Jurisprudence : CA Paris, 1, 8, 18-02-2022, n° 20/16331, Confirmation

CA Paris, 1, 8, 18-02-2022, n° 20/16331, Confirmation

A54427NU

Référence

CA Paris, 1, 8, 18-02-2022, n° 20/16331, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/79198460-ca-paris-1-8-18-02-2022-n-20-16331-confirmation
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRET DU 18 FEVRIER 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16331 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUN6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de PARIS - RG n° 20/54799


APPELANTE

S.A.S. LES MANDATAIRES en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ DOCTEURSECU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

50 rue Sylvabelle

13006 MARSEILLE

Représentée par Me Alizée BARBIER, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Marine DA CUNHA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

19 rue de Paris CS 50070

CS 50070

93013 BOBIGNY

Représentée par Me Audrey UZEL de la SELARL KOS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

4 rue Léon Jost

75017 PARIS

Représenté et assisté par Me Jérôme CAYOL de la B B C X Y & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R109 CAISSE NATIONALE DE L'ASSURANCE MALADIE - CNAM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

50 Avenue du Professeur Lemierre

75020 PARIS

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Thomas LAMBARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L106

FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

255 rue de Vaugirard

75015 PARIS

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée par Me Charlotte PARDERO, sustituant Me Patrick MAISONNEUVE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1568

DR. ANSAY Z GMBH

Hartungstrasse 14

20146 Hambourg / ALLEMAGNE

Défaillant - Demande de signification de la déclaration d'appel transmise à un autre Etat membre le 09/02/2020, en application du réglement (CE) n°1393/2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 janvier 2022, en audience publique, Rachel LE COTTY, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Florence LAGEM], Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Bérengère DOLBEAU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

- PAR DEFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEM, Président et par Marie GOIN, Greffier.

La société Docteursecu a été créée en août 2019. Elle proposait un service de téléconsultations médicales via son site internet www.docteursecu.fr.

Le site www.arretmaladie.fr, édité par la société de droit allemand Dr Ab Z, avait pour objet de mettre en relation des personnes souhaitant obtenir un arrêt maladie en ligne et des médecins via des plateformes de téléconsultation.

Lors de la création de ce site en France, en janvier 2020, il renvoyait le patient vers la plateforme de téléconsultations www.docteursecu.fr, qui permettait la mise en relation avec un médecin.

Estimant que les sociétés éditrices de ces sites faisaient la promotion d'un service de délivrance automatique d'arrêts maladie par téléconsultation remboursée par l'assurance maladie, se rendant coupables de pratiques commerciales trompeuses, et que l'activité des sites participait à la méconnaissance par les médecins de leurs obligations déontologiques, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) ont, par actes des 24 et 27 janvier 2020, assigné la société Dr Ab Z et la société Docteursecu devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour voir ordonner la fermeture immédiate desdits sites.

La Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) sont intervenues volontairement à l'instance.

Par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris, statuant en état de référé, a :

* reçu la FNMF et la CCMSA en leurs interventions volontaires ;

* rejeté la demande de la société Docteursecu tendant à voir écarter des débats le procès-verbal de constat de Maître Cherki, huissier de justice, du 5 janvier 2020 ;

* dit n'y avoir lieu à renvoi devant le juge du fond dans les conditions de l'article 837 du code

de procédure civile ;

* ordonné à la société Dr. Ab Z de procéder à la fermeture définitive du site

arretmaladie.fr dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement, puis

sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de quatre mois en

cas d'inexécution ;

* ordonné à la société Docteursecu de procéder à la fermeture définitive du site docteursecu.fr

dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de

3.000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de quatre mois en cas d'inexécution ; * dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus ;

* dit n'y avoir lieu à publication de la décision ;

* condamné in solidum la société Dr. Ab Z et la société Docteursecu à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 euros à la

CCMSA, la somme de 10.000 euros à la CNAM, la somme de 10.000 euros au CNOM, la

somme de 1.500 euros à la FNMF ;

* condamné in solidum la société Dr. Ab Z et la société Docteursecu aux dépens.

Par déclaration du 12 novembre 2020, la société Docteursecu a interjeté appel de cette décision.

Sa demande de suspension de l'exécution provisoire a été rejetée par ordonnance du premier président du 15 avril 2021.

Les deux sociétés Docteursecu et Dr Ab Z ont procédé à la fermeture de leurs sites respectifs en exécution du jugement.


Par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 9 septembre 2021, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Docteursecu.

