Jurisprudence : CE Contentieux, 10-09-1992, n° 140376

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 140376

M. MEYET

Lecture du 10 Septembre 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux,
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du Contentieux, Vu, 1°) sous le n° 140 376, la requête, enregistrée le 12 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain MEYET, demeurant 75, rue Gabriel Péri au Pré-Saint-Gervais (93310) ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-770 du 6 août 1992 fixant les conditions d'application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 au cas de vote des Français établis hors de France pour un référendum ; Vu, enregistré le 31 août 1992, l'acte par lequel M. MEYET déclare se désister purement et simplement de la requête ; Vu, 2°) sous le n° 140 377, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août et 24 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-771 du 6 août 1992 portant organisation du référendum ; Vu, 3°) sous le n° 140 378, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 12 août 1992, 27 août 1992 et 31 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-772 du 6 août 1992 relatif à la campagne en vue du référendum ; Vu, 4°) sous le n° 140 379, la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 12, 24 et 27 août 1992, présentés par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-773 du 6 août 1992 fixant pour les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre et Miquelon les conditions d'application des décrets n° 92-771 du 6 août 1992 portant organisation du référendum et n° 92-772 du 6 août 1992 relatif à la campagne en vue du référendum ; Vu, 5°) sous le n° 140 416, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 31 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 92-703 du 10 août 1992 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne en vue du référendum du 20 septembre 1992 sur la ratification du traité sur l'union européenne ; Vu, 6°) sous le n° 140 417, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 13 et 27 août 1992, présentés par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 10 août 1992 du Premier ministre portant répartition du temps de parole pour la campagne en vue du référendum ; Vu, 7°) sous le n° 140 832, la requête, enregistrée le 31 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique du 26 août 1992 fixant la liste des organisations politiques habilitées à participer à la campagne en vue du référendum ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu le décret n° 76-950 du 14 octobre 1976 modifié portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 ;

Vu le décret du 1er juillet 1992 décidant de soumettre un projet de loi au référendum ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu : - le rapport de M. Sanson, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. MEYET présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;

Sur la requête n° 140 376 :

Considérant que le désistement de M. MEYET est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur les moyens communs aux requêtes n° 140 377 et n° 140 378 :

Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 34 de la Constitution : Considérant, d'une part, que si aux termes du 3ème alinéa dudit article : "la loi fixe... les règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales", cette disposition n'est pas applicable aux référendums qui constituent des scrutins d'une autre nature ; Considérant, d'autre part, que si aux termes du 2ème alinéa du même article : "la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques", il appartient au pouvoir réglementaire, en l'absence de dispositions législatives, dans le respect de ces règles et garanties, de fixer les modalités nécessaires à l'organisation du référendum en rendant notamment applicables, avec les adaptations justifiées par ce type de consultation, les dispositions législatives et réglementaires régissant d'autres consultations électorales ;

Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 21 de la Constitution : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 de la Constitution : "Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres" ; qu'aux termes de l'article 21 : "Le Premier ministre dirige l'action du gouvernement... Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire" ; que les décrets attaqués ont été délibérés en conseil des ministres ; que, par suite, et alors même qu'aucun texte n'imposait cette délibération, ils devaient être signés, comme ils l'ont été, par le Président de la République ; Considérant, d'autre part, que le décret n° 92-771 du 6 août 1992 portant organisation du référendum, qui a été adopté dans les conditions ci-dessus rappelées, a pu légalement renvoyer, en ce qui concerne tant les règles relatives à la campagne que les aménagements nécessaires à son application dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, à d'autres décrets en conseil des ministres ;

Sur le moyen tiré de ce que les décrets attaqués étendraient illégalement la compétence consultative du Conseil Constitutionnel :

Considérant que l'article 60 de la Constitution dispose que : "le Conseil Constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats" ; qu'aux termes de l'article 46 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 : "le Conseil Constitutionnel est consulté par le gouvernement sur l'organisation des opérations de référendum. Il est avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet" ; qu'il résulte de ces dispositions que les décrets relatifs à l'organisation du référendum doivent être préalablement soumis par le gouvernement au Conseil Constitutionnel ; que, par suite, les dispositions attaquées, en tant qu'elles prévoient l'intervention de décrets pris après consultation du Conseil Constitutionnel, se bornent à rappeler cette prescription et ne sont pas entachées d'illégalité ;

Sur le moyen tiré de l'absence de sanctions pénales et de l'inégalité de traitement entre les auteurs d'infractions relatives au référendum : Considérant, en premier lieu, qu'aucun principe n'impose de prévoir des sanctions en cas de manquement à une obligation ou de méconnaissance d'une interdiction ; que, dans le cas d'un référendum, l'absence de sanctions pénales ne fait pas obstacle au contrôle de la régularité de ce scrutin par le Conseil Constitutionnel ; Considérant, en deuxième lieu, que le pouvoir réglementaire ne peut, sans commettre d'illégalité, instituer des infractions ou des peines qui relèvent du domaine législatif ; Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne peut invoquer une différence injustifiée de traitement entre les électeurs français établis hors de France et les autres, dès lors qu'ils sont placés sous un régime juridique et dans des situations de fait différentes ; qu'il ne saurait davantage invoquer utilement les différences existant entre les dispositions applicables au référendum et celles qui sont applicables aux autres scrutins qui ne sont pas de même nature ;

