Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01198 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBQH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 novembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY - RG n° 11-21-000811
APPELANTE
La société BOURSORAMA, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 351 058 151 00744
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377
ayant pour avocat plaidant Me Guillmaule METZ, avocat au barreau de VERAILLES
INTIMÉE
Madame [W] [E] [T]
née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 6] (CONGO)
[Adresse 3]
[Localité 5]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des
articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- MIXTE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Boursorama a émis une offre de crédit personnel n° 60336417 d'un montant en capital de 17 500 euros remboursable en 60 mensualités de 311,85 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 2,665 %, le TAEG s'élevant à 2,70 %, soit une mensualité avec assurance de 316,28 euros, dont elle affirme qu'elle a été acceptée par Mme [W] [E] [T] selon signature électronique du 10 novembre 2018.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Boursorama a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte du 15 avril 2021, la société Boursorama a fait assigner Mme [E] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Bobigny en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 15 novembre 2021, a rejeté toutes les demandes de la société Boursorama et a mis les dépens à sa charge.
Le premier juge a considéré en présence d'un contrat signé par voie électronique qu'en l'absence de certificat électronique, la fiabilité du procédé de recueil de la signature n'était pas démontrée et que l'
article 1367 du code civil🏛 ne pouvait recevoir application.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 11 janvier 2022, la société Boursorama a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 20 mars 2022, la société Boursorama demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- d'infirmer le jugement,
- de constater que la déchéance du terme a été prononcée et de la dire régulière, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit pour manquements graves de l'emprunteur à son obligation principale de remboursement et de condamner Mme [E] [T] à lui payer la somme de 17 308,41 euros au titre du solde débiteur du crédit prêt personnel n° 60336417, avec intérêts au taux contractuel de 2,665 % l'an à compter du 2 octobre 2019, date de la mise en demeure, et ce jusqu'à parfait paiement,
- de condamner Mme [E] [T] à lui payer la somme de 600 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et les dépens.
Elle fait principalement valoir qu'elle avait versé au débat, outre les justificatifs d'identité et de solvabilité, le fichier de preuve horodaté du 10 novembre 2018 à 2 heures 12 et qu'elle produit également devant la cour l'enveloppe de preuve de ce fichier recueilli par un tiers de confiance.
Aucun avocat ne s'est constitué pour Mme [E] [T] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 23 mars 2022 délivré à étude.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 24 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'
article 472 du code de procédure civile🏛, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte de l'
article 954 dernier alinéa du code de procédure civile🏛 que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Le présent litige est relatif à un crédit du 10 novembre 2018 soumis aux dispositions de la
loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010🏛 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'
ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016🏛 et au
décret n° 2016-884 du 29 juin 2016🏛.
Sur la preuve de l'obligation
En application de l'
article 1353 du code civil🏛 en sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il incombe à chaque partie, par application de l'
article 9 du code de procédure civile🏛, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, l'appelante produit aux débats au soutien de ses prétentions, l'offre de crédit établie au nom de Mme [E] [T] acceptée électroniquement, un dossier de recueil de signature électronique comprenant une attestation de signature électronique de la société DocuSign avec un fichier de preuve, la chronologie de la transaction, la fiche de dialogue (ressources et charges), la copie de la pièce d'identité, des bulletins de salaire du mois de décembre 2017 ainsi que de septembre et octobre 2018, la synthèse des garanties des contrats d'assurance et la notice d'information relative à l'assurance, la fiche de dialogue, le tableau d'amortissement du prêt, l'historique du prêt et un décompte de créance.
L'
article 1366 du code civil🏛 dispose que : "L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'état l'intégrité".
L'
article 1367 alinéa 2 du même code🏛 dispose que "lorsqu'elle est électronique, la signature consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d'État".
L'article premier du
décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017🏛, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue "une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement dont il s'agit et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l'article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement".
En l'espèce, l'appelante produit aux débats le fichier de preuve concernant le contrat litigieux, créé par la société Protect&Sign, prestataire de service de certification électronique pour le compte de la société Boursorama et les pièces susvisées.
Il en résulte suffisamment que dans le cadre de la transaction, Mme [E] [T] a apposé sa signature électronique le 10 novembre 2018 à compter de 02 H 12 : 17 sur l'offre de crédit, la fiche de dialogue, la synthèse des garanties des contrats d'assurance et le document d'acceptation au bénéfice de l'assurance facultative, que les date et heure de validation sont bien horodatées avec certificat d'horodatage et Mme [E] [T] identifiée par un code utilisateur. Aucun élément ne vient contredire la présomption de fiabilité du procédé de recueil de signature électronique utilisé telle que prévue au décret susvisé pris pour l'application de l'article 1367 du code civil.
L'historique de compte communiqué atteste du déblocage des fonds au profit de Mme [E] [T] le 27 novembre 2018, puis du prélèvement du montant des échéances du crédit à compter du 27 décembre 2018 pendant 2 mois puis avec des rejets faute de provision mais un règlement par chèque le 13 mai 2019 lequel n'a pas été rejeté ensuite.
L'ensemble de ces éléments établit suffisamment l'obligation dont se prévaut l'appelante à l'appui de son action en paiement. C'est donc à tort que le premier juge a rejeté l'intégralité des demandes de la société Boursorama. Partant le jugement doit être infirmé.
Sur la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion
En application de l'
article R. 312-35 du code de la consommation🏛 dans sa rédaction applicable au litige, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Il résulte de l'historique de compte que le premier impayé non régularisé est celui du mois de mai 2019.
En introduisant son action par acte du 15 avril 2021, soit dans le délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, la banque doit être déclarée recevable en son action.
Sur la demande en paiement
À l'appui de sa demande, l'appelante se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 26 septembre 2019. Elle produit une lettre recommandée de mise en demeure préalable du 19 août 2019 exigeant le règlement sous quinze jours de l'arriéré, sous peine de déchéance du terme du contrat et la mise en demeure du 2 octobre 2019 portant sur le solde du contrat et constatant la déchéance du terme.
C'est donc de manière légitime que la société Boursorama se prévaut de l'exigibilité des sommes dues.
La cour constate néanmoins que ni la FIPEN (
article L. 312-12 du code de la consommation🏛), ni le justificatif de consultation du FICP (
article L. 312-16 du même code🏛), ni le justificatif de domicile alors que le contrat a été conclu à distance (
article L. 312-17 du même code🏛) ne sont produits.
Dès lors, la cour soulève d'office, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts en application des
articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de la consommation🏛🏛, et invite la société Boursorama à produire ces pièces et à fournir toute observation sur ce point, y compris sur la preuve de la remise de la FIPEN si celle-ci n'est pas signée (
Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552⚖️).
Les dépens doivent être réservés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt mixte,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
Déclare la société Boursorama recevable en sa demande en paiement ;
Soulève d'office le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts pour défaut de production de la FIPEN, de preuve de remise de la FIPEN, de justificatif de consultation du FICP, de production d'un justificatif de domicile dans le cadre de l'obligation de vérification de la solvabilité pour un contrat conclu hors agence ;
Ordonne la réouverture des débats, dans la limite du moyen soulevé d'office ;
Invite la société Boursorama à faire valoir ses observations sur le moyen soulevé d'office et à produire les pièces susvisées (FIPEN avec preuve de la remise, justificatif de consultation du FICP, justificatif de domicile de Mme [W] [E] [T]) et ce au plus tard le 5 février 2024 ;
Renvoie l'affaire à l'audience du 13 février 2024 à 9h30 pour plaider ;
Réserve l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
La greffière La présidente