Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 05-07-2023, n° 465478, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 05-07-2023, n° 465478, mentionné aux tables du recueil Lebon

A376098R

Référence

CE 1/4 ch.-r., 05-07-2023, n° 465478, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97579985-ce-14-chr-05072023-n-465478-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

01-04-03-07 Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance. ...1) Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu’il saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. ...2) Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu’au terme d’un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s’est, de manière irrévocable, déclarée incompétente.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 465478⚖️


Séance du 21 juin 2023

Lecture du 05 juillet 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. A B a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 octobre 2015 par laquelle Pôle emploi a rejeté sa candidature à deux emplois de psychologue du travail et de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette décision. Par un jugement n° 1800632 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et enjoint à Pôle emploi de réexaminer la situation de M. B.

Par un arrêt n°s 19BX04529, 19BX04698 du 2 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux⚖️ a, sur appel de M. B et de Pôle emploi, annulé ce jugement et rejeté les conclusions de la demande de M. B.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Pôle emploi ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, agent contractuel de droit public au sein de Pôle emploi, a présenté sa candidature à deux postes de psychologue du travail et qu'elle a été rejetée par une décision du 16 octobre 2015 du directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique. M. B a contesté cette décision devant le tribunal d'instance de Fort-de-France, qui s'est déclaré incompétent par un jugement du 29 mai 2017. M. B a ensuite demandé, le 23 octobre 2018, au tribunal administratif de la Martinique d'annuler pour excès de pouvoir cette décision du 16 octobre 2015 et de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son illégalité. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et a enjoint à Pôle emploi de réexaminer la situation de M. B. Par un arrêt du 2 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de M. B et de Pôle emploi, d'une part, annulé le jugement du tribunal pour irrégularité en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. B et a rejeté ces conclusions indemnitaires par la voie de l'évocation et, d'autre part, par la voie de l'effet dévolutif, annulé le jugement du tribunal en tant qu'il a annulé la décision du 16 octobre 2015 et qu'il a enjoint à Pôle emploi de réexaminer la situation de M. B et rejeté les conclusions de M. B à fin d'annulation de cette décision et à fin d'injonction. M. B se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il porte sur les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative🏛, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " L'article R. 421-5 de ce code🏛 dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. Ce délai raisonnable est opposable au destinataire de la décision lorsqu'il saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, dès lors qu'il a introduit cette instance avant son expiration. Ce requérant est ensuite recevable à saisir la juridiction administrative jusqu'au terme d'un délai de deux mois à compter de la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s'est, de manière irrévocable, déclarée incompétente.

5. Pour juger que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2015 présentées par M. B devant lui étaient tardives, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir relevé que M. B avait saisi le tribunal d'instance de Fort de France d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2015 du directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique, qui ne lui avait pas été notifiée avec les mentions requises, dans le délai raisonnable d'un an qui lui était de ce fait opposable, s'est fondée sur la circonstance qu'il avait saisi la juridiction administrative au-delà du nouveau délai qui lui était ouvert après que la juridiction judiciaire s'était, de manière irrévocable, déclarée incompétente. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que ce nouveau délai était de deux mois, et non d'un an, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur l'arrêt attaqué, en tant qu'il porte sur les conclusions indemnitaires :

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.

8. En jugeant que les conclusions présentées par M. B tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 16 octobre 2015, par laquelle Pôle emploi a rejeté sa candidature à deux emplois de psychologue du travail, étaient irrecevables faute pour l'intéressé d'avoir préalablement adressé une demande indemnitaire préalable à l'administration, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Pôle emploi, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme que Pôle emploi demande au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A B et à Pôle emploi.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 5 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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