Jurisprudence : CA Paris, 4, 8, 05-02-2025, n° 24/00343


RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8


ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2025

(n°2025/ 25 , 8 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00343 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIV6J


Décisions déférées à la Cour : Sur renvoi après cassation, selon arrêt rendu le 21 septembre 2023 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation

(pourvoi n° U 22-10.041), qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 novembre 2021 par le pôle 4 chambre 8 de la Cour d'appel de PARIS

(RG n° 19/09333) sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU en date du 20 mars 2019 (RG n° 17/1160)



APPELANTE


S.C.I. BOUTICOM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 522 387 133

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SELARL ORTOLLAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R231


INTIMÉE


S.A.M.C.V. THELEM ASSURANCES, prise en la personne de son directeur général, Monsieur [R] [Y], domicilié en cette qualité audit siège

'[Adresse 5]

[Localité 2]


Représentée par Me Dominique NICOLAÏ LOTY de la SELARL NICOLAI-LOTY-SALAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : B420, substitué à l'audience par Me Stéphanie SALAÜN, avocat au barreau de PARIS, toque : B420



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 12 novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :


Madame FAIVRE, Présidente de Chambre

Madame JOLLEC, Présidente de Chambre

Madame SAPPEY-GUESDON, Conseillère


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame FAIVRE, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffier lors des débats : Madame A


ARRÊT :


- Contradictoire


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signé par Madame FAIVRE, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.


*******



EXPOSÉ DU LITIGE


La SCI BOUTICOM est propriétaire d'un local à usage commercial au sein d'un immeuble régi par le statut de la copropriété, situé à Fontainebleau (77).


Le syndicat des copropriétaires est assuré auprès de la société d'assurance mutuelle THELEM ASSURANCES, ci-après dénommée société THELEM, au titre d'un contrat «'Multirisque immeubles'» n° TMR101322203.


Le 11 novembre 2015, la SCI BOUTICOM a découvert ses locaux inondés par un dégât des eaux.

Le 12 novembre 2015, la SCI BOUTICOM a procédé à une déclaration de sinistre à l'assureur du syndicat des copropriétaires du fait du dégât des eaux résultant de la rupture d'une colonne d'alimentation en eau.


Un huissier de justice a dressé un procès-verbal de constat le 26 novembre 2015.


Une expertise extra-judiciaire a été réalisée à la demande de la société THELEM qui, au dépôt du rapport, a procédé au règlement d'une provision de 60 870,29 euros le

8 juin 2016 et de 8 404,40 euros le 2 août 2016, refusant toute prise en charge supplémentaire notamment au titre de l'indemnisation en valeur à neuf.


PROCEDURE


Après avoir vainement saisi le juge des référés d'une demande de provision, la SCI BOUTICOM a, par acte d'huissier du 22 novembre 2017, assigné la SAMCV THELEM ASSURANCES devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau.


Par jugement du 20 mars 2019, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a :

- Condamné la société THELEM ASSURANCES à payer à la SCI BOUTICOM la somme de 24'000 euros au titre de la perte d'usage et débouté la SCI BOUTICOM du surplus de ses demandes à ce titre';

- Débouté la SCI BOUTICOM de sa demande de garantie formée à hauteur de

20 290 euros au titre de l'indemnisation complémentaire en «'valeur à neuf'»';

- Débouté la SCI BOUTICOM de sa demande de garantie formée à hauteur de

4 398,50 euros au titre des marchandises confiées par la société BRANSON';

- Condamné la société THELEM ASSURANCES à supporter les dépens de l'instance';

- Condamné la société THELEM ASSURANCES à payer à la SCI BOUTICOM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées';

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.


Par arrêt du 30 novembre 2021, la cour d'appel de Paris a':

- Confirmé le jugement en toutes ses dispositions';

Et, statuant à nouveau,

- Condamné la SCI BOUTICOM aux dépens ;

- Condamné la SCI BOUTICOM à la somme de 1 500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de toutes autres demandes.



