Jurisprudence : CA Douai, 24-04-2025, n° 23/04243, Infirmation


République Française

Au nom du Peuple Français


COUR D'APPEL DE DOUAI


CHAMBRE 2 SECTION 2


ARRÊT DU 24/04/2025


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N° de MINUTE :

N° RG 23/04243 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VDNX


Jugement (N° 2022016815) rendu le 07 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Lille Metropole



APPELANTE


SAS Fonciere des Arts prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 7]


Représentée par Me Yves Marchal, avocat constitué, substitué par Me Sylvain Verbrugghe, avocats au barreau de Lille


INTIMÉES


S.A.R.L. Immoexpertise

[Adresse 3]

[Localité 5]


N'ayant pas constitué avocat, à qui la déclaration d'appel a été signfiée le 14 novembre 2023 (à étude)

Ordonnance de caducité partielle du 04 avril 2024


SA Allianz Iard prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]


Représentée par Me Bruno Bufquin, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Jean-Marc Perez, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant


DÉBATS à l'audience publique du 11 février 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile🏛).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Caroline Vilnat, conseiller


ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


ORDONNANCE DE CLOTURE DU : 14 janvier 2025


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FAITS ET PROCEDURE


Le 15 janvier 2018, la société Foncière des arts a acquis de la SCI Lotzenko un immeuble à usage de commerce sis [Adresse 4] à [Localité 7]. A cet acte étaient annexés les diagnostics techniques immobiliers obligatoires, dont le diagnostic relatif à la recherche de matériaux et produits contenant de l'amiante.


Cet état, annexé à l'acte de vente, établi par la société Immoexpertise le 16 mars 2017, conclut à la présence de produits contenant de l'amiante dans le conduit (sous-sol - Cave) et à la nécessité de réaliser des sondages et/ou des prélèvements en ce qui concerne les dalles plastiques (Rez-de-chaussée - Réserve l /Prélèvement destructif).


Dans le cadre de la relocation de l'immeuble, le vendeur a fait réaliser un nouveau dossier technique amiante par la société Casadiag Expertises.

Ce dossier, établi le 3 avril 2018 par cette société, mentionne au surplus la présence d`amiante sur les ardoises composites au niveau du grenier et de la toiture, ce qui n'avait pas été constaté par société Immoexpertise.


Estimant que les vendeurs étaient susceptibles d'avoir manqué à leur obligation de délivrance, le 21 août 2020, la société Foncière des arts a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille la société Immoexpertise en responsabilité délictuelle, et la SCI Loutzenko en garantie des vices cachés.


Le 10 novembre 2020, une expertise a été ordonnée, la société Allianz Iard (la société Allianz), assureur de la société Immoexpertise, ayant été appelée en intervention forcée en cours d'expertise.


Le 4 avril 2022, l'expert a déposé son rapport.


Les 6 et 8 septembre 2022, la société Foncière des arts a assigné la société Immoexpertise et son assureur la société Allianz pour qu'il soit statué sur les responsabilités.



Par jugement du 7 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a':

- débouté la société Foncière des arts de sa demande de condamnation in solidum au paiement par les sociétés Immoexpertise et Allianz de la somme de 14 156,48 euros TTC à titre principal';

- débouté la société Foncière des arts de sa demande de condamnation in solidum au paiement par les sociétés Immoexpertise et Allianz de la somme de 3 500 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée';

- débouté la société Foncière des arts de sa demande de condamnation in solidum au paiement par les sociétés Immoexpertise et Allianz de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

- condamné la société Foncière des arts aux entiers dépens.



Par déclaration du 21 septembre 2023, la société Foncière des arts a interjeté appel de la décision précitée.


Une caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la société Immoexpertise a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2024.


MOYENS ET PRETENTIONS


Par conclusions notifiées le 28 mai 2024, la société Foncière des arts demande à la cour, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu';

- et statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Immoexpertise et la société Allianz au paiement':

- de la somme de 15 282,11 euros TTC en réparation de ses préjudices ;

- des intérêts judiciaires sur cette somme à compter de la présente demande avec capitalisation par périodes annuelles en vertu de l'article 1343-2 du code civil🏛';

- de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée';

- de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner in solidum la société Immoexpertise et la société Allianz aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.