Par conclusions du 14 décembre 2021, le liquidateur judiciaire, la société Les Mandataires, a repris l'instance.


Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 décembre 2021, la société Docteursecu, représentée par son liquidateur, demande à la cour de :

A titre liminaire,

* annuler la décision entreprise en ce qu'elle a :

*juger qu'il existait un lien suffisant permettant de lier à la même instance les deux

sociétés ;

*admis le procès-verbal d'huissier alors qu'il aurait dû faire l'objet d'une mise a l'écart ; *prononcé des sanctions manifestement disproportionnées par rapport au but poursuivi

*prononcé des sanctions définitives excédant manifestement sa compétence ;

* infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

*lui a ordonné de procéder à la fermeture définitive du site docteursecu.fr dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 3.000

euros par jour de retard pendant un délai maximal de quatre mois en cas d'inexécution

*l'a condamnée in solidum avec la société Dr. Ansay Au-Schein au paiement de

diverses indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et

aux dépens ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

* constater qu'elle ne dispose plus d'assistants médicaux depuis août 2020 et qu'en outre, ces

derniers n'avaient pas pour effet d'influencer la relation entre les patients et les médecins ;

* constater qu'elle respecte les critères posés par l'avenant n°6 en ce qu'elle indique bien aux

patients que la téléconsultation ne sera pas remboursée lorsqu'ils ne respectent pas les critères du parcours de soins et que par ailleurs ce critère de territorialité ne concerne qu'un des cas de recours à la téléconsultation sur les trois cas possibles ;

* constater qu'elle héberge bien ses données de santé auprès des hébergeurs agréés et que seul

son nom de domaine est hébergé chez Infomaniak ;

Par conséquent,

* juger qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite ni de dommage imminent ;

* rejeter l'ensemble des demandes de la CNAM, la CCMSA ainsi que de la FNMF ;

A titre subsidiaire,

* limiter toute condamnation envers elle à une injonction de modification ou rectification de son site sous astreinte ;

En tout état de cause,

* condamner la CNAM et le CNOM, solidairement avec les intervenants volontaires, à lui

payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner la CNAM et le CNOM, solidairement avec les intervenants volontaires, aux

entiers dépens d'instance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 décembre 2021, le CNOM demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris ;

En conséquence,

* rejeter l'ensemble des demandes de la société Docteursecu ;

* fixer la somme due par le liquidateur de la société Docteursecu, la société Les Mandataires, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à 8.000 euros ;

* dire que les dépens de l'instance incomberont à la société Docteursecu représentée par son

liquidateur, la société Les Mandataires ;

* dire et juger que les frais irrépétibles et les dépens seront inscrits comme des frais privilégiés au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Docteursecu.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 janvier 2022, la CNAM demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

* débouter la société Docteursecu de l'ensemble de ses demandes ;

* condamner la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur de la société Docteursecu, à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur de la société Docteursecu,

aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de la Selarl BDL Avocats

conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

* juger que les frais irrépétibles et les dépens seront inscrits en tant que frais privilégiés au

passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Docteursecu.

La FNMF et la CCMSA, intervenantes volontaires en première instance, ont conclu à la confirmation du jugement en s'associant aux moyens et prétentions de la CNAM.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 décembre 2021, la FNMF demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

* débouter la société Docteursecu de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

* condamner la société Docteursecu à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

* condamner la société Docteursecu aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 janvier 2022, la CCMSA demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

* débouter la société Docteursecu de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

* fixer la somme due par le liquidateur de la société Docteursecu, la société Les Mandataires,

au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à 5.000 euros ;

* dire que les dépens de l'instance incomberont à la société Docteursecu représentée par son

liquidateur, la société Les Mandataires ;

* dire que les frais irrépétibles et les dépens seront inscrits comme des frais privilégiés au

passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Docteursecu.

La société Dr Ab Z (société Dr Ansay), à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.


SUR CE, LA COUR,

I - Sur la demande d'annulation de la décision entreprise

Sur la demande d'annulation de la décision entreprise en ce qu'elle rejette la demande de disjonction d'instance

La société Docteursecu reproche aux premiers juges de ne pas avoir accueilli sa demande de disjonction d'instance alors qu'il n'existerait aucun lien entre elle et la société Dr Ansay justifiant que les deux sociétés soient jugées ensemble.

Elle soutient qu'elle n'a eu aucun accord commercial ni partenariat avec la société Dr Ab et que, si l'ensemble des griefs formulés par la CNAM et le CNOM sont bien justifiés en ce qu'ils concernent le site www.arretmaladie.fr, aucun grief ne peut lui être reproché à elle.

