Jurisprudence : TA Orléans, du 08-02-2024, n° 2101267


Références

Tribunal Administratif d'Orléans

N° 2101267

4ème chambre
lecture du 08 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 mai 2023, Mme B A, représentée par la S.E.L.A.F.A Cabinet Cassel, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 9 février 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier Henri Ey a rejeté son recours gracieux, ensemble la décision du 30 décembre 2020 fixant à 0 le coefficient d'évolution de sa part de la prime de fonctions et de résultats tenant compte des résultats de son évaluation individuelle au titre de l'année 2020 ;

2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Henri Ey de réviser à la hausse le coefficient de la part de sa prime liée aux résultats de son évaluation individuelle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Ey la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la part de la prime de résultats qui lui a été attribuée n'est pas en adéquation avec l'appréciation qui a été portée sur sa manière de servir ;

- son évaluation révèle une inexactitude matérielle des faits et une erreur manifeste d'appréciation au regard du contexte dans lequel elle a été amenée à exercer ses fonctions, assurant l'intérim de la directrice des soins et l'intérim de la direction de l'EHPAD de Janville et assurant la gestion pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 ;

- elle a rempli plusieurs des objectifs qui lui avaient été assignés alors même que le directeur de l'établissement a considéré qu'elle ne les avait que partiellement remplis ; elle a notamment obtenu des accords avec les organisations syndicales sur la gestion du temps de travail ; compte tenu du contexte dans lequel elle exerçait ses fonctions, elle ne pouvait matériellement pas procéder à l'optimisation de la coordination DRH/DDS ; elle a su améliorer l'efficience des organisations de travail et redimensionner les effectifs de l'établissement ; l'appréciation littérale ne reflète pas sa manière de servir ;

- l'appréciation portée sur sa manière de servir est en contradiction avec l'avis rendu cinq mois plus tôt concernant sa titularisation ;

- l'objectif relatif à la mise en œuvre de la gestion du temps de travail était manifestement inadapté ;

- il n'a pas été tenu compte du contexte ;

- son évaluation n'est pas en cohérence avec l'appréciation portée par les partenaires institutionnels ;

- le directeur a pris en compte des éléments étrangers à sa valeur professionnelle ;

- elle remplissait les critères de l'annexe III-A de la circulaire du 19 juin 2012 pour percevoir la prime exceptionnelle ;

- l'établissement du montant de la part résultat de la prime de fonctions et de résultats doit tenir compte de la véritable valeur professionnelle de l'agent ; à ce titre la fiche d'évaluation n'est qu'un élément d'information.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le centre hospitalier spécialisé Henri Ey, représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier spécialisé Henri Ey fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;

- le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012🏛 ;

- la circulaire n°2012-241 du 19 juin 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Palis De Koninck ;

- les conclusions de M. Eric Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Halé, substituant Me Rainaud, représentant le centre hospitalier spécialisé Henri Ey.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B A, directrice d'hôpital stagiaire, a été nommée à compter du 1er avril 2019 directrice adjointe chargée des ressources humaines au sein du centre hospitalier spécialisé Henri Ey. Elle a été titularisée le 1er avril 2020. A compter du 22 avril 2020,

Mme A a assuré, en plus de la direction des ressources humaines de l'hôpital, la direction par intérim d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé à Janville-en-Beauce pour 30 % de son temps de travail. Le 24 septembre 2020, elle a bénéficié de son entretien annuel d'évaluation à l'issue duquel il lui a été indiqué le coefficient de la part résultat de la prime de fonctions et de résultats qui lui était attribué et le montant correspondant. Par une décision du 30 décembre 2020, le directeur du centre hospitalier a attribué à Mme A une somme de 13 616 euros au titre de la part résultat de la prime de fonctions et de résultats correspondant à un coefficient de 3,7 compte tenu d'un coefficient d'évolution de 0. Mme A a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté par courrier du 9 février 2021. Elle demande l'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En application de l'article 1er du décret du 9 mai 2012🏛 relatif à la prime de fonctions et de résultats des corps ou emplois fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière, les personnels de direction des établissements hospitaliers perçoivent une prime de fonctions et de résultats. L'article 2 de ce décret prévoit que : " La prime de fonctions et de résultats comprend deux parts : une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ;/ une part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir. ". L'article 5 du même décret dispose que : " Les montants individuels de la part fonctionnelle et de la part liée aux résultats de l'évaluation et à la manière de servir sont respectivement déterminés comme suit : () 2° Pour la part tenant compte des résultats, le montant de référence est modulable par application d'un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 6. / Le montant individuel attribué au titre de cette part fait l'objet d'un réexamen annuel au vu des résultats de la procédure d'évaluation individuelle mentionnée à l'article 2 et définie par le décret n° 2020-719 du 12 juin 2020🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière. ". Enfin, aux termes de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct ou l'autorité compétente déterminée par décret en Conseil d'Etat. () ".

3. Il résulte des dispositions précitées que, pour fixer le montant de la prime de fonctions et de résultats, l'administration détermine, d'une part, le montant de la part fonctionnelle en tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et de sujétions spéciales liées aux fonctions exercées par l'agent, d'autre part, le montant de la part liée aux résultats de la procédure d'évaluation individuelle et à la manière de servir en tenant compte de ces éléments d'appréciation.

