Jurisprudence : CA Paris, 4, 6, 18-11-2022, n° 19/22384, Infirmation partielle

CA Paris, 4, 6, 18-11-2022, n° 19/22384, Infirmation partielle

A06368XT

Référence

CA Paris, 4, 6, 18-11-2022, n° 19/22384, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90389952-ca-paris-4-6-18-11-2022-n-19-22384-infirmation-partielle
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 6


ARRET DU 18 NOVEMBRE 2022


(n° /2022, 20 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22384 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBD4T


Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 13/11060



APPELANTE


SAS KILIC BATIMENT Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 8]


Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée de Me Jean-Philippe ALVES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 702


INTIMES


Monsieur [B] [Aa] (désistement par ordonnance du 14 avril 2022)

[Adresse 2]

[Localité 5]


Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090


ASSOCIATION CULTUELLE DE LA GRANDE MOSQUEE DE [Localité 8] [Localité 10] (ACGMCM) Association loi 1901 à but non lucratif

[Adresse 3]

[Localité 8]


Assisté et représentée par Me Jean-Pierre KARILA de la SELAS KARILA SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0264


Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS MAF ès-qualités d'assureur de Monsieur [Ab] [Aa]

[Adresse 1]

[Localité 6]


Non assistée, non représentée (régulièrement assignée - à personne-)



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président

Mme Valérie GEORGET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Alexandra Pélier-Tétreau dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN


ARRET :


- réputé contradictoire


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement fixé au 21 octobre 2022 puis prorogé au 18 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.



FAITS & PROCÉDURE


L'Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10] (ci-après l'A.C.G.M.C.M.), fondée par huit associations, a pour objet d'assurer l'exercice du culte musulman, de pourvoir en tout ou partie aux frais et besoins pour l'exercice du culte ainsi que divers services et activités qui peuvent s'y rattacher et de représenter les musulmans de [Localité 8].


Dans ce cadre, elle a confié la réalisation de travaux de construction d'une mosquée à [Localité 8] aux intervenants suivants :

- M. [B] [Aa], architecte, en qualité de maître d'oeuvre, assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (Maf),

- la société Kilic Bâtiment, en qualité d'entreprise générale,

- la société Alfa Engineering, en qualité de bureau d'études techniques,

- la société Bureau Veritas, en qualité de bureau de contrôle technique des travaux,

- la société Les Coordinateurs Associés, en qualité de coordinateur en matière d'hygiène, santé et sécurité.


Aux termes de la lettre de commande du 18 mai 2009, le montant total des travaux confiés à la société Kilic Bâtiment s'élève à la somme de 5 000 000 euros HT.


Ce document précise que le prix 'en consistance et prestations, s'entend hors taxes, valeur février 2006. Il est réputé ferme, forfaitaire, actualisable et révisable'.


Il stipule également que les travaux sont réglés après validation par 1'architecte d'une demande d'acompte mensuelle remise sous la forme d'une situation de travaux.


La société Kilic Bâtiment a adressé à l'A.C.G.M.C.M. trois demandes d'acomptes sous forme de situations de travaux en date des 22 juin 2009, 21 juillet et 31 août 2009 pour les montants respectifs suivants : 151 572,64 euros TTC, 188 634,84 euros TTC et 372 636,42 euros TTC.


Par lettre du 14 décembre 2009, la société Kilic Bâtiment a rappelé à 1'A.C.G.M.C.M. qu'elle devait payer les sommes des deux dernières situations de travaux et qu'elle devait fournir une garantie bancaire.


Par lettre du 7 janvier 2010, l'association ABCD (faisant partie de la Fédération Française du Bâtiment région Paris Ile-de-France), mandatée par la société Kilic Bâtiment aux fins de recouvrement, a mis en demeure la débitrice de régler à cette dernière la somme de 561 271,26 euros TTC et de lui fournir les garanties bancaires réclamées.


Le 9 juin 2010, la société Kilic Bâtiment a fait assigner l'A.C.G.M.C.M., M. [H] [F] [O] en sa qualité d'ancien président de l'A.C.G.M.C.M., ainsi que huit associations en qualité de membres fondateurs de l'A.C.G.M.C.M. (l'association islamique et culturelle de [Localité 8], l'association culturelle franco-marocaine, l'association des citoyens nord-africains de [Localité 8], l'association dite 'Espoir Méditerranée', l'association interculturelle de [Localité 8], l'association du Millî Görüs de [Localité 10] - sise [Adresse 4], l'association de la communauté islamique du Millî Görüs de France et la Fédération des centres culturels turcs) devant la juridiction des référés de Bobigny à laquelle elle a demandé notamment la condamnation de l'A.C.G.M.C.M. à lui payer la somme de 561 271,26 euros, à lui fournir une garantie bancaire sous astreinte à hauteur du montant du marché, soit 5 000 000 euros HT, ainsi que de déclarer commune l'ordonnance à intervenir à l'ensemble des membres fondateurs de l'A.C.G.M.C.M.


Par ordonnance en date du 8 octobre 2010, le juge des référés a ordonné une expertise et a désigné M. [K] [Ac], en qualité d'expert, avec notamment pour mission de 'dresser un état de la situation, de rechercher d'éventuelles responsabilités et de faire le compte entre les parties'.


Par actes séparés des 30 et 31 juillet, 2, 6, 21 et 22 août 2013, la société Kilic Bâtiment a fait assigner au fond l'A.C.G.M.C.M. et ses membres fondateurs afin que soit ordonné un sursis à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.


L'expert a déposé son rapport en l'état le 12 novembre 2013.


Par conclusions notifiées par communication électronique le 4 septembre 2014, la société Kilic Bâtiment a demandé au tribunal de condamner solidairement l'A.C.G.M.C.M. représentée par Me [R] [I] en qualité d'administrateur provisoire, avec l'ensemble de ses membres fondateurs, à lui payer les sommes de :

- 561 271,26 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception, valant mise en demeure du 14 décembre 2009,

- 1 631 618,62 euros au titre des indemnités dues contractuellement, conformément aux dispositions de l'article 13 du contrat avec intérêts au taux légal également à compter du 14 décembre 2009,

- 30 000 euros sur le fondement de la résistance abusive,

- 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Par ordonnance sur requête du juge de l'exécution en date du 26 juillet 2013, la société Kilic Bâtiment a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le terrain appartenant à l'A.C.G.M.C.M.


Cette inscription a été régularisée auprès de la conservation des hypothèques de [Localité 9], 8ème bureau, le 29 juillet 2013, volume 2013 V N°2640, et a été renouvelée en juillet 2016.


Par acte du 11 juin 2017, l'A.C.G.M.C.M. a appelé en garantie M. [B] [Aa] et son assureur, la Maf.


Les deux procédures ont été jointes.


