Jurisprudence : CE Contentieux, 16-10-1998, n° 147141

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 147141

Mlle AIDARA

Lecture du 16 Octobre 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 6ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu, 1°) sous le n° 147141 la requête enregistrée le 15 avril 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme A‹chatou AIDARA demeurant 27 rue Hector-Berlioz à Montmagny (95360) ; Mme AIDARA demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule l'ordonnance du 12 février 1993 par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme Sy tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 1993 du préfet du Val d'Oise décidant la reconduite à la frontière de Mme AIDARA ; 2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté ; Vu, 2°) sous le n° 154883 la requête enregistrée le 30 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme A‹chatou AIDARA demeurant 27 rue Hector-Berlioz à Montmagny (95360) ; Mme AIDARA demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 9 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme AIDARA tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 7 mai 1992 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour temporaire en qualité d'étudiant et d'annuler ledit arrêté ; 2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention d'établissement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal en date du 29 mars 1974 ;
Vu la convention de coopération en matière judiciaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal en date du 29 mars 1974 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Guyomar, Auditeur, - les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de Mlle AIDARA présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 154883 ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant que l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et les textes pris pour son application, qui précisent les cas dans lesquels les étrangers présents sur le territoire national ont droit à la délivrance d'un titre de séjour, ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit sauf lorsque les textes l'interdisent expressément ; que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions non remplies, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle AIDARA, ressortissante sénégalaise, née en 1973, est arrivée en France en 1988 pour y rejoindre sa cousine, Mme Sy, de nationalité française, qui s'était vu confier l'autorité parentale sur Mlle AIDARA par un jugement du tribunal départemental de Dakar en date du 2 septembre 1987 qui avait autorité de la chose jugée en vertu de l'article 47 de la convention de coopération en matière judiciaire entre la France et le Sénégal susvisée ; qu'elle a poursuivi, depuis cette date, des études en France sous couvert de récépissés de demande de titre de séjour qui lui ont été régulièrement délivrés jusqu'à ce qu'elle atteigne l'âge de dix-huit ans ; que le 22 ao–t 1991, Mlle AIDARA a sollicité du préfet du Val d'Oise la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant ; que le 7 mai 1992, le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande au motif que Mlle AIDARA, entrée en France en 1988 avec un visa de 30 jours, n'avait pas produit à l'appui de sa demande de titre de séjour le visa d'une durée supérieure à trois mois exigé par l'article 7 du décret susvisé du 30 juin1946 ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances de son arrivée en France et aux conditions dans lesquelles elle y est demeurée jusqu'à la date de la décision attaquée, la décision refusant de délivrer à Mlle AIDARA la carte de séjour qu'elle sollicitait en qualité d'étudiante, pour le seul motif que le visa avec lequel elle était entrée en France à l'âge de quinze ans n'était pas un visa d'une durée supérieure à trois mois est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle AIDARA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 1992 par lequel le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 1993 :
Considérant que, par une ordonnance en date du 12 février 1993, le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête au motif que Mme Sy qui a présenté et signé le mémoire introductif d'instance n'avait pas produit de mandat l'autorisant à agir au nom de Mlle AIDARA ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 276 du code sénégalais de la famille : "Est mineure la personne de l'un ou l'autre sexe qui n'a pas encore l'âge de vingt et un an accomplis" ; qu'à la date de la requête, Mlle AIDARA était donc mineure ; que, par suite, Mme Sy qui avait, comme il a été dit ci-dessus, autorité parentale sur Mlle AIDARA, était recevable à agir au nom de Mlle AIDARA ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle AIDARA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 février 1993 par lequel le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mlle AIDARA devant le tribunal administratif de Versailles ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'ainsi il a été auparavant dit, la décision du préfet du Val d'Oise refusant de délivrer à Mlle AIDARA une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant étant illégale, l'arrêté de reconduite à la frontière de l'intéressée en date du 8 février 1993 pris sur le fondement de l'article 22-1-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 se trouve privé de base légale ; qu'il suit de là que Mlle AIDARA est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 février 1993 par lequel le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 9 juillet 1993 et l'ordonnance du président du tribunal administratif de Versailles en date du 12 février1993 sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du 7 mai 1992 par lequel le préfet du Val d'Oise a rejeté la demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant de Mlle AIDARA et l'arrêté du préfet du Val d'Oise en date du 8 février 1993 ordonnant sa reconduite à la frontière sont annulés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A‹chatou AIDARA, au préfet du Val d'Oise et au ministre de l'intérieur.

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