Jurisprudence : TA Limoges, du 01-08-2023, n° 2301189


Références

Tribunal Administratif de Limoges

N° 2301189


lecture du 01 août 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet et 24 juillet 2023, la société Suez RV Sud-Ouest, représentée par Me Béjot, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛 :

1°) d'ordonner à la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine de produire d'une part, les notes attribuées à son offre ainsi qu'à l'offre de l'attributaire, le Sivom Auzances-Bellegarde en application de chacun des sous-critères de jugement des offres, d'autre part, les motifs détaillés qui justifient, pour chacun des sous-critères, les notes qui ont été respectivement attribuées à son offre et à celle de l'attributaire et enfin de produire les caractéristiques et avantages de l'offre retenue dans le délai de 7 jours à compter de l'intervention de l'ordonnance avant dire droit à intervenir ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'exécution de l'ordonnance avant dire droit à intervenir en lui laissant un délai raisonnable pour présenter ses observations en réponse aux éléments transmis par la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine le cas-échéant ;

3°) d'annuler l'ensemble des décisions afférentes à la procédure de passation du marché public en litige ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine a méconnu l'obligation d'information prévue aux articles L.2181-1, R.2181-1, R.2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique🏛🏛🏛🏛 en se bornant à lui notifier la note attribuée à son offre ; elle était tenue de l'informer également du nom de l'attributaire du marché, des notes et appréciations portées par elle sur cette offre en application des critères et sous-critères de sélection, des caractéristiques et des avantages de l'offre retenue ; la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine a utilisé le formulaire NOT13 pour l'informer du rejet de son offre, or ce formulaire est insuffisant en tant que la motivation du rejet de son offre est trop abstraite au regard des exigences des textes et de la jurisprudence en la matière ; par le courrier du 20 juillet 2023 en réponse à sa demande du 7 juillet 2023, elle a finalement obtenu la communication les motifs du rejet de son offre et les caractéristiques et avantages de l'offre du Sivom Auzances-Bellegarde ;

- l'analyse des candidatures qui se résume au tableau intitulé " analyse des candidatures " est insuffisante et irrégulière ; cette analyse s'est résumée à dresser un simple tableau de vérification des pièces jointes à l'appui des offres mais ne comporte aucune analyse ; cette irrégularité établit que son offre n'a pas été évaluée comparativement à celles des autres candidats dont l'offre aurait dû être écartée pour insuffisance de capacités notamment financière ; cette irrégularité lèse suffisamment ses intérêts;

- l'analyse des offres est irrégulière et insuffisante et la sélection des candidats est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en effet, la communauté de communes n'a pas exigé d'informations sur les moyens matériels dont les candidats disposent se bornant à demander la liste des principales prestations similaires effectuées les trois dernières années et une déclaration indiquant les effectifs annuels moyens de l'entreprise et l'importance du personnel d'encadrement ; il reste donc à la charge de la communauté de communes d'établir que le transport et la collecte des déchets entrent bien dans la compétence du syndicat intercommunal à vocation multiple Auzances-Bellegarde (ci après Sivom Auzances-Bellegarde) et qu'il dispose bien des capacités pour exécuter le marché ;

- au stade de l'analyse des offres la communauté de communes a méconnu les principes d'égal accès aux marchés publics et à la libre concurrence car le montant global de l'offre proposée par le Sivom Auzances-Bellegarde était inférieur de 26, 34% au sien ce qui constitue un écart important ; cet écart important faisait naître l'obligation pour la communauté de communes de vérifier que le Sivom Auzances-Bellegarde avait pu proposer son prix en prenant en compte l'ensemble des coûts directes et indirects concourant à la formation du prix et également qu'il n'avait pas bénéficié d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui ont été attribués au titre de sa mission de service public ; elle aurait dû vérifier si le Sivom Auzances-Bellegarde justifiait bien d'une division de comptabilité entre les moyens et les ressources relatifs à l'exécution de sa mission de service public et ceux dédiés à son exécution ; il ressort des écritures adverses que le Sivom Auzances-Bellegarde admet n'avoir opéré aucune séparation comptable dès lors que son budget annexe " Ordures ménagères " englobait indistinctement les activités de service public et celles qu'il peut être conduit à exercer en qualité d'opérateur économique ; le manquement commis par la communauté de communes ici a suffisamment lésé ses intérêts de candidate au marché ;

