Jurisprudence : CE Contentieux, 16-11-1998, n° 178585

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 178585

Mlle REYNIER

Lecture du 16 Novembre 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 5ème et 3ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 5ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars 1996 et 5 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Françoise REYNIER, demeurant 726 avenue Jules Ferry à Objat (19130) ; Mlle REYNIER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 27 décembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande du centre hospitalier général de Brive, annulé le jugement du 20 janvier 1994, par lequel le tribunal administratif de Limoges a déclaré le centre hospitalier responsable du préjudice qu'elle a subi et l'a condamné à verser une indemnité de 122 846 F en réparation des divers préjudices subis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Thiellay, Auditeur, - les observations de Me Le Prado, avocat de Mlle Françoise REYNIER et de Me Odent, avocat du centre hospitalier général de Brive, - les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle REYNIER, qui se plaignait de douleurs au mollet et au genou à la suite de chutes de cheval, a été admise en urgence, le 7 mars 1990, au centre hospitalier général de Brive et a été orientée vers le service de médecine générale ; que le 9 mars 1990, à la suite d'un examen par un chirurgien, elle a été transférée au service de chirurgie pour y subir une intervention, un syndrome de la loge externe de la jambe gauche ayant été diagnostiqué ;

Considérant que la cour, pour écarter toute faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Brive dans l'orientation de la victime vers le service de médecine générale, s'est fondée sur le fait qu'aucune lésion osseuse n'avait été diagnostiquée et qu'un "diagnostic d'un spectre beaucoup plus large que celui opéré par le service de chirurgie" devait être envisagé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport établi le 7 octobre 1990 par le professeur Di Menza, expert-commis par le tribunal administratif de Limoges, que l'hospitalisation de l'intéressée avait été motivée par les chutes de cheval qui appelaient le traitement d'un traumatisme et non par l'état dépressif de la victime ; que, malgré la persistance des douleurs ressenties par Mlle REYNIER et les symptômes présentés par le mollet gauche de la blessée, le centre hospitalier de Brive s'est borné à lui administrer des médicaments anti-inflammatoires et n'a fait procéder que le 9 mars 1990 en fin d'après-midi, soit plus de quarante-huit heures après l'arrivée de Mlle REYNIER aux urgences de l'hôpital, à un examen par un chirurgien ; que le syndrome de la loge, diagnostiqué le 9 mars 1990 dès le premier examen par le chirurgien, n'a pu être efficacement traité alors qu'un diagnostic rapide par un tel spécialiste aurait conservé à la victime des chances de récupération totale ; qu'ainsi la cour, en ne retenant pas de faute dans l'organisation du service du centre hospitalier de Brive et notamment dans la coordination des interventions des différents praticiens, a entaché son arrêt d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

Considérant que, dès lors, Mlle REYNIER est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du professeur Di Menza, que, malgré la persistance des douleurs ressenties par Mlle REYNIERet les symptômes présentés par le mollet gauche de la blessée, le centre hospitalier de Brive n'a fait procéder que le 9 mars 1990 en fin d'après-midi, soit plus de quarante-huit heures après l'arrivée de Mlle REYNIER aux urgences de l'hôpital, à un examen par un chirurgien ; que le syndrome de la loge, diagnostiqué le 9 mars 1990, n'a pu être efficacement traité alors qu'un diagnostic rapide aurait conservé à la victime des chances de récupération totale ; qu'ainsi, le centre hospitalier de Brive n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'examen rapide par un chirurgien, alors que l'intéressée était entrée en urgence à l'hôpital à la suite de chutes de cheval et souffrait de manière croissante des mollets et du genou, ne constituait pas une faute dans l'organisation du service de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance que le syndrome de la loge serait difficile à diagnostiquer par des praticiens généralistes n'ayant pas l'expérience de ce type de symptômes est sans influence sur l'existence de cette faute ; qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Brive n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 janvier 1994 ;

Sur le préjudice :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les premiers juges ont fait une juste appréciation des troubles de toutes natures subis par la victime en fixant le montant du préjudice indemnisable à une somme de 122 846 F comprenant une indemnité de 2 846 F au titre des pertes de salaires, une indemnité de 20 000 F au titre des souffrances physiques qualifiées de moyennes, une indemnité de 20 000 F au titre du préjudice esthétique et une indemnité de 80 000 F au titre des troubles dans les conditions d'existence ; que, par suite, ni le centre hospitalier de Brive, ni Mlle REYNIER ne sont fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 janvier 1994 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions susmentionnées, de condamner le centre hospitalier de Brive à payer à Mlle REYNIER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 décembre 1995 est annulé.

Article 2 : La requête du centre hospitalier de Brive et l'appel incident de Mlle REYNIER présentés devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 3 : Le centre hospitalier de Brive est condamné à verser la somme de 15 000 F à Mlle REYNIER, au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Françoise REYNIER, au centre hospitalier général de Brive, au président de la cour administrative d'appel de Bordeaux et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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