Jurisprudence : CA Lyon, 29-06-2023, n° 20/01435, Confirmation


N° RG 20/01435 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4FQ


Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 08 janvier 2020


RG : 2018j01542⚖️



S.A.S. O-I Aa SAS


C/


S.A.S. BOUCHONNERIE JOCONDIENNE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


3ème chambre A


ARRET DU 29 Juin 2023



APPELANTE :


S.A.S. O-I Aa anciennement dénommée O-I MANUFACTURING Aa, venant aux droits de la société O-I SALES AND DISTRIBUTION Aa, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, par suite d'une fusion-absorption avec effet au 31 décembre 2018

[Adresse 1]

[Localité 3] / France


Représentée par Me David MALCOIFFE de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, toque : 1700, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Yves BIZOLLON de la société BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS


INTIMEE :


S.A.S. A B agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]


Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et ayant pour avocats plaidants la SARL ARCOLE, avocats au barreau de TOURS


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2021


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Mars 2023


Date de mise à disposition : 29 Juin 2023


Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère


assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière et en présence d'[V] [T], greffier stagiaire


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



EXPOSÉ DU LITIGE


La SAS O-I Sales et Distribution Aa (ci-après la société O-I) commercialise des terrines sous les marques « Le Parfait Super » et « Le Parfait Familial Wiss ».


La SAS Bouchonnerie Jocondienne (ci-après la société Bouchonnerie Jocondienne) offrait à la vente et commercialisait des bocaux et terrines sous le nom « Spécialiste » fournis par la SARL Iceram.


Par courrier recommandé du14 juin 2013, la société O-I Sales et Distribution Aa a mis en demeure la société Bouchonnerie Jocondienne de cesser immédiatement et pour l'avenir toute distribution, commercialisation et exploitation de ces produits au motif qu'il s'agit de faits de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice.


Par courrier recommandé du 8 juillet 2013, la société société Bouchonnerie Jocondienne a annulé ses commandes auprès de la société Iceram.


Par acte du 19 décembre 2013, la société O-I Sales and Distribution Aa a assigné la société Iceram devant le tribunal de commerce de Tarbes. Par jugement du 14 décembre 2015, le tribunal de commerce de Tarbes a jugé que la société Iceram n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale. Par arrêt du 14 février 2018, la cour d'appel de Pau a confirmé le rejet des demandes de la société O-I Sales and Distribution Aa.


Par acte d'huissier du 28 septembre 2018, la société Bouchonnerie Jocondienne a assigné la société O-I Sales and Distribution Aa devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil🏛.



Par jugement contradictoire du 8 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné la société O-I Sales and Distribution Aa à payer à la société Bouchonnerie Jocondienne la somme de 18.694 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société O-I Sales and Distribution Aa à verser la somme de 2.000 euros à la société Bouchonnerie Jocondienne au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- condamné la société OI Sales and Distribution Aa aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.



La SAS O-I Aa, venant aux droits de la société O-I Sales and Distribution Aa, a interjeté appel par acte du 21 février 2020.


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 décembre 2020 fondées sur l'article 1240 du code civil🏛 et les articles 699 et 700 du code de procédure civile🏛, la société O-I Aa, venant aux droits de la société O-I Sales and Distribution Aa, a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- a jugé que, en adressant une mise en demeure de cette nature, elle a commis un acte fautif de par son caractère abusif et disproportionné engageant sa responsabilité envers la société Bouchonnerie Jocondienne,

- l'a condamné à payer à la société Bouchonnerie Jocondienne la somme de 18.694 euros à titre de dommages-intérêts,

- l'a condamné à verser la somme de 2.000 euros à la société Bouchonnerie Jocondienne au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,


- a rejeté ses demandes à voir la société Bouchonnerie Jocondienne condamnée à lui verser la somme de 15.000 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'elle soit condamnée à supporter les dépens,

et statuant à nouveau,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité civile délictuelle envers la société Bouchonnerie Jocondienne au sens de l'article 1240 du code civil, et plus généralement que les conditions cumulatives de l'article précité ne sont pas remplies,

en conséquence,

- débouter la société Bouchonnerie Jocondienne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre subsidiaire, ramener le montant des dommages-intérêts sollicités au titre des préjudices prétendument subis par la société Bouchonnerie Jocondienne à de plus justes proportions,

dans tous les cas,

- condamner la société Bouchonnerie Jocondienne à lui payer une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Bouchonnerie Jocondienne à supporter les dépens.