-la procédure d'analyse des offres est entachée d'irrégularités, en méconnaissance de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique🏛, en ce que la communauté de communes a pris en considération, pour l'analyse de la valeur technique des offres qui lui étaient soumises, des références professionnelles ou des retours d'expérience, alors que de tels éléments extrinsèques à l'offre ne peuvent être pris en compte dans la phase d'appréciation des offres ;

- en attribuant la note maximale de 20/20 aux deux offres pour le sous critère 1 " organisation matérielle et humaine " de la valeur technique, la communauté de communes a automatiquement et irrégulièrement neutralisé ce sous-critère sauf à ce qu'elle établisse le contraire ; elle devait justifier cette similitude et pour cela il aurait fallu qu'elle détaille tous les points du règlement de la consultation ; en outre, cela signifie qu'elle ne s'est fondée que sur les deux critères irréguliers ;

- la communauté de commune n'a pas apprécié les offres au regard de l'ensemble des points énumérés à l'article 8.2 du règlement de la consultation ;

- l'offre du Sivom Auzances Bellegarde n'était pas suffisamment précise quant aux moyens humains ;

-l'offre du Sivom Auzances-Bellegarde aurait dû être rejetée comme étant irrégulière car pour l'appréciation du sous critère " démarche environnementale " il n'est pas établi que le Sivom aurait répondu à l'ensemble des points prévus à l'article 8.2 à l'appui de son offre, la communauté de communes se bornant à indiquer dans son tableau d'analyse des offres qu'elle était peu développée sur ce point ; également son offre était irrégulière car elle n'a pas indiqué dans son mémoire technique si ses bennes étaient ou non équipées d'un déchargement automatique sans que ne soit nécessaire l'intervention de main d'œuvre conformément aux exigences de l'article II.6-1 du CCTP ; ces irrégularités ont nécessairement lésé ses intérêts ;

- il est établi une situation de conflits d'intérêts de la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine et du Sivom Auzances-Bellegarde en méconnaissance de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique🏛; il existait dès le départ un doute légitime, la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine étant adhérente du Sivom Auzances-Bellegarde et la présidente du Sivom Auzances-Bellegarde étant également conseillère communautaire.

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2023, le Sivom Auzances-Bellegarde, représenté par sa présidente, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

-il a justifié avoir les compétences techniques requises dans son mémoire technique où il a détaillé les moyens matériels qu'il entend affecter à l'exécution du marché y précisant que pour la collecte il bénéficie d'un châssis équipé d'une benne à ordures ménagères, pour le transfert il bénéficie d'un quai de transfert sur la commune de Buissière-Nouvelle, et pour le transport d'un camion équipé de bennes de 30 mètres cubes ; sa compétence en matière de collecte et transport de déchets est d'ailleurs sa compétence et celle qu'il exerce en lieu et place de ses membres dont certains sont également membres de la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine ;

-il a bien été en mesure de proposer une offre économiquement plus avantageuse que celle de la société requérante sans utiliser les ressources qu'il tire de ses autres missions pour proposer son offre ; son prix est justifié par les modalités de stockage qu'il utilise ainsi que par l'optimisation des transports ; Il dispose en effet d'un quai de transfert situé sur la commune de Buissière-Nouvelle et il transporte deux bennes de 30 mètres cubes à la fois ce qui lui permet de faire peu d'aller-retour vers l'incinérateur qui se trouve assez loin du territoire de la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine ;

- les seules ressources qu'il utilisera pour assurer l'exécution du marché sont celles qui proviendront de la collecte et du transport des déchets en exécution du marché ; il dispose d'un budget propre " ordures ménagères " réservés à la collecte des déchets et indépendant de ses autres activités.