La société Foncière des arts fait valoir que':

- sur le fondement délictuel, elle peut rechercher la responsabilité du diagnostiqueur qui a commis une mauvaise exécution de sa mission';

- la jurisprudence fait peser sur le diagnostiqueur une véritable obligation de garantir le contenu de son diagnostic';

- la société Immoexpertise a omis de prendre en compte dans son diagnostic la toiture dont les ardoises en fibrociment et n'a d'ailleurs pas contesté, dans le cadre de l'expertise, sa responsabilité';

- compte tenu de l'obligation du diagnostiqueur de garantir le contenu de son rapport, une erreur de diagnostic est en elle-même de nature à causer un préjudice';

- la faute de la société Immoexpertise étant démontrée, il s'en infère un préjudice certain, pour elle-même, société Foncière des arts, indépendamment de tout risque sanitaire' (dépréciation du bien, absence de réalisation de travaux dans des conditions normales, surcoût de protection ou retrait de matériaux...)';

- le tribunal ne pouvait retenir l'absence de risque sanitaire ou l'absence de démonstration de la nécessité de procéder à des travaux de désamiantage pour rejeter ses demandes.


Elle s'oppose à l'analyse de son préjudice en tant que perte de chance et précise solliciter la prise en charge du désamiantage et l'indemnisation des divers préjudices en résultant': travaux de désamiantage et remplacement de toiture, perte d'exploitation du local commercial, dédommagement des répercussions des travaux sur le local commercial.


Elle sollicite la garantie de la société Allianz, assureur de la société Immoexpertise, dont l'obligation à garantie est certaine. Elle souligne que la société Allianz qui n'est pas en mesure d'apporter la preuve de l'opposabilité de sa franchise au diagnostiqueur, ne peut la lui opposer.


Elle qualifie la résistance de la société Immoexpertise d'abusive et injustifiée, ce qui justifie l'octroi d'une indemnisation.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la société Allianz demande à la cour de':

- débouter la société Foncière des arts de toutes ses demandes';

- confirmer le jugement du tribunal de commerce du 7 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;'

Y ajoutant,

- condamner la société Foncière des arts à lui payer à une indemnité de

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- subsidiairement,

- limiter le coût des travaux aux seuls travaux de désamiantage, soit 4 412 euros HT et débouter la société Foncière des arts du surplus de ses demandes ;

- dire que le préjudice de perte de chance de la société Foncière des arts ne peut représenter qu'un pourcentage de 4 412 euros ;

- condamner la société Foncière des arts aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Elle souligne que':

- il n'a pas été contesté au cours des opérations d'expertise que la couverture était composée d'ardoises contenant de l'amiante, ce qui a échappé à la vigilance de la société Immoexpertise';

- le préjudice de la société Foncière des arts est cependant loin d'être établi';

- il n'existe aucune nécessité de réaliser des travaux puisqu'en l'absence de tout risque sanitaire et en raison du bon état de conservation des matériaux, le désamiantage ne s'impose pas';

- les jurisprudences citées par l'appelante concernent des produits amiantés localisés à l'intérieur des locaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce';

- seul le surcoût lié à la présence d'amiante devrait en tout état de cause être pris en charge, le reste des travaux concernant la réfection de la toiture, indépendamment de la présence d'amiante';

- dans tous les cas où les matériaux amiantés ne sont pas concernés par une obligation de retrait, le seul fondement sur lequel la responsabilité du diagnostiqueur est susceptible d'être engagée est la perte de chance.


Elle s'oppose à la demande au titre de la résistance abusive, faute de justification d'un préjudice qu'aurait causé à l'appelante la présente procédure.



MOTIVATION


A titre liminaire, la déclaration d'appel de la société Foncière des arts à l'encontre de la société Immoexpertise ayant été déclarée caduque, seules se trouvent dévolues à la cour les dispositions de la décision entreprise concernant l'assureur de cette dernière société, la société Allianz Iard.