* *

*


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 janvier 2021, la société Bouchonnerie Jocondienne a demandé à la cour de :

- déclarer la société O-I Aa recevable mais mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu un comportement fautif de la société O-I Aa dans son interdiction qui lui a été faite de commercialiser les produits de la société Iceram et en ce qu'il l'a par ailleurs condamné au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer sur le quantum des dommages-intérêts alloués,

et, la recevant en son appel incident, condamner la société O-I Aa à lui payer la somme de 84.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société OI Aa à lui payer, en cause d'appel, la somme complémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société OI Aa de sa demande sur ce fondement,

- la condamner aux dépens.


La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 30 mars 2023.


Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile🏛.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur l'existence d'une faute de la part de la société O-I


S'agissant de l'absence de caractère fautif de la mise en demeure, la société O-I fait valoir :

- le caractère non fautif du simple envoi d'une mise en demeure en l'absence de circonstances particulières

- les différents exemples existant en jurisprudence sur le sujet même dans le cas où une société a été déboutée partiellement de son action en contrefaçon et parasitisme

- le ton de la lettre qui ne dépassait pas le cadre admis dans ce type de courrier

- la nécessité qu'une mise en demeure comporte des éléments détaillés, et soit dénuée de toute ambiguïté, la comparaison entre les bocaux effectuée dans le courrier démontrant que la démarche engagée est sérieuse et fondée, une mise en demeure évasive ou non détaillée ne pouvant être retenue

- l'usage d'un ton affirmatif et comminatoire ne constitue pas une faute dans un tel courrier, et ne relève pas d'un caractère abusif et disproportionné, la nature même de la mise en demeure nécessitant la mise en œuvre d'une pression sur le destinataire

- l'absence dans le courrier, de toute mention laissant croire que la situation de contrefaçon est acquise, la manière de procéder ayant pour objet d'expliciter la situation à la société Bouchonnerie Jocondienne, l'usage de la mention « elle estime que » le démontrant

- la possibilité pour l'intimée, au regard des éléments transmis de se forger sa propre opinion quant à la situation

- la possibilité de faire référence à une décision de justice favorable à l'auteur dans un courrier de mise en demeure, décision rendue dans une situation semblable et une copie de la décision étant annexée, aucune indication que l'affaire contre ICERAM est jugée n'étant présente

- la nature d'acte juridique d'une mise en demeure qui a pour objet d'intimer à son destinataire de cesser une action et lui laisse un délai pour se conformer, avec indication de la sanction encourue, l'ensemble étant explicite et laissant un délai

- le caractère légitime de l'envoi de la mise en demeure vu que la société Bouchonnerie Jocondienne était impliquée dans la distribution des produits litigieux, et était dès lors en position de saisir le sens de la mise en demeure sans oublier que l'intimée a consulté un professionnel du droit suite à la réception du courrier

- l'absence de tout caractère abusif et disproportionné du courrier adressé.


Pour sa part, la société Bouchonnerie Jocondienne fait valoir :

- le caractère comminatoire et non anodin du courrier de mise en demeure adressé le 14 juin 2013 par le cabinet d'avocat de la société O-I, réitéré le 1er octobre 2013, la mettant en demeure de cesser la commercialisation des produits de la société ICERAM

- la nature du courrier qui comporte plusieurs pages d'observations argumentées et illustrées par des photographies et croquis explicatifs, ainsi que des décisions judiciaires en la matière, le tout apparaissant comme la démonstration d'un droit

- l'affirmation que la commercialisation des produits ICERAM engage la responsabilité de la société Bouchonnerie Jocondienne

- la mise en demeure péremptoire de cesser « immédiatement » sans délai accordé et pour l'avenir « toute fabrication, importation, promotion, offre en vente distribution, commercialisation et plus généralement toute exploitation » et la demande d'expliquer les mesures financières que l'intimée entend prendre pour réparer le préjudice d'ores et déjà subi par l'appelante

- l'indication qu'à défaut de réponse, la société O-I entend engager toute procédure judiciaire pour mettre un terme à ses droits, le courrier valant mise en demeure

- l'impossibilité d'ignorer le courrier et les événements suivants à savoir une ordonnance sur requête permettant un constat dans les locaux de la société ICERAM, la notification du constant et la connaissance de l'assignation délivrée par la société O-I contre ICERAM réclamant 1,2 million d'euros de dommages et intérêts provisionnels et 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- la mise en œuvre par ce biais d'un contexte d'intimidation

- le caractère indifférent de la jurisprudence « Puma » versée au débat par l'appelante puisque les circonstances étaient différentes : pas d'indication que la contrefaçon est reconnue en justice, le gain de la cause par la société Puma

- l'existence de décisions sanctionnant le même type de mise en demeure que celle adressée aux distributeurs des produits, les accusant de commettre des actes de contrefaçon et les sommant de cesser l'usage et la vente sous peine de poursuite en justice, avant même toute décision judiciaire et le ton comminatoire de la lettre, au-delà d'une simple mise en demeure.


