Cass. soc., Conclusions, 15-11-2023, n° 23-14.979
A85732RX
Référence
AVIS DE MOLINA, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE
Arrêt n° 2125 du 15 novembre 2023 (B) – Chambre sociale Pourvois n° 23-14.979 et 23-14.980 (QPC) Décision attaquée : 23 février 2023 de la cour d'appel d'Aix-enProvence M. [P] [M] C/ la société Groupe Nice matin _________________
Question prioritaire de constitutionnalité
Faits et procédure Du mois de novembre 2011 au mois de décembre 2016 pour le premier et du mois de juin 2012 au mois de mars 2017 pour le second, M. [M] et M. [X] ont fourni à la société Nice Matin devenue la société Groupe Nice Matin des reportages photos en contrepartie d'une rémunération sous forme d'honoraires. Le 1er mars 2018, MM. [M] et [X] ont saisi le conseil de prud'hommes de Nice afin qu'il soit considéré qu'ils ont bénéficié d'un contrat de travail et qu'il soit dit que la
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relation de travail était soumise à la convention collective nationale des journalistes ou subsidiairement de l'encadrement de la presse quotidienne régionale. Le syndicat national des journalistes est intervenu volontairement à l'instance. Par jugements rendus le 4 décembre 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties et les causes devant le tribunal de grande instance de Nice. Les requérants ont interjeté appel. L'entreprise de presse a été placée sous sauvegarde de justice le 6 mars 2019, les organes de la procédure sont intervenus volontairement à l'instance prud'homale. Par arrêts prononcés le 12 septembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment infirmé les jugements déférés en toutes leurs dispositions ; statuant à nouveau, dit que la juridiction du travail était compétente pour connaître du différend ; dit que les requérants étaient liés par un contrat de travail ; évoqué l'affaire sur le fond ; renvoyé sur ce point à une audience. L'entreprise de presse et les organes de la procédure de sauvegarde de justice se sont pourvus en cassation. Par arrêts du 29 septembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé les arrêts déférés sauf en ce qu'ils ont reçu en leurs interventions volontaires les organes de la procédure de sauvegarde de justice, et a remis en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel s'est déterminée sans rechercher, comme elle y était invitée, si les requérants avaient la qualité de correspondant local de presse en sorte qu'ils ne pouvaient revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du code du travail. Par arrêts du 23 février 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur renvoi a notamment infirmé les jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Nice le 4 décembre 2018 en toutes leurs dispositions ; statuant à nouveau et y ajoutant, dit que les requérants ont collaboré avec l'entreprise de presse sous le statut de correspondant local de presse ; dit que les requérants n'ont pas été liés à l'entreprise de presse par un contrat de travail ; rejeté l'intégralité des demandes des requérants au titre de l'existence d'un contrat de travail. Les requérants et le syndicat se sont pourvus en cassation et ont déposé un mémoire spécial comportant une question prioritaire de constitutionnalité.
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Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité La question soulevée est la suivante : “Le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail n'est-il pas contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'une part, en ce qu'il crée une inégalité de traitement entre le correspondant de presse et le journaliste professionnel en exigeant du correspondant pour qu'il puisse être assimilé à un journaliste professionnel et bénéficier de la présomption de contrat de travail posée par l'article L. 7112-1 du code du travail qu'il justifie non seulement de remplir les conditions posées par l'alinéa 1 de l'article L. 7111-3 pour être journaliste professionnel mais aussi de la fixité de ses revenus, et, d'autre part en ce que, tel qu'il est interprété de façon constante par la Cour de cassation, il créé une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les personnes physiques dont l'activité donne lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés par l'article L. 8221-6 du code du travail dès lors que le correspondant local de presse ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L. 7111-3 du code du travail tandis qu'il suffit pour les personnes physiques immatriculées aux registres du commerce ou des métiers de prouver, pour renverser la présomption de non-salariat, qu'elles fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ?”