4. En premier lieu, Mme A soutient que la part résultat de la prime de fonctions et de résultats qui lui a été attribuée n'est pas en adéquation avec l'appréciation qui a été portée sur sa manière de servir. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 9 mai 2012🏛 prévoient effectivement que la part résultat de la prime de fonctions et de résultats est déterminée au vu des résultats de la procédure d'évaluation. Le compte-rendu d'évaluation de l'agent n'est donc pas un simple élément d'information à la disposition de l'autorité hiérarchique. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que

Mme A s'est vu attribuer un coefficient de 3,7 qui n'a pas évolué par rapport à sa précédente évaluation. Pour l'année 2020, le directeur du centre hospitalier Henri Ey avait fixé huit objectifs à l'intéressée. Aux termes du compte rendu d'évaluation signé par Mme A, en tous points conforme à l'auto-évaluation qu'elle avait effectuée, celle-ci a atteint deux objectifs, partiellement atteint trois d'entre eux et n'en a pas atteint trois autres. Aux termes de l'appréciation littérale portée sur sa manière de servir, le directeur de l'établissement a retenu que l'intéressée était " sérieuse et investie dans la mise en œuvre de la politique de ressources humaines " et qu'elle avait " atteint les objectifs financiers et en partie les objectifs sociaux " qui lui étaient fixés Il a, en outre, relevé que : " Le centre hospitalier Henri Ey entre dans une nouvelle dynamique avec un projet d'établissement dont la finalisation est prévue courant 2021 et qui doit permettre à l'ensemble de la communauté hospitalière de se projeter dans un contexte nouveau de rajeunissement et de renouvellement de la communauté médicale. Ce faisant, Madame A a toute ma confiance et mon entier soutien pour élaborer un projet social et accroître la performance de l'établissement au niveau de la mise en œuvre de la politique des ressources humaines ". Au regard de l'appréciation ainsi portée, l'attribution d'un coefficient de 3,7 au titre de la part résultat de la prime de fonctions et de résultats n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. En deuxième lieu, Mme A conteste l'appréciation qui a été portée sur sa manière de servir dans le cadre de son évaluation et soutient qu'elle a satisfait plusieurs des objectifs qui lui avaient été assignés et que certains n'étaient pas atteignables compte tenu du contexte. Toutefois, il est constant que Mme A n'a pas sollicité la révision de son évaluation auprès du directeur du centre national de gestion, ni ne l'a contesté devant le tribunal administratif. Au demeurant, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'évaluation opérée par son supérieur hiérarchique reprend en tous points l'auto-évaluation à laquelle elle avait elle-même procédé. Elle a d'ailleurs signé son compte rendu d'évaluation sans réserve le 29 septembre 2020. En outre, les documents produits par Mme A à l'appui de ses écritures, notamment les comptes-rendus du comité technique d'établissement, ne permettent pas d'établir qu'elle aurait atteint plus de deux des objectifs qui lui étaient fixés, trois ayant été considérés comme partiellement atteints, dont ceux relatifs à la réorganisation du temps de travail. L'appréciation littérale portée par son supérieur hiérarchique, retranscrite au point précédent, met en avant la qualité du travail effectué par Mme A, qualité qui n'est pas niée par la circonstance qu'elle n'ait pas atteint tous ses objectifs. Celle-ci a, au demeurant, comme le relève Mme A elle-même, pu être saluée à différentes reprises par le directeur de l'établissement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur manifeste d'appréciation aurait été commise dans le cadre de son évaluation pour l'année 2020.

6. En dernier lieu, l'annexe III-A de la circulaire du 19 juin 2012 relative à la mise en œuvre de la prime de fonctions et de résultats pour les personnels des corps de direction de la fonction publique hospitalière prévoit que " L'attribution d'un complément exceptionnel de la part liée aux résultats peut également reconnaître des efforts particuliers liés, notamment, à un surcroît d'activités conjoncturel. / L'attribution exceptionnelle a vocation à reconnaître financièrement la charge particulière d'activités et/ou de résultats très remarquables d'un directeur en sus de ses missions habituelles et/ou au-delà des objectifs et des résultats obtenus. L'évaluateur doit en conséquence produire un rapport annexé à la fiche d'évaluation. / () Par exemple : - une période d'intérim dans un autre établissement, pour un directeur ou un directeur adjoint, d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; - une période d'intérim au sein d'une équipe de direction pour un directeur adjoint, à qui une direction fonctionnelle supplémentaire aurait été confiée (). "

7. Mme A soutient que, compte tenu du contexte dans lequel elle a exercé, en assurant à la fois la direction des ressources humaines de l'hôpital et la direction par intérim d'un EHPAD, en pleine crise sanitaire liée au Covid 19, elle aurait dû percevoir le complément exceptionnel de la part de résultats de la prime de fonctions et de résultats. Toutefois, le versement de ce complément exceptionnel ne constitue pas un droit pour l'agent ayant assuré une période d'intérim. Mme A n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de ce complément et que le directeur de l'établissement a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A doivent être rejetées. Il en ira de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé Henri Ey, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier spécialisé Henri Ey et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier spécialisé Henri Ey en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au centre hospitalier spécialisé Henri Ey.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Rouault-Chalier, présidente,

Mme Palis De Koninck, première conseillère,

Mme Bernard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

La rapporteure

Mélanie PALIS DE KONINCK

La présidente,

Patricia ROUAULT-CHALIER

La greffière,

Nadine REUBRECHT

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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