Jurisprudence : TA Dijon, du 17-11-2011, n° 1101744

TA Dijon, du 17-11-2011, n° 1101744

A9922HZI

Référence

TA Dijon, du 17-11-2011, n° 1101744. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5633318-ta-dijon-du-17112011-n-1101744
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Abstract

La question que la délibération d'un conseil général a décidé de soumettre à une partie des électeurs, et dont l'annulation est ici demandée, consiste à se prononcer explicitement sur l'opportunité de la transformation d'une route nationale en autoroute concédée, ainsi que sur une autre hypothèse de transformation de cette route nationale en deux fois deux voies, qui ne relèvent pas, selon le tribunal administratif, de sa compétence.




TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE DIJON


N° 1101744

PREFET DE SAONE-ET-LOIRE

M. Cau

Rapporteur

M. Bataillard

Rapporteur public


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Dijon,


Audience du 10 novembre 2011

Lecture du 17 novembre 2011

135-03-01-03-02

C

Vu le déféré, enregistré le 29 juillet 2011, présenté par le PREFET DE SAONE-ET- LOIRE ; le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE demande au tribunal d’annuler la délibération du 11 juillet 2011 par laquelle le conseil général de ce département a prévu l’organisation d’une consultation locale le 20 novembre 2011 portant sur la question de savoir si les électeurs sont ou non « favorables à la mise en concession avec péage de la Route Centre Europe Atlantique à 2x2 voies décidée le 24 juin par l’Etat alors qu’il existe une alternative réalisable du conseil général mobilisant l’écotaxe, sur les seuls poids lourds et garantissant la gratuité et le respect des délais d’achèvement ? » ;

le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE soutient que :

- la consistance du réseau routier national et la création ou la transformation d’une portion de ce réseau en voirie autoroutière à péage est une compétence de l’Etat et non de la collectivité départementale ;

la double circonstance que le projet ait une incidence sur des décisions à intervenir du conseil général et que le département soit consulté au sein du comité du suivi n’a pas pour effet de lui donner compétence pour organiser une telle consultation des électeurs départementaux ;

Vu la mise en demeure adressée le 21 septembre 2011 au département de Saône-et-Loire et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2011 présenté pour le département de Saône-et-Loire représenté par son président en exercice, par Me Boutet qui conclut au rejet du déféré ;

Le département de Saône-et-Loire fait valoir que :

- la compétence de l’Etat sur cette voirie routière n’est pas exclusive dans la mesure où :


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la transformation de la route nationale en voie autoroutière impose la création par le département d’un itinéraire de substitution gratuit ;

le projet conduit le département à prendre diverses décisions en matière de transports publics et plus particulièrement en matière de tarification ;

la consultation porte bien sur des affaires de la compétence du département compte tenu de ce que l’opération d’ensemble implique l’exercice de ses attributions par cette collectivité ;

- la jurisprudence invoquée par le représentant de l’Etat n’est plus représentative de l’état du droit en ce :

e qu’elle a fait l’objet de critiques de la part de la doctrine qui l’estime trop restrictive ;

que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ayant introduit le référendum décisionnel au profit des départements et régions pour les décisions relatives à l’exercice de leurs compétences, la simple consultation non décisoire doit être entendue plus largement, en particulier dans le cas où l’exercice d’une compétence étatique interfère incontestablement sur les attributions du département ;

que la possibilité d’une telle consultation des électeurs ne saurait être appréciée de la même manière pour un département et pour une commune ;

- le département de Saône-et-Loire a engagé 86 millions d’euros de travaux d’aménagement sur cette voirie et qu’une mise en concession va avoir un impact considérable :

e en modifiant les habitudes des automobilistes ;

e en contraignant la collectivité à prévoir des travaux d’un montant de 130 millions d’euros ;

en imposant un enchérissement du coût des transports publics scolaires et de voyageurs ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :

- le rapport de M. Cau, président ;

- et les conclusions de M. Bataillard, rapporteur public ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue d’une procédure de débat public, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a, par une décision du 24 juin 2011, fixé le principe d’une accélération de la mise à deux fois deux voies de la Route Centre Europe Atlantique empruntant une partie des routes nationales n° 80, 70 et 79, dans sa section comprise entre Montmarault (Allier) et Mâcon (Saône-et-Loire) ; que la forme retenue est la création d’une concession autoroutière laquelle devra être en cohérence avec les politiques de développement et d’aménagement du territoire portées par l’Etat et les acteurs locaux ; que, par une délibération du 11 juillet 2011, le conseil général de Saône-et-Loire


