TA Rennes, du 31-10-2023, n° 2305258
A11851T3
Référence
(I.) Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2023 sous le n° 2305258, la société Keolis, représentée par Mes Gaudemet et Mallet, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛 :
1°) d'annuler la décision de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale portant rejet de son offre et décision d'attribution de la délégation de service public pour la gestion des services de mobilités 2024-2030 à la société RATP Développement, ensemble la consultation tendant à la passation de ce contrat ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la méthode de notation mise en œuvre est irrégulière, dès lors qu'elle ne permet pas d'apprécier la valeur réelle des différents lots et d'identifier l'offre la plus avantageuse ; elle a conduit à dénaturer son offre ; les offres de base et variantes ont été examinées et appréciées au regard des mêmes critères, ce qui a éliminé tout traitement différencié entre elles ; si les offres variantes avaient fait l'objet d'une analyse autonome, le résultat aurait été différent, à son avantage ; la comparaison globale de toutes les offres a conduit à la dégradation artificielle des notes de candidats et, finalement, à la dénaturation des variantes ;
- les critères de deuxième et troisième niveau ont été dénaturés : la méthode de notation a conduit à la dégradation artificielle de toutes les notes attribuées sur ces critères, à l'exclusion de celui portant sur la gestion du service et la productivité ;
- tous les candidats ont été pénalisés : l'autorité concédante a décidé de classer les six offres de base et deux offres variantes des trois candidats, en attribuant non une note de 1 à 8, mais une note unique par candidat : 1 à la meilleure offre, 4 à l'offre intermédiaire et 7 à l'offre la moins performante, ce qui a mathématiquement et significativement dégradé les notes en augmentant artificiellement les écarts de points ;
- certains critères de notation ont été neutralisés :
* le critère portant sur la gestion du service et la productivité est composé de six éléments d'appréciation ; les performances comparées de chaque candidat sur chacun de ces six éléments, figurant dans le rapport de présentation, ne sont pas en adéquation avec la note finalement attribuée aux offres ; son offre est classée en tête sur trois de ces six éléments, et elle est portant classée 4ème ; le rapport de présentation révèle que cinq de ces six éléments ont en réalité été neutralisés ;
* les candidats ont tous été classés en première position sur le critère accessibilité du service ;
- elle a nécessairement été lésée par les manquements commis, qui ont empêché l'autorité concédante d'identifier l'offre la mieux-disante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2023, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, représentée par Me Troussière, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Keolis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la méthode de notation mise en œuvre n'est pas, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères publiés, pas davantage qu'à neutraliser leur hiérarchisation ;
- contrairement à ce qui est soutenu, les offres de base et les variantes, qu'elles soient imposées ou autorisées, doivent être jugées en une seule fois sur la base des mêmes critères et selon les mêmes modalités, définis dans les documents de la consultation ; il ne saurait donc être irrégulier d'avoir procédé à une analyse unique des offres " base ", " cible " et " variante " ; le principe de cette analyse unique était au demeurant prévu dans le règlement de consultation ; analyser de manière autonome et procéder à un classement différencié des offres variantes aurait conduit à léser et discriminer les candidats n'en ayant pas présenté, alors même qu'elles étaient strictement facultatives ; une offre variante ne peut être présumée plus performante ;
- la méthode d'évaluation a été publiée et est parfaitement régulière : les critères sont objectifs, précis et liés au service exploité ; les éléments d'appréciation pris en considération ne sont pas dépourvus de lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ; les modalités d'évaluation ne sont pas de nature à priver de leur portée les critères ; les modalités d'évaluation des critères d'attribution ne sont pas susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie ; la seule circonstance que l'écart de valeurs entre les différentes offres sur chacun des critères et éléments d'appréciation soit sommairement révélé, par une valorisation écrasant ou accentuant les écarts existant réellement, ne suffit pas à entacher la méthode de notation d'irrégularité ;
- contrairement à ce qui est allégué, les rangs intermédiaires 2, 3, 5 et 6 n'ont pas été supprimés pour les critères de deuxième et troisième niveau : il a juste été attribué la même note aux offres ex-aequo, le nombre d'ex-aequo étant additionné pour identifier le rang suivant ;
- aucun élément d'appréciation et aucun critère n'a été neutralisé ;
- la société Keolis ne démontre pas en quoi elle aurait été lésée par les manquements qu'elle invoque.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, la société RATP Développement, représentée par Me Delelis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Keolis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le secret des affaires a été méconnu par la communication du rapport d'analyse des offres non expurgé des mentions et informations protégées ;
- la méthode de notation, qui a été publiée dans le cadre du règlement de la consultation, est parfaitement régulière ; elle respecte l'exigence de transparence et le principe d'égalité de traitement des candidats ; une variante n'est pas, par hypothèse, nécessairement plus performante et il n'est pas irrégulier de procéder à une appréciation globale et simultanée de l'ensemble des offres, de base et variantes ;
- la méthode de notation peut légalement prévoir la prise en considération des offres ex-aequo sur un critère, pour attribuer un rang de classement tenant compte du nombre d'offres ainsi classées ;
- la méthode de notation mise en œuvre est objective et directement en lien avec la valeur de chaque offre ;
- aucun critère n'a été neutralisé ; les éléments d'appréciation portés à la connaissance des candidats ne constituent pas des sous-critères pondérés ; ils ne peuvent donc, par définition, pas être neutralisés par la manière dont les offres ont été évaluées.