Discussion Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité : L'article 61-1 de la Constitution dispose “Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.” Le Conseil constitutionnel exige à peine d'irrecevabilité que, “pour exercer le droit qui lui est reconnu par l'article 61-1 de la Constitution, toute partie à une instance doit, devant la juridiction saisie, spécialement désigner, dans un écrit distinct et motivé, d'une part, soit les dispositions pénales qui constituent le fondement des poursuites, soit les dispositions législatives qu'elle estime applicables au litige ou à la procédure et dont elle soulève l'inconstitutionnalité et, d'autre part, ceux des droits ou libertés que la Constitution garantit auxquels ces dispositions porteraient atteinte.” En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité est posée dans un mémoire distinct et motivé et pour la première fois devant la Cour par une partie au litige. La question invoque une atteinte au principe d'égalité devant la loi auquel le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle sur le fondement de la
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Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973).
Examen des conditions du renvoi de la question au Conseil constitutionnel : Aux termes des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il y a lieu à renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; et qu'elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux. En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité contient deux points : - l'un sur le respect du principe d'égalité de traitement entre un journaliste professionnel et un correspondant local de presse par le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail ; - l'autre sur l'interprétation constante que ferait la Cour de cassation de ce texte qui créerait une inégalité de traitement entre le correspondant local de presse et les travailleurs soumis à une présomption légale de non-salariat.
- Applicabilité de l'article L. 7111-3 du code du travail au litige : La question a été posée à l'occasion de deux litiges portant sur la demande de requalification, en contrat de travail, de la relation entre une entreprise de presse et deux requérants engagés sous le statut de correspondant local de presse, ces derniers sollicitant également le bénéfice des dispositions de la convention collective nationale des journalistes. L'article L. 7111-3 du code du travail dispose “Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.” Cet article est applicable aux litiges soumis.
- Interprétation constante d'une disposition législative contestée : La seconde partie de la question prioritaire de constitutionnalité ne porte pas sur la disposition législative évoquée précédemment mais sur la portée que lui donne la Cour en l'interprétant. Or, le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 6 octobre 2010 (décision n° 2010-39 QPC), dit qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition. Il a, depuis, renouvelé cette affirmation (Décision n° 2018-699 QPC du 13 avril 2018 ; Décision n°
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2020-845 QPC du 19 juin 2020). Le Conseil constitutionnel a précisé que la jurisprudence contestée doit avoir été soumise à la cour suprême compétente (Décision n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011, considérant 9) et que l'inconstitutionnalité doit bien procéder de l'interprétation jurisprudentielle (Décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, considérant 10). En l'espèce, il est soutenu qu'il résulte de l'interprétation constante que fait la Cour de cassation du second alinéa de l'article L.7111-3 du code du travail que les correspondants locaux de presse ne peuvent pas faire la preuve de l'existence d'un contrat de travail en dehors des conditions prévues par cet article et que cette jurisprudence est contraire à celle que la Cour applique à toutes les autres personnes relevant d'une présomption de non-salariat, lesquelles peuvent renverser cette dernière et prouver l'existence d'un contrat de travail en démontrant l'existence d'un lien de subordination avec leur donneur d'ordre. Le mémoire présente comme jurisprudence constante de la Cour de cassation deux arrêts rendus au mois de septembre 2021, qui l'ont d'ailleurs été dans les litiges ayant conduit aux pourvois dans lesquels la question prioritaire de constitutionnalité est posée (Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.492 ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.491). Si une jurisprudence constante doit émaner d'une juridiction suprême et peut résulter d'une seule décision, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait été répétée, il est néanmoins nécessaire d'y retrouver une règle de portée générale posée par la Cour et non une solution propre à l'espèce. L'article 10 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, tel que modifié par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, dispose “I. - Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l'actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d'une entreprise éditrice. Cette contribution consiste en l'apport d'informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ni de l'article L. 761-2 du code du travail. II. - Lorsque le revenu tiré de leur activité n'excède pas 15 p. 