Par arrêt du 21 septembre 2023, la Cour de cassation 2eme chambre civile, a'considéré que la cour d'appel en appliquant la garantie «'dommage'», à l'exclusion du droit commun de la responsabilité civile et du principe de la réparation intégrale, avait violé l'article 1134 du code civil🏛 dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, alors qu'il ressortait des écritures de la SCI BOUTICOM qu'elle exerçait une action directe contre l'assureur, au titre de la garantie «'responsabilité civile'» du syndicat des copropriétaires et que le contrat d'assurance stipulait que chaque copropriétaire était un tiers à l'égard du syndicat, de sorte qu'il pouvait solliciter cette garantie en cas de dommages causés par les parties communes.


La Cour de cassation a, en conséquence :

- Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris';

- Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée';

- Condamné la société Thelem Assurances aux dépens';

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Thelem Assurances et l'a condamnée à payer à la société Bouticom la somme de 3 000 euros.


Par déclaration électronique du 12 décembre 2023, enregistrée au greffe le

5 janvier 2024, la SCI BOUTICOM a saisi la cour d'appel de Paris, cour de renvoi.



Par conclusions récapitulatives n° 3 notifiées par voie électronique le 30 octobre 2024, la SCI BOUTICOM demande à la cour de :

«'- Vu les articles L.121/4 et L.124-3 du code des assurances🏛

- Vu l'article 1134 ancien du code civil sur le retard de l'indemnisation

- Vu les articles 1382 et 1384 anciens du code civil🏛🏛

- Vu l'article 14 du code de copropriété, loi du 10 juillet 1965🏛

- Vu la police d'assurance, volet responsabilité civile dégâts des eaux

- Vu les copropriétaires qui sont des tiers selon la police d'assurance THELEM

- Vu les procédures de l'action directe

- Vu les pièces versées aux débats


- DECLARER la SCI BOUTICOM recevable et bien fondée en son appel,

- REJETER l'ensemble des prétentions dépourvues de base légale de THELEM ASSURANCES ;

- JUGER que la SCI BOUTICOM possède les qualités de tiers lésé et d'assuré ;

- JUGER que la garantie responsabilité civile du fait des parties communes envers les copropriétaires est acquise avec des dommages immatériels aux tiers plafonnés à

5 000 000 € ;

- REFORMER l'arrêt de la cour en ce qui concerne l'indemnisation ;


Et statuant à nouveau,

- CONDAMNER et CONFIRMER l'indemnisation provisionnelle précédente de THELEM ASSURANCES à savoir :

- Assèchement : 10 873,81 €

- Travaux aménagements : 60 870,29 €

- Démolition et déblais : 1 230 €

- Maîtrise d'oeuvre : 3 587,20 €

- Honoraires d'experts : 3 587,20 €

- CONDAMNER THELEM ASSURANCES au paiement de la somme de 4 398,50 € au titre de la marchandise confiée par la société BRANSON, entre les mains de l'assuré de la SCI BOUTICOM ;

- CONDAMNER THELEM ASSURANCES, conformément au principe de règlement intégral, au paiement de la somme de 20 290,10 € au titre de la valeur à neuf entre les mains de l'assuré de la SCI BOUTICOM ;

- CONDAMNER THELEM ASSURANCES au paiement de la somme de 76 000,00 €, conformément au principe de réparation intégrale mais aussi au retard fautif d'indemnisation, au titre de la perte de loyer / usage entre les mains de l'assuré de la SCI BOUTICOM, déduction à faire de la somme de 24 000 € suite au jugement de TGI de FONTAINEBLEAU du 20 mars 2019, soit la somme de 52 000 € ;

- CONDAMNER THELEM ASSURANCES au paiement d'une somme de 10 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER THELEM ASSURANCES au paiement de l'ensemble des dépens, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛 ».


Par conclusions d'intimée et d'appelante incidente n° 3 notifiées par voie électronique le 29 octobre 2024, la SAMCV THELEMN ASSURANCES demande à la cour de :

«'Vu les dispositions des articles 1353 (anciennement 1315) et 1242, alinéa 1 du code civil🏛,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI BOUTICOM à hauteur de 20 290,10 euros au titre du solde de la « valeur à neuf », à hauteur de

4 398,50 euros « au titre de la marchandise confiée par la société BRANSON » ;

Rejeter la demande de la société BOUTICOM à hauteur de la somme de 132 000 euros au titre de la « perte de loyer/usage » ;


Et faisant droit à l'appel incident de la société THELEM ASSURANCES,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à la SCI BOUTICOM une somme de 24 000 euros au titre d'une perte d'usage, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Débouter la société BOUTICOM de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société THELEM ASSURANCES ;

Condamner la société BOUTICOM à régler à la société THELEM ASSURANCES la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société BOUTICOM aux entiers dépens de première instance et d'appel ».


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 novembre 2024.


Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DÉCISION


I Sur l'action directe de la victime


A l'appui de sa saisine, la société BOUTICOM explique que la police d'assurance THELEM souscrite par le syndicat des copropriétaires est un contrat d'indemnité qui comporte deux volets cumulatifs : dommages (dégâts des eaux) et responsabilité,

qu'elle a choisi de recourir à l'action directe en application de l'article L.124-3 du code des assurances. Il en résulte que l'assureur du responsable doit indemniser les dommages aux victimes en valeur à neuf , c'est pourquoi elle demande à la société THELEM de lui verser à ce titre, la somme de 20 290,10 euros. Elle fait, par ailleurs, valoir que le locataire sortant avait laissé dans les locaux des marchandises dont elle est responsable au titre de la marchandise confiée. Compte tenu des dommages causés à celles-ci par l'inondation des locaux, elle demande par la voie de l'action directe, une indemnité correspondant à la valeur estimée par l'expert amiable soit 4 398,50 euros. Enfin, la société BOUTICOM fait valoir que l'indemnisation de l'assurance porte sur le remplacement total de la surface des locaux qui ont été frappés d'une indisponibilité d'usage. Elle rappelle que la perte d'usage a été estimée par l'expert amiable mandaté par la société THELEM, que la fin de l'indisponibilité des lieux est attestée par un procès-verbal d'huissier15u 15 juin 2017, qu'il en résulte 19 mois de perte de loyers, soit 76 000 euros dont il convient de déduire la somme de 24 000 euros déjà allouée judiciairement.


En réplique, la société THELEM fait valoir qu'elle ne conteste plus aujourd'hui le fait que la société BOUTICOM demande la mise en oeuvre de la garantie responsabilité civile. Elle estime toutefois que la société BOUTICOM ne rapporte pas la preuve du préjudice invoqué, qu'elle ne démontre pas l'étendue des dommages subis et le coût de leur remise en état. S'agissant de la demande au titre de la perte de loyers, la société THELEM rappelle que les locaux n'étaient plus loués depuis décembre 2014 et que la société BOUTICOM n'a communiqué qu'en fin d'instance d'appel un mandat de recherche.


Sur ce,


Vu l' article L. 124-3 du code des assurances ;

Vu l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019🏛, applicable au litige ;


La cour constate que la société THELEM ne conteste plus que la société BOUTICOM exerce à son encontre, son droit d'action directe au titre de l'assurance garantissant la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires du fait des dommages causés par une colonne d'alimentation collective fuyarde.


Désormais, n'est contestée que l'étendue des préjudices invoqués par la société BOUTICOM.


La société BOUTICOM sollicite l'indemnisation de trois préjudices différents qu'elle nomme :


1) le préjudice au titre de la valeur à neuf ;

2) le préjudice au titre de la perte de loyers/d'usage ;

3) le préjudice au titre des marchandises confiées par le locataire sortant.