Elle ajoute que, contrairement à la société Dr Ab, elle n'a jamais proposé la délivrance automatique d'arrêts maladie et elle a seulement été victime de redirections non consenties depuis le site www.arretmaladie.fr sur son site, qu'elle a rapidement fait supprimer.

Cependant, il résulte de l'article 368 du code de procédure civile que les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire, par conséquent insusceptibles de recours.

La demande d'annulation de la décision entreprise pour absence de disjonction ne saurait donc être accueillie.

En toute hypothèse, il existait bien, entre les deux sociétés, un lien tel qu'il était de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble dès lors qu'il n'est pas contesté que, lors de la mise en ligne du site www.arretmaladie.fr, un lien de redirection des patients vers le site www.docteursecu.fr existait, permettant la mise en relation avec un médecin. Ainsi, au moins dans un premier temps, le site www.docteursecu.fr a servi de plateforme de téléconsultation au site arretmaladie.fr.

Contrairement à ce que soutient la société Docteursecu, un partenariat a bien existé entre les deux sociétés puisque celle-ci en faisait elle-même état dans un communiqué de presse du 5 janvier 2020, évoquant sa participation à une « expérimentation » avec la société Dr Ansay, « sans accord commercial ni juridique ».

Sur la demande d'annulation de la décision pour admission du procès-verbal de constat d'huissier du 5 janvier 2020

La société Docteursecu reproche aux premiers juges de ne pas avoir écarté le procès-verbal de constat d'huissier du 5 janvier 2020 alors que, contrairement à ses énonciations, le tiers ayant assisté l'huissier ne se tenait pas à ses côtés mais était à l'étranger, un décalage horaire de huit heures apparaissant sur les captures d'écran de l'intéressé, un certain M. Ac, qui résiderait au Canada selon ses recherches sur internet. En conséquence, l'huissier aurait manqué à ses obligations en faisant le constat de faits qu'il n'aurait pu observer lui-même.

L'appelante soutient également que M. Ac, qui a assisté l'huissier, n'était pas indépendant de la requérante, la CNAM, en raison de son affiliation à l'assurance maladie. Le procès-verbal aurait donc été établi en violation de l'article 6, 8 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Elle fait encore valoir que les constatations obtenues l'ont été de manière déloyale, par la méthode du tiers acheteur, laquelle peut certes être utilisée en matière commerciale mais non en matière médicale, une personne ne pouvant s'inventer de faux symptômes et adapter son discours afin de piéger un médecin.

Cependant, le refus des premiers juges d'écarter des débats un procès-verbal de constat d'huissier n'est pas une cause de nullité de leur décision et ne peut, le cas échéant, que conduire à l'infirmation de leur décision.

En tout état de cause, le seul constat d'un décalage horaire sur les courriels envoyés et reçus sur la messagerie de M. Ac ne saurait suffire à établir l'existence d'un faux de l'huissier quant à la présence de celui-ci à ses côtés, alors que la capture d'écran du téléphone portable de M. Ac, qui a échangé des SMS avec le médecin démontre au contraire qu'il se trouvait en France. En effet, le numéro de téléphone qui s'affiche est français et non canadien et l'heure qui apparaît sur le téléphone est la même heure que celle apparaissant sur l'ordinateur de l'huissier.

Quant à la nationalité de M. Ac et sa présence au Canada au moment du constat de l'huissier, il s'agit de pures hypothèses qui ne sont étayées par aucune pièce.

En outre, l'appelante, qui soutient avoir déposé une plainte pour faux, n'en justifie pas.

L'affiliation de M. Ac à l'assurance maladie est sans incidence sur son indépendance à l'égard de la CNAM, sauf à considérer que toute personne résidant et travaillant en France, par conséquent affiliée au régime de sécurité sociale, aurait un lien particulier avec cette dernière.

Enfin, la circonstance que l'huissier ait eu recours à un tiers, qui a sollicité une téléconsultation avec un médecin en faisant état de symptômes, n'entache pas le procès-verbal d'irrégularité dès lors qu'aucun procédé illégal n'est constaté, la conversation téléphonique avec le médecin n'ayant, notamment, pas été enregistrée.

La cour relève, d'une part, que cette façon de procéder était l'unique moyen de décrire le fonctionnement du site, d'autre part, que ce moyen de preuve a été soumis à la discussion contradictoire des parties.