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l'année en cours, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés aux régimes d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés que s'ils le demandent. III. - Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 p. 100 du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d'un abattement de 50 p. 100 pris en charge par l'Etat sur leurs cotisations d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse.” L'article L. 7112-1 du code du travail dispose “Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
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Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.” En l'espèce, les requérants ont toujours demandé que soit reconnue l'existence d'un contrat de travail, ajoutant qu'ils bénéficiaient de la présomption de salariat dès lors qu'ils remplissaient les conditions pour être considérés comme journalistes. Or, alors qu'ils avaient été embauchés sous le statut de correspondant local de presse, si les requérants revendiquaient la qualité de journaliste professionnel pour bénéficier de la présomption de salariat de l'article L. 7112-1 du code du travail, l'existence d'un contrat de travail devait donc être appréciée par rapport à cette qualité de journaliste professionnel. Il ressort de l'article L. 7112-1 du code du travail que l'existence d'un contrat de travail n'est pas présumée du fait de la présence d'un lien de subordination mais du fait du bénéfice du statut de journaliste professionnel. Ainsi, pour bénéficier de la présomption de salariat en qualité de journalistes professionnels, les correspondants locaux de presse doivent établir leur appartenance à ce statut puisque le leur les définit comme des travailleurs indépendants. L'article L. 7112-1 du code du travail allège la charge de la preuve : il permet une démonstration en une seule étape, une fois la qualité de journaliste professionnel établie, l'existence d'un contrat de travail est présumée. En revanche, si un correspondant local de presse souhaitant voir requalifier sa relation avec une entreprise de presse démontrait l'existence d'un lien de subordination pour caractériser un contrat de travail, cette étape ne serait pas suffisante et il lui resterait à établir sa qualité de journaliste professionnel pour pouvoir bénéficier du statut, et pour ce faire, démontrer qu'il remplit les conditions de l'article L. 7111-3 du code du travail. Le bénéfice du statut de journaliste est induit par la reconnaissance de la qualité de journaliste, et non par l'existence d'un contrat de travail. Ainsi, sous réserve des personnes relevant de l'article L. 7111-4 du code du travail1 qui sont assimilées, sous une condition, aux journalistes professionnels, toute personne souhaitant établir l'existence d'un contrat de travail en qualité de journaliste doit justifier de cette qualité. Cette exigence n'est pas seulement requise pour les correspondants locaux de presse. Dès lors, dans les arrêts précités de 2021, puisque les requérants revendiquaient le statut de journaliste, en jugeant que la cour d'appel avait privé sa décision de base légale en ne recherchant pas “si l'intéressé avait la qualité de correspondant local de presse en sorte qu'il ne pouvait revendiquer l'existence d'un contrat de travail que dans les conditions prévues par l'article L.7111-3 du code du travail”, la Cour a appliqué l'article L. 7111-3 du code du travail qui impose aux correspondants locaux de presse de remplir plusieurs conditions pour bénéficier du
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Article L. 7111-4 du code du travail : “Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurstraducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reportersphotographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle.”
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statut de journaliste. Cette application d'un texte de loi ne peut, à mon sens, relever de l'interprétation constante. Je considère que le raisonnement proposé par le mémoire (page 13) selon lequel la décision de la Cour conduit à ce que les correspondants locaux de presse soient les “seuls professionnels à qui il est interdit de renverser la présomption de nonsalariat en faisant la preuve d'un lien de subordination avec leur donneur d'ordre” est faussé. En effet, ce n'est pas seulement l'existence d'un contrat de travail que les requérants souhaitent établir mais celle d'un contrat de travail en qualité de journaliste professionnel. Or, pour ce faire, cette qualité doit être caractérisée selon les conditions posées par l'article L. 7111-3 du code du travail.