(II.) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 et 12 octobre 2023 sous le n° 2305392, la société Transdev, représentée par Me Letellier, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale portant rejet de son offre et décision d'attribution de la délégation de service public pour la gestion des services de mobilités 2024-2030 à la société RATP Développement, ensemble la consultation tendant à la passation de ce contrat ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- l'autorité concédante a insuffisamment défini ses besoins : les hypothèses 1 et 2 répondaient à des conditions d'exploitation du service fondamentalement contradictoires, portant respectivement sur le réseau existant et sur le réseau cible ; les besoins, y compris s'agissant des concessions, doivent être définis de manière suffisamment précise, s'agissant de la nature et des modalités du service public délégué ; à défaut, les offres déposées peuvent être trop disparates pour permettre leur analyse comparée ; il est irrégulier de lancer une procédure de mise en concurrence sur différents projets, dont il est certain que l'un ne sera pas réalisé et n'est pas susceptible de l'être ;
- les offres base et cible ne pouvaient être comparées entre elles ; leur analyse et évaluation simultanée a conduit à une comparaison artificielle de leurs mérites respectifs, sur chaque critère, ainsi qu'à un ajout erroné de strates de classement ;
- la méthode de notation est entachée d'irrégularité : l'autorité concédante a fait le choix de valoriser les offres de manière simultanée, par application de malus, le système de notation dépendant du nombre d'offres déposé ;
* cette méthode de notation est structurellement illégale, puisqu'elle intègre dans l'analyse et la valorisation des offres un paramètre strictement extérieur à leur valeur réelle, tenant au nombre d'offres déposées, sans qu'ait été arrêté un seuil de notation avec un plancher et un plafond de note ; une telle méthode de notation est structurellement viciée par son effet extrapolant, outre qu'elle ne permet absolument pas de retranscrire les caractéristiques et valeurs des offres, comparées aux autres ; elle exclut par ailleurs l'obtention d'une note parfaite ;
* cette méthode de notation est également illégale dans ses effets : elle inverse l'importance des différents critères ; les critères les plus importants sont ceux de premier niveau, mais ils se voient affectés d'un coefficient de 3, sans possibilité d'obtenir la note de 0 ; ainsi, une offre plus performante sur les critères de deuxième et troisième niveau se voit attribuer moins de points qu'une offre plus performante sur le critère de premier niveau ;
* elle génère, critère par critère, des distorsions manifestes dans l'analyse et la valorisation des offres, augmentant les écarts de notes, de manière artificielle et excessive ;
* cette irrégularité est accentuée par l'analyse croisée de l'ensemble des offres ; cette méthode conduit à analyser simultanément et comparer des offres qui n'ont structurellement rien à voir entre elles ;
- le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu : les réponses qu'elle a transmises aux questions structurantes de la réunion de négociation n'ont pas été prises en compte en temps voulu ; elle n'a donc disposé que de quatre jours pour répondre à 58 questions et réorienter son offre, quand les autres candidats ont déposé de près de trois semaines ; ses réponses ont en outre été dénaturées ou analysées de manière très approximative ;
- elle a été lésée par les différents manquements commis, l'irrégularité de la méthode de notation affectant par principe la comparaison des offres, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elle n'ait pas posé de question ni demandé de précision.
