TA Versailles, du 25-11-2022, n° 2110518
A14318WW
Référence
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 et 9 décembre 2021, 13 avril et 21 juin 2022, l'Association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte, représentée par Me Axelle Viannay, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 9 août 2021 par laquelle le maire de Maisons-Laffitte a délivré un permis d'aménager à la société Longueil Invest pour la division du terrain cadastré AR67 en deux lots, ensemble la décision du 29 octobre 2021 rejetant son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge respective de la commune de Maisons-Laffitte et de la société Longueil Invest une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ; son président a été habilité à ester en justice ; les statuts modifiés en 2014 ont fait l'objet d'une publication au journal officiel ;
- le permis d'aménager est entaché de détournement de procédure ; le lot A a été exclu du périmètre du lotissement en vue d'échapper aux règles d'urbanisme ; le lot A, déjà bâti, méconnaît les dispositions des articles UH3.2.1, UH3.5.2 et UH5.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU); ces manuvres sont constitutives d'une fraude ;
- le dossier de demande de permis d'aménager est incomplet ;
- le permis d'aménager est illégal pour défaut d'accès à la voie publique et de desserte par les réseaux imposés par les articles UH7 et UH8 du PLU ;
- le permis d'aménager méconnaît l'article UH.7.2 du règlement du PLU.
Par des mémoires enregistrés les 6 janvier et 18 mai 2022, la SCI Longueil Invest, représentée par Me Jean-Christophe Lubac, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'association requérante de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour l'association requérante d'apporter la preuve que l'assemblée générale et le bureau ont été informés de l'action engagée, et que le président est dûment habilité ; son objet social ne lui confère pas d'intérêt à agir, la modification des statuts en 2014 n'étant pas opposable aux tiers, faute de publication au journal officiel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2022, la commune de Maisons-Laffitte, représentée par Me Philippe Peynet, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'association requérante de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fejérdy, première conseillère,
- les conclusions de M. Maitre, rapporteur public,
- et les observations de Me Roussel, représentant l'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte, et de Me Lubac, représentant la société Longueil Invest.
1. Par arrêté du 9 août 2021, le maire de Maisons-Laffitte a délivré à la société Longueil Invest un permis d'aménager en vue de la division en deux lots du terrain cadastré AR 67, sis 2 avenue de Wagram. L'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte demande l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision du 29 octobre 2021 rejetant son recours gracieux.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme🏛 : " () Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose. " Le règlement de la zone UH du PLU de Maisons-Laffitte déroge toutefois à ces dispositions, en prévoyant que " dans le cas d'un lotissement () les règles édictées par le plan local d'urbanisme s'appliquent à chacun des terrains issus de la division et non pas à l'ensemble du projet ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 442-1-2 du code l'urbanisme : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. Le lotisseur peut toutefois choisir d'inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l'unité foncière ou des unités foncières concernées. "
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en la division en deux lots du terrain, un lot A comprenant deux constructions n'ayant pas vocation à être démolies, et un lot B sur lequel sera édifiée une construction. En application des dispositions de l'article L. 442-1-2 du code de l'urbanisme🏛, la société pétitionnaire a limité le périmètre du lotissement au lot B. S'il est constant que ce choix, conforme aux règles du code de l'urbanisme, est très largement favorable à la société pétitionnaire, dont les trois projets précédents ont été refusés, et dont le projet d'espèce n'a dès lors pas à respecter les dispositions du règlement d'urbanisme s'agissant du lot A, il ne ressort pour autant pas des pièces du dossier que la société aurait agi par détournement de procédure ou par fraude.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.441-3 du code de l'urbanisme🏛 : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : () / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; () / e) Les équipements à usage collectif et notamment ceux liés à la collecte des déchets. " Contrairement à ce que soutient l'association requérante, la notice comprise dans le dossier de demande de permis d'aménager, complétée sur ces points par les plans de masse, précise l'organisation et l'aménagement de l'accès au projet, sur l'avenue de Wagram, et indique l'aménagement d'une aire de collecte de déchets. Le moyen tiré de l'incomplétude du dossier doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, une opération d'aménagement ayant pour effet la division d'une propriété foncière en plusieurs lots constitue un lotissement, au sens de ces dispositions, s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces lots. Une telle opération doit respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme et les documents locaux d'urbanisme. Il appartient par suite à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, le projet de lotissement prévoit l'implantation de constructions dont la conformité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
7. D'une part, aux termes de l'article UH7.1 du règlement du PLU : " Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination des constructions ou aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. () ". Contrairement à ce que soutient l'association requérante, le projet prévoit bien la création d'un accès sur l'avenue de Wagram.
