Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 13-05-1992, n° 71497

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 71497

société "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE"

Lecture du 13 Mai 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du Contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 août 1985 et 13 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE", dont le siège est 35, boulevard Malesherbes à Paris (75008) ; la société "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE" demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 18 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction des suppléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979, 2°) lui accorde la réduction sollicitée desdites impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu : - le rapport de Mme Vestur, Maître des requêtes, - les observations de Me Odent, avocat de la société "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE", - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que la société anonyme "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE" (ci-après la "société CARAVELLE") soutient qu'elle n'a pas été informée de la vérification de comptabilité dont elle allait faire l'objet ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, que l'administration lui a adressé un "avis de vérification" dont elle a accusé réception le 26 mai 1980 ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Sur la charge de la preuve :

Considérant que le différend né du refus, par la "société CARAVELLE", des redressements qui lui ont été notifiés, n'a pas été soumis à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, l'administration a la charge d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal des actes de gestion ayant motivé certains de ces redressements ; que, toutefois, pour ceux de ces redressements qui ont porté sur des charges, des amortissements et une provision, il appartient, au préalable, à la "société CARAVELLE" de justifier non seulement du montant des sommes correspondantes, mais de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne les charges, amortissements et provisions dont la déduction n'a pas été admise par l'administration : Considérant, en premier lieu, que la "société CARAVELLE", qui ne soutient pas que les divers frais de documentation, d'acquisition de matériels et d'emballage se rapportant à une activité d'entomologie, qu'elle a supportés au cours des années 1976 à 1979, ont été exposés dans l'intérêt de sa propre exploitation, ne conteste pas utilement la réintégration de ces dépenses en se bornant à faire valoir qu'elle aurait procédé à la régularisation de certaines d'entre elles dans les comptes de l'exercice clos en 1980 ; Considérant, en second lieu, que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que les dépenses effectuées par la "société CARAVELLE", en 1976 et 1978, pour la location d'appareils de télévision installés au domicile de son président directeur général, ainsi que pour l'acquittement des redevances correspondantes, n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ; que l'administration justifie, par le même motif, de la réintégration dans les résultats de la société d'amortissements pratiqués par celle-ci en 1977, 1978 et 1979 sur le prix d'acquisition, en 1976 et 1978, d'autres appareils de télévision et de matériel "vidéo" ; Considérant, en troisième lieu, que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société au titre de l'année 1976, une somme de 1 300 F correspondant à des frais de garde, par une entreprise spécialisée et pendant quelques mois, de tableaux inscrits à l'actif du bilan de la société ; qu'en se bornant à faire valoir que les tableaux étaient conservés, en temps normal, au domicile personnel du président-directeur général de la société, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que la prise en charge par la société d'une dépense destinée à assurer la sécurité de ces objets, procèderait d'un acte de gestion commerciale anormal ; que la société est, en conséquence, fondée à demander que la somme de 1 300 F ci-dessus soit retranchée des bases de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 ; Considérant, en quatrième lieu, que la "société CARAVELLE", qui affirme avoir versé à des avocats des honoraires de 2 000 F en 1976 et de 20 000 F en 1978, mais n'apporte aucune précision quant à l'objet de ces dépenses, ne justifie pas du principe même de leur déduction ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration les a rapportées aux résultats imposables de la société ; Considérant, en cinquième lieu, que si la "société CARAVELLE" soutient que la somme de 104 865 F qu'elle a payée, en 1978, à la société suisse "Fiduciaire Wanner" a eu pour contrepartie la fourniture d'une étude concernant les possibilités d'implantation d'une filiale à l'étranger, le document produit à l'appui de cette allégation est dépourvu de toute identification de l'auteur de l'étude et de son destinataire ; que la société ne justifie donc pas, dans son principe, de la déduction de la somme en question ; Considérant, en sixième lieu, que les sommes de 120 044 F et de 21 644 F versées, en 1976 et 1977, à la société suisse "Interwelt" correspondraient, selon la "société CARAVELLE", à des redevances prévues par un contrat d'apport de films ; que, faute, cependant, de justifier de l'existence d'un tel contrat, la "société CARAVELLE" n'est pas fondée à contester la réintégration de ces deux sommes ; Considérant, en septième lieu, que la "société CARAVELLE", qui ne justifie pas qu'elle était dans l'obligation de verser des "royalties" à M. Jacques Plante, n'était, en tout état de cause, pas en droit de constituer, de ce chef, une provision ; Considérant, en huitième lieu, que la "société CARAVELLE" a déduit de ses résultats de l'exercice clos en 