Par ordonnance du ler juin 2017, le juge de la mise en état a :

- rejeté la demande d'expertise sollicitée par l'A.C.G.M.C.M.,

- condamné l'A.C.G.M.C.M. à verser à la société Kilic Bâtiment la somme provisionnelle de 360 611,06 euros,

- réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles et les dépens.


Par jugement réputé contradictoire rendu le 23 septembre 2019, le tribunal de de grande instance de Bobigny a :


- Déclaré irrecevable l'exception de nullité soulevée par l'association Millî Görüs de [Localité 8]-[Localité 10] et la Communauté islamique du Millî Görüs de France,

- Mis hors de cause Me [R] [I],

- Rejeté la demande de mise en hors de cause de l'association islamique et culturelle de [Localité 8] et de l'association Espoir Méditerranée,

- Relevé que la société Kilic Bâtiment renonce à la mise hors de cause de l'association de Millî Görüs de [Localité 8]-[Localité 10],

- Déclaré le rapport d'expertise judiciaire de M. [K] [Ac] du 12 novembre 2013 opposable à l'association islamique et culturelle de [Localité 8] et à l'association Espoir Méditerranée,

- Débouté l'association islamique et culturelle de [Localité 8], l'association Espoir Méditerranée, la communauté islamique de Millî Görüs de France et l'association Millî Görüs de [Localité 8]-[Localité 10] de leur demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire établi par M. [K] [Ac] le 12 novembre 2013,

- Débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de nouvelle expertise judiciaire,

- Condamné l'A.C.G.M.C.M. à payer à la société Kilic Bâtiment la somme de 360 611,06 euros

TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du l4 décembre 2009 date de la première mise en demeure,

- Prononcé la résiliation unilatérale du marché de travaux du l8 mai 2009 aux torts exclusifs de

l'A.C.G.M.C.M.,

- Débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat,

- Déclaré recevable l'appel en garantie de l'A.C.G.M.C.M à l'encontre de M. [Aa] [J],

- Débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de dommages et intérêts au titre de la démolition reconstruction des fondations,

- Débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de dommages et intérêts au titre du surcoût de la construction de la grande mosquée de [Localité 8] et [Localité 10],

- Condamné l'A.C.G.M.C.M. à payer à M. [Ab] [Aa] la somme de 12 196,80 euros HT outre la TVA en vigueur, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- Débouté M. [B] [Aa] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat d'architecture,

- Débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

- Condamné l'A.C.G.M.C.M. à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 :


la somme de 6 000 euros à la société Kilic Bâtiment,

la somme de 3 000 euros à M. [Aba] [J],

la somme de 1 500 euros à la société Maf,


- Rejeté les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné l'A.C.G.M.C.M. aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛,

- Ordonné l'exécution provisoire.


***



Par déclarations en date du 4 décembre 2019, la société Kilic Bâtiment a interjeté appel du jugement, intimant l'A.C.G.M.C.M., M. [B] [Aa] et la Maf devant la cour d'appel de Paris, et l'A.C.G.M.C.M. a interjeté appel du jugement, intimant la société Kilic Bâtiment, M. [B] [Aa] et la Maf.


La jonction des deux instances a été prononcée le 10 septembre 2020.


***


Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, la société Kilic Bâtiment, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil🏛, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, des articles 1153 et 1154 anciens du code civil🏛🏛, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des articles 699 et 700 du code de procédure civile🏛🏛, de :


- Juger qu'elle est aussi bien fondée que recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel ;

- Juger l'A.C.G.M.C.M. - Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10] irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes et conclusions d'appel incident ;


En conséquence,

- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a :


prononcé la résiliation unilatérale du marché de travaux du 18 mai 2009 aux torts exclusifs de l'A.C.G.M.C.M. ;

condamné l'A.C.G.M.C.M. à payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le coût du rapport d'expertise judiciaire ;


- Infirmer le jugement en ce qu'il :


a cantonné le montant des condamnations sollicitées au titre du marché de travaux liant les parties à la somme de 360 611,06 euros ;

l'a déboutée de sa demande d'attribution de l'indemnité contractuelle prévue au contrat ;

l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en raison de l'abus de procédure ;


Statuant de nouveau,

- Juger qu'elle apporte la preuve, eu égard à l'état d'avancement des travaux, qu'elle demeure créancière d'une somme de 584 540,18 euros TTC au titre du solde de la lettre de commande du 18 mai 2009 ;

- Juger qu'elle justifie d'un préjudice qui fonde l'octroi de l'indemnité contractuelle prévue au contrat et qui ne peut être simplement réparé par l'octroi des intérêts moratoires ;

- Juger qu'elle a subi un préjudice par la réticence abusive de l'A.C.G.M.C.M., qui n'a toujours pas réglé en cause d'appel les condamnations prononcées à son encontre, ;

- Condamner l'Association dénommée A.C.G.M.C.M. - Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10], à lui payer les sommes suivantes :


584 540,18 euros en règlement du solde des sommes dues au titre de la lettre de commande du 18 mai 2009 ;

1 631 618,62 euros au titre d'indemnités dues contractuellement conformément aux dispositions de l'article 13 du contrat ;

30 000 euros en réparation du préjudice causé du fait de sa résistance abusive autant qu'injustifiée ;


- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a assorti les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009, date de la mise en demeure,


En toutes hypothèses,

- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de nouvelle expertise ;

- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de dommages et intérêts au titre de la démolition reconstruction des fondations et du surcoût de construction ;

- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté les membres de l'A.C.G.M.C.M. en leurs demandes visant à voir prononcer l'inopposabilité et/ou la nullité du rapport d'expertise à leur encontre ;

- Confirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a décidé que la décision à intervenir sera rendue commune et opposable à :


L'association Culturelle Islamique Franco-Marocaine,

L'association des Citoyens Français Nord Africains de [Localité 8],

L'association dite « Espoir Méditerranée »,

L'association Islamique et Culturelle de [Localité 8],

L'association Interculturelle de [Localité 8]- sous-Bois,

La Communauté islamique du Millî Görüs de France,

L'association Millî Görüs de [Localité 10] (AMG-CM),

La Fédération des Centres Culturels Turcs ;


- Condamner l'Association dénommée A.C.G.M.C.M. - Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10] à payer à la société Kilic Bâtiment SAS la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens dont distraction opérée conformément à l'article 699 du code de procédure civile🏛 ;

- Dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 décembre 2009, avec capitalisation, par application des articles 1153 et 1154 anciens du code civil🏛🏛.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, l'Association dénommée A.C.G.M.C.M. - Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10], intimée, demande à la cour de :