8. Par ailleurs, aux termes de l'article UH7.2 : " Les utilisations et occupations des sols doivent prévoir les aménagements nécessaires à la collecte des déchets ménagers ". Contrairement à ce que soutient l'association requérante, le projet prévoit l'aménagement d'une aire de stockage pour les conteneurs d'ordures ménagères. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UH7 du règlement du PLU manque donc en fait et doit être écarté.
9. D'autre part, aux termes de l'article UH8 du règlement du PLU : " UH8.2.1 Réseau unitaire / Toute construction ou installation nouvelle doit être raccordée par deux canalisations souterraines (EU et EP) au réseau existant. Deux regards doivent être créés en limite intérieure de propriété et un branchement reliera le regard EU au réseau unitaire. () / UH 8.2.2 Réseau séparatif / Toute construction ou installation nouvelle doit être raccordée par deux canalisations souterraines (EU et EP). Deux regards doivent être créés en limite intérieure de propriété et chacun doit être raccordé aux réseaux existants. / UH8.2.3 Réseau partiellement séparatif / Toute construction ou installation nouvelle doit être raccordée par une seule canalisation EU au réseau existant. () "
10. L'association requérante soutient que ces dispositions ont été méconnues, dès lors que la société Longueil Invest ne justifie pas, en l'état du dossier, de l'existence de la servitude qui permettra le raccordement du lot B au réseau des eaux usées du lot A. Le permis d'aménager, qui reprend sur ce point les prescriptions de l'avis du Centre Ile de France Ouest de Véolia Eau, en date du 27 mai 2021, a toutefois été délivré sous réserve du raccordement de la future construction au réseau d'assainissement, soit " par une servitude de passage sur une parcelle voisine, soit sur une extension du réseau communal ". Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 9 août 2021, ni de la décision du 29 octobre 2021.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 :
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Maisons-Laffitte et de la société Longueil Invest, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande l'association requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante la somme de 1 500 euros à verser à parts égales à la société Longueil Invest et à la commune de Maisons-Laffitte au même titre.
Article 1er : La requête de l'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte est rejetée.
Article 2 : L'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte versera à la société Longueil Invest et à la commune de Maisons-Laffitte, à parts égales, la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros (soit 750 euros au bénéfice de chacune) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association de défense de l'environnement du parc de Maisons-Laffitte, à la commune de Maisons-Laffitte et à la SCI Longueil Invest.
Délibéré après l'audience du 28 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Rollet-Perraud, présidente,
- Mme Fejérdy, première conseillère,
- Mme Milon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.
La rapporteure,
Signé
B. Fejérdy
La présidente,
Signé
C. Rollet-Perraud
La greffière,
Signé
K. Dupré
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Article, R441-3, C. urb. Article, R151-21, C. urb. Article, L442-1-2, C. urb. Association de défense de l'environnement Délivrance des permis Division du terrain Détournement de procédure Dossier de la demande de permis Voie publique Division en lots Unité foncière Ensemble du projet Plan local Plans d'urbanisme Société pétitionnaire Règlement d'urbanisme Projet d'aménagement Équipement collectif Plan de masse Opération d'aménagement Division d'une propriété Propriété foncière Documents locaux d'urbanisme Projet de lotissement Permis de construire Caractéristiques de la voie Aménagement nécessaires Déchets ménagers Soutien par l'association Existence d'une servitude Réseau d'assainissement Extension du réseau