Jurisprudence : CE 9/10 SSR , 21-03-2001 , n° 202490

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 202490

M. EGOT

M. Hourdin, Rapporteur
M. Goulard, Commissaire du Gouvernement

Séance du 26 février 2001
Lecture du 21 mars 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9e sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 8 décembre 1998 et 8 avril 1999, présentés pour M. Pierre EGOT, demeurant Vizer Spindle Birchen Lane, Linfield Sussex (Angleterre) ; M. EGOT demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 septembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 1996 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a maintenu une partie des impositions mises à sa charge pour les années 1985 à 1987 au titre de l'impôt sur le revenu et, d'autre part, a fait droit aux conclusions de l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation des articles 1 et 2 de ce jugement qui prononçaient une réduction partielle de ses bases d'imposition et prononçaient la décharge des droits et pénalités y afférents ;

2°) de rejeter l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ,

3°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il rejette partiellement ses demandes ;

4°) de le décharger de la totalité des impositions litigieuses ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F en application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier,

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, de la Varde, avocat de M. EGOT,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il. ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. EGOT a été assujetti, au titre des années 1985 à 1987, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et, au titre des années 1986 et 1987, au prélèvement social de 1 % sur les revenus de capitaux mobiliers ; que M. EGOT a contesté la régularité de la procédure d'imposition au motif que l'administration avait utilisé des documents saisis dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales mise en oeuvre à l'encontre de la S.A.R.L. France Finibeton, alors que la Cour de cassation avait, le 18 juillet 1989, cassé sans renvoi l'ordonnance en date du 25 juin 1987 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Draguignan avait autorisé les agents de la direction générale des impôts à effectuer les visites et saisies de documents dans les locaux de cette société dont il était le gérant ; que le tribunal administratif de Nice a réduit les bases de l'impôt sur le revenu de l'intéressé et déchargé ce dernier des droits et pénalités correspondant à cette réduction de bases au motif que l'ordonnance délivrée par le président du tribunal de grande instance de Draguignan devait être regardée comme demandée en vue de vérifier les doutes que nourrissait l'administration sur les agissements du gérant de cette société et que son annulation par la Cour de cassation avait pour conséquence d'entacher d'irrégularité une grande partie de la procédure d'imposition concernant M. EGOT ; que M. EGOT_se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 septembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel et, sur appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remis à sa charge les droits et pénalités dont le tribunal avait accordé la décharge ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux ternes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : « I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie ... » ;

Considérant que l'annulation par le juge judiciaire d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale, en application des dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, interdit à l'administration des impôts d'opposer à cette personne morale les informations qu'elle a recueillies à cette occasion, et affecte la régularité de la décision d'imposition de l'intéressée dans la mesure où celle-ci procède de l'exploitation des informations ainsi recueillies ; qu'en revanche, l'opération de visite et de saisie conduite à l'égard d'un contribuable est distincte de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'un autre contribuable, alors même que l'administration se fonderait sur des faits révélés par cette opération pour établir l'imposition de ce dernier ; qu'il s'ensuit que l'annulation d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale, si elle interdit désormais à l'administration d'opposer à celle-ci les informations recueillies à cette occasion, ne fait pas obstacle à ce que l'administration, dans une procédure d'imposition distincte concernant un autre contribuable, se fonde sur les faits révélés par l'opération annulée pour établir l'imposition de ce dernier ; qu'il en va toutefois autrement lorsqu'il ressort de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge par l'administration que celle-ci cherche à obtenir, par la visite et la saisie, même si ces opérations ne visent pas des lieux dont le contribuable a personnellement la disposition, des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de l'intéressé pour éluder l'impôt ; qu'en une telle hypothèse, l'annulation de la visite ou de la saisie par l'autorité judiciaire fait obstacle à ce que des informations recueillies à l'occasion de la visite ou de la saisie soient opposées par l'administration à ce contribuable ; que tel est notamment le cas, lorsque l'administration a demandé l'autorisation de visiter les locaux d'une société en vue de vérifier, notamment, les indices qu'elle détient sur les. agissements d'un dirigeant de la société ;

Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il ressort clairement des motifs figurant dans la demande d'autorisation de visite adressée par l'administration au juge judiciaire et dans les ordonnances subséquentes que la procédure ainsi diligentée contre les sociétés Finibeton International et France Finibeton avait pour but exclusif de rechercher des éléments de preuve permettant au service d'établir des fraudes éventuellement commises par lesdites sociétés, la Cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qu'elle a appréciées souverainement ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'autorisation de visite et de saisie, accordée par l'autorité judiciaire dans le cadre d'une procédure diligentée à l'encontre d'une personne morale, porta également sur des. lieux dont le gérant de cette personne morale avait la disposition ne fait pas obstacle à ce que l'administration, en cas d'annulation de cette autorisation, utilise les informations ainsi recueillies dans le cadre d'une procédure distincte concernant le gérant ; que, par suite, en jugeant que les informations recueillies par l'administration lors de la procédure de visite diligentée contre les sociétés Finibeton International et France Finibeton pouvaient valablement, malgré l'annulation de celle-ci par le juge judiciaire, être utilisées à l'encontre de M. EGOT lors d'une autre procédure de vérification le concernant personnellement, alors que l'autorisation de visite et de saisie portait également sur des lieux dont M. EGOT avait la disposition à titre personnel, la Cour, qui avait relevé que la procédure annulée avait pour but exclusif de rechercher des éléments de preuve permettant à l'administration d'établir des fraudes éventuellement commises par les sociétés Finibeton International et France Finibeton pour éluder les impositions dont elles étaient redevables. n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : ... la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration » ; qu'en jugeant que M. EGOT n'apportait pas la preuve, dont la charge lui incombait, de l'absence de mauvaise foi de sa part, la Cour a méconnu les termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les pénalités afférentes aux droits en principal en litige ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que l'administration fiscale établit la mauvaise foi de M. EGOT en relevant que ce dernier avait encaissé à titre personnel, à plusieurs reprises, la contrepartie de chèques émis par la société France Finibeton en règlement de fausses factures ; que dès lors, les pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ont pu être appliquées par l'administration fiscale à M. EGOT ; que ce dernier n'est donc pas fondé à en demander la décharge ;

Sur les conclusions de M. EGOT tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. EGOT la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et -non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 28 septembre 1998 est annulé en tant qu'il a statué sur les pénalités mises à la charge de M. EGOT.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. EGOT, ainsi que ses conclusions relatives aux pénalités présentées devant les juges du fond, sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre EGOT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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