Sur le moyen tiré d'une incompétence des auteurs des actes attaqués en ce qui concerne certaines sanctions pénales :

Considérant qu'aux termes de l'article R.25 du code pénal : "Les contraventions de police et les peines qui leur sont applicables dans les limites fixées par les articles 465 et 466 du code pénal sont déterminées par décrets en Conseil d'Etat" ; que les articles R.94, R.95 et R.96 du code électoral, qui répriment par des peines contraventionnelles la distribution de tracts électoraux par tout agent de l'autorité publique ou municipale, l'impression d'affiches électorales aux couleurs tricolores et l'entrée dans une assemblée électorale avec des armes apparentes, ne pouvaient, par suite, être rendus applicables aux opérations de référendum que par décret en Conseil d'Etat ; que, dès lors, l'article 8 du décret n° 92-771 et les articles 2 et 4 du décret n° 92-772, qui n'ont pas été soumis au Conseil d'Etat, sont entachés d'incompétence en tant qu'ils rendent applicables les articles R.94 à R.96 du code électoral au déroulement des opérations de vote pour le scrutin du 20 septembre 1992 ;

Sur les moyens propres à la requête n° 140 378 : Considérant, en premier lieu, que l'article 2 du décret n° 92-772 du 6 août 1992 relatif à la campagne en vue du référendum n'a pas, en se bornant à rendre applicable à la publicité commerciale par voie de presse l'interdiction prévue par l'article L.52-1 premier alinéa du code électoral, méconnu l'article 14 modifié de la loi susvisée du 30 septembre 1986 qui, pour l'interdiction de la publicité commerciale par voie d'émissions audiovisuelles, est d'application générale ; Considérant, en deuxième lieu, que les articles L.47 et L.48 du code électoral se bornent à rappeler que les lois des 30 juin et 29 juillet 1881 sur la liberté de la réunion et la liberté de la presse sont d'application générale ; que, par suite, les articles 2 et 4 du décret attaqué ont pu légalement constater qu'ils étaient applicables à la campagne en vue du référendum du 20 septembre 1992 ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L.49 du code électoral : "A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale" ; que si l'article 2 du décret attaqué rend ces dispositions applicables au référendum, l'article 8 du même décret, qui est une disposition de même niveau, a pu légalement, sous réserve du respect des finalités de la loi, prévoir que le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixerait pour les départements et territoires d'outre-mer les dispositions qui s'avéreraient nécessaires pour tenir compte du décalage horaire et des difficultés d'acheminement des émissions télévisées et radiodiffusées ;

Sur la requête n° 140 416 :

Considérant que l'article 8 susmentionné du décret n° 92-772 autorise pour les départements et territoires d'outre-mer des adaptations relatives à la date de fin de la campagne électorale à la radio et à la télévision ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité des dispositions des 2ème alinéas des articles 31 et 34 de la décision attaquée qui procèdent à de telles adaptations doit être écarté ; que, toutefois, en l'absence de disposition correspondante dans le même décret, la décision attaquée ne peut prévoir d'adaptation pour les émissions de Radio France International (RFI) destinées à certaines régions du monde dans leur ensemble ; que, dès lors, l'article 37, 2ème alinéa, de ladite décision doit être annulé ;

Sur les requêtes n os 140 379, 140 417 et 140 832 :

Considérant que le requérant n'invoque pas de moyens spécifiques au soutien de ces requêtes et demande seulement, par voie de conséquence de l'annulation des décrets n os 92-771 et 92-772 du 6 août 1992, l'annulation du décret n° 92-773 du 6 août 1992, de l'arrêté du Premier ministre du 10 août 1992 et de l'arrêté du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique du 26 août 1992 pris sur le fondement ou en application des décrets susmentionnés ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions relatives à ces requêtes ne peuvent qu'être rejetées, à l'exception de celles qui sont dirigées contre l'article 1er du décret n° 92-773, attaqué sous la requête n° 140 379, qui doit être annulé en tant qu'il rend applicable aux territoires d'outre-mer pour le référendum les articles R.94 à R.96 du code électoral ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. MEYET enregistrée sous le n° 140 376.

Article 2 : L'article 8 du décret n° 92-771, les articles 2 et 4 du décret n° 92-772 et l'article 1er du décret n° 92-773 du 6 août 1992 sont annulés en tant qu'ils rendent applicables au référendum les articles R.94 à R.96 du code électoral.

Article 3 : Le 2ème alinéa de l'article 37 de la décision n° 92-703 du 10 août 1992 du Conseil supérieur de l'audiovisuel est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. MEYET enregistrées sous les n os 140 377, 140 378, 140 379, 140 416, 140 417 et 140 832 est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. MEYET, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.

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