Jurisprudence : CA Grenoble, 12-09-2023, n° 23/00520, Confirmation

CA Grenoble, 12-09-2023, n° 23/00520, Confirmation

A92031GX

Référence

CA Grenoble, 12-09-2023, n° 23/00520, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/99889301-ca-grenoble-12092023-n-2300520-confirmation
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Abstract

► Les membres du conseil de prud'hommes ne sont pas des magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance statutaire de 1958, ils ne peuvent se prévaloir de l'accès dérogatoire à la profession sur le fondement de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991.


N° N° RG 23/00520 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LV3W

PP

N° Minute :


Copie exécutoire délivrée


le :

à :


Me Cyrielle DELBE


Parquet Général


LRAR

à


Monsieur [Aa] [T]


copie à


Monsieur le Bâtonnier


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


1ERE CHAMBRE CIVILE


AUDIENCE SOLENNELLE


ARRÊT DU MARDI 12 SEPTEMBRE 2023


Appel d'une décision

rendue par le Conseil de l'ordre des avocats de Grenoble

en date du 26 janvier 2023

suivant déclaration d'appel du 1er février 2023



APPELANT :


M. [Aa] [T]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]


Comparant en personne


INTIME :


L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE [Localité 3] représenté par son bâtonnier en exercice

Maison de l'Avocat

[Adresse 5]

[Localité 3]


représenté et plaidant par Me Cyrielle DELBE, avocat au barreau de GRENOBLE



COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS  :


M. Ab Ac, premier président,

Mme Catherine Clerc président de chambre

Mme Ad - Pierre Figuet, président de chambre

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Grava, conseiller


qui en ont délibéré


Greffier lors des débats : Madame Ae Af


MINISTÈRE PUBLIC :


L'affaire a été communiqué à Monsieur le procureur général, représenté lors des débats par Monsieur Muller avocat général, qui a fait connaître son avis


DÉBATS :


A l'audience en chambre du conseil du 26 juin 2023 , ont été successivement entendus :


Monsieur [Aa] [T] en ses explications


Me Delbé, avocat, représentant le conseil de l'ordre des avocats du barreau de [Localité 3] , en ses observations


Monsieur Muller, avocat général en ses observations


Monsieur [Aa] [T] qui a eu la parole en dernier


ARRÊT :


- contradictoire


*****



FAITS ET PROCEDURE


Monsieur [Aa] [T] formait le 2 novembre 2023 auprès du Bâtonnier et de la Vice-bâtonnière du barreau de [Localité 3] une demande d'inscription au barreau sur le fondement de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991🏛 modifié, que le Conseil de l'Ordre rejetait le 23 janvier 2023, après avoir entendu l'intéressé le même jour.


Pour écarter M. [T], ancien conseiller prud'homal de 2005 à 2008 du bénéficie de la passerelle prévue par l'article 97-3° du décret du 27 novembre 1991, le Conseil de l'Ordre faisait valoir que seuls sont dispensés de la condition de diplôme, de la formation théorique et pratique, du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, ce dont ne pouvait se prévaloir M. [Ag], dont l'ancien statut de membre du conseil de prud'hommes est régi par les articles L1441-1 et suivants du code du travail🏛.



Par lettre recommandée avec accusé réception du 1er février 2023, arrivée à la cour d'appel le 2 février et enregistrée au greffe le 3 février suivant, M. [T] interjetait appel de ladite décision qui lui avait été notifiée le 31 janvier 2023.


Dans des conclusions du 3 avril 2023, le ministère public indiquait que les fonctions exercées en qualité de conseiller prud'homal n'entraient pas dans les dispositions de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991, aucune passerelle n'étant prévue pour dispenser ce dernier de la formation théorique et pratique du CAPA, laquelle ne peut bénéficier qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire, dont le statut est régi par l'ordonnance du 22 décembre 1958.


