuel au sens des dispositions précitées de l'article 32 du décret du 12 mai 1997. Par suite, son stage devait être prolongé, non pas de la totalité de la période au cours de laquelle il a été placé en autorisation spéciale d'absence, soit 92 jours, mais uniquement du nombre de jours d'arrêts de travail excédant le dixième de la durée statutaire du stage, soit 56 jours, le requérant ne justifiant d'aucune autre période de congés rémunérés en sus du congé annuel. Il suit de là que le stage du requérant aurait normalement dû prendre fin au 29 juillet 2020 et qu'après cette date il a conservé la qualité de stagiaire. Dans ces conditions, en mettant fin aux fonctions de l'intéressé à compter du 1er novembre 2020, la directrice de l'EPS Barthélémy Durant, par sa décision du 15 octobre 2020, a prononcé un licenciement pour insuffisance professionnelle en fin de stage. Par suite, les moyens tirés respectivement du défaut de motivation et du vice de procédure pour absence de contradictoire doivent être écartés comme inopérants.
7. En troisième lieu, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquement professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le stage de M. A, qui a débuté le 3 juin 2019, a été prolongé pour tenir compte de ses périodes d'absence et lui permettre d'accomplir la durée statutaire prévue par les textes. Il ressort, par ailleurs, des pièces produites que le requérant a fait l'objet de deux évaluations en janvier et juin 2020, faisant notamment état de difficultés dans la distinction entre toutes les pathologies, l'utilisation et le choix du protocole en fonction de la situation, les conduites à tenir et les traitements utilisés dans le service. Il ressort en outre des pièces du dossier et notamment du courrier électronique de la coordonnatrice générale des soins du 30 septembre 2020 que M. A, en dépit de plusieurs entretiens avec la cadre supérieure de santé et des formations qu'il a effectuées, avait peu progressé à l'issue de son stage, notamment s'agissant des problèmes de communication qui lui étaient reprochés, et que plusieurs incidents confirmant la persistance des difficultés précédemment mentionnées ont eu lieu peu avant la fin du stage. Si M. A produit des attestations de plusieurs collègues, celles-ci, rédigées pour la plupart en des termes identiques, sont peu circonstanciées et, eu égard à leur contenu, ne sont pas de nature à infirmer ces faits. A ce titre, il ressort des pièces produites, en particulier d'une attestation du docteur H, psychiatre au sein de l'unité dans laquelle était affecté M. A, également signée par le docteur E, chef de service, et le docteur J, praticien hospitalier, que le requérant n'a pas pris en compte l'état de santé d'une patiente en phase de rééducation de la marche de façon progressive, qui présentait une limitation de son périmètre de marche en lien avec une intervention vasculaire récente des deux membres inférieurs, et l'a ainsi accompagnée le 9 septembre 2020 à l'extérieur de l'enceinte de l'hôpital alors que cela pouvait lui être préjudiciable. Dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit être écarté.
9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant, pour les raisons précédemment exposées au point 8, que l'insuffisance professionnelle de M. A justifiait un refus de titularisation et son licenciement en fin de stage, la directrice de l'EPS Barthélémy Durant aurait en réalité entendu prononcer à son encontre une sanction disciplinaire. Le moyen sera écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation des décisions de la directrice de l'EPS Barthélémy Durant des 15 octobre 2020 et 9 février 2021 doivent être rejetées ainsi que celles, par voie de conséquence, présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. G A et à l'établissement public de santé Barthélémy Durant.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Mégret, présidente,
Mme Rivet, première conseillère,
M. Gibelin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.
Le rapporteur,
signé
F. GibelinLa présidente,
signé
S. Mégret
La greffière,
signé
Y. Bouakkaz
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.