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2023, la société Transdev a produit les questions posées par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale sur son offre, dans la perspective de préparer la réunion de négociation, et les réponses qu'elles y a apportées, pièce non soumise au contradictoire en application de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative🏛.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, représentée par Me Troussière, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Transdev la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société Transdev ne démontre pas avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque ; elle n'a au demeurant jamais saisi l'autorité concédante de l'une des irrégularités dont elle se prévaut dans la présente instance ;
- les obligations en terme de définition de ses besoins par l'autorité concédante sont souples, les dispositions de l'article L. 3111-1 du code de la commande publique🏛 n'exigeant pas une définition précise ; une information claire a été transmise aux candidats, sur la nature et l'étendue de ses besoins, s'agissant notamment des données du service, des caractéristiques du réseau, des évolutions attendues et de la définition des options ; la société Transdev n'a formulé aucune demande de précision ou de complément d'information ;
- la seule circonstance qu'il ait été demandé la remise d'une offre de base et d'une offre cible, avec possibilité de variante pour l'offre cible, ne saurait suffire à démontrer que les besoins n'ont pas été suffisamment définis ; l'approche par hypothèses de réseaux base/variante ou base/cible/variante est classique et régulière, permettant d'identifier l'offre la plus intéressante ;
- la méthode de notation est parfaitement régulière ; l'autorité concédante dispose d'une marge étendue d'appréciation s'agissant de la définition des critères d'appréciation et de la méthode de notation ; celle mise en œuvre n'a pas privé de portée les critères ni neutralisé leur hiérarchisation ; une échelle simplifiée de notation qui ne rend compte que sommairement des écarts entre les offres est régulière ; les critères mis en œuvre sont objectifs, précis et liés à l'exploitation des services de la mobilité et les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère ne sont pas dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ; la méthode d'évaluation mise en œuvre permet que la meilleure offre, au regard de l'ensemble des critères, soit la mieux classée ; la valeur de chaque offre a été comparée, puis classée, au titre de chaque critère ; la valeur intrinsèque de chaque offre, sur chaque critère, fonde son classement, sans que ne soit pris en considération aucun élément extrinsèque ; chacun des dix critères est apprécié de manière autonome et l'offre la plus avantageuse est celle ayant obtenu le moins de points cumulés sur l'ensemble des critères en cause ; l'évaluation est à cet égard précédée d'une appréciation littérale dans le rapport d'analyse, que le classement ne fait que synthétiser ; l'effet extrapolant de certaines différences n'est pas de nature à rendre la méthode irrégulière, le classement reflétant l'analyse objective de chaque offre, par critères et entre elles, tout en permettant également la prise en considération des offres de valeur égale ;
- les offres de base et variantes doivent être jugées et évaluées en une seule fois, sur la base des mêmes critères, sous-critères et éléments d'appréciation ; le règlement de la consultation précisait au demeurant que les offres seraient toutes analysées simultanément ;
- le principe d'égalité de traitement des candidats n'a aucunement été méconnu ; le délai imparti à la société Transdev pour répondre aux questions préparant les négociations a effectivement été moindre que pour les autres candidats, mais les questions auxquelles une réponse était attendue n'étaient pas structurantes, ces points étant prévus pour être abordés lors des réunions ultérieures de négociation ; il n'était donc pas attendu de réponse aux 58 questions posées ;
- le moyen tiré de la dénaturation tend à contester l'appréciation portée sur les mérites des offres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, la société RATP Développement, représentée par Me Delelis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Transdev la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le secret des affaires a été méconnu par la communication du rapport d'analyse des offres non expurgé des mentions et informations protégées ;
- les besoins ont été clairement et suffisamment définis par l'autorité concédante, dans leur nature, leurs caractéristiques essentielles et leur étendue ; les dispositions de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique🏛 n'exigent pas que cette définition soit précise ;