- son activité de service public n'est pas basée sur la recherche du profit.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet et 26 juillet 2023, la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Suez RV Sud-Ouest une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-la requête est irrecevable faute pour la requérante d'établir le bien-fondé de ses moyens ;

- l'attribution du marché au Sivom Auzances-Bellegarde ne méconnaît pas le principe d'impartialité et ne constitue pas une prise illégale d'intérêts dès lors que la présidente du Sivom qui n'était ni titulaire ni suppléante au sein de la commission d'appel d'offres n'a pu exercer aucune influence sur le choix de l'attributaire ;

- elle n'a pas méconnu l'obligation d'information du candidat évincé prévue aux articles R. 2181-1, R.2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique car elle a informé la société requérante d'une part, en lui notifiant le formulaire NOTI3 le 27 juin 2023 qui comporte le nom de l'attributaire, la note obtenue par ce dernier et la note qui lui a été attribuée à elle et d'autre part, par le courrier du 20 juillet 2023 portant à sa connaissance les caractéristiques et avantages de l'offre du Sivom avec un extrait du rapport de l'analyse des offres détaillant avec précision l'ensemble des notes obtenues par critères et sous-critères et l'appréciation littérale portée pour chaque offre sur la valeur technique et l'analyse de son prix ;

- les informations demandées aux candidats pour s'assurer de leur capacité technique sont suffisantes au sens des articles R.2143-3 et R.2144-1 du code de la commande publique🏛🏛 ; en effet, l'article 7.1B du règlement de la consultation indique très clairement que les candidats doivent apporter d'une part, la liste principale des prestations similaires effectuées les trois dernières années avec précision des dates et montants et d'autre part, une déclaration de leurs effectifs moyens annuels ainsi que l'indication de l'importance du personnel encadrant pour chacune des 3 dernières années ; en outre, elle s'est bien assurée de la capacité technique financière et professionnelle des candidats au stade de l'analyse des offres en érigeant en sous critère de la valeur technique celui intitulé " organisation matérielle et humaine " noté sur 20 points qui a d'ailleurs conduit le soumissionnaire à lui produire une note technique décrivant les moyens matériels utilisés et une liste de ses véhicules de collecte et plus précisément un châssis équipé d'une benne à ordure ménagère pour la collecte, d'un quai de transfert sur la commune de Bussière-Nouvelle pour le transfert, et d'un camion équipé de bennes de 30 mètres cubes pour le transport ; le Sivom Auzances-Bellegarde était bien compétent en matière de collecte et traitement des déchets et assimilés dès lors que cela correspond à la spécialité de cet établissement public de coopération intercommunale ;

- elle n'a pas méconnu le principe de l'égale accès à la commande publique et à la libre concurrence car un établissement public de coopération intercommunal peut se porter candidat à un marché public et ce n'est que dans l'hypothèse où le prix qu'il aurait proposé aurait été significativement plus bas que celui proposé par les autres candidats que des justificatifs complémentaires sur le prix proposé aurait dû lui être demandé ; si le Sivom Auzances- Bellegarde a pu proposer une offre économiquement la plus avantageuse c'est parce qu'il dispose d'un quai de stockage des déchets et de camions à double compartiments ce qui limite la fréquence du ramassage et le nombre d'aller-retour alors que la société requérante ; il est impossible d'affirmer que son prix était anormalement bas dès lors qu'il n'y avait que deux candidates ; c'est l'offre de la société Suez RV Sud-Ouest qui est anormalement élevée dès lors qu'elle avait proposé un prix plus bas dans le précédent marché comprenant pourtant une prestation supplémentaire ; le Sivom Auzances-Bellegarde bénéficie d'un budget propre affecté à sa mission de service public qu'il n'a pas utilisé pour proposer son prix.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Me Béjot a pris connaissance avant le début de l'audience du mémoire en réplique de la communauté de communes de Marche et Combraille et Aquitaine, enregistré le 26 juillet 2023.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les observations de Me Béjot, représentant la société Suez RV Sud-Ouest, et celles de Me Breysse substituant Me Blanc, représentant la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine qui ont repris leurs écritures.