1) Sur le préjudice au titre de la valeur à neuf


Il ressort de la police d'assurance composée des conditions particulières (pièce 7 - la société BOUTICOM) et des dispositions générales (pièce 1 - la société THELEM) que :

les conditions particulières prévoient la garantie Responsabilité civile en tant que propriétaire d'immeuble, qui garantit «'contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en qualité de propriétaire d'immeuble lorsqu'elle est recherchée en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à des dommages corporels et/ou matériels causés à autrui et provenant du fait des bâtiments garantis [']'». Cette garantie prévoit un plafond de 5 000 000 euros tous dommages confondus dont un plafond de 847 740 euros pour les dommages matériels et immatériels y compris ceux résultant ['] d'une action de l'eau. Il est, en outre, stipulé au titre de cette garantie que «'lorsque le contrat a été souscrit par un syndicat des copropriétaires, la garantie s'applique à la responsabilité encourue du fait des parties communes et privatives : par la copropriété à l'égard des tiers et des copropriétaires'».


La cour observe que les conditions particulières font une distinction entre cette garantie et la garantie Responsabilité vis-à-vis des locataires, des voisins et des tiers qui suppose la réalisation d'un sinistre garanti survenu dans les biens assurés causant des dommages matériels et immatériels aux biens des voisins, des colocataires et des tiers.


Les dispositions générales prévoient ce qui est assuré au titre de la responsabilité civile du propriétaire d'immeuble, reprenant les termes des conditions particulières.


Il résulte de ce contrat que le préjudice «'valeur de remplacement à neuf'» n'est pas prévu par la garantie responsabilité civile du propriétaire d'immeuble mais par d'autres garanties de cette police, telles que la garantie Incendie et risques annexes et dégâts des eaux ou la garantie Tempêtes sur bâtiments, grêle et neige sur toiture.


Or, ces garanties ne sont pas celles qui s'appliquent dans le cadre de l'action directe exercée par la société BOUTICOM.


Le dommage matériel invoqué par la société BOUTICOM est celui causé par la canalisation commune, à ses locaux privatifs : il a été décrit par l'huissier mandaté par la société BOUTICOM, dans son procès-verbal de constat du 26 novembre 2015

(pièce 8 - la société BOUTICOM), qui relève que les murs du rez de chaussée et du sous-sol sont recouverts de traces d'humidité et de moisissures, les plinthes sont décollées, le parquet flottant du sol est gondolé et soulevé, les dalles au plafond présentent des traces d'infiltration d'eau ou se sont détachées.


Il résulte des échanges écrits entre l'expert de l'assureur et celui de l'assurée que le montant de l'indemnité évaluée par l'expert de l'assureur à 100 438,61 euros a été accepté par l'expert de l'assurée. (pièces 18 et 19 notamment - la société BOUTICOM)


A ce jour, il n'est pas contesté que sur ce montant, la société THELEM a versé

10 873,81 euros directement à l'entreprise qui a effectué les travaux d'assèchement,

1 230 euros à l'artisan qui a effectué les travaux de déblais et 7 174,41 euros à l'expert de l'assurée ainsi qu'à l'architecte et 60 870, 29 euros à la société BOUTICOM.


Compte tenu du fait que les parties ont convenu d'évaluer le préjudice matériel à

100 873,81 euros d'après les dommages constatés sur place, il en résulte qu'en application du principe de réparation intégrale des dommages causés à la société BOUTICOM par l'assuré de la société THELEM, cette dernière est tenue d'indemniser ce dommage tel qu'il a été constaté et estimé dans la limite du plafond de garantie prévu aux conditions particulières pour la garantie responsabilité civile du propriétaire d'immeuble, sans pouvoir exiger la preuve d'une remise à neuf du bien du tiers lésé.


Il s'en déduit qu'au vu de l'accord des parties sur le montant du préjudice et du montant déjà réglé par la société THELEM à la société BOUTICOM et en l'absence d'élément nouveau dans la présente instance sur ce chef de préjudice, la société THELEM reste devoir à cette dernière la somme de 20 290,10 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel.


