Jurisprudence : CA Lyon, 03-08-2023, n° 19/05630, Infirmation


N° RG 19/05630 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MRBE


Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 04 juillet 2019


RG : 18/00171


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


1ère chambre civile A


ARRET DU 03 Août 2023



APPELANTS :


M. [F] [L]

né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 9] (AIN)

[Adresse 8]

[Localité 2]


SCM [R] ET [U] DANSE SERVICE

[Adresse 6]

[Localité 4]


Représentés par Me Vincent DURAND de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896


INTIMES :


M. [Aa] [S]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 9] (AIN)

[Adresse 7]

[Localité 3]


Société [R] DANSE ACADEMIE SERVICES

[Adresse 7]

[Localité 3]


Représentés par la SELARL SELARL D'AVOCAT PIERRE-EMMANUEL THIVEND, avocat au barreau d'AIN


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 08 Septembre 2020


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Janvier 2023


Date de mise à disposition : 23 mars 2023 prorogée au 27 avril 2023, 15 juin 2023, 6 juillet 2023, 27 juillet 2023 et 3 août 2023 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile🏛


Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.



Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Ab A, vice présidente placée


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,


Signé par Julien SEITZ, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * * *


M. [F] [L] et M. [D] [S] sont professeurs de danse. Ils ont créé dans le début des années 1990 une école de danse et constitué pour les besoins de leur activité professionnelle:


- la société civile de moyens [S]-[L] et la société civile immobilière [R] et [U] immo, propriétaires des locaux professionnels sis à [Localité 4] (Ain),


- l'association [10] Bourg [Localité 4], rassemblant les élèves de l'école, afin de préparer les spectacles de fin d'année et les compétitions nationales,


- la société civile [R] et [U] danse service.


La société [R] et [U] danse service est détenue par Mrs. [L] et [S] à parts égales et les intéressés en sont co-gérants. Elle a pour objet principal l'enseignement de la danse et pour objets secondaires l'accomplissement de prestations de démonstration de danse, l'organisation de spectacles, de cours de gymnastique et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à ces objets, ou susceptibles d'en faciliter la réalisation.


Dans l'accomplissement de cet objet, elle intervient auprès d'associations et personnes publiques pour l'organisation de cours de danse, certaines prestations étant confiées à des professeurs extérieurs contre rémunération.


En sus de l'activité de cette société, MM. [S] et [L] assurent également des cours de danse, qu'ils facturent directement à la clientèle. Ces cours sont assurés, en certaines hypothèses, par des prestataires extérieurs.


Estimant que M. [L] s'apprêtait à créer une structure concurrente ayant un objet identique à celui de la société [R] et [U] danse service, M. [S] et l'association [10] Bourg [Localité 4] ont convoqué les époux [Ac] à une réunion se tenant le 29 mai 2017 dans les locaux du [10], à l'issue de laquelle le bureau de l'association [10] Bourg a voté la radiation de M. [Ac] et de son épouse.


M. [S] a ensuite créé une société civile [R] danse académie services immatriculée le 06 octobre 2017, à dessein de poursuivre son exercice professionnel séparément dAc M. [L].


Par courrier d'avocat du 04 août 2017, M. [Ac] a mis M. [S] en demeure de cesser le démarchage de la clientèle de la société [R] et [U] danse service.


Telles sont les circonstances dans lesquelles M. [L] et la société [R] et [U] danse service ont assigné M. [S] et la société [R] danse académie services en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, selon acte du 22 décembre 2017.



Par jugement du 04 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :


- débouté M. [Ac] et la société [R] et [U] danse service de l'intégralité de leurs demandes,


- condamné M. [Ac] à payer à M. [S] et à la société civile [R] danse académie services la somme globale de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


- condamné in solidum la société [R] et [U] danse service et M. [Ac] aux entiers dépens.



Par déclaration enregistrée le premier août 2019, M. [Ac] et la société civile [R] et [U] danse service ont relevé appel de ce jugement.


