Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18788 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESH7
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Octobre 2021 -Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 20/10072
APPELANTE
Fédération BATI-MAT-TP CFTC
[Adresse 4]
[Localité 11]
Représentée par Me Antoine DULIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0099
INTIMÉES
Syndicat UNION NATIONALE DES GEOMETRES EXPERTS (UNGE)
[Adresse 8]
[Localité 12]
Représentée par Me Mehdi CAUSSANEL HAJI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'ARCHITECTURE ET DE L'URBANISME CFDT (SYNATPAU CFDT)
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentée par Me Elodie LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0424
Syndicat FÉDÉRATION GÉNÉRALE FORCE OUVRIÈRE CONSTRUCTION
[Adresse 3]
[Localité 11]
Représentée par Me Pierre TRUSSON, avocat au barreau de PARIS
Syndicat UNION NATIONALE DES ECONOMISTES DE LA CONSTRUCTION - UNTEC
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Syndicat CHAMBRE SYNDICALE NATIONALE DES GÉOMÈTRES-EXPERTS (CSNGT)
[Adresse 1]
[Localité 11]
Non représenté
FÉDÉRATION NATIONALE DES ENTREPRISES DE L'INFORMATION GÉOSPATIALE (FENIGS)
[Adresse 7]
[Localité 11]
Non représentée
SYNDICAT NATIONAL DES CADRES, TECHNICIENS, AGENTS DE MAÎTRISE ET ASSIMILÉS DES INDUSTRIES DU BÂTIMENT CFE/CGC BTP
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée par Me Emilie GASTÉ de l'ASSOCIATION MIRANDE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2143
FÉDÉRATION NATIONALE DES SALARIÉS DE LA CONSTRUCTION, DU BOIS ET DE L'AMEUBLEMENT CGT (FSNCBA)
[Adresse 5]
[Localité 13]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des
articles 805 et 905 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
FOURMY Olivier, Premier président de chambre
ALZEARI Marie-Paule, présidente
MALINOSKY Didier, Magistrat honoraire
Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU
ARRÊT :
- par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛- signé par Monsieur A Olivier, Premier président de chambre et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Au regard des dispositions de l'
article L. 2261-33 du code du travail🏛, issu de la
loi N° 2016-1088 du 8 août 2016🏛, un accord de 'champ' a été conclu le 7 mai 2019 opérant la fusion entre la branche des géomètres experts, topographes, photogrammères, experts fonciers et la branche des économistes de la construction et métreurs-vérificateurs, créant une nouvelle branche professionnelle de la filière de l'ingénierie de l'immobilier, de l'aménagement et de la construction dite FIIAC.
L'objectif d'élaboration d'une convention collective commune ayant été fixé, au plus tard, le 1er janvier 2024, l'accord a doté la branche FIIAC de deux commissions nationales paritaires :
- la Commission Paritaire Permanente de la Négociation et d'Interprétation, dite CPPNI ;
- la Commission Paritaire Nationale de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, dite CPNEFP.
La composition et la répartition des sièges de la CPPNI ont été fixées par l'accord précité ainsi :
- pour les organisations professionnelles, douze sièges répartis comme suit : un pour la CSNGT, deux pour la SNEPPIM, cinq pour l'UNGE, quatre pour l'UNTEC,
- pour les organisations syndicales de salariés, douze sièges répartis comme suit : trois pour la CFDT, deux pour la CFE CGC, trois pour la CFTC, deux pour la CGT et deux pour FO.
La CPPNI s'est réunie, sans la présence de toutes les organisations, le 18 décembre 2019 et deux avenants ont été signés par les trois organisations présentes, l'UNGE, l'UNTEC et le Synatpau CFDT :
- un avenant modifiant l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC ;
- un avenant modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC.
Les fédérations CFTC, CFE CGC et F0 ont exercé leur droit d'opposition respectivement les 10,14 et 15 janvier 2020.