Sur ses demandes :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :


a prononcé la résolution unilatérale du marché de travaux du 18 mai 2009 à ses torts exclusifs ;

l'a déboutée de sa demande de nouvelle expertise ;

l'a déboutée de sa demande de voir computer les intérêts de droit sur la somme de 360 611,06 euros TTC à compter du 12 novembre 2013 ;

l'a déboutée de la demande de paiement d'une indemnité provisionnelle de 1 500 000 euros ;

a écarté sa prétention quant à l'existence d'un trop perçu d'honoraires de M. [Aa] de 71 878 euros TTC ;


Et statuant à nouveau :


1°/ Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation unilatérale du marché de travaux du 18 mai 2009 à ses torts exclusifs :

Vu le compte rendu de chantier n°7 du 3 septembre 2009

Vu le compte rendu de la réunion tripartite du 7 octobre 2009

- Retenir que le défaut de paiement des situations n°2 et 3 de l'ordre de service n°1 ne constitue pas une violation grave de ses engagements de nature à détruire l'équilibre des rapports synallagmatiques, et s'explique par le fait établi par l'expert judiciaire [Ac] que l'état d'avancement des travaux annoncé dans les situations précitées ne correspond pas à la réalité,

- Prononcer en conséquence la résiliation du marché de travaux du 18 mai 2009 aux torts exclusifs de la société Kilic Bâtiment ;


2°/ Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nouvelle expertise :

Vu les pièces produites aux débats notamment :

- le rapport d'expertise de M. [Ac],

- la note expertale géotechnique de M. [S] du 29 août 2007,

- la note géotechnique de M. [Ad] [S] du 6 avril 2021,

- Désigner tout technicien de son choix aux fins d'une nouvelle expertise judicaire avec pour mission de :


convoquer les parties dans le respect du contradictoire ;

se rendre sur place ;

se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;

entendre tous sachants ;

visiter les lieux, les décrire en l'état actuel ;

examiner les désordres, non-conformités et manquements aux règles de l'art allégués dans les présentes écritures, ainsi que dans les pièces auxquelles lesdites écritures se réfèrent, notamment dans le rapport de la société Géomédia du 24 juin 2016, dans le rapport de la société QCS Services du 25 juin 2016, dans le rapport d'investigations complémentaires de la société QCS Services du 2 août 2017, dans le rapport « constats complémentaires géotechniques G5 avec essais labo » de la société Géomédia du13 août 2017 et dans la note expertale géotechnique de M. [Ae] [S] du 29 août 2017, la note géotechnique de M. [Ad] [S] du 6 avril 2021;

en détailler l'origine, les causes et l'étendue et fournir tout élément permettant à la juridiction saisie de déterminer à quel intervenant ces désordres, malfaçons et inachèvement sont imputables et dans quelle proportion ;

indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvement quant à la solidité et, plus généralement, quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;

dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;

donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ;

évaluer le coût des travaux utiles à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ;


donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvement ou non-conformités et sur leur évaluation ;

en cas d'urgence ou de péril en la demeure reconnu par l'expert, l'autoriser à faire exécuter, à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, sous la direction du maître d'œuvre et par des entreprises qualifiées de son choix, les travaux estimés indispensables par l'expert judiciaire ;


- Dire que l'expert judiciaire adressera aux parties, aux termes de ses opérations, un document de synthèse et arrêtera le calendrier de la phase conclusive de ses opérations en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;


3°/ Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a computé les intérêts sur la somme de 360 611,06 euros TTC à compter du 14 avril 2009 ;

- Retenir que la mise en demeure du 17 décembre 2009 ne peut prendre son effet en application de l'article 1153 du code civil🏛 qu'à compter du 12 novembre 2013, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Ac] ;

- Juger en conséquence que les intérêts dus sur la somme de 360 611,06 euros TTC seront computés à compter du 12 novembre 2013 ;


4°/ Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire d'un montant de 1 500 000 euros ;

- Condamner la SAS Kilic Bâtiment à lui payer à titre provisionnel la somme de 1 500 000 euros au titre du surcoût de la construction ;


5°/ Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté sa prétention quant à l'existence d'un trop perçu d'honoraires de M. [Aa] de 71 878 euros TTC :

Vu l'article 16 du code de procédure civile🏛, ensemble les articles 4 et 5 dudit code,

Vu les dispositions contractuelles du contrat de l'architecte du 29 septembre 2009 et les notes d'honoraires établies par l'architecte Aa. [J],

- Juger que M. [Aa] a, au titre de ses honoraires, encaissé un trop perçu d'un montant de 71 878 euros TTC ;


Sur ses demandes subsidiaires :

- Condamner in solidum M. [Aa] et la Maf à la garantir du montant des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au-delà de la somme de 360 611,06 euros TTC au titre du montant du solde de travaux dus ;

- Condamner M. [Aa] et la Maf à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre quelle qu'en soit son montant, en vertu de l'article 13 du marché de travaux du 18 mai 2009 ;


Sur les demandes de la SAS Kilic Bâtiment :

- Rejeter les prétentions de la SAS Kilic Bâtiment à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du marché de travaux du 18 mai 2009 à ses torts exclusifs ;

- Rejeter la prétention de la SAS Kilic Bâtiment à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande au paiement d'une somme de 1 500 000 euros à titre provisionnelle ;

- Rejeter la demande de confirmation de jugement de la SAS Kilic Bâtiment en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nouvelle expertise ;

- Retenir que la cour n'est pas saisie de la demande de confirmation du jugement entrepris relativement à la recevabilité de l'action et des demandes de la SAS Kilic Bâtiment à l'encontre d'un certain nombre de ses membres fondateurs ;

- Statuer ce que de droit relativement à cette demande ;


Sur les demandes de M. [Aa] :

- Rejeter toutes les demandes de M. [Aa] notamment celle de le voir condamné à lui payer la somme de 44 100 euros sur le fondement de l'article 9-3 du contrat d'architecte ;


Sur les demandes de l'article 700 et des dépens :

- Rejeter les demandes de la SAS Kilic Bâtiment et de M. [Aa] ;

- Dire n'y avoir lieu au paiment par elle d'une quelconque indemnité en vertu de l'article 700 tant en ce qui concerne la procédure de première instance que de la procédure d'appel ;

- Réserver la question des dépens dans l'attente des résultats de l'expertise que la cour aura ordonnée.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, l'Association dénommée A.C.G.M.C.M. - Association Cultuelle de la Grande Mosquée de [Localité 8]-[Localité 10], s'est désistée de ses demandes formées à l'encontre de M. [B] [Aa] et a accepté le désistement de ce dernier.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, M. [B] [Aa] a accepté le désistement d'instance et d'action de l'A.C.G.M.C.M., s'est lui-même désisté de son appel incident et de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de l'A.C.G.M.C.M. et a renoncé à toute demande relative aux dépens et frais au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile🏛🏛.