Aucune irrégularité du procès-verbal ne peut donc être constatée qui justifierait qu'il soit écarté des débats.

Sur la demande d'annulation de la décision au motif qu'elle aurait prononcé des sanctions disproportionnées ou définitives excédant les pouvoirs du juge des référés

L'existence de mesures disproportionnées ou excédant les pouvoirs du juge des référés n'est pas une cause de nullité de la décision de première instance mais peut, le cas échéant, conduire à son infirmation, ainsi qu'il sera vu ci-après, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, devant statuer sur les mesures propres à mettre fin au trouble manifestement illicite lorsqu'il est caractérisé et, par suite, vérifier leur caractère adapté et proportionné.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la demande d'annulation de la décision entreprise sera rejetée.

II - Sur la demande d'infirmation de la décision

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'existence d'un trouble manifestement illicite s'apprécie au moment où le juge statue.

Aux termes de l'article L. 6316-1 du code de la santé publique, la télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients.

L'activité de télémédecine mise en oeuvre par la société Docteursecu n'est donc pas en elle-même illégale. Il est même relevé que cette pratique est encouragée par les derniers avenants à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016, à savoir les avenants n° 6 du 14 juin 2018 et n° 8 du 11 mars 2020.

Pour autant, la télémédecine ne peut s'exercer régulièrement que dans le respect de la déontologie propre à cette profession, des règles d'organisation territoriale de la médecine et des dispositions relatives à la protection des données de santé.

Sur la participation alléguée du site docteursecu.fr à la méconnaissance par les médecins de leurs obligations déontologiques

La CNAM et le CNOM invoquent notamment, au titre des manquements de la société Docteursecu à ses obligations, le recours à des assistants médicaux non habilités à pratiquer la médecine en France et qui effectuaient des pré-consultations.

Selon eux, la pré-consultation organisée par des assistants médicaux, en amont de la téléconsultation , était de nature à influer sur l'indépendance professionnelle du médecin consulté in fine et elle pouvait être qualifiée d'exercice illégal de la médecine, prévu et réprimé par l'article L. 4161-1, 1°, du code de la santé publique.

Ce texte dispose qu'exerce illégalement la médecine toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5.

Par ailleurs, selon l'article R. 4127-5 du code de la santé publique, le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.

Cependant, en l'espèce, il n'est pas établi que les assistants médicaux, qui assistaient l'usager du site dans sa navigation et l'aidaient, le cas échéant, à remplir le questionnaire médical, aient influé sur la décision du médecin ou pris part à l'établissement d'un diagnostic, aucun des éléments du procès-verbal de constat produit ne permettant de l'établir.

Si la mention « Dr » figurant initialement sur le site, en face du nom de l'assistant, était de nature à induire en erreur, alors que les intéressés étaient des professionnels de santé étrangers non habilités à pratiquer la médecine en France, il est constant que cette mention a été supprimée en cours d'instance et avait disparu à la date à laquelle les premiers juges ont statué.

Le recours aux assistants médicaux n'étant pas en soi illégal, le trouble allégué n'est pas caractérisé avec l'évidence requise en référé et ce, que cette pratique ait ou non été supprimée au jour de la décision des premiers juges, comme le soutient l'appelante sans l'établir.

La CNAM et le CNOM invoquent également la violation par la société Docteursecu du principe de libre choix du médecin par le patient, garanti par l'article R. 4127-6 du code de la santé publique, au motif que seuls cinq médecins étaient proposés sur le site et un seul disponible le jour de la consultation (lors du procès-verbal de constat du 5 janvier 2020).

L'article R. 4127-6 du code de la santé publique dispose que le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin.

Cependant, la circonstance qu'un seul praticien soit disponible un dimanche soir à 21 heures n'est pas de nature à méconnaître le principe de libre choix du médecin, qui ne peut s'appliquer par définition à toute heure du jour et de la nuit. Par ailleurs, cinq praticiens étaient disponibles sur le site, ce qui permettait au patient de choisir l'un d'eux ou, à défaut, de renoncer à la téléconsultation.

Aucune méconnaissance du principe de libre choix ne peut donc être constatée.

La CNAM et le CNOM arguent encore de la méconnaissance, par le site docteursecu.fr, de l'interdiction du partage d'honoraires et du principe de paiement direct du médecin par le patient, le fonctionnement du site prévoyant le règlement des honoraires avant la téléconsultation et à la société, non au médecin, alors que les honoraires du médecin ne peuvent être réclamés qu'après la consultation et directement entre les mains du médecin.