- la méthode de notation, publiée dans le cadre du règlement de consultation, est parfaitement régulière ; elle respecte l'exigence de transparence et le principe d'égalité de traitement des candidats ; l'identification d'un rang de préférence pondéré constitue une méthode de notation régulière, rigoureuse et transparente ; les éléments d'attribution pris en considération ne sont pas sans lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation et les modalités d'évaluation ne sont pas de nature à priver de portée les critères, pas davantage qu'à neutraliser leur hiérarchisation ; il est parfaitement régulier de noter chaque critère en tenant compte du classement des offres, cette méthode garantissant que l'offre sélectionnée est effectivement la mieux classée, au regard de l'ensemble des critères, nonobstant la circonstance qu'elle ne reflète pas strictement les écarts de valeur des offres sur chaque critère ; la méthode de notation mise en œuvre n'intègre ni ne prend en considération d'élément extrinsèque à la valeur de chaque offre, le classement traduisant, par la hiérarchisation, l'analyse des offres, sur chacun des critères ; l'existence d'une note minimale permet bien de traduire les écarts de manière proportionnelle, sans neutraliser la hiérarchie entre les différents niveaux de critères ; chaque critère fait l'objet d'une évaluation, au cas par cas ; contrairement à ce qui est soutenu, il existe une note parfaite, de 20 points ;
- aucun échelon intermédiaire de notation n'a été supprimé, la méthode de notation mise en œuvre permettant seulement de classer les offres, en cas d'offres mieux classées mais ex-aequo ;
- une variante n'est pas, par hypothèse, nécessairement plus performante et il n'est pas irrégulier d'évaluer et classer toutes les offres ensemble, base et variante ; les deux offres base et cible n'étaient pas antinomiques, et l'offre de base pouvait être considérée comme plus pertinente par l'autorité concédante ;
- la société Transdev n'a pas demandé de délai supplémentaire pour préparer la première réunion de négociation ; elle a répondu aux questions de l'autorité concédante sans faire valoir un manque de temps pour finaliser ses réponses, questions auxquelles il n'était pas nécessaire de répondre immédiatement ;
- l'argumentation développée relative à la prétendue dénaturation de son offre tend en réalité à contester l'appréciation portée par l'autorité concédante sur les mérites des offres ;
- en toute hypothèse, la société Transdev ne démontre pas en quoi elle aurait été lésée par les manquements qu'elle invoque.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 12 octobre 2023 :
- le rapport de Mme Thielen,
- les observations de Me Gaudemet, représentant la société Keolis, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens qu'il développe,
- les observations de Me Letellier, représentant la société Transdev, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens qu'il développe,
- les observations de Me Troussière, représentant la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation qu'elle développe,
- les observations de Me Delelis, représentant la société RATP Développement, qui persiste dans ses conclusions écrites, par la même argumentation qu'il développe.
La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience.
1. Par avis publiés le 8 juillet 2022 au Journal officiel de l'Union européenne (avis n° 2022/S 133-381256) et au Bulletin officiel des annonces de marchés publics (avis n° 22-96402), la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a lancé la procédure de consultation et de mise en concurrence pour le renouvellement de la délégation de service public pour la gestion des services de mobilités, pour la période 2024-2030, incluant les lignes d'autobus, la navette centre-ville, les lignes scolaires, des services sous-traités, le service à la demande des personnes à mobilité réduite ainsi que des services complémentaires à la mobilité (service de location de vélos classiques et à assistance électrique).
2. Les sociétés Keolis, concessionnaire sortant, et Transdev ont vu leurs offres écartées, l'autorité concédante ayant jugé l'offre variante de la société RATP Développement comme présentant le meilleur avantage économique global. Par les deux requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule ordonnance, eu égard à l'identité ou la connexité des questions juridiques soulevées, les sociétés Keolis et Transdev demandent au juge des référés précontractuels l'annulation de la procédure de passation de ce contrat de concession.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Selon l'article L. 551-2 du même code🏛 : " I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ".
4. En vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
5. Pour contester l'attribution du contrat de concession à la société RATP Développement, les deux sociétés requérantes soutiennent notamment, dans leurs écritures respectives, que la méthode d'évaluation des offres publiée et mise en œuvre par l'autorité concédante est structurellement irrégulière, dès lors qu'elle intègre, dans l'analyse et la valorisation des offres, un paramètre strictement extérieur à leur valeur réelle, tenant au nombre d'offres déposées, et qu'elle induit un effet extrapolant, ne permettant absolument pas de retranscrire les caractéristiques et valeurs des offres, comparées aux autres et ne permettant par suite pas de garantir que l'offre présentant le meilleur avantage économique global soit choisie.