Par ordonnance du 14 avril 2022, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de l'association dénommée A.C.G.M.C.M. de son appel à l'encontre de M. [Aa], ainsi que le désistement de M. [Aa] de son appel incident à l'encontre de l'A.C.G.M.C.M. de sorte que la cour s'est déclarée dessaisie de toute action entre l'A.C.G.M.C.M.Aaet M. [J].


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 avril 2022.



MOTIFS


Sur la demande de nouvelle expertise


Exposé des moyens des parties


L'A.C.G.M.C.M., poursuivant la désignation d'un nouvel expert, énonce que le rapport de M. [Ac] a été déposé en l'état en raison de la demande de remplacement formée par la société Kilic Bâtiment et que l'expert n'a organisé qu'une seule réunion d'expertise. Elle conclut à son insuffisance et au défaut d'investigations techniques. Elle affirme verser aux débats divers avis techniques motivés (en particulier la note géotechnique de M. [S] et celle, nouvelle en cause d'appel, de M. [S] du 6 avril 2021) susceptibles de remettre en cause l'appréciation de l'expert judiciaire sur l'origine des dommages et sur les conclusions à en tirer, en particulier sur la capacité du voile périphérique à remplir sa fonction et la poussée hydrostatique sur le voile.


La société Kilic Bâtiment réplique que la demande tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise est tardive et dilatoire s'agissant de sommes dues depuis plus de dix ans. Elle soutient que l'expert a rempli sa mission en ce qu'il a mené les constatations et investigations nécessaires, notamment sur l'analyse des sols, l'adaptation des travaux aux sols et les désordres allégués, de sorte que toute nouvelle expertise serait surabondante et inopportune, d'autant que l'A.C.G.M.C.M. a fait pratiquer d'autres analyses, au demeurant non contradictoires.


Réponse de la cour


Aux termes de l'article 143 du code de procédure civile🏛, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.


Selon l'article 144 du même code🏛, les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'élément suffisant pour statuer.


Cependant, aux termes de l'article 146 du code précité🏛, les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.


Il s'ensuit que la faculté d'ordonner ou de refuser une mesure d'instruction relève du pouvoir du juge selon qu'il s'estime ou non suffisamment informé. S'il considère que les conclusions de l'expert ne sont pas suffisamment claires et précises, le juge peut en outre ordonner un complément d'expertise, ou, sur la demande d'une des parties, une nouvelle expertise après avoir formellement écarté le rapport initial.


Enfin, en application de l'article 147 du code de procédure civile🏛, le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.


En l'espèce, contrairement à ce que prétend l'A.C.G.M.C.M., la mesure d'expertise a été menée pendant presque trois ans par M. [Ac], permettant ainsi aux parties de solliciter toutes mesures utiles auprès de 1'expert, telle que la désignation d'un sapiteur, une extension de mesure ou un complément d'expertise si elles le jugeaient utile, ou même de transmettre à l'expert des dires sur les points particulièrement litigieux, corroborés, le cas échéant, par des notes techniques afin qu'elles éclairent l'expert et qu'elles soient contradictoirement débattues.


Or, la cour constate que l'A.C.G.M.C.M. s'est abstenue d'intervenir pendant les opérations d'expertise et qu'après accomplissement de ses diligences, l'expert judiciaire s'est vu contraint de déposer son rapport en l'état, l'absence de clarté dans la gouvernance de l'A.C.G.M.C.M. ayant fait obstacle à la poursuite de l'expertise. Le maître d'ouvrage ne saurait, par conséquent, se prévaloir de sa propre désorganisation pour contredire, cinq ans après les opérations d'expertise, les investigations menées par l'expert judiciaire.


En outre, il ressort du rapport d'expertise que, nonobstant les difficultés rencontrées tenant à la situation de l'A.C.G.M.C.M., l'expert a été en mesure de procéder aux constatations utiles répondant à la mission pour laquelle il avait été désigné et que ce rapport contient suffisamment d'éléments d'appréciation concernant les faits sur lesquels il lui était demandé de se prononcer.


Ainsi, M. [Ac] a procédé aux investigations techniques portant sur l'analyse des sols, a pris en compte la poussée hydrostatique dans la construction des voiles béton, le coulage des fondations et a donné son avis sur la question de l'étanchéité de l'ouvrage et la nécessité ou non de le démolir.


A l'examen des pièces versées par l'A.C.G.M.C.M., il apparaît que les analyses ont porté sur un ouvrage inachevé et un chantier suspendu depuis de nombreuses années.


Ainsi, s'agissant du rapport d'investigation du 2 août 2017 réalisé par la société QCS Services à la demande de l'A.C.G.M.C.M., ce dernier complète le précédent du 25 juin 2016, en ce que deux fouilles portant sur les fondations à nu ont été réalisées, alors que lesdites fondations étaient soumises aux intempéries depuis neuf ans à la date des investigations et que ce rapport, comme le précédent, n'apporte pas d'élément nouveau de nature à justifier une nouvelle expertise.


S'agissant du rapport de M. [Ae] [S] du 29 août 2017 sollicité par l'A.C.G.M.C.M. essentiellement à partir duquel elle fonde ses critiques à l'encontre du rapport d'expertise judiciaire, il est observé qu'il s'appuie sur des analyses commandées par l'A.C.G.M.C.M. à différents techniciens huit ans après la suspension du chantier. Ce rapport a donc été établi unilatéralement et de manière non contradictoire, sans investigations in situ par l'expert.


Par conséquent, n'ayant pas été soumis à la discussion des parties avant son dépôt, la cour ne peut retenir ce rapport qu'à titre de simple renseignement.


Si, aux termes de son rapport, M. [S] estime nécessaire d'envisager la démolition des fondations, les premiers juges ont, à juste titre, constaté que non seulement ce document ne permettait pas de distinguer les désordres résultant de malfaçons, de ceux résultant de l'abandon de chantier depuis huit ans, mais encore que cet état pendant plusieurs années rendait illusoire, pour l'avenir, l'utilité de nouvelles investigations.


En outre, les deux lettres de refus d'entreprises du bâtiment (les sociétés Demathieu Bard et Spie Sgpm) de poursuivre les travaux ne constituent en aucun cas des éléments justifiant l'opportunité d'une nouvelle expertise, l'état général d'un chantier abandonné depuis plusieurs années ayant légitimement pu les dissuader.


Enfin, il est établi par le compte-rendu n° 7 du 5 septembre 2009 et le constat d'huissier du 5 novembre 2009, qu'en 2009, les voiles béton étaient sécurisées par des butons en bois, lesquels ont été exposés aux intempéries et ont subi l'effet du cycle des saisons depuis plus de huit années, ce qui a nécessairement eu des conséquences sur leur état de conservation. Il en va de même des armatures en acier qui ont rouillé. Il est en outre relevé que l'A.C.G.M.C.M. n'apporte aucun élément sur les conditions d'entretien et de protection du chantier.


Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les conclusions de la note établie par M. [S] ne présentent pas une force probante suffisante pour remettre en cause les constatations techniques, circonstanciées et objectives de l'expert judiciaire.


S'agissant enfin du rapport de M. [S], géotechnicien, du 6 avril 2021 versé en cause d'appel, force est tout d'abord de constater que cet expert précise qu'il était 'attaché' à M. [S] et qu'il répond 'dans la continuité de la note géotechnique de M. [S]', de sorte que son avis technique n'est pas donné de manière indépendante. Ensuite, la cour observe que cet avis, émis sans examen sur place, se fonde sur les mêmes notes techniques précédemment établies par les sociétés Sol Progrès et QCS Services, pour affirmer qu'il existe une nappe d'eau dans le sous-sol entraînant une poussée hydrostatique sur la résistance des voiles et murs de fondations et pour conclure qu'il existe une non-conformité au niveau de l'assise des fondations constituée de remblais instables qui se tasseront dans le temps en cas d'édification de la mosquée.


Or, comme il a été vu supra, la note technique précitée de la société QCS Services se borne à mentionner des non-conformités dues à des défauts de mise en oeuvre, alors que le chantier était à ciel ouvert depuis huit années et qu'il était en cours d'exécution, de sorte que cet avis ne remet pas en cause les conclusions de l'expert judiciaire.


Ensuite, la note technique précitée de la société Sol Progrès affirme la présence d'une nappe d'eau phréatique, laquelle aurait été constatée 'à proximité' du chantier sans autre précision - et non à hauteur du chantier - ce dont il se déduit qu'il ne s'agit que d'une hypothèse - non confirmée à ce stade des investigations - impropre à remettre en cause les conclusions expertales.


Le fait que, selon M. [S], il serait encore possible d'effectuer des analyses hydrogéologiques et de vérifier le dimensionnement du ferraillage réalisé pour contrôler sa conformité, est inopérant au regard des conclusions de l'expert judiciaire qui sont claires et circonstanciées sur les désordres allégués et sur l'absence d'une nappe phréatique, dès lors qu'il a procédé à l'analyse des sols et s'est prononcé sur le coulage des fondations, l'étanchéité de l'ouvrage et l'opportunité de le démolir.


L'expertise judiciaire a donc porté sur l'ensemble des points évoqués dans le cadre des nouveaux rapports présentés par l'A.C.G.M.C.M., y compris en cause d'appel, et s'est pertinemment prononcée sur l'absence de nécessité de démolir les fondations existantes.


Par conséquent, l'A.C.G.M.C.M. échoue à démontrer tant la carence de l'expertise judiciaire que l'intérêt d'une nouvelle expertise.


Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce que les premiers juges se sont estimés, par des motifs pertinents que la cour approuve, suffisamment éclairés alors même que le rapport avait été déposé en l'état et, partant, en ce qu'il a débouté l'A.C.G.M.C.M. de sa demande de nouvelle expertise judiciaire.


Sur la résiliation du contrat


Exposé des moyens des parties


L'A.C.G.M.C.M., poursuivant l'infirmation du jugement sur le prononcé de la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, soutient que si la société Kilic Bâtiment a suspendu/arrêté ses travaux, objet de l'ordre de service n° 1 le 3 septembre 2009, ce n'est pas en raison de l'absence de paiement des situations n° 2 et 3 dudit ordre de service n° 1 par elle, mais au motif qu'il convenait d'attendre la délivrance de l'ordre de service n° 2 pour redémarrer le chantier. Elle ajoute avoir refusé de payer l'entreprise, en 2009, en raison des désordres constatés et d'un retard dans l'état d'avancement des travaux. Enfin, elle prétend qu'elle disposait de la faculté de ne pas délivrer la garantie au plus tard le jour de l'édition de l'ordre de service n° 2.


La société Kilic Bâtiment réplique que l'ordre de service n°1 du 19 mai 2009, relatif à la réalisation des travaux de la première tranche, d'un montant de 1 164 790,60 euros HT, n'était aucunement stipulé comme étant payable au fur et à mesure de l'état d'avancement des travaux, que les situations de travaux n°2 et 3 ont été vérifiées et validées par l'architecte, que le maître d'œuvre a lui-même confirmé que les rumeurs de malfaçons relayées par l'A.C.G.M.C.M étaient sans objet, que celle-ci ne lui a jamais fourni la garantie de paiement et, enfin, que l'impécuniosité du maître d'ouvrage et ses problèmes de gouvernance sont à l'origine de l'inexécution de ses obligations, lesquelles justifiaient l'interruption des travaux et la résiliation du contrat à ses torts exclusifs.


Réponse de la cour


Selon l'article 1134 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi.


Le contrat est résilié à la date où le débiteur a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles, notamment lorsqu'il s'agit d'un contrat à exécutions successives.


En application de l'article 1184 du code civil🏛, également dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice.


Le maître de l'ouvrage comme l'entrepreneur peuvent solliciter la résiliation judiciaire pour faute en cas de comportement grave de leur cocontractant, seule une inexécution grave des engagements d'une partie étant de nature à détruire l'équilibre des rapports synallagmatiques entre les partenaires et à fonder la résiliation du contrat aux torts du contractant fautif.


La résiliation du contrat ne peut intervenir de plein droit, de sorte que le contractant se prévalant d'une inexécution grave par son co-contractant doit l'assigner en justice. A défaut d'user de la voie judiciaire, le cocontractant assume le risque de voir le tribunal, saisi postérieurement, estimer que la faute alléguée n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier de la rupture du contrat. La charge de la preuve de cette inexécution incombe à celui qui se prévaut de la résiliation du contrat aux torts de son co-contractant.


En l'espèce, la société Kilic Bâtiment poursuit depuis 2010 le règlement de l'ordre de service n°1 du 19 mai 2009, relatif à la réalisation des travaux de la première tranche pour un montant de 1 164 790,60 euros HT comprenant :


- Les études de réalisation des structures et du béton armé ;

- Les études de réalisation des fluides et des équipements techniques ;

- L'installation du chantier pour la phase 1 ;

- Les terrassements généraux ;

- La réalisation des voiles périmétriques du sous-sol.


La société Kilic Bâtiment a réalisé ces travaux et a régulièrement soumis à l'A.C.G.M.C.M. au fur et à mesure de leur avancement ses situations de travaux, notamment la situation n° 1 du 22 juin 2009 correspondant à un montant de 151 572,64 euros TTC - réglée par un chèque de l'A.C.G.M.C.M du 3 octobre 2009 - étant précisé qu'en exécution du contrat, un acompte sur travaux d'un montant forfaitaire de 139 308,95 euros TTC avait été versé.