Mais, comme l'ont relevé les premiers juges, l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, qui dispose qu'« il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de la profession de recevoir, en vertu d'une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l'activité professionnelle d'un membre de l'une des professions régies par le présent livre », précise expressément que « cette disposition ne s'applique pas à l'activité de télémédecine telle que définie à l'article L. 6316-1 ».

L'interdiction du partage d'honoraires ne s'applique donc pas à la télémédecine.

En revanche, l'article R. 4127-53, alinéa 2, du code de la santé publique dispose que les honoraires du médecin « ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués même s'ils relèvent de la télémédecine ».

Il en résulte que les honoraires du médecin ne peuvent être réclamés qu'une fois la prestation réalisée, y compris en cas de téléconsultation.

Or, en l'espèce, lors du procès-verbal de constat du 5 janvier 2020, les honoraires ont été payés avant la téléconsultation, méconnaissant donc le principe du paiement postérieur à l'acte.

La société Docteursecu objecte qu'elle n'est pas soumise au respect de la déontologie médicale, seuls les médecins l'étant. Mais, ainsi que le soutient la CNAM, le fonctionnement de son site participait à la méconnaissance par les médecins de leurs obligations déontologiques.

En outre, comme le souligne le CNOM, bien que la société Docteursecu ne soit pas soumise elle-même à la déontologie médicale, la méconnaissance par elle des règles déontologiques de la profession de médecin était constitutive de concurrence déloyale à l'égard de l'ensemble des médecins soumis à ces obligations. Or, les actes de concurrence déloyale constituent un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés peut ordonner qu'il soit mis fin.

Le trouble manifestement illicite est donc à cet égard caractérisé.

Sur la mise en oeuvre alléguée d'un procédé de téléconsultation hors cadre d'une organisation territoriale en méconnaissance des avenants n° 6 et 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins et l'assurance maladie du 25 août 2016

Selon la CNAM et le CNOM, la téléconsultation doit reposer sur une organisation territoriale et constituer la prolongation d'une activité physique exercée par des praticiens au sein d'un territoire identifié, ce principe, qui résulte des avenants n° 6 et 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016, ayant été confirmé par le Conseil d'Etat dans une décision du 29 mai 2019 ainsi que par les décisions récentes du CNOM. Le critère de l'organisation territoriale ne constituerait pas une condition de remboursabilité de la téléconsultation mais une condition de régularité du dispositif de téléconsultation proposé.

Selon l'appelante, le critère de territorialité ne s'applique pas à toutes les situations de recours à la téléconsultation mais uniquement à des situations dérogeant au parcours de soins coordonnés et, en toute hypothèse, ce critère n'est posé que comme condition de remboursabilité de la téléconsultation. Or, elle soutient avoir informé les patients utilisant son site qu'en l'absence de respect de ce principe, la téléconsultation ne serait pas remboursée.

L'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016 a été approuvé par arrêté du 1er août 2018.

Il a créé un article 28.6.1.1. intitulé « Champ d'application de la téléconsultation », qui dispose notamment que :

« Principe

Les téléconsultations s'inscrivent dans le respect du parcours de soins coordonné, tel que défini dans la présente convention.

Ainsi, pour pouvoir ouvrir droit à la facturation à l'Assurance maladie, les patients bénéficiant d'une téléconsultation doivent être :

- orientés initialement par leur médecin traitant, dans les conditions définies à l'article 18.1 de la convention,

quand la téléconsultation n'est pas réalisée avec ce dernier ;

- connus du médecin téléconsultant, c'est-à-dire ayant bénéficié au moins d'une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents, avant toute facturation de téléconsultation, afin que celui-ci puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d'un suivi médical de qualité.

Dans le cadre du suivi régulier des patients, le recours à la téléconsultation s'effectue en alternance avec des consultations dites « en présentiel », au regard des besoins du patient et de l'appréciation du médecin, conformément aux dispositions du présent article.

Exceptions

Les exceptions au parcours de soins définies à l'article 17 de la présente convention s'appliquent aux téléconsultations :

- patients âgés de moins de 16 ans ;

- accès direct spécifique pour certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie).

En outre, l'exigence de respect du parcours de soins coordonné ne s'applique pas aux patients, dès lors qu'ils sont dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

- ne disposent pas de médecin traitant désigné ;

- ou dont le médecin traitant n'est pas disponible dans le délai compatible avec leur état de santé.