Alors que leurs requêtes à assigner à jour fixe des 29 juillet 2020 et 25 août 2020 ont été refusées, la CFTC a procédé par actes d'huissier, délivrés les 15, 17, 25 et 29 septembre 2020, et a assigné les huit autres membres de la CPPNI aux fins de voir juger que les avenants du 18 décembre 2020 ont été déloyalement négociés et doivent être annulés.
Par conclusions d'incident, signifiées le 18 janvier 2021, l'union nationale des géomètres experts (ci-après UNGE) a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action. L'UNTEC et la CFDT ont conclu aux même fins.
Par ordonnance du 5 octobre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré l'UNGE, l'UNTEC et la CFDT recevables en leur fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité engagée par la fédération CFTC des avenants du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 07 mai 2019 dans sa branche FIIAC et modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC ;
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité engagée par la fédération CFTC contre les deux accords du 19 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC et modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC ;
- condamné la Fédération CFTC aux dépens de l'incident ;
- condamné la CFTC à payer à l'UNGE, l'UNTEC et la CFDT, chacun, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 code de procédure civile🏛 ;
- débouté la CFDT de ses demandes en paiement au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 dirigées contre la fédération FO et le syndicat national CFE CGC ;
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 14 décembre 2021 à 10 h00 (audience dématérialisée) aux fins de conclusions de l'UNGE, l'UNTEC et la CFDT sur la recevabilité et le bien fondé des demandes tendant à voir déclarer valables les oppositions formées contre les accords du 19 décembre 2019.
Par acte du 27 octobre 2021, la fédération CFTC a interjeté appel du jugement du 5 octobre 2021.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats le 17 décembre 2021, la fédération CFTC demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a jugé prescrite l'action en nullité engagée par la CFTC des avenants du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 07 mai 2019 dans la branche FIIAC et modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC, et a condamné la CFTC à payer à l'UNGE, l'UNTEC et la CFDT, chacun, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, et aux entiers dépens,
- déclarer recevable car non prescrite l'action en nullité engagée par la fédération CFTC des avenants du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC et modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC, faute de connaissance du point de départ de l'action, à savoir la date de publication des dits accords sur le site Legifrance,
- déclarer l'UNGE, la CFDT, l'UNTEC de leurs demandes tendant à faire constater que l'action entreprise par la fédération CFTC est prescrite, et tendant par conséquent à la voir déclarer irrecevable dans son action en nullité de l'accord '100% SANTÉ' du 18 décembre 2019 et de l'avenant du 18 décembre 2019 à l'accord de fusion du 7 mai 2019.
- débouter l'UNGE, la CFDT, l'UNTEC de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- condamner, in solidum, l'UNGE, la CFDT, l'UNTEC à payer chacun à la fédération CFTC la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats lmai1 mai 2022, la fédération FO demande à la cour de :
- recevoir la fédération Force Ouvrière en son appel incident et l'en déclarer bien fonder ;
- réformer l'ordonnance du 5 octobre 2021 en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité engagée par la Fédération CFTC contre les deux accords du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 07 mai 2019 dans la branche FIIAC et modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC,
- dire que l'action engagée par la fédération CFTC en annulation de l'avenant du 18 décembre 2019 modifiant les accords relatifs à la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC et de l'avenant du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC est recevable car non prescrite ;
- condamner solidairement l'UNGE, le Syndicat CFDT et l'UNTEC à payer à la fédération F O au paiement de la somme de 5 000 euros, par application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats lmai8 mai 2022, le syndicat national CFE CGC BTP demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge de la mise en état du
tribunal judiciaire de Paris du 5 octobre 2021 ;
- juger recevable car non prescrite l'action en nullité de la Fédération BATI MAT TP CFTC des avenants du 18 décembre 2019 modifiant l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC et modifiant les accords relatifs la mise en place d'un régime frais de santé dans la branche FIIAC,
- débouter l'UNGE, l'UNTEC et le Synatpau CFDT de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner solidairement l'UNGE, l'UNTEC et le SYNATPAU CFDT à payer au Syndicat National CFE-CGC la somme de 4.000 € par application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- les condamner, en outre, aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats lmai8 mai 2022, l'UNGE demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'accord 100 % SANTE du 18 décembre 2019 et l'avenant du 18 décembre 2019 à l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC ;
- débouter la fédération CFTC de toutes ses demandes ;
- débouter la fédération Force Ouvrière Construction de toutes ses demandes ;
- débouter la CFE CGC de ses demandes ;
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamner la fédération CFTC à verser à l'UNGE la somme de 2000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 en première instance ;
- condamner en conséquence in solidum la fédération CFTC, le syndicat FO et la CFE-CGC au versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 au titre de la première instance ;
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 4 000 euros au même titre pour la procédure devant la cour d'appel ;
- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'incident de 1ère instance et d'appel.