Il doit également être noté que la société Allianz Iard ne dénie pas sa garantie au titre de la responsabilité civile professionnelle liée à la police souscrite par la société Immoexpertise, en sa qualité de diagnostiqueur, discutant uniquement le préjudice né et en lien avec la faute de ce dernier, ainsi que la possibilité d'opposer sa franchise à la société Foncière des arts, ce qu'il convient donc d'examiner.


I- Sur le préjudice né et en lien avec la faute du diagnostiqueur


En application des dispositions de l'article L. 1314-13 du code de la santé publique, un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est produit, lors de la vente d'un immeuble bâti, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation🏛🏛.


L'article L. 271-4 de ce dernier code, dans sa rédaction applicable en l'espèce au diagnostic établi en mars 2017, dispose qu'en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, les documents suivants : [']


2° L'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante prévu à l'article'L. 1334-13'du même code🏛 ; [']

Les documents mentionnés aux 1°, 4° et 7° ne sont requis que pour les immeubles ou parties d'immeuble à usage d'habitation.


Il doit être rappelé que même si le contrat circonscrit sa prestation à de simples constats visuels des parties accessibles, le diagnostiqueur reste néanmoins tenu de procéder à la mise en œuvre de moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, en réalisant notamment des sondages non destructifs ou en émettant des réserves relatives aux zones non analysées. À défaut, ce dernier engage sa'responsabilité (Civ.'3e, 14'sept. 2017,'n°16-21.942⚖️).


Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil🏛, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


L'Assemblée plénière de la Cour de cassation, les 6 octobre 2006 (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255⚖️, Aa. 2006, Ass. plén, n° 9) et 13 janvier 2020 (Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963⚖️), a retenu « que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.'»


Il résulte des textes précités que l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l''amiante'annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque d'amiante et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, et qu'il se révèle erroné (Ch. mixte, 8 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.686⚖️, publié ; 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n°15-12.408⚖️, publié).


Depuis l'arrêt de la chambre mixte de 2015, la Cour de cassation réaffirme avec constance le principe de la réparation d'un préjudice certain né de l'erreur du diagnostiqueur (Ch. mixte., 8 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.686, Aa. 2015, Ch. mixte, n° 3'; 3e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.920⚖️), excluant une réparation au titre de la perte de chance ( 3e Civ., 30 janvier 2025, pourvoi n° 23-14.029⚖️).


En premier lieu, la faute commise par la société Immoexpertise dans la réalisation du diagnostic qui lui avait été commandé par la société Lotzenko et a été annexé à l'acte de vente du 15 janvier 2018 de l'immeuble, n'est pas contestée, en ce que':

- les toitures, et notamment les plaques, ardoises, accessoires de couverture (composites, fibres-ciment, bardeaux bitumeux), font partie de la liste B de l'annexe 13-9 du code de la santé publique et faisait partie de la mission de repérage du diagnostiqueur en vertu des dispositions de ce code ;

- la société Immoexpertise a omis de mentionner que les ardoises de type fibrociment constituant la toiture du 3ème étage de l'immeuble contiennent de l'amiante, ce qui est établi par l'expertise, a été reconnu par le diagnostiqueur lors de l'expertise et n'est pas contesté par l'assureur de la société Immoexpertise.


Seul intimé présent en appel, du fait de la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la société Immoexpertise, l'assureur critique en réalité exclusivement le préjudice invoqué par la société Foncière des arts.


En deuxième lieu, le diagnostiqueur doit indemniser l'intégralité du préjudice résultant de l'inexactitude de son rapport, dès lors qu'il s'agit d'un préjudice certain et directement en lien avec la faute commise, peu important, d'abord, l'état de conservation de l'amiante découvert, ensuite, l'emplacement du produit amianté identifié, notamment sa situation à l'intérieur ou non du bien, et, enfin, l'absence de risque ou de danger sanitaire pour les occupants.


C'est donc de manière infondée et contrairement à la jurisprudence précitée, qui n'opère aucune distinction, quel'assureur argue de l'emplacement en toiture des matériaux amiantés et de l'absence de risque pour la santé pour contester la réalité de ce préjudice, qu'il qualifie à tort de préjudice de perte de chance.