Par conclusions récapitulatives déposées le 18 mai 2020, M. [Ac] et la société civile [R] et [U] danse service demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1843-5 du code civil🏛🏛, de :


- infirmer le jugement entrepris,


- condamner in solidum M. [D] [S] et la société [R] danse académie services à payer à la société [R] et [U] danse service la somme de 210.495 euros,


- condamner in solidum M. [D] [S] et la société [R] danse académie services à payer à M. [F] [L] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,


- condamner in solidum M. [D] [S] et la société [R] danse académie services à payer à M. [Ac] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


- condamner in solidum M. [D] [S] et la société [R] dans académie services aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Active avocats, représentée par Me Vincent Durand, avocat, sur son affirmation de droit,


- rejeter l'intégralité des demandes de M. [Aa] [S] et de la société [R] danse académie services.


Les appelants soutiennent que M. [S] et la société [R] danse académie services se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale, en évinçant M. [Ac] de l'association [10] Bourg [Localité 4], puis en profitant de son absence pour enregistrer une société concurrente ayant un objet strictement similaire et une dénomination proche de ceux de la société [R] et [U] danse service, ainsi que pour détourner l'intégralité de sa clientèle institutionnelle et privée, à effet de la priver de tout chiffre d'affaires.


Ils estiment en conséquence que M. [S] et la société [R] danse académie services ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil.


Ils ajoutent qu'ils se trouvent en droit d'exercer l'action sociale prévue à l'article 1843-5 du code civil, compte tenu du manquement de M. [S], pris en sa qualité de co-gérant de la société [R] et [U] danse service, à son devoir de loyauté envers celle-ci.


Ils précisent que le préjudice de cette société s'entend d'une perte totale de marge nette sur une durée de 5 années. Ils contestent à cet égard l'analyse du tribunal selon laquelle la société [R] et [U] danse service avait mis son activité en sommeil pour la rentrée de l'exercice 2017-2018, M. [L] s'apprêtant lui-même à exploiter une activité concurrente.


Ils expliquent que le préjudice personnel de M. [Ac] s'entend d'une perte de valeur de ses parts dans la société [R] et [U] danse service.


Par conclusions récapitulatives déposées le 24 juillet 2020, M. [S] et la société civile [R] dans académie services demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :


- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 4 juillet 2019 en ce qu'il :


débouté la société [R] et [U] danse service de l'intégralité de ses demandes ;


débouté M. [Ac] de l'intégralité de ses demandes,


condamné M. [Ac] à payer à M. [S] et la société [R] dans académie services la somme globale de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


condamné in solidum la société [R] et [U] danse service et M. [Ac] aux entiers dépens de première instance,


- condamner M. [Ac] à payer à M. [S] et la société [R] danse académie services chacun la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


- condamner M. [Ac] aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Les intimés font valoir que M. [Ac] a pris l'initiative d'annoncer en mai 2017 la création d'une structure concurrente de la société [R] et [U] danse service, exerçant les mêmes activités, en accomplissant tous les actes préparatoires nécessaires à son exploitation avant la reprise des cours de septembre 2017 et en démarchant les professionnels et la clientèle de cette société dès le mois de juin 2017.


Ils soutiennent que M [S] n'a fait que prendre acte du retrait de M. [Ac] en créant sa propre société et approuvent le tribunal, en ce qu'il a retenu que M. [Ac] et la société [R] et [U] danse service n'ont subi aucun préjudice en lien causal avec les faits reprochés.


Ils expliquent que les associations et les institutions constituant la clientèle de la société [R] et [U] danse service avaient connaissance de la séparation de Mrs. [L] et [S] lorsque certains ont fait le choix de suivre ce dernier dans sa nouvelle structure, d'autres ayant décidé en toute liberté de suivre M. [Ac], de sorte qu'aucune collusion fautive ne peut être reprochée aux intimés.


Ils contestent avoir privé M. [L] de locaux au sein du [10] Bourg [Localité 4].


Ils contestent également le manquement de loyauté imputé à M. [S] en sa qualité de co-gérant, en faisant valoir qu'il supportait seul les charges des différentes structures communes.


Ils contestent en dernier lieu l'évaluation des préjudices effectuée par les appelants, ainsi que leur lien de causalité avec les faits de concurrence déloyale et le manquement à l'obligation de loyauté allégués.


Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.


Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 08 septembre 2020 et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 janvier 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 23 mars 2023. Le délibéré a été prorogé au 27 juillet 2023 puis 3 août 2023.