Dans ces deux dernières situations, le médecin téléconsultant de premier recours n'a pas nécessairement à être connu du patient (exception au principe de connaissance préalable du patient par le médecin téléconsultant défini dans le présent article). Le recours aux téléconsultations est assuré dans le cadre d'une organisation territoriale dans les conditions définies à l'article 28.6.1.2 ».

Il résulte de ces stipulations que, pour ouvrir droit à la facturation à l'assurance maladie, les téléconsultations doivent s'inscrire dans le respect du parcours de soins coordonnés, et que, par exception, il est possible de déroger au parcours de soins coordonnés, notamment lorsque les patients ne disposent pas de médecin traitant désigné ou que celui-ci n'est pas disponible immédiatement. Mais, dans ces circonstances dérogatoires, « le recours aux téléconsultations est assuré dans le cadre d'une organisation territoriale dans les conditions définies à l'article 28.6.1.2 ».

L'article 28.6.1.2 de la Convention, créé par l'avenant n° 6 et intitulé « la mise en place d'organisations territoriales pour le recours aux téléconsultations sans orientation par le médecin traitant » dispose que :

« Dans les situations dérogatoires au parcours de soins coordonné, telles que définies au dernier alinéa de l'article 28.6.1.1, les partenaires conventionnels s'engagent à accompagner la mise en place et la promotion d'organisations territoriales coordonnées.

Ces organisations doivent permettre aux patients :

- d'être pris en charge rapidement compte tenu de leurs besoins en soins ;

- d'accéder à un médecin, par le biais notamment de la téléconsultation, compte tenu de leur éloignement des offreurs de soins ;

- d'être en mesure dans un second temps de désigner un médecin traitant pour leur suivi au long cours et réintégrer ainsi le parcours de soins.

Il peut s'agir de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), d'équipes de soins primaires (ESP), de maisons de santé pluri-professionnelles (MSP), de centres de santé (CDS) ou de toute organisation territoriale qui se proposent notamment d'organiser une réponse en télémédecine de manière coordonnée et ouverte à tous les professionnels de santé du territoire.

Dans ce dernier cas, la commission paritaire locale (CPL) ou régionale (CPR) saisie, valide l'organisation proposée afin de vérifier si celle-ci répond à l'organisation territoriale souhaitée par les partenaires conventionnels dans le cadre des téléconsultations.

Les téléconsultations réalisées dans ce cadre doivent répondre aux conditions définies aux articles 28.6.1 et suivants de la présente convention ».

Il se déduit de ces dispositions, bien qu'affectées d'imprécisions, comme l'a relevé le Conseil d'Etat dans sa décision du 29 mai 2019 (n° 429188, Association Digisanté et autre), que le domaine de la téléconsultation repose sur une organisation territoriale et qu'elle ne peut être d'ampleur nationale. Elle doit être fondée, même dans le cas régi par le point 28.6.1.2 où il est dérogé au principe de téléconsultation par le médecin traitant, sur une organisation locale composée essentiellement de praticiens procédant à des consultations physiques, sans que puisse être exclu entièrement le recours à d'autres praticiens ou spécialistes installés hors du territoire concerné. La téléconsultation ne peut, dans la perspective de la convention, qu'être délivrée accessoirement à une activité principale de consultation réelle, pour suppléer notamment à l'absence de praticiens, ou à la difficulté du patient de se déplacer. Si elle peut, à titre dérogatoire, concerner des patients sans médecin référent, c'est dans la perspective qu'ils puissent en trouver un, et donc principalement au bénéfice de patients domiciliés dans le territoire concerné.

En l'espèce, l'organisation prévue par la société Docteursecu ne constituait pas la prolongation d'une activité physique exercée par des praticiens au sein d'un territoire identifié et le site était accessible depuis l'ensemble du territoire français, sans qu'il ne soit demandé aux utilisateurs de renseigner leur adresse. Elle ne répondait donc pas aux objectifs et aux limites qui découlent de la convention.

L'appelante soutient s'être lancée dans une campagne de création d'organisations territoriales de santé, afin de se conformer à ces objectifs, mais elle ne produit aucun élément sur la création effective de structures locales partenaires.

Elle soutient encore que la condition d'organisation territoriale est supprimée en cas d'urgence mais le site n'a jamais précisé que la situation d'urgence était une condition de mise en relation avec ses médecins. Il résulte au contraire du procès-verbal de constat produit que le dispositif était proposé sans aucune condition.