- Déclaration de conformité à la Constitution : Le Conseil constitutionnel ne s'est pas encore prononcé sur la conformité à la Constitution de l'article L. 7111-3 alinéa 2 du code du travail, ni sur sa version antérieure, l'article L. 761-2 alinéa 2 du code du travail, abrogé par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail.
- Caractère nouveau de la question : Le critère de nouveauté s'appréciant au regard de la norme constitutionnelle invoquée (Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 (cons. 21)2), la question n'est pas nouvelle en l'espèce dès lors que le Conseil constitutionnel s'est prononcé à de nombreuses reprises sur le principe d'égalité et notamment sur sa consécration par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont la violation est invoquée.
- Caractère sérieux de la question : Le mémoire soutient que le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail est contraire au principe d'égalité devant la loi dès lors que pour bénéficier de la présomption de salariat de l'article L. 7112-1 du code du travail, le correspondant local de presse doit démontrer qu'il remplit les conditions posées pour être journaliste professionnel mais également que ses revenus sont fixes alors que la fixité des revenus n'est pas un critère pour que les journalistes puissent bénéficier de la présomption de contrat de travail. L'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose “La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.”
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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2009/2009595DC.htm
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Si le principe d'égalité devant la loi nécessite une application uniforme de la loi, une différence de traitement est permise. En effet, le Conseil constitutionnel juge que “le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit” (décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, considérant 8 ; décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, considérant 3 ; décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, considérant 25). Ainsi, lorsqu'il est saisi d'un grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, le Conseil s'assure dans un premier temps de l'existence d'une différence de traitement instituée par les dispositions contestées. Puis, lorsque celle-ci est constatée, il vérifie qu'elle est justifiée par une différence de situation ou par un motif d'intérêt général, et qu'elle est en rapport direct avec l'objet de la loi en cause. L'article L. 7111-3 du code du travail énonce bien une différence de traitement dès lors que, pour se voir reconnaître la qualité de journaliste professionnel, le correspondant doit remplir, outre les conditions du premier alinéa (la personne doit tirer de son activité, exercée à titre d'occupation principale et régulière, l'essentiel de ses ressources), celle de la fixité de ses revenus, telle qu'énoncée au second alinéa. Il ressort de la définition du correspondant local de presse, rappelée en amont, énoncée par l'article 10 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, tel que modifié par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, que la correspondance de presse ne peut pas être, au sens littéral, une profession. Elle s'apparente à une activité exercée à titre accessoire d'une activité principale ou par une personne inactive, sur une zone géographique donnée ou pour le suivi d'une discipline sportive. Les correspondants locaux de presse s'apparentent, au regard de leur définition, aux yeux et oreilles d'une entreprise de presse. Ils délivrent une information factuelle (compte rendu de manifestation, brèves, portraits…), laquelle est revue par un journaliste professionnel avant son éventuelle diffusion. Dans le rapport du député Blachard du 22 janvier 1935 qui a précédé la loi du 29 mars 1935 créant un statut professionnel au profit des journalistes, il était énoncé, s'agissant des correspondants locaux de presse “C'est l'instituteur, le secrétaire de mairie, le clerc de notaire, le receveur des contributions, un postier, ou même le dépositaire du journal, le patron d'un café, etc. Il est payé à la ligne, il restera souvent des semaines sans envoyer une information. On ne lui laisse d'ailleurs que des broutilles. Aussitôt que son pays entre dans l'actualité par un accident, un crime, un incendie, une fête, que sais-je ? un envoyé spécial accourt de Paris. Ce correspondant n'est pas un journaliste”. Ainsi, à l'origine, les correspondants locaux de presse ont été imaginés pour être une aide à la presse en lui permettant de disposer d'un maillage local pour recueillir de l'information à moindre coût. Le statut des correspondants locaux de presse a été formalisé, sur un plan législatif, à partir de 1987.