La société THELEM sera donc condamnée à payer à la société BOUTICOM ladite somme.


Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.


2) Sur le préjudice au titre de la perte de loyers/d'usage


Il n'est pas contesté par la société THELEM, que la société BOUTICOM est un propriétaire non occupant qui avait donné le local litigieux à louer, que le bail avait été résilié au 31 décembre 2014, que le local était inoccupé à la date à laquelle la société BOUTICOM a découvert le sinistre.


La société BOUTICOM justifie avoir donné un mandat de recherche d'un locataire le 19 octobre 2015 (pièce 38). Elle fait valoir qu'entre la date du sinistre le

11 novembre 2015 et la date à laquelle les lieux ont été remis en état le 15 juin 2017, il s'est écoulé un délai de 19 mois pendant lequel les lieux n'étaient pas en état d'être loués : compte tenu du montant du loyer de 4 000 euros par mois, elle évalue donc son préjudice de perte de loyers à 19 x 4000 = 76 000 euros.


Toutefois, la cour constate que ses locaux avaient été déblayés le 30 mai 2016 (date de facture de l'artisan qui a déblayé : pièce 21 - la société BOUTICOM), qu'ils avaient également été asséchés et que la société BOUTICOM avait reçu le chèque de

60 870, 29 euros au plus tard le 18 juillet 2016 selon le courrier du conseil de la société BOUTICOM. (pièce 20 - la société BOUTICOM)


Or, la société BOUTICOM ne démontre pas la raison pour laquelle la période d'indisponibilité des locaux s'est prolongée jusqu'en juin 2017.


Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que la société BOUTICOM a perdu la chance de pouvoir louer ses locaux pendant douze mois à compter du sinistre, que s'agissant d'une perte de chance, celle-ci est évaluée à un taux de 80 % au regard de la durée d'inoccupation avant le sinistre et de l'importance des dommages. Dès lors, il convient de fixer le préjudice de perte de loyers à (4 000 euros x 12) x 80% =

38 400 euros.


La société THELEM sera donc condamnée à payer à la société BOUTICOM ladite somme.


Le jugement déféré sera infirmé sur le montant de ce préjudice.


3) Sur le préjudice au titre des marchandises confiées par le locataire sortant


La société BOUTICOM fait valoir qu'elle détenait des marchandises pour le compte de l'ancien locataire et demande réparation au titre de la responsabilité qu'elle estime encourir à l'égard de cet ancien locataire.


Mais s'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier que des vêtements entreposés dans des cartons ou sur des portants ont été endommagés par la canalisation commune fuyarde, pour autant la société BOUTICOM ne justifie pas d'une réclamation du locataire sortant au titre desdits vêtements.


Dans ces conditions, la cour considère que la demande d'indemnisation formée par la société BOUTICOM à ce titre n'est pas fondée et doit être rejetée.


Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société BOUTICOM de cette demande.


II Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


Compte tenu de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.


Partie perdante en appel, la société THELEM sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société BOUTICOM, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.


La société THELEM sera déboutée de sa demande formée de ce chef.



PAR CES MOTIFS


LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,


Statuant sur renvoi après cassation,


Confirme le jugement en ses dispositions relatives au débouté de la demande formée au titre des marchandises confiées par la société Branson, aux condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance ;


L'infirme en ce qu'il a :

- débouté la SCI BOUTICOM de sa demande de garantie formée à hauteur de 20 090 euros au titre de l'indemnisation complémentaire en «'valeur à neuf'»';

- fixé le préjudice locatif à 24 000 euros ;


Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,


Condamne la société THELEM à payer à la société BOUTICOM la somme de

20 290,10 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel de la société BOUTICOM ;


Condamne la société THELEM à payer à la société BOUTICOM la somme de

38 400 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de perte de chance de louer les locaux ;


Condamne la société THELEM aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;


Condamne la société THELEM à payer à la société BOUTICOM la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


Déboute la société THELEM de sa demande formée de ce chef.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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