TA Châlons-en-Champagne, du 31-01-2023, n° 2102660
A82849BG
Référence
► L'élève avocat ayant la qualité d'étudiant, et non de stagiaire de la formation professionnelle, il ne peut bénéficier du revenu de solidarité active.
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2021, complétée par un mémoire enregistré le 14 avril 2022, Mme A C demande au tribunal l'annulation de la décision du 22 novembre 2021 par laquelle le département de la Marne a rejeté son recours préalable obligatoire contre la décision du 27 septembre 2021 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Marne lui a refusé le bénéfice du revenu de solidarité active.
Elle soutient que
- elle n'est pas étudiante ;
- les gratifications perçues lors des stages correspondent à une rémunération, laquelle ne permet pas d'assurer un niveau minimum de revenu ;
- le rejet de la demande de bourse n'est pas fondé sur la tardiveté de la demande ;
- le prêt souscrit pour effectuer un stage à la Réunion s'explique par son appétence pour les matières qu'elle pourrait aborder lors de ce stage ;
- le refus opposé porte atteinte au principe d'égalité.
Par un mémoire enregistré le 28 mars 2022, le département de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que
- le revenu de solidarité active ne vise pas à permettre de conclure des contrats de prêts pour convenances personnelles, alors que la requérante s'est vu opposer le caractère tardif de sa demande de bourse ;
- à supposer que la requérante ne relève pas du statut d'étudiant, elle doit être regardée comme stagiaire, ce qui l'exclut du dispositif de revenu de solidarité active ;
- le versement du revenu de solidarité active à des stagiaires avocat en Ile-de-France ne saurait caractériser une rupture d'égalité dès lors qu'il s'agit de dérogations exceptionnelles accordées sur le fondement des dispositions de l'article L. 262-8 du code de l'action sociale et des familles🏛.
Le président du tribunal a désigné M. B pour statuer sur les litiges relevant de l'article R. 222-13 du code de justice administrative🏛.
Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative🏛.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Cristille, magistrat désigné, a été entendu au cours de l'audience publique, les parties n'étant ni présentes ni représentées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- le code du travail ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991🏛 organisant la profession d'avocat ;
- le code de justice administrative.
1. En vertu des dispositions combinées des articles L. 262-1, L. 262-13, L. 262-16, L. 262-25 et L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles🏛🏛🏛🏛🏛, le revenu de solidarité active, qui a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'insertion sociale et professionnelle, est attribué par le président du conseil départemental ou, par délégation, par les caisses d'allocations familiales et par les caisses de mutualité sociale agricole, lesquelles en assurent également le service et le contrôle dans des conditions fixées par voie de convention.
2. Aux termes de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles🏛 : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : () 3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l'article L. 124-1 du code de l'éducation🏛. () ".
3. Aux termes de l'article L. 124-1 du code de l'éducation : " () Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l'article L. 4153-1 du code du travail🏛, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret. Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil ". Aux termes de l'article L. 612-8 du code du travail : " Les stages en milieu professionnel ne relevant ni de l'article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, telle que définie à la sixième partie du même code, font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement, dont les modalités sont déterminées par décret. Tout étudiant souhaitant effectuer un stage se voit proposer une convention par l'établissement d'enseignement supérieur. Les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation ainsi que les modalités d'encadrement du stage par l'établissement d'origine et l'organisme d'accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage ".
4. Il résulte des dispositions du décret susvisé en date du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que les personnes inscrites aux formations des centres régionaux de formation professionnelle ont le statut d'élève, l'inscription impliquant d'ailleurs l'acquittement de frais d'inscription et l'émission d'une carte d'élève nominative. Par ailleurs, les stages obligatoires à effectuer dans le cadre de cette formation correspondent aux définitions posées par les dispositions citées au point 3, l'élève avocat a donc la qualité d'étudiant. Ainsi, quand bien même cette formation serait susceptible, après son achèvement, de permettre au requérant d'exercer la profession d'avocat et donc potentiellement d'obtenir un emploi, elle ne constitue pas une activité de formation professionnelle au sens des dispositions précitées du code du travail.
5. Mme C, dans le cadre d'une formation d'avocat à l'école de formation professionnelle des barreaux de la Cour d'appel de Paris, a sollicité le bénéficie du revenu de solidarité active pendant la durée d'un stage gratifié à la Cour d'appel de Reims. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'elle y avait le statut d'étudiante, ce qui fait obstacle à ce qu'elle puisse prétendre au bénéfice du revenu de solidarité active. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un statut de stagiaire rémunéré de la formation professionnelle, et le motif pour lequel une bourse lui a été refusée de même que les raisons pour lesquelles elle a souscrit un prêt en vue d'effectuer un stage à la Réunion sont sans incidence sur ses droits au revenu de solidarité active.
6. A supposer que d'autres élèves avocats aient bénéficié du revenu de solidarité active, ce que la requérante n'établit au demeurant d'aucune manière ni concernant certains départements d'Ile-de-France ni concernant le département de la Marne, cette situation ne saurait révéler une rupture d'égalité qui créerait un droit au revenu de solidarité active en faveur de Mme C, les départements pouvant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 262-8 du code de l'action sociale et des familles, accorder une dérogation aux étudiants de plus de 25 ans ayant la charge d'un ou plusieurs enfants.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C doit être rejetée.
Article 1er : La requête de Mme C est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A C et au département de la Marne.
Copie en sera adressé à la caisse d'allocations familiales la Marne.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
Le magistrat désigné,
signé
P. BLe greffier,
signé
A. PICOT
No 2102660