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L'article 10 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, relatif au statut du correspondant local de presse était, dans sa version initiale, ainsi rédigé : “L'Etat prend en charge, dans des conditions fixées par décret, la moitié de la cotisation minimale annuelle d'assurance maladie due par les correspondants locaux non-salariés de la presse régionale ou départementale ainsi que par les vendeurs colporteurs de presse justifiant d'un contrat de mandat avec les éditeurs, dépositaires ou diffuseurs de presse. La justification de l'existence d'un tel mandat est apportée par l'attestation de l'inscription au Conseil supérieur des messageries de presse prévue à l'article 298 undecies du code général des impôts. Cette prise en charge est subordonnée à la condition que les revenus non salariaux annuels des personnes mentionnées ci-dessus soient inférieurs à une fraction, fixée par décret, du plafond de la sécurité sociale”. Le projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale énonce qu'elle vise à favoriser “la création de nouveaux emplois susceptibles d'attirer, en raison des conditions particulières d'exercice de ces professions, une catégorie de personnes actuellement à l'écart du marché traditionnel du travail.” 3 Cet article 10 a ensuite était modifié par la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social4, laquelle a procédé à une nouvelle rédaction ; puis par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social l'a modifié et complété5. 3
Projet n° 483 Assemblée nationale.
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“I. - Ne seront affiliés, qu'à leur demande, aux régimes d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés non agricoles les correspondants locaux de la presse régionale ou départementale non salariés et les vendeurs-colporteurs de presse, justifiant d'un contrat de mandat avec les éditeurs, dépositaires ou diffuseurs de presse, lorsque le revenu tiré de leur activité n'excède pas 15 p. 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l'année en cours *condition d'assujettissement*. II. - La justification de l'existence d'un tel mandat est apportée par l'attestation de l'inscription au Conseil supérieur des messageries de presse prévu à l'article 298 undecies du code général des impôts. III. - Lorsque le revenu procuré par cette activité se trouve inférieur à 25 p. 100 dudit plafond, l'assuré concerné bénéficie d'un abattement de cotisation de 50 p. 100, pris en charge par l'Etat. IV. - Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'au 31 décembre 1990 ; leur bilan, en termes d'emploi, fait l'objet, à cette date, d'un rapport du Gouvernement au Parlement.” 5
“I. - Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l'actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d'une entreprise éditrice. Cette contribution consiste en l'apport d'informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ni de l'article L. 761-2 du code du travail. II. - Lorsque le revenu tiré de leur activité n'excède pas 15 p. 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l'année en cours, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés aux régimes d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés que s'ils le demandent. III. - Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 p. 100 du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d'un abattement
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Le rapport n° 3083 d'Alfred Recours, déposé au nom de la commission des affaires culturelles, précise que l'article 9 du projet de loi, qui prévoit notamment l'adjonction, à l'article 10 de la loi n° 87- 39 du 27 janvier 1987, d'un paragraphe I "vise à établir un statut des correspondants locaux de presse en pérennisant les dispositions de l'article 10 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 relatives au régime social de cette profession et en introduisant dans cet article une définition du rôle du correspondant local […]. Le premier alinéa du texte proposé pour ledit paragraphe reprend en la précisant la définition figurant déjà à l'article premier du décret n° 90-96 du 25 janvier 19906 : il dispose que le correspondant local contribue, selon le déroulement de l'actualité (c'est-à-dire en principe avec une périodicité variable), à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée pour le compte de l'entreprise éditrice qui fait appel à ses services. La disparition d'une précision figurant dans l'article premier du décret précité paraît toutefois regrettable : en ne mentionnant plus la collecte d'informations relatives à une activité sociale particulière, le paragraphe I nouveau paraît supprimer les correspondants locaux dont la spécialisation est thématique et non géographique. Le deuxième alinéa apporte une précision nouvelle, puisqu'il y est indiqué que les informations apportées par le correspondant local doivent faire l'objet, avant une éventuelle publication d'une vérification ou d'une mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Cette disposition, issue d'une négociation entre les pouvoirs publics et les entreprises de presse, pourrait au premier abord paraître quelque peu vexatoire pour les intéressés. Il faut bien comprendre qu'elle a en fait un caractère protecteur, dans la mesure où elle permettra de prouver que les correspondants locaux, dont les articles ne sont pas vérifiés ni mis en forme avant publication, sont en fait de véritables journalistes devant être traités comme tels. La pratique actuelle est en effet caractérisée par de nombreux abus : pour profiter des avantages du statut des correspondants locaux, certains journaux s'efforcent de développer le nombre de leurs collaborateurs relevant de cette catégorie et de diminuer corrélativement celui de leurs journalistes, ce qui amène parfois les organismes chargés du recouvrement des cotisations à procéder à des requalifications d'office.” Dans son rapport n° 102 , au nom de la commission des affaires sociales, Bernard Seiller a souligné l'équilibre recherché entre la définition de la profession de correspondant de presse et celle de journaliste. Il a ajouté que les précisions apportées par l'Assemblée nationale permettaient de clarifier la définition des correspondants de presse, tout en les distinguant des journalistes.