Toutefois, la situation n° 2 du 21 juillet 2009 correspondant à un montant de 188 634,84 euros TTC, payable au 10 septembre 2009, n'a pas été réglée en violation de l'article 2 de la lettre de commande du 18 mai 2009 qui stipulait que les situations de travaux devaient être réglées par chèque à 30 jours, le 10 du mois.


Il en va de même s'agissant de la situation n° 3 du 31 juillet 2009, payable au 10 octobre 2009, correspondant à un montant de 372 636,42 euros TTC.


L'inexécution par l'A.C.G.M.C.M. de ses obligations contractuelles, consistant principalement à payer les situations qui lui étaient soumises, est par conséquent établie.


L'A.C.G.M.C.M. justifie l'inexécution de ses obligations en excipant, d'une part, d'une mauvaise exécution des travaux et, d'autre part, de l'inachèvement des travaux en se fondant sur le rapport d'expertise de M. [Ac].


Or, l'ordre de service n° 1 du 19 mai 2009, relatif à la réalisation des travaux de la première tranche d'un montant de 1 164 790,60 euros HT, n'était pas stipulé comme étant payable au fur et à mesure de l'état d'avancement des travaux.


En outre, les situations de travaux n° 2 et 3 versées aux débats par la société Kilic Bâtiment ont été vérifiées et validées par le maître d'oeuvre, qui a élaboré le projet architectural, après s'être assuré de l'état d'avancement des travaux et de leur conformité, eu égard à l'enveloppe budgétaire globale qui était de 1 164 790,60 euros HT.


Par ailleurs, le maître d'œuvre, à l'issue de la réunion du 7 octobre 2009, a indiqué que les prétendues malfaçons alléguées par l'A.C.G.M.C.M. étaient sans objet, d'autant que la cour relève que la société Kilic Bâtiment s'est entourée de quatre bureaux d'études (méthodes et construction, structure, climatisation, ventilation et plomberie et courants forts et faibles).


Le Bureau Veritas, missionné par le maître d'ouvrage, n'a réservé aucun ouvrage de la société Kilic Bâtiment, ce qui est confirmé par le rapport d'expertise de M. [Ac] qui conclut à la conformité des prestations réalisées par l'entreprise. ll s'ensuit que le défaut de paiement ayant conduit à l'interruption des travaux n'est pas justifié par des inexécutions ou des exécutions non conformes de travaux par la société Kilic Bâtiment.


La cour observe au surplus que l'A.C.G.M.C.M. n'a pas fourni la garantie de paiement à la société Kilic Bâtiment, nonobstant les demandes réitérées de cette dernière, en contravention avec les dispositions de l'article 1799-1 du code civil🏛 qui dispose que tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.


L'ordre de service n° 2 ayant été édité le 20 juillet 2009, la garantie légale prévue par l'article 1799-1 précité était exigible dans les conditions convenues à l'article 5 de la lettre de commande du 18 mai 2009.


De surcroît, aux termes de cette lettre, il revenait à l'A.C.G.M.C.M. d'éditer l'ordre de service n° 2 le 20 juillet 2009 et celui n° 3 le 12 octobre 2009, indépendamment de toute procédure d'appel d'offres mise en œuvre par l'architecte.


Il est tout aussi inopérant de faire état des comptes rendus de chantier pour soutenir que le chantier aurait été suspendu dans l'attente de la délivrance de l'ordre de service n° 2 et aucunement en raison du non-paiement des situations de travaux de la société Kilic Bâtiment, puisque les comptes rendus des 3 septembre 2009 et 7 octobre 2009 ont acté logiquement la suspension du chantier dans l'attente de la délivrance de l'ordre de service n° 2 ; ce document rappelle en tout état de cause que le paiement des situations de travaux de la société Kilic Bâtiment n'est pas intervenu mais devrait l'être sous 8 jours.


La cour observe que cet engagement n'a pas été respecté par l'A.C.G.M.C.M. contraignant la société Kilic Bâtiment à dresser le 5 novembre 2009 un procès-verbal de constat de la situation du chantier avant d'interrompre toute prestation.


Force est donc de constater que la société Kilic Bâtiment, à défaut d'avoir été payée de ses prestations - principale obligation contractuelle du maître d'ouvrage dont le non-respect est d'une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale du contrat de travaux - était légitime à interrompre les travaux.


Par conséquent, les premiers juges ont, par une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, considéré que l'inexécution des obligations par le maître d'ouvrage avait valablement conduit l'entreprise à interrompre le chantier, justifiant que le contrat du 18 mai 2009 soit judiciairement résilié aux torts exclusifs de l'A.C.G.M.C.M. à compter du 5 novembre 2009, date du procès-verbal de constat dressé à la requête de la société Kilic Bâtiment.


Le jugement sera confirmé de ce chef.


Sur le montant de la demande en paiement des situations de travaux de la société Kilic Bâtiment


Exposé des moyens des parties


La société Kilic Bâtiment, poursuivant l'infirmation du jugement sur le montant de la condamnation prononcée au titre des situations de travaux qu'elle a réalisés, conteste la réfaction de certains postes faite par l'expert, tels que les frais de base de vie, ou les frais d'études. Elle remet en cause également le taux de réalisation du lot terrassement retenu par l'expert. Elle conclut que le montant cumulé des travaux réalisés s'élève à 731 956,61 euros HT.


L'A.C.G.M.C.M. sollicite la confirmation du jugement sur le montant qu'elle reste devoir à l'entreprise, se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire qui a évalué les travaux effectivement réalisés à la somme de 554 724,91 euros HT, de laquelle il convient de déduire le montant de l'acompte réglé à hauteur de 116 479,06 euros HT.


Réponse de la cour


L'expert judiciaire, aux termes d'une analyse circonstanciée et justifiée techniquement, a considéré que la société Kilic Bâtiment était créancière de l'A.C.G.M.C.M. au titre de la lettre de commande du 18 mai 2009 et de l'ordre de service n°1 du 19 mai 2009, créance qu'il a évaluée à la somme de 360 611,06 euros TTC au regard des travaux réellement exécutés.


En contrepoint, la société Kilic Bâtiment ne rapporte pas la preuve des prestations supplémentaires qu'elle prétend avoir réalisées à l'appui de sa demande de réévaluation des travaux engagés conformément aux situations n° 1, 2 et 3 validées par le maître d'œuvre de l'A.C.G.M.C.M.


C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande tendant à retenir un solde de 584 540,18 euros TTC au titre des sommes dues par l'A.C.G.M.C.M. (comprenant la libération de retenue appliquée au titre de garantie des trois situations de travaux et la déduction de l'avance).


Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'A.C.G.M.C.M. à payer à la société Kilic Bâtiment la somme de 360 611,06 TTC, au titre du solde du marché de travaux du 18 mai 2009, laquelle condamnation a été assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009 date de la première mise en demeure, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil🏛 dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Sur les intérêts de retard


Exposé des moyens des parties


L'A.C.G.M.C.M sollicite l'infirmation du jugement à ce titre au motif que la somme réclamée aux termes de la mise en demeure visait la somme de 584 540,18 euros TTC au lieu de 360 611,06 euros TTC. Elle demande ainsi que soit reporté le point de départ du délai à la date de reddition du rapport d'expertise judiciaire estimant que ce n'est qu'à la lumière de celui-ci que le montant des sommes dues a été fixé.


La société Kilic Bâtiment réplique que, d'une part, les sommes dues doivent être fixées à la somme de 584 540,18 euros TTC, au lieu de 360 611,06 TTC et, d'autre part, que le fait que les sommes dues aient été déterminées par une expertise judiciaire est indifférent.


Réponse de la cour


Selon l'article 1153 alinéas 1er et 2ème du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.


Ces intérêts sont dus à compter du jour où le débiteur de l'obligation est mis en demeure, y compris lorsque la somme due est déterminée à l'issue d'une expertise.


En l'espèce, la cour estime que les premiers juges ont fait, par des motifs pertinents qu'elle approuve, une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en assortissant les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 décembre 2009.


Sur la demande de la société Kilic Bâtiment de paiement de l'indemnité contractuelle


Exposé des moyens des parties


La société Kilic Bâtiment sollicite l'infirmation du jugement concernant l'indemnité contractuelle au motif que la lettre de commande prévoit une clause pénale l'autorisant à réclamer au maître d'ouvrage une indemnité de 30% du montant des travaux restant à exécuter. Elle soutient avoir subi un préjudice résultant du manque à gagner en raison de l'absence de régularisation des ordres de service n° 2 et 3, ladite régularisation n'étant pas assujettie à la mise en oeuvre d'une procédure d'appel d'offres. Elle ajoute que, dans l'hypothèse même où une telle procédure devait être mise en place, elle avait l'assurance de demeurer l'entreprise principale en charge de l'opération.


L'A.C.G.M.C.M réplique que l'édition de l'ordre de service n° 2 dépendait de l'exécution de certaines prestations de la société Kilic Bâtiment d'une part, et du maître d'œuvre d'exécution, d'autre part. Elle ajoute que ces prestations n'ont pas été accomplies et qu'elle avait contesté tant la qualité des travaux réalisés que l'état d'avancement effectif de ceux-ci, les situations n° 1, 2 et 3 n'étant pas sincères.


Réponse de la cour


Pour débouter la société Kilic Bâtiment de sa demande, le tribunal a estimé que si le contrat prévoyait une pénalité contractuelle en cas de résiliation du contrat, cette pénalité était calculée sur le montant des travaux restant à réaliser. Or, il a retenu que la société Kilik Bâtiment avait exécuté l'ensemble des travaux relevant de l'ordre de service n° 1 et qu'elle n'avait pas la certitude de poursuivre le chantier, une fois l'ordre de service n° 1 exécuté. Le tribunal en a déduit qu'elle ne démontrait pas qu'elle avait subi un préjudice distinct justifiant l'octroi de dommages et intérêts résultant de la résiliation du contrat.


Par application de l'ancien article 1149 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.


Selon l'article 1152 du code civil🏛, également dans la version précitée, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire, toute stipulation contraire étant réputée non écrite.


Enfin, constitue une clause pénale d'un contrat la clause par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée, étant précisé que l'inexécution de l'obligation sanctionnée par ladite clause doit être imputable au débiteur. La clause pénale, sanction contractuelle du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution, de sorte que la justification d'un préjudice par le créancier n'est pas requise.


En l'espèce, aux termes de la lettre de commande du 18 mai 2009 signée par les deux parties, l'A.C.G.M.C.M. a confié un marché de travaux à la société Kilic Bâtiment. L'article 1 de cette lettre de commande, intitulé 'ESTIMATION DU PRIX', stipule que le prix des travaux, déjà estimé dans la convention de maîtrise d'œuvre du 23 septembre 2006, est estimé à la somme de 5 000 000 euros HT, qu'il fera l'objet d'un ajustement en fonction du projet définitif constaté par la validation du dossier d'appel d'offres par le maître d'ouvrage, qu'il est réputé 'ferme, forfaitaire, actualisable et révisable' et qu'il deviendra définitif lors de la signature des pièces constituant 'le dossier du marché'. La lettre de commande du 18 mai 2009 était donc un engagement ferme et définitif sur le principe qui n'était nullement conditionné à la désignation de la société Kilic Bâtiment à l'issue d'une procédure d'appel d'offres.


En outre, en page 17 de ses conclusions, l'A.C.G.M.C.M. précise que le maître d'oeuvre, aux termes de son compte-rendu de chantier n° 7 du 5 septembre 2019, indique que la première phase des travaux est terminée depuis le 3 septembre 2009 et ajoute : la 'consultation des sous-traitants : en cours. Dépouillement fin septembre pour déterminer un prix enveloppe (hors travaux de finition de peinture et décoration) début octobre, permettant l'édition de l'OS n° 2".


Il résulte ainsi tant de la lettre de commande que du compte-rendu de chantier n° 7 que la société Kilic Bâtiment a été choisie en qualité d'entreprise générale pour l'ensemble du marché, nonobstant le réajustement de l'enveloppe financière globale du projet qui devait intervenir après un appel d'offres. Il s'ensuit que cet appel d'offres ne devait concerner que les sous-traitants, comme l'affirme à bon droit la société Kilic Bâtiment.


En tout état de cause, il est observé que l'A.C.G.M.C.M., pour s'opposer à l'octroi de l'indemnité sollicitée par la société Kilic Bâtiment, ne fait plus état en cause d'appel de la désignation de cette dernière à l'issue d'une procédure d'appel d'offres.


C'est donc à tort que le tribunal a considéré que le maître d'ouvrage entendait soumettre la phase 2 du chantier correspondant à l'ordre de service n° 2 à appels d'offres et que, dans ces conditions, la société Kilic Bâtiment n'avait pas l'assurance de réaliser la totalité de la construction.


Aux termes de l'article 13 de cette lettre de commande, il est prévu que, 'en cas de retard dans la délivrance de l'ordre de service N° 2 (...) au-delà d'un délai de 180 jours, le présent contrat qui lie le MAITRE D'OUVRAGE et L'ENTREPRENEUR sera purement et simplement résilié. Dans ce cas, le MAITRE D'OUVRAGE s'acquittera auprès de L'ENTREPRENEUR, d'une indemnité complémentaire égale à 30% du montant des travaux restant à exécuter. Cette indemnité sera versée à L'ENTREPRENEUR, au plus tard 30 jours après l'établissement d'un constat contradictoire de l'état d'avancement du chantier. Ce constat sera établi par huissier.'


