Jurisprudence : TA Bastia, du 20-06-2025, n° 2200648


Références

Tribunal Administratif de Bastia

N° 2200648

1ère chambre
lecture du 20 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2022, Mme D A épouse C, représentée par Me Blondio-Mondoloni, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le directeur du centre hospitalier de Castelluccio n'a pas reconnu imputable au service l'accident survenu le 12 octobre 2021 et l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période allant du 13 octobre 2021 au 31 mai 2022 ;

2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Castelluccio de reconnaître imputable au service son accident du 12 octobre 2021, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Castelluccio la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il est entaché d'un défaut de motivation en fait et en droit ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, son accident et les séquelles qui en découlent étant imputables au service ;

- en ne la plaçant pas en congé pour invalidité temporaire imputable au service alors que les délais d'instruction de sa demande étaient dépassés, l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) et de l'article 35-5 du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière.

La requête a été communiquée au centre hospitalier de Castelluccio, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 21 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2024.

Par un courrier du 27 mars 2025, le centre hospitalier de Castelluccio a été invité, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative🏛, à produire la délégation de compétence du signataire de l'arrêté litigieux du 22 mars 2022.

Le 1er avril 2025, le centre hospitalier de Castelluccio a produit une pièce, qui a été communiquée à la requérante le 7 avril 2025.

Le centre hospitalier de Castelluccio a par ailleurs produit un mémoire le 19 mai 2025, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Samson ;

- les conclusions de Mme Castany, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Albertini, subsitutant Me Blondio-Mondoloni, représentant Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C, cadre supérieure de santé au centre hospitalier de Castelluccio, a présenté une déclaration d'accident de service en raison d'un évènement survenu sur son lieu de travail le 12 octobre 2021. Par un arrêté du 22 mars 2022, le directeur du centre hospitalier de Castelluccio a refusé de reconnaître l'accident dont elle se prévaut imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période allant du 13 octobre 2021 au 31 mai 2022. Par la présente requête, Mme C demande au tribunal de prononcer l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2022.

2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique🏛 : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ". Aux termes de l'article D. 6143-34 du même code : " Toute délégation doit mentionner : / 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; / 2° La nature des actes délégués ; / 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation ". Enfin, l'article R. 6143-38 de ce code🏛, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par M. B, directeur adjoint en charge de la direction des ressources humaines, qui a reçu délégation à cet effet par un arrêté n° 100/2018 du 20 décembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () ; 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; () ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision de refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident, étant au nombre des décisions qui refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, doit être motivée.

5. En l'espèce, l'acte en litige vise les textes dont il fait application, notamment la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et le décret du 14 mars 1986🏛, ainsi que la déclaration d'accident de service de Mme C, plusieurs pièces médicales, l'avis de la commission de réforme du 23 février 2022 et conclut, alors, que les circonstances de l'accident du 12 octobre 2021 dont se prévaut la requérante ne permettent pas de le reconnaître imputable au service. Dès lors, l'arrêté en cause comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et qui ont ainsi permis à Mme C d'en discuter utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque également en fait et ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique, applicable en l'espèce, qui a repris l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". Aux termes de l'article L. 822-21 du même code : " Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à : 1° Un accident reconnu imputable au service tel qu'il est défini à l'article L. 822-18 ; / () ".

7. Doit être regardé comme un accident de service, pour l'application de ces dispositions, un événement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l'origine de lésions ou d'affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines. Il appartient, dans tous les cas, au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

8. En l'espèce, si Mme C indique qu'elle a été victime d'un accident le 12 octobre 2021 à 18 heures, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de sa déclaration d'accident de service ainsi que des différentes pièces médicales produites, qu'elle impute la dégradation de son état psychologique à une augmentation de sa charge de travail, à la pression quotidienne de sa hiérarchie, à des faits de harcèlement ainsi qu'à plusieurs réunions de travail, au demeurant non datées, au cours desquelles elle allègue avoir fait l'objet de divers reproches. Aussi, s'il ressort d'un courriel du 12 octobre 2021 de l'administrateur de garde relatant un appel téléphonique échangé avec l'époux de la requérante, qu'aux alentours de 18h le même jour, Mme C " s'est effondrée et en pleurs sur sa moto, sur le trajet du retour au domicile en provenance du CH Castelluccio ", cet évènement, qui s'inscrit dans un contexte de stress professionnel, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service au sens et pour l'application des dispositions citées au point 6 du code général de la fonction publique. Par suite, à supposer même que le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme C soit en lien avec le service, elle ne saurait utilement se prévaloir que la dégradation de ses conditions de travail par diverses actions lentes et répétées de la part de sa hiérarchie est à l'origine de sa pathologie, dès lors qu'elle n'a pas présenté de demande de reconnaissance de maladie professionnelle mais s'est bornée à solliciter la reconnaissance de l'imputabilité de son état de santé à l'évènement du 12 octobre 2021, qui ne constitue pas un accident de service. Dans ces conditions, malgré l'avis favorable de la commission de réforme, le directeur du centre-hospitalier de Castelluccio n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande d'imputabilité au service de l'accident du 12 octobre 2021 dont se prévaut la requérante.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 35-5 du décret du 19 avril 1988🏛 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'un délai : 1° En cas d'accident, d'un mois à compter de la date à laquelle elle reçoit la déclaration d'accident et le certificat médical ; / () Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas d'enquête administrative diligentée à la suite d'une déclaration d'accident de trajet ou de la déclaration d'une maladie mentionnée au troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛 susvisée, d'examen par le médecin agréé ou de saisine du conseil médical compétent. Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, l'employeur doit en informer l'agent ou ses ayants droit. / Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'autorité investie du pouvoir de nomination n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 35-2 et au dernier alinéa de l'article 35-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 35-9 ".

10. Il résulte des dispositions précitées que la méconnaissance par l'administration des délais pour se prononcer sur l'imputabilité au service d'un accident a pour seul effet d'obliger l'administration à placer à titre provisoire l'agent concerné en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Une telle méconnaissance est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration refuse d'imputer au service un accident déclaré par un agent public. En tout état de cause, si le centre-hospitalier de Castelluccio a, en l'espèce, méconnu le délai de quatre mois prévu par l'article 35-5 du décret du 19 avril 1988, cette circonstance n'a pas privé Mme C d'une garantie, ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du délai prévu par les dispositions de l'article 35-5 du décret du 19 avril 1988 doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D A épouse C et au centre hospitalier de Castelluccio.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Baux, présidente,

Mme Zerdoud, conseillère,

M. Samson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

La présidente,

Signé

A. Baux

Le rapporteur,

Signé

I. Samson

La greffière,

Signé

H. Mannoni

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

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