Aux termes de conclusions écrites du 25 avril 2023, enregistrées au greffe le 9 mai 2023, M. [T] demandait à la cour de :


Dire et juger sa demande de postulation recevable pour devenir avocat par application de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991 ;

Dire infondées les conclusions formulées par l'Ordre des avocats pour justifier son refus d'intégration ;

Dire remplies les conditions exigées par cet article de loi qui le dispense de l'obtention du CAPA et d'un master en droit ;

Dire satisfaites les conditions de moralité et d'expérience professionnelle exigées légalement pour pouvoir exercer la profession d'avocat ;

Ordonner au Bâtonnier de l'Ordre des avocats de [Localité 3], par application de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991, de l'intégrer sans délai audit Ordre.


Au soutien de ses demandes, M. [T] prétendait que :


Le conseil de prud'hommes étant une juridiction de première instance et l'article 1 de l'ordonnance statutaire de 1958 disposant que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège des tribunaux de première instance, il a bien appartenu au corps judiciaire en sa qualité d'ancien conseiller prud'homal ;

Les conseillers prud'homaux et les juges de métier sont tous des magistrats, les différencier pour ne permettre qu'aux seconds de bénéficier d'une équivalence professionnelle définie à l'article 97 susvisé est discriminatoire et prohibé par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, directement applicable en droit interne français, qui interdit toute discrimination fondée sur « toute autre situation », ces termes étant définis par la doctrine comme « l'appartenance à une organisation », ce qui correspond à sa situation considérant qu'il faisait partie du conseil de prud'hommes de Grenoble ;

L'auteur du décret du 27 novembre 1991🏛 n'a pas exclu formellement le bénéfice de l'article 97 aux autres magistrats que sont les conseillers prud'hommes alors qu'aux termes de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, tout ce qui n'est pas défendu par la loi, ne peut être empêché ;

La délibération du Conseil de l'Ordre est atteinte d'omissions formelles et de fond, ne mentionnant pas le résultat chiffré du scrutin et n'étant pas accompagnée de l'extrait du procès-verbal de réunion cosigné par le Bâtonnier et un secrétaire de séance, ce qui doit entraîner sa nullité, cette décision relevant plus de l'arbitraire, voire de l'abus de droit, que de l'application du droit commun des décisions collectives en assemblée.


Les parties ont été convoquées à l'audience du 22 mai à 16 heures, l'affaire ayant été renvoyée contradictoirement à l'audience du 26 juin suivant pour permettre au Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de [Localité 3] de conclure.


Aux termes de ses conclusions en date du 26 juin 2023, ledit Conseil alléguait que :


M. [T] remplit les conditions de nationalité et de moralité prévues par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971🏛 ;

Il ne remplit pas en revanche les conditions de l'article 97-3° du décret du 27 novembre 1991 puisque cet article prévoit que la dispense de diplôme, de formation théorique et pratique et d'obtention du CAPA, ne visent que les « magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958🏛 », le conseiller prud'homal n'appartenant pas au corps judiciaire dont la composition est décrite à l'article 1 de ladite ordonnance ;

Si la jurisprudence a pu considérer que le conseiller prud'homal était un magistrat au sens de l'article 47 du code de procédure civile🏛, son statut n'est pas régi par l'ordonnance statutaire de 1958 mais par le code du travail.


Elle concluait à la confirmation de la délibération du Conseil de l'ordre des avocats du barreau de [Localité 3] du 23 janvier 2023 et à la condamnation du demandeur au paiement d'une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens.


M. [T] répliquait que les conclusions de l'Ordre confirmaient ses affirmations selon laquelle un conseiller prud'homal appartient bien au corps judiciaire de par sa qualité de magistrat, le conseil de prud'hommes étant bien une juridiction civile de droit commun de premier degré, à parité avec le tribunal judiciaire. Quand bien même les conseillers prud'homaux sont régis par le code du travail, force est de constater qu'ils exercent bien une mission identique à celle des tous les magistrats, qui est celle de rendre la justice. M. [T] maintenait l'ensemble de ses demandes.