de 50 p. 100 pris en charge par l'Etat sur leurs cotisations d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse.” 6
La définition du correspondant de presse n'existait qu'au niveau réglementaire à l'article 1er du décret n° 90-96 du 25 janvier 1990, lequel, abrogé par le décret n° 94-404 du 16 mai 1994, énonçait que “Le correspondant local de la presse régionale ou départementale est un travailleur indépendant qui apporte, selon le déroulement de l'actualité, à l'entreprise éditrice des informations relatives à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière et qui ne bénéficie pas à ce titre de la qualité de journaliste professionnel, au sens de l'article L. 761-2 du code du travail.”
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Enfin la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 a apporté quelques modifications à l'article 107. Le statut de journaliste permet à ceux qui y sont soumis de bénéficier de toutes les dispositions du code du travail qui s'appliquent aux travailleurs salariés, ainsi que des mesures spéciales applicables aux journalistes : indemnité du mois par année ; clause de conscience ; carte d'identité ; barème des salaires minimums ; vacances annuelles. La loi de 1935 a été adoptée après le dépôt du rapport du député Brachard8. S'agissant de la nécessité de légiférer pour instaurer un statut pour les journalistes, il était indiqué : “Allons-nous laisser les journalistes français se débattre dans la situation pénible qui leur est injustement faite ? Que le Parlement ait, en de telles conjonctures, le devoir de manifester sa volonté, et qu'il en possède le pouvoir, nous en avons, Messieurs, la certitude. Tout nous y pousse : l'examen des faits, les précédents, le souci de la justice sociale dans un domaine particulièrement sensible. Le Parlement doit intervenir : - parce que la profession de journaliste, entre toutes les professions libérales ou intellectuelles, possède des caractères d'un ordre particulier ; - parce que, sous tous les régimes, le Parlement a légiféré sur la presse et sur les gens de presse ; - parce que, dans tous les pays, la presse est placée sous un statut spécial, qu'il soit de privilège ou de contrainte ; - parce que, si nous ne sommes pas de ceux qui prétendent faire de la presse un service public, nous considérons du moins que son rôle est capital dans un ordre démocratique, qu'elle n'est à même de le remplir que dans la liberté, et que le Statut professionnel des journalistes est une des garanties de cette indispensable liberté ; - parce que de nombreux précédents s'offrent à nous, aussi bien dans notre pays qu'à l'étranger ; - enfin parce que les Chambres françaises, ayant eu, à plus d'une reprise, à prendre, en faveur de l'industrie des journaux, des mesures exceptionnelles, qui constituent de 7
“ I.-Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l'actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d'une entreprise éditrice. Cette contribution consiste en l'apport d'informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ni de l'article L. 761-2 du code du travail. II.-Lorsque le revenu tiré de leur activité n'excède pas 15 % du plafond annuel de la sécurité sociale, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés au régime de sécurité sociale dont relèvent les travailleurs indépendants que s'ils le demandent. III.-Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 % du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d'un abattement de 50 % pris en charge par l'Etat sur leurs cotisations d'assurance maladie-maternité et d'assurance vieillesse.”