MOTIFS


Sur les faits de concurrence déloyale imputés à M. [S] et la société civile [R] danse académie services :


Conformément à l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


Si le principe de la liberté du commerce et de la concurrence permet à tout opérateur économique de s'établir et d'exercer son activité au détriment des autres opérateurs du même secteur, cette faculté ne saurait dégénérer en abus.


Il s'ensuit que tout opérateur économique faisant un usage fautif de la liberté d'entreprendre et causant un préjudice à ses concurrents ou aux autres acteurs du marché par l'emploi de procédés contraires aux règles et usages du commerce, se rend auteur de concurrence déloyale et engage sa responsabilité quasi-délictuelle envers les opérateurs lésés.


A ce titre, le démarchage de la clientèle d'un autre opérateur économique revêt un caractère fautif, lorsqu'il s'opère de manière déloyale, par l'emploi de procédés contraires aux règles et usages du commerce.


Il ressort en l'espèce du courrier adressé le 06 mai 2017 par M. [S] au président de l'association [10] Bourg [Localité 4] et du procès verbal d'assemblée générale en date du 29 mai 2017 qu'après avoir appris le 05 mai 2017 par voie de presse que M. [Ac] entendait créer une compagnie de danse pour présenter des comédies musicales, M. [S] a insisté pour que M. [Ac] et son épouse soient exclus de cette association rassemblant leurs différents élèves et ceux de la société [R] et [U] Danse Service.


M. [Ac] ayant été contraint de cesser toute activité professionnelle du 20 juin au 31 août 2017 pour raison de santé, M. [S] a profité de son absence pour modifier les créneaux attribués à celui-ci pour l'occupation des locaux appartenant à leurs sociétés communes.


Il résulte par ailleurs des attestations de Mme [I] [X], présidente de l'association Les Cent Pas et M. [O] [J], président de l'association Gym pour tous que M. [S] a informé les clients communs de la cessation de sa collaboration professionnelle avec M. [Ac] et de sa disponibilité pour poursuivre les différents contrats dans le cadre de l'école de danse qu'il s'apprêtait à créer.


Ce démarchage s'est opéré dans le courant du mois de juillet 2017, alors que M. [Ac] était encore absent pour cause de maladie. Il s'ensuit que l'appelant n'a pas été informé des démarches de M. [S] et n'a pu émettre aucune contre proposition.


Or, Mme [X] et M. [Ad] font connaître qu'en l'état des déclarations de M. [S] et en l'absence de contre-proposition émanant de M. [Ac], ils ont accepté l'offre émise par M. [S] pour le compte de sa société en formation [R] danse académie services.


Il est donc établi :


- que M. [S] a profité de l'absence passagère de son associé pour démarcher les clients de la société [R] et [U] danse service,


- qu'il a bénéficié pour ce faire de sa parfaite connaissance du fichier clients de la société [R] et [U] danse service et usé de manoeuvres déloyales ayant consisté à annoncer aux clients la cessation de toute exploitation commune sans en référer à son associé et sans mettre celui-ci en mesure d'émettre une contre-proposition,


- qu'il a détourné ce faisant la clientèle de la société commune par l'emploi de procédés dépassant les usages normaux du commerce.


Les intimés ne contestent pas les faits mais soutiennent que M. [Ac] aurait manifesté, en amont de leur survenance, l'intention de mettre fin à l'exploitation commune, puis oeuvré à la création d'une structure concurrente et démarché la clientèle commune, ce dont ils déduisent que M. [S] se serait contenté de tirer les conséquences des manoeuvres de son associé.


Ils ajoutent que la société [R] et [U] danse service n'a pu subir le préjudice tiré de sa perte alléguée de marge nette, compte tenu de la disparition de l'affectio societatis provoquée par le désengagement de M. [Ac] et de l'absence corrélative de toute perspective d'activité à compter de la rentrée 2017.


L'article de presse du 05 mai 2017 et l'attestation de Mme [M] révèlent que M. [Ac] a souhaité créer une compagnie de danse, afin de proposer des spectacles pluri-disciplinaires mêlant art du cirque, théâtre, musique et danse.


Aux termes d'un courriel en date du 11 mai 2017, adressé à M. [S], l'intéressé admet que cette activité implique la dispensation de cours de danse, mais prend soin de préciser à M. [S] qu'il n'entend pas mettre fin à leur association ou concurrencer l'activité de la société [R] et [U] danse service.