Le seul fait que le diagnostic obligatoire préalable à une vente, qui a pour but de garantir les acquéreurs de l'absence d'amiante, omette d'en mentionner la présence d'un tel matériau constitue en soi un préjudice, dès lors que cette présence déprécie la valeur du bien et empêche la réalisation de travaux dans des conditions normales et attendues par l'acquéreur.


C'est dès lors de manière injustifiée que le tribunal a rejeté la demande de la société Foncière des arts aux motifs que le risque sanitaire n'était pas démontré, pas plus que la nécessité de procéder aux travaux de désamiantage.


Il n'y a pas non plus lieu de distinguer entre le caractère obligatoire ou non du retrait des matériaux amiantés, règlementé par les dispositions du code de la santé publique, imposant en outre des mesures de confinement ou d'empoussièrement en fonction du degré de dégradation et de dangerosité des matériaux, dès lors que le préjudice de l'acquéreur existe bien, indépendamment de ces obligations, l'acquéreur ayant acquis un bien qu'il pensait exempt de toute trace d'amiante, état qu'il est en droit d'obtenir, par le biais d'une réparation intégrale de son préjudice, lequel est dès lors certain.


Le fait que l'acquéreur n'ait pas mis en œuvre les travaux de désamiantage n'est pas plus opérant pour priver ce dernier de la réparation du préjudice certain qu'il subit à raison de la présence en toiture de l'amiante, qui, en l'espèce, nécessite des travaux en toiture qui ont fait l'objet, le 21 mai 2021, d'un devis d'un montant de 11 806,48 euros examiné par l'expert.


L'assureur de la société Immoexpertise ne peut prétendre limiter la réparation due à l'acquéreur au titre des travaux réalisés en toiture au «'seul surcoût lié à la présence d'amiante'» et donc la cantonner à la ligne du devis intitulée «'dépose et enlèvement amianté par entreprise spécialisée selon les normes en vigueur'», d'une valeur de 4'412 euros HT.


En effet, les pièces du dossier établissent, sans aucune contestation possible, que les travaux en toiture ne sont nécessaires qu'en raison de la présence d'amiante, l'expert ayant souligné le bon état de la toiture. C'est donc sans aucun fondement que l'assureur prétend que, dans le cadre de la réparation sollicitée, la société Foncière des arts recherche à faire prendre en charge des travaux qui ne concernent pas la présence d'amiante mais l'entretien ou l'amélioration du bien, qui devraient donc être laissés à sa charge.

D'ailleurs l'expert, dans son rapport, a retenu l'intégralité du montant du devis précité comme étant rendu nécessaire par les travaux de désamiantage et de remise en état des locaux.


Le coût des travaux de désamiantage de la toiture a été fixé suivant devis. Pour tenir compte de l'évolution de l'indice BT 01 depuis, ce montant doit être porté à la somme de 13'183,11 euros TTC, étant observé que l'assureur ne critique ni la nécessité d'une telle indexation ni le choix de l'indice.


En conséquence, il convient de faire droit à la demande de réparation du préjudice, qui est bien en lien de causalité directe avec la faute commise, à hauteur de 13'183,11 euros TTC, outre la somme de 600 euros TTC au titre de l'établissement d'un diagnostic avant travaux, dont le caractère nécessaire a également été retenu par l'expert.


Par ailleurs, la société appelante n'étant pas domiciliée sur place et exploitant lesdits locaux en les louant, sa demande d'une prise en charge à hauteur d'une heure par jour, à raison de 50 euros par jour, pendant la durée des travaux évaluée à 5 jours suivant l'expert et les termes du devis précité, afin de surveiller les travaux menés, est justifiée.


Il convient donc de lui allouer la somme de 250 euros, retenue par l'expert, pour réparer ce préjudice résultant directement de la faute commise, étant précisé que s'agissant d'une indemnisation, elle n'est pas assujettie à la TVA. Il n'y a donc pas lieu de la fixer, comme le demande la société Foncière des arts, à la somme de 300 euros TTC.