1977, une somme de 136 574 F correspondant à des frais d'orchestration exposés pour le compte de l'association en participation dite "Leibovitz-Caravelle" ; que la part de la "société CARAVELLE" dans cette association étant de 50 %, l'administration n'a admis, à juste titre, la déduction, comme charge, de la somme ci-dessus que pour la moitié de son montant ; que la société ne justifie pas qu'elle aurait, comme elle le prétend, procédé à la régularisation de l'excédent de charge déduit au titre de l'exercice clos en 1977 dans ses comptes des deux exercices suivants ; que la demande de compensation qu'elle formule, de ce chef, ne peut donc être accueillie ; Considérant, en neuvième lieu, que l'administration établit que les frais des voyages effectués, notamment au Japon et en Inde, par le président-directeur général de la "société CARAVELLE" ainsi que les frais de certains voyages et déplacements effectués par M. Jacques Plante n'ont pas été engagés dans l'intérêt de la société ; qu'ainsi, cette dernière n'est pas fondée à contester le bien-fondé des redressements dont elle a fait l'objet, au titre des années 1976 à 1979, du chef de ces frais de voyages et de déplacements ; Considérant, en dixième lieu, que l'administration apporte la preuve que Mme Lopès-Curval, président-directeur général de la "société CARAVELLE", n'utilisait pas, même en partie, dans l'intérêt direct de l'entreprise, qui l'avait inscrit à l'actif de son bilan, l'hôtel particulier sis à Neuilly-sur-Seine, où elle avait son domicile ; que l'administration a donc réintégré à bon droit dans les bénéfices imposables de la société les sommes correspondant à la prise en charge par celle-ci, de 1976 à 1979, des frais de téléphone et des charges locatives de ce domicile ; Considérant, en onzième et dernier lieu, que la "société CARAVELLE" a, aux termes d'un contrat conclu, en 1974, avec la société suisse "Comira", loué quatre pièces d'une villa sise à Valbonne (Alpes-Maritimes) ; que, toutefois, l'administration démontre que les explications fournies par la "société CARAVELLE" quant à l'utilisation des pièces dont elle avait ainsi obtenu la disposition comme bureaux nécessaires à son exploitation, ne peuvent être retenues ; que, dans ces conditions, les frais de location, d'entretien et d'assurance de la villa, prises en charge par la "société CARAVELLE", ne pouvaient être déduits de ses bénéfices imposables ; que les amortissements pratiqués par la société au titre des aménagements et travaux effectués dans la villa n'étaient, pour le même motif, pas davantage déductibles ; que les sommes correspondant à ces charges et amortissements, qui se sont élevées à 1 118 923 F pour les quatre années 1976, 1977, 1978 et 1979, ont donc été à bon droit réintégrées ; que le fait que, postérieurement à l'année 1979, les dépenses d'aménagement de la villa auraient été facturées à la société "Comira" reste sans influence sur le bien-fondé de ce redressement ; En ce qui concerne les recettes réintégrées dans les bénéfices imposables de la société : Considérant, d'une part, que l'administration établit que la "société CARAVELLE" a mis à la disposition de ses dirigeants, sans exiger aucune rémunération des fonds ainsi prêtés, des sommes de 784 232 F en 1976, de 866 632 F en 1977, de 909 391 F en 1978 et de 1 496 347 F en 1979 et que l'avantage ainsi accordé aux intéressés a constitué, de la part de la société, une pure libéralité ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a ajouté aux recettes à comprendre dans le calcul des bénéfices imposables de la société les intérêts que celle-ci aurait dû normalement percevoir en contrepartie de la mise à la disposition de ses dirigeants des sommes ci-dessus indiquées ; Considérant, d'autre part, que l'hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine, dans lequel, ainsi qu'il a été dit, Mme Lopès-Curval, président-directeur général de la "société CARAVELLE", avait son domicile, était, durant les années 1976 à 1979, inscrit à l'actif du bilan de la société ; que l'avantage en nature découlant pour l'intéressée de la disposition exclusive, à titre privé, de cette résidence a été comptabilisé, dans les écritures de la société, pour une somme de 40 000 F par an ; que l'administration démontre, en se référant au montant des loyers pratiqués pour des immeubles similaires, que la valeur locative de l'hôtel particulier était, en réalité, d'au moins 80 000 F et, par suite, que la "société CARAVELLE" a consenti à un abandon de loyer de 40 000 F ; que c'est donc à bon droit que cette somme a été ajoutée aux recettes à comprendre dans les bénéfices imposables de la société au titre de chacune des années 1976 à 1979 ;

Sur les pénalités :

Considérant que, devant le tribunal administratif, la "société CARAVELLE" n'a invoqué, dans le délai du recours contentieux, aucun moyen propre aux pénalités mises à sa charge ; que, par suite, le moyen relatif à ces pénalités, qu'elle invoque en appel constitue une demande nouvelle qui n'est pas recevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la "société CARAVELLE" est seulement fondée à demander que les bases de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1976 soit réduite de 1 300 F et à demander la réformation, en ce sens, du jugement attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la société anonyme "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE" au titre de l'année 1976 sont réduites de 1 300 F.

Article 2 : La société anonyme "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE" est déchargée de la différence entre les droits et pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1976 et ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juin 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "NOUVELLES EDITIONS MUSICALES CARAVELLE" et au ministre du budget.

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