Il indique au contraire que ces nouveaux cours seront dispensés au sein des locaux de l'école, dans le cadre de son exercice professionnel indépendant, en ajoutant que cette activité drainera sans doute de nouveaux clients au profit de la société [R] et [U] danse service et de leurs activités indépendantes respectives.


Si l'organisation de spectacles participe des objets secondaires de l'association [R] et [U] danse service, il ressort des écritures des parties que les seuls spectacles produits à l'époque de la collaboration de MM. [S] et [L] l'ont été par l'association [10] Bourg [Localité 4] et qu'ils se sont entendus des galas et spectacles de fin d'année destinés à mettre en valeur l'apprentissage et le travail des élèves.


Ces spectacles ont constitué la vitrine de l'activité d'enseignement de MM. [S] et [L], sans véritablement compter au nombre de leurs activités productrices de ressources. Les comédies musicales envisagées par M. [Ac] avaient donc vocation à s'ajouter aux activités communes, plutôt qu'à les concurrencer.


Aucun élément ne permet en conséquence d'assimiler le projet de création d'une compagnie de danse à l'ouverture d'une école concurrente de l'activité de M. [S] et de la société [R] et [U] danse service, ou de considérer qu'il marquerait le signe d'un quelconque désengagement de M. [Ac] des structures d'exploitation communes.


M. [S] et la société [R] danse académie services se prévalent également d'un courriel de Mme [Ae], dont ils affirment qu'il constituerait la preuve de ce que M. [Ac] aurait annoncé fin juin 2017 la fin de son association avec M. [S] et l'ouverture d'une nouvelle école de danse, en tentant en cette occasion de débaucher la clientèle commune.


Or, le courriel de Mme [E] ne date pas du mois du mois de juin 2017, mais du 28 octobre 2017. Il est donc postérieur aux manoeuvres de M. [S], précédemment décrites. Il ne relate point en outre l'annonce par M. [Ac] de l'ouverture d'une école concurrente ou la tentative de débauchage prêtée à l'appelant, mais a pour seul objet de lui reprocher d'attiser un climat de haine et de vengeance autour de sa séparation professionnelle d'avec M. [S], susceptible de porter atteinte aux intérêts des élèves mineurs.


Ce courrier ne saurait en conséquence constituer la preuve de la volonté affichée de

M. [Ac] de créer une école concurrente au mois de juin 2017, non plus que celle d'un démarchage de la clientèle commune survenue à le même période.


Les intimés se prévalent en dernier lieu de la prise à bail d'un local par M. [Ac], de l'impression de sa plaquette commerciale et du démarchage de la clientèle commune survenue début septembre 2017, pour soutenir que M. [Ac] aurait planifié de longue date l'ouverture d'une école concurrente de la société [R] et [U] danse service.


Il résulte toutefois de l'attestation de Mme [W] [C], bailleresse du local loué par M. [Ac], de celles dressées par les proches de M. [Ac] et des courriels émanant de la société Jouvent Immobilier que le local accueillant l'activité de M. [Ac] a été proposé à la location en août 2017 et qu'il a été pris à bail en septembre 2017, ensuite d'une visite survenue le 29 août 2017.


Il résulte également de l'attestation de Mme [G] [A], belle-soeur de M. [Ac] et gérante de la société Création Design Publiscitaire, que la plaquette commerciale a été élaborée et imprimée en urgence entre le 24 et le 31 août 2017.


La cour relève pour finir que M. [Ac] n'a pas démarché la clientèle commune avant le premier septembre 2017.


Ces éléments établissent que M. [Ac] n'a pas entrepris de concurrencer l'activité de la société [R] et [U] danse service aux mois de mai et de juin 2017, mais qu'il a tenté de convaincre M. [S] de poursuivre leur association, avant que le refus opposé par l'intéressé et ses démarches déloyales ne le déterminent, fin août 2017, à organiser précipitamment sa propre activité d'enseignement.