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats le 16 février 2022, l'UNTEC demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'avenant 100% santé du 18 décembre 2019 et l'avenant du 18 décembre 2010 à l'accord fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC,
- débouter la fédération Force Ouvrière de toutes ses demandes ;
- débouter le Syndicat CFE CGC de ses demandes ;
- condamner la fédération Force Ouvrière à verser à l'UNTEC la somme de 5 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- condamner le Syndicat CFE CGC à verser à l'UNTEC la somme de 5 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamner la fédération Force Ouvrière et le Syndicat CFE CGC aux entiers dépens.
Par dernières conclusions transmises par le réseau privé et virtuel des avocats le 17 février 2022, la CFDT demande à la cour de :
- donner acte au syndicat concluant de sa nouvelle dénomination sociale Syndicat National Professionnel des Acteurs et Professions de l'Architecture, de l'Urbanisme, du Paysage, de la Maîtrise d'œuvre, du Conseil et de l'Ingénierie ' SYNATPAU, dont le siège social est [Adresse 9] ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'accord 100 % SANTE du 18 décembre 2019 et l'avenant du 18 décembre 2019 à l'accord de fusion volontaire du 7 mai 2019 dans la branche FIIAC ;
- l'infirmer en ce qu'elle a dit qu'il n'apparaissait pas contraire à l'équité de débouter le syndicat concluant de ses demandes formées au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 contre la fédération FO et le Syndicat CFE-CGC ;
En conséquence,
- condamner in solidum les fédérations CFTC, F O et la CFE-CGC à verser à la CFDT la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 pour la procédure de première instance ;
- les condamner, in solidum, à lui verser la somme de 3 600 euros au même titre pour la procédure devant la cour d'appel.
- débouter les Fédérations CFTC, FO et le syndicat CFE-CGC de leurs demandes.
- les condamner aux entiers dépens de l'incident de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'
article 455 du code procédure civile🏛.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de clôture formée par l'UNTEC
L'UNTEC sollicite, par conclusions du 29 juin 2022, la révocation de l'ordonnance de clôture du 20 mai 2022, au motif que la dite ordonnance disait recevable ses conclusions du 29 janvier 2022 mais sans parler de celles du 16 février 2022. Elle sollicite que soit prononcée la révocation de l'ordonnance susvisée et la prise en compte de ses conclusions du 16 février 2022.
Or, la cour rappelle le considérant de l'ordonnance de clôture du 20 mai 2022 du premier président de chambre, statuant sur la demande de la CFTC d'irrecevabilité des conclusions de l'UNTEC du 29 janvier 2022 et d'un renvoi de l'ordonnance de clôture :
' considérant qu'à supposer même que ce courrier constitue des conclusions aux fins d'irrecevabilité, il résulte des conclusions de l'intimé UNTEC (voir notamment pages 11-12 ainsi que le dispositif) que cette dernière répondait à des demandes incidentes pour s'y opposer ; que dès lors il n'y a pas lieu de décider que les conclusions de l'UNTEC signifiées par RPVA le 29 janvier 2022 soient irrecevables '.