6. Aux termes de l'article L. 3124-5 du code de la commande publique🏛 : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. Lorsque la gestion d'un service public est concédée, l'autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. / () ". Aux termes de son article R. 3124-4 : " Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l'article L. 3124-5, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l'innovation. / Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation ". Aux termes de son article R. 3124-5 : " L'autorité concédante fixe les critères d'attribution par ordre décroissant d'importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. / L'autorité concédante peut modifier, à titre exceptionnel, l'ordre des critères pour tenir compte du caractère innovant d'une solution présentée dans une offre. Une telle modification ne doit pas être discriminatoire. () ". Aux termes de son article R. 3124-6 : " Les offres qui n'ont pas été éliminées en application de l'article L. 3124-2 sont classées par ordre décroissant sur la base des critères prévus aux articles R. 3124-4 et R. 3124-5. / L'offre la mieux classée est retenue ".
7. L'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l'autorité concédante, qui n'y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d'évaluation.
8. Aux termes des dispositions de l'article 5.1. du règlement de consultation, relatif aux réponses obligatoires, variantes et options : " 5.1.1. Réponses obligatoires. / Les services à exploiter lors de l'entrée en vigueur de la future convention sont décrits en pièce jointe 1. / Les soumissionnaires répondront selon deux hypothèses : * Hypothèse 1 : exploitation du service sur toute la durée de la convention ; * Hypothèse 2 : exploitation du service défini sur la base des principes du réseau cible, tel que décrit à la pièce jointe 2, en précisant la date à laquelle il est proposé de mettre en place ce réseau restructuré. / En fonction des propositions de restructuration faites par les soumissionnaires, deux phases successives pourront être distinguées dans la structure du réseau : / * Phase 1 : reprise du réseau tel que défini au cahier des charges, / * Phase 2 : réseau restructuré à l'issue de la mise en place de l'offre retenue. / 5.1.2 Variantes. / Les soumissionnaires pourront proposer des variantes à la consistance du réseau qu'ils présenteront dans le cadre de l'hypothèse 2, en décrivant de manière précise les moyens requis, tant sur le plan du matériel utilisé que sur celui de l'organisation. / 5.1.3 Options. / Les soumissionnaires présentent des propositions relatives aux options définies au 3.1 ci-dessus. / De manière facultative, les soumissionnaires pourront également formuler des propositions optionnelles libres. Quimper Bretagne Occidentale se réserve toute latitude quant à l'opportunité de mettre en œuvre tout ou partie des propositions optionnelles, obligatoires ou facultatives, présentées par le soumissionnaire qui sera retenu, soit lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention, soit ultérieurement à une date décidée par Quimper Bretagne Occidentale. Si Quimper Bretagne occidentale ne déclenche pas ces options, cela n'entraînera aucun droit à indemnité spécifique pour le délégataire ".
9. Aux termes de celles de son article 3, relatif aux options : " Les options constituent des prestations inscrites au contrat, susceptibles d'être mises en œuvre sur décision de Quimper Bretagne Occidentale, dans les conditions techniques, financières et de délai prévues au contrat. / Il est demandé aux soumissionnaires de formuler des propositions techniques, contractuelles et financières détaillées en vue de la mise en œuvre des options définies ci-après. / Pour chacune des options, les soumissionnaires devront : / *'Présenter un mémoire technique et financier, limité à 5 pages (hors option obligatoire 2) ; / *'Remplir les feuillets correspondants du cadre de réponse quantitatif ; / *'Préciser le délai de préavis nécessaire à la mise en œuvre de l'option à compter de la notification par Quimper Bretagne Occidentale. / 3.1. Options obligatoires : / Les soumissionnaires présenteront obligatoirement les options suivantes, dont le détail est précisé à la pièce jointe 3 du dossier de consultation : / *'Option 1 : Renforcer l'attractivité des lignes A et B ; / *'Option 2 : expérimenter une ligne à haut niveau de fréquence en 100% électrique ; / *'Option 3 : Desserte des pôles d'emplois, notamment aux horaires atypiques ; / *'Option 4 : Gestion de la Maison des Mobilités ; / *'Option 5 : Desserte des zones peu denses et rurales ; / *'Option 6 : Desserte de la zone d'activité de Troyalac'h sur la commune de Saint-Evarzec ; / *'Option 7 : Déploiement de l'open-paiement par carte bancaire à bord des bus ; *'Option 8 : Gestion et entretien de boxes vélos grande capacité ; / *'Option 9 : Création d'un titre pour le public scolaire ; / *'Option 10 : Mise en œuvre d'une offre de service de transports collectifs les jours fériés. / 3.2. Options facultatives : / Les soumissionnaires pourront présenter d'autres options qui leur sembleraient pertinentes. / Il leur appartiendra de fournir toutes les précisions techniques, financières et contractuelles correspondantes ".
