CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 163108
MINISTRE CHARGE DU BUDGET
contre
M. Carcassonne
Lecture du 13 Mars 1998
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu le recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET, enregistré le 25 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 septembre 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 3 juillet 1992 du tribunal administratif de Paris, a déchargé M. Max Carcassonne des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1975 et 1976 et a condamné l'Etat à lui payer une somme de 4 000 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes, - les observations de Me Pradon, avocat de M. Max Carcassonne, - les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le commerce de textile en gros et en détail exploité par M. Carcassonne a été repris, après son décès, le 13 février 1972, par l'indivision constituée entre ses trois enfants, Mme J. Galinier-Warrain, M. Max Carcassonne et M. Jacques Carcassonne ; qu'en vertu d'un acte de partage établi en janvier 1973, le fonds de commerce et une partie du stock ont été attribués à Mme Galinier-Warrain ; que le surplus du stock, maintenu dans l'indivision, a été liquidé au cours des années 1973 et 1974 ; que Mme Galinier-Warrain a souscrit, en raison de cette opération, au nom de l'indivision, des déclarations de résultats faisant apparaître, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, un déficit de 584 000 F au titre de 1973 et un déficit de 143 820 F au titre de 1974 ; qu'ayant procédé à une vérification de comptabilité qui l'a conduite à estimer que les consorts Carcassonne avaient constitué entre eux, pour la gestion et la liquidation du stock qu'ils avaient recueilli, une société de fait, l'administration a notifié, en octobre 1977, à Mme Galinier-Warrain, regardée comme la gérante de cette société, les redressements ayant résulté du contrôle effectué ; que M. Max Carcassonne, qui avait imputé sur son revenu global des années 1975 et 1976 la quote-part correspondant à ses droits dans l'indivision des déficits déclarés comme provenant de la liquidation du stock opérée en 1973 et 1974, a contesté, devant le tribunal administratif de Paris, puis devant la cour administrative d'appel de Paris, les suppléments d'impôt sur le revenu qui, en conséquence de ces redressements, lui ont été assignés au titre des années 1975 et 1976, au motif que la procédure de vérification n'avait été diligentée qu'à l'égard de Mme Galinier-Warrain et non, aussi, de lui-même ;
Considérant que l'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte, tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices ou aux pertes ; Considérant, d'une part, que, pour estimer qu'il n'avait pas constitué une société de fait avec sa soeur et son frère, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que M. Max Carcassonne n'avait pas participé à la gestion et à la liquidation du stock maintenu dans l'indivision ; que la Cour a pu déduire du fait ainsi souverainement constaté par elle que l'administration n'apportait pas la preuve lui incombant de l'existence de la société de fait dont elle se prévalait ; Considérant, d'autre part, qu'en jugeant que, ni le fait, par Mme Galinier-Warrain, d'avoir souscrit, au nom de l'indivision, des déclarations de résultats au titre des années 1973 et 1974, ni le fait, par M. Max Carcassonne, d'avoir imputé sur son revenu global des années 1975 et 1976 la quote-part correspondant à ses droits dans l'indivision des déficits mentionnés dans ces déclarations, ne suffisaient à faire regarder les consorts Carcassonne comme ayant créé les apparences d'une société de fait, la cour administrative d'appel n'a commis aucune erreur de droit ; Considérant, dès lors, que la Cour a pu légalement déduire de ce qu'il n'était pas membre d'une société de fait, réelle ou apparente, que M. Max Carcassonne était en droit de soutenir qu'il aurait d, en sa qualité d'indivisaire, être avisé de la faculté qu'il tenait de la loi dese faire assister d'un conseil de son choix à l'occasion de la vérification de comptabilité effectuée par l'administration et que, faute de l'avoir été, il avait été imposé au terme d'une procédure irrégulière ; que, dans ces conditions, le MINISTRE CHARGE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris, qui a déchargé M. Max Carcassonne des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1975 et 1976 et condamné l'Etat à lui payer une somme de 4 000 F, au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il avait exposés ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Max Carcassonne.