Jurisprudence : TA Strasbourg, du 19-07-2022, n° 2200653


Références

Tribunal Administratif de Strasbourg

N° 2200653

3ème chambre
lecture du 19 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 1er février 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Gold, représentée par Me Alleki, demande au tribunal :

1°)de prononcer la décharge à hauteur de la somme de 33 500 euros du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2016 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°)d'ordonner la restitution des sommes qu'elle a déjà payées ;

3°)de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

La SAS Gold soutient que :

- c'est à tort que le service a retenu pour le calcul de la marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée un prix d'acquisition nul du terrain en litige ;

- dans le cas d'une revente par lots d'un terrain compris dans un ensemble immobilier acquis pour un prix global, la marge est constituée par la différence entre le prix de vente du lot et son prix de revient, estimé en imputant une fraction du prix d'acquisition global ;

- dans ces conditions, le prix d'acquisition de l'ensemble immobilier, y compris la commission d'intermédiaire et les droits d'enregistrement, étant égal à 411 307 euros et le prix de vente total à 1 105 000 euros, la valeur d'acquisition du terrain est égale à 201 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2022, la directrice régionale des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

La directrice régionale des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Par une lettre du 14 juin 2022, le tribunal a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative🏛, que le jugement à intervenir est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que la demande de restitution des sommes déjà payées est irrecevable en l'absence de litige né et actuel entre le comptable public et la société requérante.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2022, la SAS Gold a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B A ;

- les conclusions de M. Laurent Guth, rapporteur public ;

- et les observations de Me Steinmetz substituant Me Alleki, représentant la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Gold, qui exerce une double activité de société holding d'un groupe informel spécialisé dans le commerce de métaux précieux et de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue au 31 juillet 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a, notamment, réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2016, d'un montant de 33 500 euros en droits, 1 072 euros d'intérêts de retard et 13 400 euros de majoration pour manquement délibéré. La société requérante demande au tribunal de prononcer la décharge de cette imposition.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts🏛 dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010🏛 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code🏛, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts🏛, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010🏛 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts🏛 que, dans le cas de revente par lot d'un immeuble ou d'un terrain à bâtir acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ou du terrain. Il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt.

5. Il résulte de l'instruction que la SAS Gold a acquis, par acte notarié du 11 octobre 2005, un ensemble immobilier situé route de l'hôpital à Strasbourg constitué, d'une part, d'un bâtiment comprenant un local commercial et un appartement de deux pièces au rez-de-chaussée, des appartements de quatre pièces au premier et au second étages et des combles et, d'autre part, le terrain d'assiette de ce bâtiment, d'une superficie d'un are 49 centiares et un terrain à bâtir d'une surface de 2 ares 46 centiares, au prix de 366 000 euros, auquel se sont ajoutés une commission d'intermédiaire de 43 056 euros et des droits d'enregistrement de 2 251 euros, soit un prix de revient de l'ensemble immobilier s'élevant à 411 307 euros. La SAS Gold a cédé les cinq lots inclus dans le bâtiment à différents acquéreurs, entre les 27 octobre 2005 et 20 décembre 2010, pour un prix de vente total de 565 000 euros. La société requérante a, par ailleurs, cédé le terrain à bâtir, d'une superficie de 2 ares 46 centiares, au prix de 540 000 euros à la société 4xC par un acte notarié du 27 février 2016 qui mentionne que ce prix est indiqué " taxe sur la valeur ajoutée sur la marge comprise " et que " le montant de la taxe sur la valeur ajoutée fourni par le vendeur s'élève à 90 000 euros ".

6. Après avoir constaté que la SAS Gold n'avait pas mentionné la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la vente du terrain à bâtir dans sa déclaration CA3 du mois de février 2016, l'administration l'a réclamée à la société pour le montant indiqué dans l'acte de vente. Si la société requérante soutient que la marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée doit être calculée en soustrayant du prix de vente du lot constitué par le terrain à bâtir son prix de revient, estimé en imputant une fraction du prix d'acquisition global, il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de l'acte notarié du 27 février 2016, qu'elle a fait le choix de retenir, pour estimer le prix de revient du terrain, une valeur nulle correspondant à sa valeur dans sa comptabilité. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que le choix de cette méthode de calcul, qui incombait à la contribuable, constitue une décision de gestion qui lui est opposable. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration lui a réclamé la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à hauteur du montant qu'elle avait elle-même déterminé.

7. Au demeurant, aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts🏛 : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. ". Cette disposition permet à l'administration d'appréhender entre les mains de celui qui l'a facturée le montant de la taxe qui est ainsi mentionné et qui est dû au Trésor de ce seul fait. La mention, dans un acte authentique de cession d'un immeuble, d'un prix de vente comprenant la taxe sur la valeur ajoutée, équivaut à la facturation de cette taxe.

8. Par suite, la seule mention de la taxe sur la valeur ajoutée dans l'acte notarié du 27 février 2016 pour un montant de 90 000 euros suffisait à rendre la SAS Gold redevable de cette taxe, sans que celle-ci puisse utilement critiquer son bien-fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2016 ainsi, qu'en tout état de cause, des pénalités y afférentes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin de restitution des sommes versées et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ne peuvent qu'être rejetée.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la SAS Gold est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Gold et à la directrice régionale des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Claude Carrier, président,

M. Christophe Michel, premier conseiller,

M. Arnaud Blusseau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.

Le rapporteur,

C. A

Le président,

C. CARRIER

Le greffier,

S. PILLET

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Strasbourg, le

Le greffier,

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