Les intimés ne sont donc pas fondés à soutenir que M. [S] n'aurait fait que réagir au comportement de M. [Ac], que ses agissements ne revêtiraient point de caractère fautif ou qu'ils n'auraient généré aucune perte de marge nette, à raison de l'absence de toute perspective de poursuite d'activité de la société [R] et [U] danse service, par suite d'une disparition de l'afectio societatis imputable à l'appelant.


Il s'ensuit que le détournement de la clientèle et des ressources de la société [R] et [U] danse service opéré par M. [S] durant l'absence passagère de M. [Ac] revêt un caractère fautif et caractérise la concurrence déloyale.


En recevant sciemment la clientèle ainsi détournée, la société [R] danse académie services s'est également rendue auteure d'actes de concurrence déloyale.


Ce n'est qu'au surplus que la cour retient que le fait, pour le gérant d'une société, d'entreprendre sans motif légitime de créer une autre société destinée à la concurrencer directement revêt également un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de

M. [S].


Sur le préjudice issu des faits de concurrence déloyale :


Le comportement concurrentiel déloyal et fautif d'un opérateur économique induit nécessairement une distorsion dans le bon déroulement du commerce de son concurrent, ainsi partant qu'un préjudice.


La réparation de ce préjudice obéit au principe de la réparation intégrale du dommage subi par la victime, sans perte ni profit pour celle-ci. Si l'existence du préjudice est présumée, son ampleur doit être démontrée par celui qui l'a souffert.


Les actes de concurrence déloyale imputables à M. [S] ont fait obstacle à la poursuite de la collaboration entretenue avec M. [Ac] et vidé la clientèle commune de sa substance, privant la société [R] et [U] danse service de tout chiffre d'affaires à compter du mois de septembre 2017.

Il en est résulté une perte de marge nette d'exploitation constitutive d'un préjudice.


Ce préjudice ne saurait cependant s'entendre de 5 années de marge nette, ainsi que le soutienAc M. [L].


Le principe de la liberté du commerce autorisait en effet M. [S] à mettre fin à leur association professionnelle et entreprendre une activité concurrente, sous réserve d'agir de manière conforme aux usages du commerce, ce dont il suit que M. [S] aurait pu mettre fin à cette collaboration durant le second semestre 2017 ou le premier trimestre 2018, à effet au premier septembre 2018.


Le préjudice enduré par la société [R] et [U] danse service n'est donc constitué que d'une seule année de marge nette, soit la somme de 42.099 euros, calculée sur la base des comptes de résultat 2015 et 2016.


S'y ajoute la dévalorisation des parts sociales détenues par M. [Ac] dans la société [R] et [U] danse service, vidée de sa clientèle par l'effet des manoeuvres déloyales de M. [S]. Au regard du chiffre d'affaires de 107.201 euros réalisé en 2016, cette dévalorisation doit être indemnisée à concurrence de la somme de 10.000 euros.


Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [D] [S] et la société [R] danse académie services in solidum à payer la somme de 42.099 euros à la société [R] et [U] danse service, ainsi que celle de 10.000 euros Ac M. [L].


Sur les frais irrépétibles et les dépens de l'instance :


Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile🏛🏛 ;


M. [S] et la société [R] danse académie service succombent à l'instance d'appel. Il convient en conséquence de les condamner in solidum à en supporter les dépens et de réformer le jugement de première instance dans ses dispositions relatives aux frais et dépens, pour mettre les dépens de première instance à la charge des intéressés.


L'équité commande par ailleurs de les condamner in solidum à payer à M. [Ac] la somme de 5.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles et de les débouter de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, prononcé en dernier ressort,


- Infirme le jugement prononcé le 04 juillet 2019 entre les parties par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions ;


statuant à nouveau :


- condamne M. [D] [S] et la société [R] danse académie services in solidum à payer à la société [R] et [U] danse service la somme de 42.099 euros ;


- condamne M. [D] [S] et la société [R] danse académie services in solidum à payer à M. [F] [L] la somme de 10.000 euros ;


- condamne M. [D] [S] et la société [R] danse académie services in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Active avocats, représentée par Me Vincent Durand, avocat, sur son affirmation de droit ;


- condamne M. [D] [S] et la société [R] danse académie services in solidum à payer à M. [F] [L] la somme de 5.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles ;


- déboute M. [Aa] [S] et la société [R] danse académie services de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Le Greffier Le conseiller pour le Président empêché

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