Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
BADAN
SIMON, Rapporteur
BERNAULT, Commissaire du gouvernement
Lecture du 29 mai 1990
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour M. Georges BADAN ;
Vu la requête présentée pour M. Georges BADAN demeurant à Genève (Suisse) par la S.C.P MARTIN-MARTINIERE, RICARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mai 1988 ; M. BADAN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 62734/1 du 15 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) d'accorder les décharges demandées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 15 mai 1996 :
- le rapport de Mme SIMON, conseiller,
- les observations de Maître Pierre RICARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Monsieur Georges BADAN,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête :
Sur le principe de l'imposition en France :
Considérant qu'il ressort de l'article 4 de la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et la fortune, que seules les personnes qui en vertu de la législation d'un de ces deux Etats sont assujetties à l'impôt sur le revenu et la fortune peuvent se prévaloir des dispositions de cet acte ; que M. BADAN ne soutient pas avoir été assujetti en Suisse à un impôt sur le revenu au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ; que, par suite, il ne peut utilement invoquer les stipulations de la convention précitée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 4-B du code général des impôts, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui 'exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. BADAN a exercé au cours des années 1979 à 1982, pour le compte de la société D.P. Industries dont le siège social est en France, une activité d'intermédiaire, dont il prétend tirer l'intégralité de ses ressources ; qu'il n'est pas contesté que la majorité des clients de la société D.P. Industries auprès desquels M. BADAN est intervenu, au sein des bureaux de cette société et avec son personnel, sont de nationalité française ; que si le contribuable soutient que ses interventions se seraient déroulées principalement à l'étranger, il n'a produit aucune pièce de nature à établir la durée de ses voyages à l'étranger ; qu'il suit de là que M. BADAN doit être regardé comme ayant exercé en France à titre principal une activité professionnelle ; qu'il était par suite passible à ce titre de l'impôt sur le revenu ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 170 et 170 bis du code général des impôts que sont assujetties à la déclaration de leur revenu global les personnes dont la résidence principale présente une valeur locative ayant excédé au cours de l'année d'imposition, 1 000 F à Paris ; qu'il résulte de l'instruction que M. BADAN était locataire depuis le 2 octobre 1972 d'un appartement sis à Paris dont il est constant que la valeur locative excédait 1 000 F au cours des années d'imposition ; que si le contribuable soutient que seuls sa femme et son fils y séjourneraient dès lors qu'il aurait abandonné le domicile conjugal, il n'établit pas, comme il le prétend, résider en Suisse où il n'a d'ailleurs fourni aucune adresse de son prétendu domicile ; que, par suite, M. BADAN était tenu de déposer en France une déclaration de son revenu global ; qu'il est constant que le contribuable n'a pas satisfait à cette obligation pour les années 1979 à 1982 ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 179 du code général des impôts, repris à l'article L.66 du livre des procédures fiscales, que l'administration est en droit de taxer d'office le contribuable qui n'a pas déposé la déclaration de son revenu global dans les 30 jours de la notification d'une mise en demeure ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé les 9 septembre et 14 octobre 1983 à M. BADAN à son domicile parisien, seule adresse connue de l'administration et à laquelle M. BADAN avait accusé réception, le 24 août 1983, de l'avis de vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, deux mises en demeure d'avoir à régulariser sa situation ; que si le contribuable prétend avoir changé d'adresse, il n'allègue pas en avoir informé l'administration fiscale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. BADAN n'est pas fondé à prétendre que la procédure d'imposition suivie est irrégulière ; qu'il lui appartient par suite, conformément à l'article L.193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions contestées ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration ait établi au titre des années 1976 à 1978 une imposition au nom de l'épouse de M. BADAN ne constitue en aucun cas une interprétation formelle de la loi fiscale dont le requérant puisse se prévaloir, par application des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, pour soutenir qu'il ne serait pas personnellement redevable de l'impôt ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a inclus dans la base des impositions litigieuses les bénéfices non commerciaux réalisés par M. BADAN, les salaires perçus par son épouse et des revenus d'origine indéterminée ; que si le contribuable prétend que ces derniers revenus feraient l'objet d'une double imposition dès lors qu'ils correspondraient à des sommes créditées sur un compte bancaire, ouvert en France au nom de son épouse, en provenance de son compte étranger alimenté par la société D.P. Industries et taxées au titre des bénéfices non commerciaux, il n'a produit aucune pièce de nature à justifier l'existence éventuelle du double emploi allégué ;
Sur les pénalités :
Considérant que par une décision en date du 7 août 1989, le chef des services fiscaux de Paris a accordé à M. BADAN un dégrèvement de 560.322 F sur les pénalités afférentes à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 ; que dans cette mesure, la requête de M. BADAN est devenue sans objet ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1733-1 du code général des impôts que les droits mis à la charge du contribuable en cas de taxation d'office pour défaut de déclaration, après deux mises en demeure d'avoir à la produire, sont majorés de 100 % ; qu'il est constant que M. BADAN n'a pas régularisé sa situation après l'envoi de deux mises en demeure d'avoir à produire ses déclarations de revenu global des années 1979 à 1982 ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a maintenu cette majoration à la charge du requérant ;
Sur la suppression des écrits injurieux :
Considérant que, dans le mémoire de M. BADAN enregistré le 22 octobre 1986 devant le tribunal administratif de Paris, le paragraphe 11 de la page 4, les lignes 3 et 4 du paragraphe 10 de la page 8, le paragraphe 4 de la page 9 excèdent le droit de libre discussion et revêtent un caractère injurieux pour l'administration ; qu'ainsi le tribunal administratif de Paris était fondé à en prononcer la suppression ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. BADAN tendant à la décharge des pénalités afférentes à l'impôt sur le revenu, auquel il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982, à concurrence de la somme de 560.322 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. BADAN est rejeté.