Sur ce, l'affaire était mise en délibéré au 12 septembre 2023 par mise à disposition du greffe.


MOTIFS


L'appel formé par M. [T] par lettre recommandée avec accusé réception et adressée au greffe de la présente cour d'appel dans le mois du refus de la demande d'inscription au barreau, est recevable.


M. [T] fonde sa demande principale sur les dispositions de l'article 97-3° du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.


Les conditions générales d'inscription au tableau d'un barreau sont prévues par la sous-section 1 du décret de 1991 (articles 93 à 96) modifié par le décret n°2019-849 du 20 août 2019, dont l'article 93 précise que peuvent être inscrites au tableau d'un barreau les personnes bénéficiant d'une des dispenses prévues à l'article 97.

Aux termes de cet article, modifié par le décret n°2012-441 du 3 avril 2012🏛, sont dispensés de la condition de diplôme prévue à l'article 11 (2°) de la loi du 31 décembre 1971🏛 précitée, de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

1° Les membres et anciens membres du Conseil d'Etat et les membres et anciens membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2° Les magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes et des chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ;

3° Les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

4° Les professeurs d'université chargés d'un enseignement juridique ;

5° Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

6° Les anciens avoués près les cours d'appel ;

7° Les anciens avocats inscrits à un barreau français et les anciens conseils juridiques.


Ainsi, sous réserve de remplir les conditions de nationalité et de moralité, les magistrats ou anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 peuvent bénéficier d'une passerelle pour exercer la profession d'avocat.


S'il n'est nullement contesté que M. [T], ancien conseiller prud'homal, remplit les conditions de nationalité et de moralité pour devenir avocat, il ne saurait toutefois bénéficier de la passerelle au motif que les membres du conseil de prud'hommes ne sont pas des magistrats de l'ordre judiciaire régis par le l'ordonnance statutaire de 1958, l'article 1 disposant, dans sa version en vigueur depuis le 12 août 2016 que le corps judiciaire comprend :


1° Les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance ainsi que les magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice ;

1° bis Les magistrats exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, d'inspecteur général de la justice et d'inspecteur de la justice ;

2° Les magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel et ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés et dans l'ensemble des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour ;

3° Les auditeurs de justice.

II. - Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet.


S'il n'est pas contestable qu'un conseiller prud'homal remplit une mission juridictionnelle, à l'instar d'un magistrat professionnel, son statut n'est pas régi par l'ordonnance statutaire de 1958, mais par les articles L1441-1 et suivants du code du travail.


M. [T] ne saurait arguer pouvoir bénéficier de la passerelle au motif que le législateur n'a pas exclu expressément les conseillers prud'homaux de l'équivalence professionnelle dans le décret de 1991 modifié, son bénéfice n'étant réservé qu'à une catégorie de personnes précisément décrites.

Il ne saurait par ailleurs se plaindre d'être victime d'une discrimination dans la mesure où sa situation se distingue bien du groupe, c'est-à-dire des anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 auxquels il se compare.


M. [T] ne justifie en outre, ni en fait ni en droit, en quoi le rejet de la demande par courrier de l'Ordre de fournir le procès-verbal de réunion relève de l'arbitraire et de l'abus de droit, le mettant dans l'impossibilité de constater la régularité de cette décision au titre d'un prétendu « droit commun des décisions collectives en assemblée ».


Il convient dès lors de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes et de confirmer la délibération déférée.


L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


M. [T] succombant sera condamné en conséquence au paiement des entiers dépens.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,


Déboute M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;


Confirme en conséquence la délibération du Conseil de l'ordre des avocats du barreau de [Localité 3] du 23 janvier 2023 rejetant la demande d'inscription de M. [T] audit barreau ;


Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;


Condamne M. [T] aux entiers dépens.


Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


Signé par Monsieur Ac premier président et par Anne Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


LE GREFFIER LE PREMIER PRESIDENT

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