En outre, il ressort des pièces du dossier que le local commercial, exploité dans l'immeuble litigieux, devra subir, pendant la durée de travaux de désamiantage, soit 5 jours, une gêne notable, l'échafaudage et les travaux nécessitant des mesures de précautions indispensables pour la dépose des matériaux amiantés de la toiture, entravant l'accès audit local et son exploitation par le locataire, que le bailleur devra indemniser au titre du non-respect de son obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux loués.

En conséquence, ce préjudice certain du bailleur est bien en lien direct avec la faute commise par le diagnostiqueur et justifie qu'il lui soit alloué une somme de 1 200 euros en réparation.


De l'ensemble de ces développements, il découle que le préjudice certain de la société Foncière des arts résultant de la faute du diagnostiqueur s'établit à la somme totale de 15'233,11 euros (13'183,11 + 600 + 250 + 1'200).


II- Sur la possibilité pour l'assureur d'opposer sa franchise contractuelle


Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances🏛, visé par le moyen, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.


Constituent de telles exceptions les clauses de limitation de garantie (3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-11.272⚖️ ; 1re Civ., 22 mai 1991, pourvoi n 89-14.834⚖️), dont fait partie la franchise.


Il appartient cependant à l'assureur qui entend opposer la franchise résultant de ses conditions générales ou particulières et liée sa relation contractuelle avec son assuré, de justifier tant du contenu de celles-ci que de leur souscription par l'assuré.


Or, pour prétendre ne devoir être «'tenue financièrement que franchise déduite'», la société Allianz se contente de verser aux débats un document non daté ni signé par la société Immoexpertise, son assurée, intitulé «'Annexe spécifique': Responsabilité civile professionnelle de diagnostiqueurs immobiliers.'»


Il n'est donc pas justifié que cette police soit celle qui lie contractuellement la société Immoexpertise à son assureur, lequel ne produit d'ailleurs même pas le contrat d'assurance souscrit, permettant de vérifier que ce dernier y ferait éventuellement référence.


En conséquence, la franchise, prévue en page 4 de cette annexe, ne peut être valablement opposée par l'assureur à la société Foncière des arts.


Il s'ensuit que la décision entreprise est infirmée en ce qu'elle a débouté la société Foncière des arts de ses demandes, la société Allianz devant donc être condamnée à lui payer le montant de la somme ci-dessus fixée, en réparation de son préjudice, sans déduction d'aucune franchise.


Il doit en outre être fait droit à la demande de la société Foncière des arts visant à dire que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 28 mai 2024, date de sa demande, avec capitalisation par périodes annuelles en vertu de l'article 1343-2 du code civil, aucune critique n'étant formulée de ces chefs par l'intimée.


III- Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée


En vertu des dispositions des articles 1240 et suivant du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.


Aucun des moyens allégués n'étant susceptible de caractériser un abus de droit et aucun élément ne prouvant le préjudice invoqué, la demande formée à ce titre par la société Foncière des arts est rejetée, d'autant plus que l'ensemble de ces moyens vise à reprocher des comportements de la société Immoexpertise, et non ceux de la société Allianz, seule partie présente en appel.

La décision entreprise est donc confirmée de ce chef.


IV- Sur les dépens et accessoires


En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile🏛, la société Allianz succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens, en ce compris les frais afférents à l'expertise judiciaire ordonnée le 10 novembre 2020.


Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.


La société Allianz supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Foncières des arts la somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de la procédure de première instance et d'appel, et de la débouter de sa demande d'indemnité procédurale.



PAR CES MOTIFS


Vu la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la société Immoexpertise,


INFIRME le jugement entrepris en ses chefs de dispositif soumis à l'effet dévolutif, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Foncière des arts en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société Allianz Iard';


Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,


DEBOUTE la société Allianz Iard de sa demande tendant à déduire la franchise du préjudice ci-dessus déterminé';


CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à la société Foncière des arts la somme de 15'233,11 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter du 28 mai 2024';


ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, par année entière';


CONDAMNE la société Allianz Iard aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais afférents à l'expertise judiciaire ordonnée le 10 novembre 2020 ;


CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à la société Foncière des arts la somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de la première instance et de l'instance d'appel';


DEBOUTE la société Allianz Iard de sa demande d'indemnité procédurale.


Le greffier


Marlène Tocco


La présidente


Stéphanie Barbot

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