TA Lyon, du 23-02-2023, n° 2107849
B6720ABI
Référence
Par une requête enregistrée le 4 octobre 2021, M. B C, représenté par la Selafa Cabinet Cassel, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 10 juin 2021 du directeur général des Hospices civils de Lyon portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 novembre 2020, ensemble le rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et d'en assurer la prise en charge, à défaut de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛, ainsi que les dépens.
M. C soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, car ne siégeait pas de médecin spécialiste de son affection à la séance de la commission de réforme, réunie sans le quorum requis par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004🏛 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, et parce qu'il n'a pas été informé de son droit à obtenir communication du rapport d'expertise ni de l'avis de la commission ;
- il a été victime d'une agression sur son lieu de travail, dans l'exercice de ses fonctions, et c'est à tort que le directeur général des HCL a retenu que l'accident déclaré ne présentait aucun lien avec l'activité professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022, les Hospices civils de Lyon (HCL), représentés par la Selarl Jean-Pierre et Walgenwitz avocats associés (Me Walgenwitz), concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les HCL font valoir que :
- la décision attaquée a été prise par une autorité compétente pour ce faire ;
- la présence d'un rhumatologue n'était pas nécessaire pour éclairer la commission de réforme ;
- le vice de procédure soulevé doit être écarté car : la commission de réforme s'est régulièrement réunie, quatre membres au moins, dont deux praticiens, étant présents et le requérant, qui a été informé par le secrétariat de la commission de son droit à obtenir communication, via un médecin de son choix, de la partie médicale de son dossier, n'a pas ensuite sollicité la communication de l'avis de la commission de réforme réunie le 27 mai 2021.
- l'accident déclaré, altercation ayant pour motif un différend d'ordre privé, est détachable du service en raison du comportement de l'agent, constitutif d'une faute personnelle.
Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988🏛 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 3 février 2023 :
- le rapport de M. A,
- les conclusions de Mme Reniez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Walgenwitz pour les Hospices civils de Lyon.
1. M. C, fonctionnaire hospitalier titulaire du grade d'ouvrier principal, exerce les fonctions d'électricien aux Hospices civils de Lyon (HCL). Il a, le 3 décembre 2020, déclaré un accident de service, une agression sur son lieu de travail, survenu le 9 novembre 2020, qui lui a occasionné une entorse du poignet gauche, pathologie compliquée d'un stress post traumatique. L'agent a été placé en arrêt de travail jusqu'au 7 mars 2021. Après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme, le directeur général des HCL refuse de reconnaître imputable au service l'accident, par une décision prise le 10 juin 2021, confirmée, suite à recours gracieux notifié le 8 juillet 2021, d'abord implicitement puis expressément le 24 septembre suivant. M. C demande au tribunal d'annuler le refus qui lui a ainsi été opposé.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision attaquée : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service / II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service () ". L'article 35-6 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988🏛 visé ci-dessus dispose que la commission de réforme est consultée notamment " Lorsqu'une faute personnelle ou toute autre circonstance particulière est potentiellement de nature à détacher l'accident du service ".
3. Pour refuser de reconnaître imputable au service l'accident déclaré, survenu le 9 novembre 2020, le directeur général des HCL s'est appuyé sur l'avis rendu le 27 mai 2021 par la commission de réforme, laquelle, émettant un avis défavorable à la demande de reconnaissance d'imputabilité de l'agent, a estimé que l'accident n'avait " aucun lien direct avec le travail ". Le directeur général des HCL, comme il le confirme dans le rejet du recours gracieux, distinguait ainsi dans l'altercation, et l'agression physique consécutive, opposant le 9 novembre 2020 M. C à une personne se présentant comme l'époux d'une agente contractuelle affectée au service de pneumologie, un différend d'ordre privé, étranger au service. Pourtant, les dispositions du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 posent une présomption d'imputabilité d'un accident, telle l'agression dont a été victime M. C, survenu, comme en l'espèce, dans le temps et le lieu du service. En défense, les HCL font valoir que M. C a commis une faute, laquelle détache, selon eux, l'accident du service. Ils reprochent à l'agent d'avoir rendu visite à sa mère hospitalisée en service de pneumologie sans l'autorisation requise pour accéder à cette unité " covid ", circonstance qui serait à l'origine d'un différend d'ordre privé, que les HCL n'éclairent toutefois pas, avec une infirmière, compagne de l'agresseur de M. C. Toutefois, M. C aurait-il commis une faute, personnelle, en effectuant la visite reprochée, cette faute est dépourvue de lien direct avec l'agression dont il a été ultérieurement victime et elle ne peut conséquemment pas permettre de détacher l'accident du service. Ainsi, en refusant de reconnaître imputable au service l'accident déclaré, le directeur général des HCL a entaché sa décision d'illégalité. Il en résulte, sans besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C est fondé à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, le présent jugement implique que le directeur général des HCL prenne une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 novembre 2020. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui accorder un délai de huit jours pour s'y conformer. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par les HCL et dirigées contre M. C, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge des HCL le versement à M. C de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 1er : La décision du 10 juin 2021 et ses confirmations successives sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint aux HCL de reconnaître imputable au service l'accident du 9 novembre 2020 déclaré par M. C.
Article 3 : Les HCL verseront à M. C une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Sont rejetés le surplus des conclusions de la requête et les conclusions des HCL fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 3 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Besse, président,
M. Gros, premier conseiller,
Mme de Lacoste Lareymondie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
Le rapporteur,
B. A
Le président,
T. Besse
La greffière,
S. Lecas
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Une greffière,
Loi, 83-634, 13-07-1983 Loi, 86-33, 09-01-1986 Article, L911-1, CJA Décret, 88-386, 19-04-1988 Article, 35-6, décret, 88-386, 19-04-1988 Hospices civils Reconnaissance de l'imputabilité Imputabilité au service Prise en charge Incompétence de l'auteur de l'acte Procédure irrégulière Communication d'un rapport Fonction publique Médecin du choix Avis d'une commission de réforme Fonctionnaire Dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière Conditions d'aptitude physique Incapacité temporaire Accident de trajet Maladie contractée en service Intégralité du traitement Honoraires médicaux Durée du congé Présomption d'imputabilité Autorisation requise Personne morale de droit public Service public Mesure d'exécution