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décidait d’organiser une consultation des électeurs de certaines communes sur la question suivante : « Etes-vous favorable à la mise en concession avec péages de la R.C.E.A. (Route Centre Europe Atlantique) à 2x2 voies décidée le 24 juin par l’Etat alors qu’il existe une alternative réalisable du conseil général mobilisant l’écotaxe sur les seuls poids lourds et garantissant la gratuité et les délais d’achèvement ? » ; que le préfet de Saône-et-Loire défère au Tribunal cette délibération qui, alors même que la consultation qu’elle entend organiser se présenterait comme une demande d’avis, constitue une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir ; que, par ordonnance du 25 août 2011 demeurant exécutoire nonobstant l’appel interjeté au demeurant à tort devant le conseil d’Etat au lieu de la cour administrative d’appel de Lyon, le juge des référés du Tribunal de céans a suspendu l’exécution de cette décision ;

Sur la légalité de la délibération du 11 juillet 2011 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1112-15 du code général des collectivités territoriales🏛: « Les électeurs d'une collectivité territoriale peuvent être consultés sur les décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de la compétence de celle-ci/ La consultation peut être limitée aux électeurs d'une partie du ressort de la collectivité, pour les affaires intéressant spécialement cette partie de la collectivité » ; qu’il résulte clairement de cette disposition éclairée par les travaux préparatoires du texte législatif dont elle est issue que la faculté ouverte aux Collectivités territoriales d’organiser une consultation de leurs électeurs s’entend non de l’ensemble des affaires intéressant la collectivité en cause mais des seules opérations de sa compétence pour lesquelles elle dispose d’un pouvoir de décision ;

Considérant que la question que la délibération du conseil général de Saône-et-Loire a décidé de soumettre à une partie des électeurs invite ceux-ci, non à émettre un avis sur une décision que le conseil général ou son président serait amené à prendre pour régler les affaires de la compétence du département de Saône-et-Loire, en particulier, pour tenir compte des décisions prises par l’Etat dans le cadre de ses attributions en matière de voirie nationale ou autoroutière, mais à se prononcer explicitement sur l’opportunité de la transformation d’une route nationale en autoroute concédée ainsi que sur une autre hypothèse de transformation de cette route nationale en deux fois deux voies, qui ne relèvent pas de sa compétence ; que si le département de Saône- et-Loire peut être consulté par l’Etat sur les projets de la compétence de ce dernier et s’il lui est loisible de contester la légalité des décisions prises par l’Etat qui auraient des répercussions sur ses propres compétences, il ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 1112-15 du code général des collectivités territoriales, interférer sur les choix opérés par l’Etat dans l’exercice de ses attributions propres et soumettre à consultation des électeurs du département la question précitée ; que la circonstance que le projet envisagé par l’Etat aurait une incidence financière non négligeable sur des affaires relevant de la compétence du département de Saône- et-Loire n’est pas de nature, eu égard à la formulation retenue de la question, à faire regarder la consultation comme organisée par la décision attaquée comme entrant dans le champ d’application de l’article L. 1112-15 ; que, par suite, le PREFET DE SAONE-ET-LOIRE est fondé à demander l’annulation de cette décision ;


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DECIDE:

Article 1” : La délibération du 11 juillet 2011 par laquelle le conseil général de Saône- et-Loire a prévu l’organisation d’une consultation locale le 20 novembre 2011 portant sur la question de savoir si les électeurs sont ou non « favorables à la mise en concession avec péage de la Route Centre Europe Atlantique à 2x2 voies décidée le 24 juin par l’Etat alors qu’il existe une alternative réalisable du conseil général mobilisant l’écotaxe, sur les seuls poids lourds et garantissant la gratuité et le respect des délais d’achèvement ? » est annulée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié au PREFET DE SAONE-ET-LOIRE et au département de Saône-et-Loire. Copie en sera adressée au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Délibéré après l'audience du 10 novembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Cau, président,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Laurent, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 novembre 2011.

Le président-rapporteur, L’assesseur le plus ancien

dans l’ordre du tableau,

C. CAU B. GROS

La greffière,

M. CHARAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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