Au surplus, si la déclaration d'appel est du 27 octobre 2021, le syndicat appelant n'a déposé, en l'absence de tout avis de fixation, ses conclusions que le 17 janvier 2022 et les conclusions de l'UNTEC, du 29 janvier 2022, sont conformes aux dispositions de l'
article 905-2 du code de procédure civile🏛.
Par ailleurs, la recevabilité des conclusions de l'UNTEC du 29 janvier entraîne, de facto, la recevabilité de celles du 16 février 2022 sans qu'il soit nécessaire de révoquer l'ordonnance de clôture du 20 mai 2022, cette demande de révocation étant sans objet.
Sur la fin de non recevoir
La CFTC, appelante et les deux syndicats intimés, FO et CFE CGC, soutiennent que les trois organisations signataires, l'UNGE, l'UNTEC et la CFDT, ne peuvent justifier d'une date certaine de publication des accords du 18 décembre 2019. Ils indiquent que la date du 1er février 2020, retenue par l'ordonnance du 5 octobre 2021ne repose sur aucun élément certain pas plus que celle indiquée par Legifrance 'en mars 2020". Ils font valoir que la publication d'un accord ne peut faire suite qu'à son dépôt auprès du ministère du travail et non être antérieur à ce dépôt. Ils indiquent que le ministre du travail a étendu les deux accords par
arrêté du 6 novembre 2020 ce qui représente la seule date certaine de publication sur le site Legifrance.
Les organisations intimées, UNGE, UNTEC et CFDT, soutiennent que la première date de publication est celle réalisée sur le bulletin des conventions collectives le 1er février 2020 et que, interrogé par elles, le site Legifrance indique une publication 'courant mars 2020". Elles font valoir que dans tous les cas l'assignation de la CFTC de septembre 2020 est hors délai et ses demandes irrecevables car prescrites. Elles indiquent que les organisations non-signataires avaient été averties le 29 décembre 2019 de la signature des deux accords et qu'elles ont fait opposition à la signature des accords les 10, 14 et 15 janvier 2020.
Sur ce,
L'
article L. 2262-14 du code du travail🏛 dispose que 'toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :
1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;
2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.
Ce délai s'applique sans préjudice des
articles L. 1233-24, L. 1235-7-1 et L. 1237-19-8 du code du travail🏛'.
L'
article L. 2231-5-1 du même code🏛 prévoit quant à lui que 'les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable. Ils sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires. (...)'.
L'
article D. 2231-2 du code du travail🏛 dispose que 'I. - Les conventions et accords de branche et les accords professionnels ou interprofessionnels, ainsi que leurs avenants et annexes, sont déposés par la partie la plus diligente auprès des services du ministre chargé du travail.
Le dépôt est opéré en deux exemplaires, dont une version sur support papier signée des parties et une version sur support électronique.
II. - Les accords de groupe, d'entreprise, d'établissement et interentreprises ainsi que les pièces accompagnant le dépôt prévues aux articles D. 2231-6 et D. 2231-7 sont déposés par le représentant légal du groupe, de l'entreprise ou de l'établissement ou, pour un accord interentreprises, par les représentants légaux de celles-ci. (...)'.
En l'espèce, la cour rappelle qu'il existe deux voies de recours contre des accords ou conventions collectives qu'elles soient de branches ou interprofessionnelles. Il s'agit, d'une part, de la voie de l'opposition ouverte, lorsque la ou les organisations représentatives signataires pour l'un des collèges employeurs ou salariés représentent au moins 30 % des voix sans atteindre la majorité, aux autres organisations représentatives si elles représentent au moins 50% des voix et d'autre part, la voie du recours en annulation, ouverte à l'ensemble des organisations, y compris non représentatives, et à tout salarié concerné.
Les procédures et délais sont différents et non compatibles, la norme juridique de l'un ne pouvant s'appliquer à l'autre.
Ainsi, la date de communication des accords aux organisations signataires ne peut faire courir le délai applicable à la procédure d'annulation.