La clôture d'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis public d'appel à la concurrence publié le 4 mai 2023 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et le 5 mai 2023 au Journal officiel de l'Union européenne, la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine dont le siège se situe à Auzances a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché global " collecte et transport des déchets ménagers et assimilés ". La société Suez RV Sud-Ouest a déposé une offre. Le 27 juin 2023, elle a été informée que, classée en deuxième position, son offre était rejetée et que le lot en cause était attribué au syndicat intercommunal à vocation multiple Auzances-Bellegarde (ci-après Sivom Auzances-Bellegarde). Par la présente requête, elle demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'ordonner à la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine de produire d'une part, les notes attribuées à son offre ainsi qu'à l'offre de l'attributaire en application de chacun des sous-critères de jugement des offres, d'autre part, les motifs détaillés qui justifient, pour chacun des sous-critères, les notes qui ont été respectivement attribuées à son offre et à celle de la société attributaire et enfin de produire les caractéristiques et avantages de l'offre retenue dans le délai de 7 jours à compter de l'intervention de l'ordonnance avant dire droit à intervenir, de surseoir à statuer dans l'attente de l'exécution de l'ordonnance avant dire droit à intervenir en lui laissant un délai raisonnable pour présenter ses observations en réponse aux éléments transmis par la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine le cas-échéant, et d'annuler l'ensemble des décisions afférentes à la procédure de passation du marché public en litige.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine de communiquer plusieurs informations :

2. La société Suez RV Sud-Ouest demande au juge des référés d'enjoindre à la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine de communiquer d'une part, les notes attribuées à son offre ainsi qu'à l'offre de l'attributaire en application de chacun des sous-critères de jugement des offres, d'autre part, les motifs détaillés qui justifient, pour chacun des sous-critères, les notes qui ont été respectivement attribuées à son offre et à celle de la société attributaire et enfin de produire les caractéristiques et avantages de l'offre retenue. Toutefois, il est constant, que la communauté de communes Marche et Combraille en Aquitaine lui a communiqué après l'enregistrement de la requête, par courrier du 20 juillet 2023 en réponse à son courrier de demande d'information du 7 juillet 2023, les notes obtenues par la société requérante et l'attributaire du marché en les détaillant par critères puis par sous-critères. A ce courrier était joint un extrait du rapport d'analyse des offres détaillant jusqu'à l'échelle de chaque sous-critère la note obtenue ainsi que les appréciations littérales afférentes. Dans son mémoire en réplique la société requérante indique avoir ainsi reçu au travers du courrier de réponse du 20 juillet 2023, les motifs du rejet de son offre et les éléments relatifs aux caractéristiques et avantages relatifs à l'offre retenue. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'injonction qui doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet () la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique (). / () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code🏛 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

Sur le moyen tiré du défaut d'impartialité dans le choix de l'attributaire du marché :

5. Aux termes de l'article L.2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché. ".

6. Il résulte de l'instruction que la présidente du Sivom Auzances-Bellegarde n'était ni titulaire ni suppléante au sein de la commission d'appel d'offres. En se bornant à indiquer, tout en soulignant qu'il ne s'agit là que d'un simple élément de contexte, que la présidente du Sivom Auzances-Bellegarde est également élue communautaire au sein de la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine et se serait exprimée dans un sens contraire à ses intérêts dans le cadre d'une précédente procédure de commande publique, la société requérante n'établit pas que la présidente du Sivom aurait exercé une influence quelconque dans le choix de l'attributaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence, notamment le principe d'impartialité, et qu'une prise illégale d'intérêt serait constituée, doit être rejeté.

Sur les moyens tirés du manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence au stade de la sélection des candidatures :

7. Aux termes de L'article R. 2143-3 du Code de la commande publique dispose : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature :1° Une déclaration sur l'honneur pour justifier qu'il n'entre dans aucun des cas mentionnés aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 et L. 2141-7 à L. 2141-11 notamment qu'il satisfait aux obligations concernant l'emploi des travailleurs handicapés définies aux articles L. 5212-1 à L. 5212-11 du code du travail🏛🏛 ; 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat. ". L'article R. 2144-1 du même Code dispose : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5. ". L'article 7.1 B du règlement de la consultation dispose : " - Documents à produire par le candidat : - Capacités économiques et financière :- Déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires du domaine d'activité faisant l'objet du marché portant sur les trois derniers exercices disponibles - Preuve d'une couverture des risques professionnels (assurance ou banque) conformément à l'article L.1241-1 du code des assurances ; Capacités techniques et professionnelles :- Une liste des principales prestations " similaires " effectuées au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date, le destinataire,- Une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels de l'entreprise et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années. Le candidat peut utiliser le formulaire DC2. Les entreprises de création récente peuvent justifier leurs capacités par tout autre moyen. "