En l'absence d'exercice dans le cadre d'une organisation territoriale, les téléconsultations délivrées sur le site docteursecu.fr ne pouvaient donner lieu à une quelconque prise en charge par l'assurance maladie - sauf consultation du médecin traitant, ce qui relevait de l'exception au regard du faible nombre de médecins disponibles.

La société Docteursecu ne pouvait dès lors indiquer au patient sur son site : « ma téléconsultation peut être remboursée », ou : « la prise en charge dépend de votre situation dans le parcours de soins coordonnés » (ce qui résulte du procès-verbal de constat établi à sa requête le 7 mai 2020), alors que tout remboursement était par principe et sauf circonstance exceptionnelle exclu.

Elle ne pouvait davantage mentionner, lors de la prise de rendez-vous et du paiement, « téléconsultation adulte remboursable - 25 euros » (ce qui apparaît sur le procès-verbal de constat du 5 janvier 2020), alors qu'aucun remboursement n'était possible.

Ces mentions étaient de nature à induire les patients en erreur en les laissant croire, à tort, que la consultation serait nécessairement remboursée ou, à tout le moins, qu'elle le serait sous les conditions habituelles de remboursement par l'assurance maladie.

Il convient d'ajouter que, lors du procès-verbal de constat du 5 janvier 2020, le médecin consulté a établi une feuille de soins en méconnaissance de l'article 66 de la convention médicale qui exclut toute feuille de soins pour des actes ou prestations non remboursables par l'assurance maladie.

Le trouble manifestement illicite allégué est donc établi.

Sur la méconnaissance alléguée des règles encadrant l'hébergement des données de santé

Aux termes de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique :

« I.-Toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l'occasion d'activités de prévention, de diagnostic, de soins ou de suivi social et médico-social, pour le compte de personnes physiques ou morales à l'origine de la production ou du recueil de ces données ou pour le compte du patient lui-même, réalise cet hébergement dans les conditions prévues au présent article.

L'hébergement, quel qu'en soit le support, papier ou numérique, est réalisé après que la personne prise en charge en a été dûment informée et sauf opposition pour un motif légitime.

La prestation d'hébergement de données de santé à caractère personnel fait l'objet d'un contrat.

Il.-L'hébergeur de données mentionnées au premier alinéa du I sur support numérique est titulaire d'un certificat de conformité. S'il conserve des données dans le cadre d'un service d'archivage électronique, il est soumis aux dispositions du III.

Ce certificat est délivré par des organismes de certification accrédités par l'instance française d'accréditation ou l'instance nationale d'accréditation d'un autre Etat membre de l'Union européenne mentionnée à l'article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

Les conditions de délivrance de ce certificat sont fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et des conseils nationaux de l'ordre des professions de santé. [...] »

Il résulte de ces dispositions que les données de santé à caractère personnel doivent être hébergées auprès d'un hébergeur certifié.

Il est constant que sur le site docteursecu.fr, les utilisateurs étaient invités à renseigner de nombreux éléments relatifs à leur état de santé et leurs antécédents médicaux.

L'appelante soutient que, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges et est soutenu par les intimés, l'ensemble des données de santé étaient conservées par la société Amazon Web Services, hébergeur certifié, et le questionnaire médical était hébergé chez Google, qui est également ag13é.

Elle précise que seul le nom de domaine était hébergé par la société Informaniak Network, hébergeur non agréé.

La cour relève qu'il résulte du document intitulé « architecture technique » qu'elle produit, en date du 13 octobre 2019, que « le site web wwwdocteursecu.fr » est hébergé chez Informaniak en Suisse et qu' « afin de respecter la réglementation en matière de données de santé, le serveur est hébergé par Amazon Web Services qui est agréé hébergeur de données de santé ».

Ce document technique, qui a été établi par la société Docteursecu elle-même, n'est pas étayé de pièces provenant de l'hébergeur et permettant de confirmer cette architecture.

Ainsi que le constatent les intimés, l'appelante aurait pu produire une attestation d'un hébergeur certifié confirmant l'hébergement des données de santé collectées auprès de lui, ce qu'elle ne fait pas, alors même que, dans ses conclusions, elle expose qu'elle « peut justifier héberger sur des serveurs agréés l'ensemble des données qu'elle collecte ».

En outre, la facture établie par la société Google en janvier 2020 pour un montant de 5,43 euros ne démontre aucunement l'hébergement de données, et notamment du questionnaire de santé, par Google Cloud, les prestations auxquelles elle correspond n'étant pas mentionnées.

La circonstance que ce questionnaire ait été créé sur Google Forms, logiciel édité par la société Google, ne permet pas davantage de démontrer qu'il était hébergé auprès d'un hébergeur agréé.