10. Aux termes de celles de son article 8, relatif aux critères d'appréciation des offres : " Les critères suivants seront retenus par ordre décroissant pour apprécier les propositions des soumissionnaires, étant entendu que ceux-ci devront faire état dans leur réponse des références dont ils disposent pour chacun des domaines concernés, et de tous les moyens permettant de garantir la réalisation de leurs engagements. / Ces critères correspondent aux thèmes exposés dans les mémoires, financier et technique, tels que décrits au 5.2 et 5.3 ci-dessus. / *'Critères de premier niveau : / - le niveau de l'engagement financier prévisionnel demandé à Quimper Bretagne Occidentale par le soumissionnaire, défini comme la différence entre la contribution forfaitaire et l'engagement de recettes sur la durée de la convention, ainsi que le montant prévisionnel des investissements à la charge de l'Autorité organisatrice, / - les autres éléments quantitatifs proposés par les soumissionnaires, incluant le volume de l'offre et de la fréquentation, la cohérence des valorisations proposées en matière de charges forfaitaires et d'engagement de recettes en cas de modification de l'offre ; / - la pertinence des propositions en matière d'organisation des dessertes ; / *'Critères de deuxième niveau : / - les propositions en matière d'attractivité du service, / - les propositions en matière de gestion du service et de productivité, / - les propositions en matière de politique patrimoniale, / - les propositions en matière de développement et de mobilité durables ; / *'Critères de troisième niveau : / - les propositions en matière de transparence de la gestion et d'échange d'informations avec Quimper Bretagne Occidentale, / - la qualité des propositions en matière d'accessibilité du service, / - la pertinence de l'organisation humaine proposée, du plan de management et de la politique sociale associée. / L'évaluation des critères sera effectuée par une comparaison quantitative et qualitative entre les offres et par classement entre elles. / Le classement par critère sera affecté d'un coefficient de trois pour les critères de premier niveau, de deux pour les critères de deuxième niveau et de un pour les critères de troisième niveau. / Le total le plus faible ainsi affecté du coefficient multiplicateur fera ressortir l'offre la mieux-disante. / () ".
11. Il résulte de l'instruction que la méthode de notation mise en œuvre par l'autorité concédante, conformément à ce qui avait été annoncé dans le règlement de consultation, a consisté, après avoir procédé à l'analyse de la valeur et des mérites respectifs et comparés de chaque offre, base, cible et le cas échéant variante, sur chacun des dix critères annoncés, à classer les offres sur chaque critère, la meilleure recevant le rang 1, la suivante le rang 2 et ainsi de suite jusqu'au 8ème rang (les sociétés RATP Développement ayant déposé chacune une offre base, une offre cible et une offre variante et la société Transdev ayant seulement déposé une offre base et une offre cible), puis à convertir chaque classement en autant de notes, par application, au rang de classement, du coefficient attribué à chaque critère 3, 2 ou 1 selon leur niveau. En cas d'offres ex-aequo sur un critère, l'autorité concédante a attribué le rang n+m, m étant le nombre d'offres ex-aequo au rang n.