8. La société Suez RV Sud-Ouest soutient que le pouvoir adjudicateur n'a pas procédé à une analyse complète des candidatures dès lors que le tableau intitulé " analyse des candidatures " est un document sur lequel le pouvoir adjudicateur s'est borné à dresser un relevé des pièces jointes par les candidats à leur dossier révélant ainsi un défaut d'analyse des capacités financières et humaines des candidats. Il résulte au contraire de la lecture du tableau d'analyse des candidatures que le Sivom Auzances-Bellegarde et la société requérante ont tous deux fourni à l'appui de leur candidatures respectives, d'une part, une déclaration de leur chiffre d'affaires sur les 3 derniers exercices et d'autre part, une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat dont le personnel d'encadrement comme cela était exigé par l'article 7.1 B précité du règlement de la consultation au stade de l'analyse des candidatures. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas procédé à une analyse insuffisante des candidatures auxquelles étaient jointes les documents exigés par les textes précités et le règlement de la consultation quant aux capacités financières et humaines des candidats, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans la sélection des candidatures.

Sur les moyens tirés du manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence au stade de l'examen des offres :

9. La société Suez RV Sud-Ouest soutient que la communauté de communes aurait dû estimer que l'offre du Sivom Auzances-Bellegarde était irrégulière et ne pas l'examiner dès lors qu'il ressort de l'extrait du rapport d'analyse des offres que le mémoire technique était incomplet. Elle allègue que cette incomplétude est établie par l'appréciation littérale " note peu développée " pour le sous-critère " Note environnementale ". Toutefois, l'appréciation portée par la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine sur la qualité de la note environnementale du Sivom Auzances-Bellegarde constitue l'appréciation portée par la communauté de communes sur la qualité de l'offre de ce Sivom à l'égard du sous-critère en cause et ne signifie pas que le mémoire technique était incomplet. Or, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. En tout état de cause, la société requérante qui a obtenu la note maximale de 10 sur 10 à ce sous-critère là où le Sivom n'a obtenu que la note de 5, ne justifie d'aucun intérêt lésé sur ce point. Le moyen doit être rejeté.

10. L'article II.6.1 du cahier des clauses techniques particulières dispose s'agissant des bennes : " Elles se déchargent mécaniquement de telle sorte que les déchets puissent glisser d'eux-mêmes hors de la benne dans une fosse ou sur le sol, sans qu'il soit besoin d'aucune main-d'œuvre ".

11. Il ne résulte pas de l'instruction que les bennes de 30 mètres cubes que le Sivom Auzances-Bellegarde propose d'utiliser dans son offre ne se déchargeraient pas automatiquement. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine n'a attribué une note identique aux deux candidats au marché que pour un seul sous-critère. En soutenant que la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine a neutralisé le sous-critère n°1 intitulé " mémoire technique " du critère de la valeur technique, en attribuant la même note maximale de 20 sur 20 aux deux sociétés candidates sans en justifier suffisamment dans son appréciation littérale, la société Suez RV Sud-Ouest critique, en réalité, l'appréciation par la communauté de communes des mérites respectifs de son offre et de celle du Sivom Auzances-Bellegarde. Or, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. En tout état de cause, la société requérante qui a obtenu à ce sous-critère n°1 la note maximale de 20 sur 20 ne justifiait pas d'un intérêt lésé l'autorisant à se prévaloir de ce moyen. Par suite, ce moyen doit être rejeté.

13. Il résulte de l'instruction et plus précisément de l'extrait du rapport d'analyse des offres que l'item " expériences et références avérées " a bien constitué un élément d'appréciation du sous-critère " mémoire technique " au stade de l'analyse des offres. Toutefois, comme il a été dit ci-dessus, la société requérante a recueilli la note maximale de 20 sur 20 à ce sous-critère. Par suite, et en tout état de cause, elle ne justifiait pas d'un intérêt lésé l'autorisant à se prévaloir de ce moyen. Le moyen doit donc être rejeté.

14. Il appartient au juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s'assurer que l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Dans ce cadre, lorsque le candidat est une personne morale de droit public, il lui incombe de vérifier que l'exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s'il s'agit d'un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu. Un établissement public ne méconnaît pas le principe de spécialité en candidatant à un marché dont l'objet constitue un complément normal de sa mission statutaire.

