N° A 22-83.003 F-D
N° 01111
GM
12 JUILLET 2022
DECHEANCE
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JUILLET 2022
M. [N] [I], d'une part, MM. [P] [Z], [Y] [Z], [K] [Z] et Mme [X] [Z], parties civiles, d'autre part, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la
cour d'appel de Grenoble, en date du 31 mars 2022, qui, dans l'information suivie, sur la plainte des consorts [Z] contre, notamment, le premier, des chefs d'homicide involontaire et d'abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne, a déclaré irrecevable l'appel formé par M. [I] et confirmé, pour partie, le non-lieu partiel ordonné par le juge d'instruction.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs parties civiles, a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations du cabinet Le Prado Gilbert, avocat des consorts [Z], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. [B] [Z] et [J] [Z] sont décédés dans un accident de la circulation provoqué le [Date décès 1] 2019 par M. [D] [F], qui a été condamné le surlendemain, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, à 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pour homicide et blessures involontaires aggravés, mise en danger de la vie d'autrui et défaut de maîtrise.
3. Le 19 août 2019, les enfants des défunts, MM. [P] [Z], [Y] [Z], [K] [Z] et Mme [X] [Z], ont porté plainte et se sont constitués partie civile, des chefs d'homicide involontaire et abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne.
4. Cette plainte visait le comportement de quatre collègues de M. [F], gendarme, qui avaient passé avec ce dernier tout ou partie de l'après-midi au cours de laquelle il s'était alcoolisé, avant de prendre le volant.
5. L'inspection générale de la gendarmerie nationale a été saisie sur commission rogatoire pour, notamment, évaluer la consommation d'alcool des protagonistes, le degré de connaissance par chacun de l'état d'ébriété de M. [F], et les mesures éventuellement prises pour dissuader ce dernier de prendre le volant.
6. Courant février 2021, MM. [E] [A], [N] [I], [S] [V] et Mme [Aa] [Ab], ont été mis en examen du chef d'abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne.
7. Le 12 août 2021, le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire, renvoyé MM. [A], [I] et Mme [Ab] devant le tribunal correctionnel du chef d'abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne, et dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Ac] de ce dernier chef.
8. Les parties civiles et M. [Ad] ont relevé appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par M. [I]
9. M. [Ad] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'
article 590-1 du code de procédure pénale🏛.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens
10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre Mme [Aa] [Ab], M. [Ae] [Ad] et M. [S] [V] du chef d'homicide involontaire, alors « que selon l'
article 121-3, alinéa 3, du code pénal🏛, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que selon l'
article 121-3, alinéa 4, du même code🏛, dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que selon l'
article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure🏛, « lorsque les circonstances le requièrent, le policier ou le gendarme, même lorsqu'il n'est pas en service, intervient de sa propre initiative, avec les moyens dont il dispose, notamment pour porter assistance aux personnes en danger » ; qu'il résulte de ces dispositions une obligation propre au militaire de la gendarmerie et au fonctionnaire de police de sécurité « même lorsqu'il n'est pas en service » ; que les exposants faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que M. [Ac], Mme [Ab], M. [A] et M. [Ad] avaient violé de façon manifestement délibérée l'obligation que leur impose l'
article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure🏛 ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef d'homicide involontaire à l'encontre de Mme [Ab], M. [Ad] et M. [Ac], la chambre de l'instruction s'est bornée à constater l'absence d'une faute caractérisée sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ces derniers ne s'étaient pas rendus coupables d'une faute délibérée ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des
articles 121-3 et 221-6 du code pénal🏛, ensemble l'
article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure🏛. »
Réponse de la Cour
12. Pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef d'homicide involontaire contre Mme [Ab], M. [Ad] et M. [V], l'arrêt attaqué analyse, pour chacune de ces trois personnes, la connaissance du degré d'alcoolisation de M. [F] et de l'installation de ce dernier au volant d'un véhicule automobile pour quitter les lieux qui peut être déduite de leur comportement au cours de l'après-midi qui a précédé l'accident.
13. Les juges observent que M. [Ad] n'a été présent qu'une partie de l'après-midi et a quitté le groupe avant que M. [F] ne prenne le volant, que Mme [Ab], absente une partie de l'après-midi, est également repartie avant la dislocation du groupe, et que M. [Ac] n'a été présent que la dernière demi-heure et n'a donc pas assisté à la majeure partie des consommations d'alcool.
14. Ils déduisent de ces éléments qu'aucune faute caractérisée n'est constituée à l'encontre des intéressés.
15. En prononçant ainsi, et dès lors que les dispositions de l'
article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure🏛, formulées de façon générale, ne constituent pas une obligation particulière de prudence et de sécurité au sens de l'
article 121-3 du code pénal🏛, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de suivre les parties civiles dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision.
16. Ainsi, le moyen doit être écarté.
17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [N] [I] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les pourvois formés par MM. [P] [Z], [Y] [Z], [K] [Z] et Mme [X] [Z] :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juillet deux mille vingt-deux.