Faute de rapporter la preuve de l'hébergement des données de santé auprès d'un hébergeur certifié, l'appelante ne justifie pas du respect de son obligation, pourtant fondamentale, de protection des données sensibles qu'elle détient.

Le trouble manifestement illicite est donc caractérisé sur ce point également.

III - Sur les mesures de nature à mettre fin au trouble manifestement illicite

La société Docteursecu conteste l'absence de proportionnalité de la mesure de fermeture définitive du site qui a été prononcée, alors qu'une simple injonction de procéder à des modifications du site sous astreinte aurait suffi à parvenir aux buts poursuivis.

Elle soutient également que le juge des référés a excédé ses pouvoirs en ordonnant une mesure définitive de fermeture alors qu'il ne pouvait ordonner que des mesures provisoires.

Cependant, de simples ajustements n'étaient pas de nature à remédier aux troubles manifestement illicites constatés dès lors que c'est le fonctionnement même du site qui contrevenait aux dispositions légales et réglementaires précédemment rappelées.

En outre, en dépit d'ajustements et de modifications intervenus en cours de procédure de première instance, l'appelante n'est pas parvenue à se mettre en conformité avec ses obligations, ce qui atteste de l'impossibilité de remédier aux troubles constatés sans une remise en cause complète de l'organisation de son fonctionnement et de son site web.

La mesure de fermeture, la seule possible, n'était donc pas disproportionnée.

En tout état de cause, la société Docteursecu est aujourd'hui en liquidation judiciaire, ce qui compromet toute reprise du fonctionnement de son site et la mise en oeuvre des injonctions que la cour pourrait prononcer sous astreinte.

En revanche, le juge des référés ne peut prendre de mesure à caractère définitif. La « fermeture définitive » du site docteursecu.fr ne pouvait donc être prononcée par le juge des référés, de sorte que le jugement sera infirmé de ce chef, la fermeture ne pouvant être que provisoire, dans l'attente d'une décision du juge du fond.

La décision de première instance sera confirmée pour le surplus en toutes ses dispositions.

IV - Sur les demandes accessoires

L'appelante, partie perdante, sera tenue aux dépens et condamnée à indemniser la CNAM et le CNOM à hauteur de la somme de 3.000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la CCMSA et la FNMF à hauteur de la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement des mêmes dispositions.


PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris ;

Confirme ce jugement, sauf en son chef de dispositif relatif au caractère définitif de la fermeture du site www.docteursecu.fr ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne à la société Les Mandataires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Docteursecu de procéder à la fermeture temporaire du site docteursecu.fr dans l'attente de la décision du juge du fond, dans un délai de 24 heures et, passé ce délai, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois, à l'issue duquel il sera à nouveau statué sur l'astreinte ;

Y ajoutant,

Condamne la société Les Mandataires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Docteursecu, aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de la Selarl BDL Avocats pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Les Mandataires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Docteursecu, à payer à la Caisse nationale d'assurance maladie et au Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3.000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Les Mandataires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Docteursecu, à payer à la Fédération nationale de la mutualité française et à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

Article, 368, CPC Article, L4113-5, C. santé publ. Article, 835, CPC Article, R4127-5, C. santé publ. Article, L4161-1, 1°, C. santé publ. Article, R4127-6, C. santé publ. Article, L1111-8, C. santé publ. Article, L6316-1, C. santé publ. Article, R4127-53, alinéa 2, C. santé publ. Jonction des instances Arrêt maladie Administration judiciaire Mise en ligne Huissier Assurance maladie Convention des droits de l'homme Téléphone portable Numéro de téléphone Conversation téléphonique Moyen de preuve Discussion contradictoire Effet dévolutif de l'appel Mise en état Dommage imminent Trouble illicite Technologies de l'information Professionnel de la santé Diagnostic État du patient Assistant Indépendance professionnelle Exercice illégal d'une médecine Partage d'honoraires Paiement direct Recouvrement des honoraires Honoraire d'un médecin Concurrence déloyale Trouble caractérisé Prolongation d'activité Information du patient Respect d'un principe Exception à principe Commission paritaire Commission locale Activité principale Territoire français Prise en charge par l'assurance Consultation du médecin Circonstance exceptionnelle Feuille de soins médicaux Données personnelles Personne physique Etat membre Délivrance des certificats Respect d'obligation Fermeture Fermeture de site Mesure provisoire Mise en cause Liquidation judiciaire Caractère définitif

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