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Rapport du député Brachard, 1935
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véritables privilèges, il est équitable qu'elles entendent l'appel que leur adressent les journalistes par la voie de leurs associations professionnelles unanimes.” Il y était précisé que le journaliste est un salarié d'une espèce particulière, devant être protégé des conflits entre sa conscience et ses intérêts, pouvoir conserver sa liberté morale et donc voir son indépendance garantie. Par ailleurs, contrairement au correspondant local de presse, le pigiste était historiquement un journaliste indépendant lié à l'entreprise par un contrat de louage d'ouvrage ou d'entreprise. Sa situation a évolué avec la loi n° 74-630 du 4 juillet 1974, dite loi Cressard, qui lui a notamment reconnu le statut de journaliste professionnel, et la présomption de salariat. Dans un rapport Fillioud, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (séance du 27 juin 1974), il était exposé : “La proposition de loi de M. Cressard tend à supprimer une injustice et un anachronisme, à faire cesser certains abus et à harmoniser notre législation après la jurisprudence. Il s'agit, comme l'intitulé de ce texte le précise, de compléter les dispositions de l'article L. 761-2 du code du travail pour permettre à tous les journalistes, sans exception tenant au mode de leur rémunération, de bénéficier des dispositions du statut professionnel, tel qu'il a été établi par la loi du 29 mai 1935, et des dispositions de la convention collective de la presse. Ces dispositions législatives et réglementaires ou conventionnelles ne s'appliquent aujourd'hui, avec leurs pleins effets, qu'aux journalistes professionnels rétribués mensuellement. Elles n'ont pas toutes leurs conséquences lorsqu'il s'agit de journalistes professionnels payés à la pige. Cette situation crée donc entre deux catégories de journalistes professionnels, selon la définition du journalisme professionnel donnée par le code du travail, une discrimination qui tient au mode de rémunération des services et à l'existence, dans le cas des journalistes rétribués à la pige de plusieurs employeurs, situation qui existe dans d'autres catégories professionnelles, sans avoir cependant les mêmes effets discriminatoires. Cette situation a également donné lieu dans la pratique à des abus, que beaucoup d'entre vous connaissent, notamment par la pratique des pigistes permanents a, lesquels sont en réalité des collaborateurs d'une entreprise de presse placés dans le même état de dépendance à l'égard de la hiérarchie et soumis aux mêmes règles que les autres journalistes, mais ne bénéficiant pas, dans la plénitude de ses effets, du statut de journaliste professionnel. Le texte qui nous est proposé tend à supprimer cette discrimination en faisant reconnaître par la loi que, quel que soit -son mode, la rémunération du journaliste professionnel a le caractère d'un salaire et que la nature des liens juridiques qui unissent ce journaliste à l'entreprise est un contrat de travail et non pas un contrat d'entreprise ou de fourniture d'articles. En effet, entre les deux situations juridiques et pratiques qui découlent de cette différence entre le mode de rémunération au mois d'un côté, à la pige de l'autre, il y a toute une série d'inégalités qui tiennent au taux de rémunération tel qu'il est constaté par la commission de la carte d'identité professionnelle, à l'absence du treizième mois de salaire pour les journalistes rétribués à la pige alors que ce treizième mois fait partie, selon la convention collective nationale de la presse, du salaire des journalistes rétribués mensuellement. (…).