Il est observé que cette clause, qui constitue une clause pénale en ce qu'elle fixe forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle, a été librement acceptée par les deux parties et qu'elle a donc force obligatoire, conformément à l'article 1134 du code civil🏛 dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.


Comme il a été vu supra, la résiliation du marché a été prononcée aux torts exclusifs de l'A.C.G.M.C.M. de sorte que l'article 13 précité est applicable.


Etant relevé que le montant de l'indemnité n'est pas discuté et qu'il n'est pas soutenu qu'il aurait un caractère excessif ou disproportionné au sens de l'article 1152 précité, le montant forfaitaire de 30 % du montant des travaux restant à exécuter, soit la somme de 1 631 618,62 euros, sera retenu dans le cadre de la présente résiliation.


Par conséquent, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande d'allocation de l'indemnité contractuellement prévue.


Statuant à nouveau, la cour appliquera le montant de la pénalité prévue au contrat en allouant à l'entreprise générale, en plus du paiement des sommes dues au titre des travaux exécutés, l'indemnité forfaitaire de 1 631 618,62 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 14 décembre 2009.


Sur la demande de l'A.C.G.M.C.M. au titre de la démolition de l'ouvrage


Exposé des moyens des parties


L'A.C.G.M.C.M., qui poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'elle s'est vu déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais de démolition et de reconstruction des fondations selon les règles de l'art, se fonde sur les préconisations de ses experts dont elle verse les rapports. Elle souligne les malfaçons et désordres affectant l'ouvrage et sollicite à titre provisionnel, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, la somme de 1 500 000 euros correspondant à l'augmentation du coût global du chantier, par rapport au coût prévu au contrat de 2009, en se référant à l'évolution de l'indice du coût de la construction.


La société Kilic Bâtiment répond que l'A.C.G.M.C.M. ne justifie d'aucun préjudice né, certain et actuel, ses demandes indemnitaires ne se rapportant à aucune reprise des travaux ni de la nécessité de faire face aux prétendus surcoûts dont elle fait état. Elle énonce également que l'A.C.G.M.C.M. ne rapporte pas la preuve d'une faute imputable à l'exécution de ses prestations ni d'un lien de causalité.


Réponse de la cour


Selon l'article 1147 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.


En outre, aux termes de l'article 1149 du code civil🏛, applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit. Le juge doit cantonner l'indemnisation aux seules prestations nécessaires pour parvenir à la réparation de 1'entier préjudice. Ainsi, ne peut être indemnisé de manière intégrale que le préjudice direct et certain.


En l'espèce, ainsi qu'il a été examiné ci-dessus et au regard du rapport d'expertise judiciaire de M. [Ac], l'A.C.G.M.C.M. ne rapporte pas la preuve d'une faute imputable à la société Kilic Bâtiment dans l'exécution de ses prestations.


En effet, les désordres constatés, tels que 1'aspect de surface irrégulier des voiles béton ou la planéité des voiles relèvent des finitions qui n'ont pas pu être exécutées sur le chantier toujours en cours et interrompu prématurément.


ll n'est relevé aucun désordre structurel de nature à motiver une démolition des fondations, qui peut cependant apparaître économiquement justifiée après plus de dix ans d'abandon de chantier, compte tenu de l'action des facteurs climatiques extérieurs sur des fondations laissées sans protection ni entretien, situation qui ne saurait être imputable à la société Kilic Bâtiment.


Cette interruption des travaux trouve en effet son origine dans l'absence de règlement de l'ordre de service n° 1 par l'A.C.G.M.C.M., l'absence de fourniture par cette dernière de la garantie de paiement prévue à l'article 1799-1 du code civil🏛 et, enfin, l'absence de régularisation par elle de l'ordre de service n° 2.


Par ailleurs, l'A.C.G.M.C.M. ne justifie pas les raisons qui l'ont privée de la faculté de reprendre le chantier immédiatement après le procès-verbal de constat dressé par la société Kilic Bâtiment en novembre 2009. Elle ne s'explique pas plus sur les motifs de l'absence de reprise des travaux près de dix années après leur interruption.


Comme il a été vu supra, les rapports techniques réalisés par l'A.C.G.M.C.M. afin d'accréditer sa demande tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise, sont inopérants.


Enfin, la cour observe que l'A.C.G.M.C.M. ne justifie d'aucun préjudice né, certain et actuel susceptible d'être reconnu dans le cadre de la présente instance, dès lors que ses demandes indemnitaires visent en réalité à obtenir l'indemnisation d'un préjudice futur et incertain, étant souligné qu'elle ne rapporte la preuve d'aucune reprise des travaux ni de la nécessité de faire face aux prétendus surcoûts dont elle fait état.


Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de l'A.C.G.M.C.M. fondée sur le surcoût de la construction généré par l'interruption du chantier.


Sur la demande formée au titre de l'indemnité pour procédure abusive


En application des dispositions de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive, en soi, d'une faute.


En l'espèce, il n'est pas démontré que l'A.C.G.M.C.M. ait causé, par mauvaise foi, à la société Kilic Bâtiment un préjudice distinct de celui qui sera indemnisé ci-après par l'allocation d'une indemnité de procédure.


Enfin, elle ne rapporte pas la preuve de ce que l'action, la défense ou la résistance de l'A.C.G.M.C.M. aurait dégénéré en abus.


En l'état de ces constatations et énonciations, le tribunal en a exactement déduit que les actions procédurales mises en oeuvre par l'A.C.G.M.C.M. ne caractérisaient pas un acharnement procédural ou une intention de nuire.


Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.


Sur les autres demandes


Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


L'A.C.G.M.C.M., partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel.


La cour condamnera l'A.C.G.M.C.M. au paiement d'une indemnité de procédure supplémentaire de 6 000 euros correspondant aux frais exposés en cause d'appel par la société Kilic Bâtiment prévus par l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Il convient par ailleurs de rejeter les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 précité.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté la société Kilic Bâtiment de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat ;


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Condamne l'A.C.G.M.C.M. à payer à la société Kilic Bâtiment la somme de 1 631 618,62 euros, au titre de l'article 13 de la lettre de commande, avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 14 décembre 2009 ;


Condamne l'A.C.G.M.C.M. aux dépens d'appel ;


Condamne l'A.C.G.M.C.M. à payer à la société Kilic Bâtiment la somme de 6 000 euros au titre de ses frais exposés en cause d'appel prévus à l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Rejette la demande de l'A.C.G.M.C.M. formée sur le fondement de l'article 700 du code précité🏛.


La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,

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