15. Il résulte de l'instruction et plus précisément de l'article 3 des statuts du Sivom Auzances-Bellegarde apportés au dossier qu'au titre de ses compétences figure notamment " la collecte et le traitement des déchets ", compétence qu'elle exerce au titre de sa mission de service public pour le compte de ses communes membres, dont une partie des communes composant la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine. Par suite, le principe de spécialité n'a pas été méconnu. Le moyen tiré de ce que le Sivom Auzances-Bellegarde ne justifiait pas de sa compétence doit donc être écarté.

16. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique🏛 : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre () ".

17. Il résulte des dispositions du code de la commande publique précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Le caractère anormalement bas ou non d'une offre ne saurait résulter du seul constat d'un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier et il appartient notamment au juge des référés précontractuels, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

18. Il résulte de l'instruction que le marché objet de l'appel d'offre en litige est certes un marché de services sans être un marché de concession de service public. La seule circonstance que la société requérante ait proposé un prix inférieur de 26, 34 % à celui du Sivom Auzances-Bellegarde est à elle seule insuffisante pour considérer l'offre de ce dernier comme anormalement basse. La société requérante allègue plus précisément que pour la prestation " transport ", le prix proposé est anormalement bas sans que les justifications apportées en défense ne permettent d'écarter cette anormalité. Il résulte de l'instruction que la décomposition du prix proposé par le Sivom Auzances-Bellegarde et plus précisément de l'extrait du rapport d'analyse des offres apporté au dossier, que pour la prestation du transport des déchets ménagers et assimilés, le coût qui figure dans le bordereau des prix unitaires est de 149, 20 euros et qu'il est de 27 154, 40 euros pour la même prestation dans le détail qualitatif estimatif. La communauté de communes et le Sivom Auzances-Bellegarde font valoir que le prix de cette prestation est justifié par les moyens techniques de son offre. Il résulte de l'extrait du mémoire technique du Sivom Auzances-Bellegarde apporté au dossier qu'il dispose pour l'exécution du contrat d'un châssis équipé de bennes de 30 mètres cubes à ordure ménagère pour la collecte des déchets ce qui réduit le nombre de jours de collecte comme cela ressort d'ailleurs du planning des jours de collecte joint à son offre, et d'un quai de transfert sur la commune de Bussière-Nouvelle lui permettant de faire moins d'aller-retour jusqu'à l'incinérateur situé à 150 kilomètres de Limoges. Au surplus, la communauté de communes fait valoir que la société requérante, qui n'apporte au dossier ni son mémoire technique ni un extrait de ce dernier, était quant à elle obligée de prévoir plus de jours de collecte et de transporter les déchets jusqu'à un incinérateur situé à 150 km de Limoges. Il ne résulte donc pas de l'instruction que l'offre présentée par le Sivom Auzances-Bellegarde aurait comporté un prix anormalement bas. Dès lors, la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine n'était pas tenue de procéder au stade de l'analyse des offres à des vérifications complémentaires notamment quant à la comptabilité du Sivom Auzances-Bellegarde. Par suite, en ne procédant pas à des vérifications complémentaires quant au prix proposé par le Sivom Auzances-Bellegarde, la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine n'a pas méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence, notamment le principe d'égal accès des candidats à la commande publique.

19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction.

Sur les frais du litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Suez RV Sud-Ouest au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

21. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Suez RV Sud-Ouest, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1800 euros à verser à la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Suez RV Sud-Ouest.

Article 2 : Le surplus de la requête de la société Suez RV Sud-Ouest est rejeté.

Article 3 : La société Suez RV Sud-Ouest versera à la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine la somme de 1 800 euros (mille huit cent euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Suez RV Sud-Ouest, à la communauté de communes de Marche et Combraille en Aquitaine et au Sivom Auzances-Bellegarde. Copie en sera adressée pour information à Me Béjot et à Me Blanc.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er août 2023.

Le juge des référés,

K. BENZAID

Le greffier en chef,

S. CHATANDEAU

La République mande et ordonne

à la préfète de la Creuse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme

Le Greffier en Chef

S. CHATANDEAU

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