Par ailleurs, il est constant que les organisations signataires, qui soulèvent la prescription des demandes, ont la charge de la preuve sur la date de publication des accords en litige, étant rappelé qu'elle est différente de la date de dépôt aux services officiels, étant rappelé que ce sont ces derniers qui effectuent le dépôt des accords ou conventions sur le site Legifrance ou au BOCC.
Ainsi, la cour relève que l'article L. 2231-5-1, qui décline les modalités de publication de l'accord mentionnée au 2° de l'article L. 2262-14 précité, se contente d'énoncer que les accords "sont rendus publics et versés dans une base de données' sans préciser ni des modalités de cette publicité, ni de l'organisme assurant le dépôt, étant rappelé que tout accord ou convention de branche ou interprofessionnelle n'est applicable qu'après son arrêté d'extension du ministère du travail.
Il convient d'observer que l'ajout dans ce même texte d'un versement de l'accord "dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable" n'est qu'une modalité complémentaire de publication, qui n'est ni cumulative, ni alternative, ni exclusive et qu'ainsi les prétendues difficultés à retrouver l'accord du 18 décembre 2019 sur le site www.legifrance.gouv.fr dont se prévalent les organisations signataires et les pièces qu'elles produisent n'illustrent pas vraiment une date précise de publication surtout que leur consultation du site de Legifrance est postérieure à l'assignation de la CFTC de septembre 2020.
Ainsi, les dates du 1er février 2020 ou de 'courant mars 2020", ne représentent que les dates de dépôt au BOCC des dits accords sans justifier, a posteriori, leur date de publication.
Surtout que l'article 8 de l'accord de fusion du 7 mai 2019 portant sur les règles de décisions stipule que ' En priorité, le principe est la recherche du consensus.
Les organisations syndicales et patronales doivent constamment exprimer leurs propositions, motiver leurs refus, et formuler leurs contrepropositions.
Dans un deuxième temps, les décisions soumises au vote sont adoptées en tenant compte de la mesure de la représentativité, une décision étant valide aux conditions suivantes :
' elle recueille au moins 30 % de la représentativité par collège, portée par les organisations présentes ou représentées ;
' elle ne fait pas l'objet d'une opposition de plus de 50 % de la représentativité d'un des collèges, portée par les organisations présentes ou représentées.
Dans l'attente de la notification par la direction générale du travail, d'un nouveau calcul de la représentativité dans la branche ou de la nouvelle mesure de représentativité, les décisions sont prises selon la représentativité au sein de chaque branche fusionnée'.
Ainsi, les organisations signataires ne pouvaient, sans porter atteinte aux dispositions de l'accord de fusion du 7 mai 2019, déposer les accords en litige alors qu'ils faisaient l'objet de l'opposition de trois syndicats représentant plus de 50% des voix, leur validité n'étant pas acquise.
En l'espèce, la seule date certaine étant celle de l'arrêté d'extension du ministère du travail du 20 novembre 2020, la cour, infirmant l'ordonnance entreprise, déclare non prescrite et recevable l'action en nullité à l'encontre des deux accords susvisés.
Sur les autres demandes
L'UNGE, l'UNTEC et la CFDT succombant, seront condamnées aux entiers dépens et à payer, chacun, à la fédération CFTC Bati-Mat-TP, la somme de 1500 euros et à la fédération FO Construction et au syndicat national CFE CGC BTP la somme, chacun, de 1 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Rejette la fin de non recevoir ;
Infirme l'ordonnance du
tribunal judiciaire de PARIS du 5 octobre 2021 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare non prescrite et recevable l'action en nullité à l'encontre des deux accords susvisés ;
Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de PARIS pour qu'il en soit statué ;
Condamne l'UNGE, l'UNTEC et le Synatpau CFDT aux entiers dépens ;
Condamne l'UNGE, l'UNTEC et le Synatpau CFDT à payer, chacun, à la fédération CFTC Bati-Mat-TP la somme de 1500 euros et à la fédération FO Construction et au syndicat national CFE CGC BTP la somme, chacun, de 1 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
La Greffière, Le Président,