12. Si l'appréciation globale et simultanée de toutes les offres présentées, base, cible et variante, au regard des mêmes critères et par application de la même méthode de notation n'est pas irrégulière, et si la méthode de notation mise en œuvre n'a pas à nécessairement fidèlement refléter la différence de valeurs entre les offres, sur chacun des critères et, le cas échéant, sous-critères d'attribution, il résulte de l'instruction que la méthode de notation mise en œuvre par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, qui n'est fondée que sur le classement des offres, sur chacun des dix critères, a pu conduire à l'attribution de notes ne présentant potentiellement aucun lien ni rapport direct avec leur valeur, tant intrinsèque que comparée à celle des autres offres, le système mis en œuvre ayant pour conséquence possible, a fortiori en cas d'offres mieux classées mais ex-aequo, de créer un effet de seuil dans l'attribution des points au titre des différents critères et éléments d'appréciation, en augmentant de manière rédhibitoire l'écart de points entre des offres ne présentant en réalité qu'une très faible différence de valeur entre elles, différence de valeur que le seul le classement ne permet, par définition, pas de refléter, même schématiquement et approximativement. À titre d'exemple, il ressort du rapport d'analyse que les six offres des sociétés Keolis et RATP Développement ont été classées au rang 1 ex-aequo sur le critère " attractivité du service " de niveau 2, et se sont donc toutes vu attribuer la note de 2, quand les deux offres de la société Transdev ont été classées au rang 7 ex-aequo et se donc vu attribuer la note de 14, sans qu'il ne résulte de l'instruction que la différence de valeur entre les offres en cause, sur ce critère, soit aussi significative que l'écart entre les notes ainsi attribuées. À l'inverse, au demeurant, la méthode de notation par le classement peut également avoir pour effet d'attribuer des notes très proches, sur un ou plusieurs critères, à des offres qui présentent une différence de valeur pourtant très importante, que le classement ne permet pas de transcrire.
13. Il résulte ainsi de l'instruction que la méthode de notation mise en œuvre par l'autorité concédante n'a pas pour seul effet d'amplifier ou de minimiser les résultats de l'évaluation intrinsèque des offres sur chacun des critères annoncés et publiés, ce qui ne serait pas irrégulier, mais a également pour effet de potentiellement substantiellement les déformer. Une telle méthode, fondée sur le seul classement des offres sur chacun des critères, alors même qu'elle permet d'assurer que la meilleure offre soit effectivement la mieux classée, sur chaque critère analysé indépendamment des autres, peut en revanche avoir pour effet de fausser profondément et substantiellement les résultats issus de l'évaluation de la valeur intrinsèque des offres, sur chacun des critères et globalement, en ne permettant en réalité pas de garantir, notamment du fait des effets de seuil qu'elle peut induire, que l'offre présentant le meilleur avantage économique global, au regard de l'ensemble des critères, soit nécessairement choisie. Une telle méthode de notation paraît ainsi de nature à porter atteinte au principe d'égalité entre les candidats, lesquels ont nécessairement été lésés par sa mise en œuvre, alors même qu'ils n'auraient pas alerté l'autorité concédante sur l'irrégularité ainsi caractérisée ou qu'ils n'auraient pas sollicité des éléments d'information complémentaires au cours de la procédure de consultation.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres manquements invoqués par les sociétés Keolis et Transdev, qu'il y a lieu d'annuler la procédure de consultation et de mise en concurrence lancée par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale pour le renouvellement de la délégation de service public pour la gestion des services de mobilités, pour la période 2024-2030.
Sur les frais liés aux litiges :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie les frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : La procédure de consultation et de mise en concurrence lancée par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale pour le renouvellement de la délégation de service public pour la gestion des services de mobilités, pour la période 2024-2030, est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale et la société RATP Développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Keolis, à la société Transdev, à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale et à la société RATP Développement.
Fait à Rennes, le 31 octobre 2023.
Le juge des référés,
signé
O. ThielenLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 2305258, 230539
Article, L551-1, CJA Article, R412-2-1, CJA Avis, 2022/S133-381256 Avis, 22-96402 Décision d'attribution Valeur d'un lots Service public Autorité concédante Communication d'un rapport Respect du principe d'égalité Procédure de mise en concurrence Égalité de traitement Demande de précisions Note minimale Obtention d'un délai Procédure de consultation Personnes à mobilité réduite Procédures de passation de certains contrats Pouvoirs adjudicateurs Prestation de service Intérêt public Contrat de concession Entreprise concurrente Présentation d'une offre Liberté de choix Concurrence effective Principe fondamental Durée de préavis Carte bancaire Entretien Critères retenus Dépôt des offres Principe d'égalité entre les candidats