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En suivant votre commission dans cette voie, vous rétablirez l'équité entre les différentes catégories de journalistes professionnels, vous rendrez justice à la petite minorité de pigistes aujourd'hui maltraitée sans raison, vous mettrez en harmonie la loi et la jurisprudence, vous irez dans le sens d'une évolution déjà largement amorcée, tant pour ce qui concerne la profession de journaliste que pour les autres activités professionnelles.” Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le législateur a toujours entendu clairement distinguer le statut du journaliste, conçu comme un métier, de celui du correspondant local de presse, envisagé comme une activité, une occupation, venant à l'appui du premier. Je considère que la différence de traitement édictée par le second alinéa de l'article L. 7111-3 du code du travail est justifiée dès lors que les deux statuts sont différents. Au-delà de la question de la rémunération et des modalités de celle-ci, la collaboration intellectuelle et personnelle n'est pas la même entre un journaliste et un correspondant local, le recueil d'informations par le second mène à la rédaction d'un article par le premier, après vérification et mise en forme ; le correspondant local doit pouvoir choisir ses sujets, sans intervention de l'entreprise de presse ; leur responsabilité juridique est différente, seule celle du journaliste pouvant être engagée. Il ressort de la présomption posée par l'article L. 7112-1 du code du travail que le journaliste est obligatoirement un salarié. A mon sens, la différence de traitement est également en rapport direct avec l'objet de la loi. Puisqu'elle a pour objectif de définir le statut des journalistes professionnels -et non les conditions d'existence d'un contrat de travail- elle en fixe les conditions d'accès. Or, le correspondant local bénéficie d'un statut spécifique, qui en le qualifiant de travailleur indépendant, exclut par essence le salariat. Le mode de rémunération est donc l'un des éléments distinctifs participant à la différence entre les deux statuts : la fixité d'une rémunération induit la notion de régularité, laquelle permet notamment de distinguer un métier exercé au quotidien et récompensé par une rémunération fixe, d'une activité occasionnelle, rétribuée, de ce fait, ponctuellement et selon la tâche effectuée. Seule la régularité de la relation, qui implique des rémunérations fixes, permet le passage du statut de correspondant local à celui de journaliste. Il est à noter que ce critère des rémunérations fixes rappelle l'exclusion, par l'article L. 7111-4 du code du travail, de l'assimilation aux journalistes professionnels des collaborateurs directs de la rédaction “qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle”. Alors certes, il est possible de regretter que le système est désormais parfois dévoyé. En effet, les correspondants locaux de presse, moins coûteux que les journalistes et avec lesquels la relation peut être plus facilement rompue (pas de procédure de licenciement en l'absence de contrat de travail), peuvent être de plus en plus sollicités par les entreprises de presse, et de moins en moins laissés libres quant au choix (tant s'agissant du contenu, que de la géographie) de l'information recueillie. Cette situation révèle une professionnalisation de la fonction du correspondant local de presse qui paraît peu en adéquation avec la finalité initialement recherchée par le législateur.
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Ainsi, l'équilibre souhaité par ce dernier entre le statut des journalistes et celui des correspondants locaux de presse s'étant révélé précaire, il lui appartient d'y remédier en clarifiant éventuellement à nouveau le statut des seconds et/ou en encadrant le recours, par les entreprises de presse, à cette activité, pour éviter les dérives.
Certains parlementaires interrogent régulièrement le gouvernement en ce sens9. Dès lors qu'à mon sens la différence de traitement dénoncée est justifiée par une différence de situation et en rapport avec l'objet de la loi, elle ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi. Je considère donc la question prioritaire de constitutionnalité comme étant dépourvue de caractère sérieux. Je conclus qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soumise dans les deux pourvois.
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Question de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, publiée dans le JO Sénat du 22/07/2010 - page 1907 - Transmise au Ministère de la culture et de la communication - Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 14/10/2010 Question de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, publiée dans le JO Sénat du 29/11/2018 - page 5959 - Réponse du Ministère de la culture publiée le 28/03/2019 Question N° 38120 du 13 avril 2021 de M. Marc Le Fur, député, au Ministère de la culture Question N°8485 du 30 mai 2023 de M. Thomas Ménagé, député, au Ministère de la culture
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