Sur ce,


L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


Il est constant que le 14 juin 2013, la société O-I a adressé à la société Bouchonnerie Jocondienne une lettre dont l'objet était « OI c/I.CERAM ' concurrence déloyale et parasitaire ' commercialisation de copies serviles des terrines Le Parfait Super, et le Parfait Familia ' Wiss ' Mise en demeure » et in fine mettait en demeure la société Bouchonnerie Jocondienne de « cesser immédiatement et à l'avenir toute fabrication, importation, promotion, offre en vente, distribution, commercialisation et plus généralement toute exploitation des terrines litigieuses ou de tout produit reproduisant les caractéristiques des terrines Le Parfait Super et/ou Le Parfait Familia Wiss, de la société O-I », de lui communiquer les coordonnées de ses fournisseurs, l'intégralité de ses données comptables afin d'établir le stock de produits litigieux et les documents comptables nécessaires attestées par un commissaire aux comptes, la liste des clients ainsi que les mesures financières prises d'ores et déjà pour réparer le préjudice subi par la société O-I.


La lecture intégrale du courrier permet de relever que la société O-I utilise un ton exclusivement affirmatif et présente des comparaisons entre les différents bocaux pour lesquels elle entend faire reconnaître une concurrence déloyale et un parasitisme, l'action se tenant contre la société ICERAM.

Ainsi, les termes « indéniable », « strictement identiques », « a constaté », « reproduction servile », « reprise à l'identique », « volonté parasitaire », « ces comportements caractérisent, selon la jurisprudence des tribunaux, des actes de parasitisme engageant la responsabilité de votre société »


En outre, la lettre se termine par les propos suivants mis en avant par le biais d'un recours à un style particulier de texte caractérisant l'insistance, mise en forme de type gras et souligné pour une partie :

« à défaut de recevoir sous quinzaine un engagement favorable de votre part sur les demandes précitées, la société O-I se réserve le droit de donner toute suite appropriée et le cas échéant, engager toute procédure au besoin judiciaire afin de mettre un terme définitif à l'atteinte ainsi portée à ses droits et d'obtenir la juste réparation pour le préjudice d'ores et déjà subi. »


Il est constant que dans ce courrier, la société O-I n'entend pas entamer de discussions avec la société Bouchonnerie Jocondienne concernant la situation ou bien laisser à cette dernière la possibilité de répliquer.

En outre, les dernières lignes du courrier rendent déjà la société Bouchonnerie Jocondienne responsable d'un préjudice qui serait subi par la société O-I, et lui intime l'ordre de constituer une provision aux fins d'indemnisation.


La société O-I, dans ses écritures, prétend que les termes de ce courrier ne sont pas susceptibles de constituer une faute, et que le seul fait que la procédure contre la société ICERAM n'ait pas prospéré ne peut mener à une relecture du courrier initial.


Toutefois, l'analyse du seul courrier démontre que la société O-I a agi à l'égard de la société Bouchonnerie Jocondienne comme si la concurrence déloyale était avérée et rendait l'intimée responsable de son préjudice, la sommant de lui transmettre des données en vue de son indemnisation.

Cette lettre de mise en demeure, par l'usage de termes affirmatifs, péremptoires et comminatoires a mis la société Bouchonnerie Jocondienne dans une position qu'elle ne pouvait ignorer et face à un risque de procédure judiciaire voire de pertes. En agissant de la sorte, sans mesure et en ne laissant à la société Bouchonnerie Jocondienne aucune possibilité de discussion ou de réplique, la société O-I n'attendait qu'une simple obéissance de la part de la société intimée et exigeait en outre la transmission de données confidentielles notamment concernant la liste des clients mais aussi des données financières, laissant l'intimée avec aucune autre possibilité que de cesser la commercialisation des produits litigieux.


Au regard des termes utilisés, hors de proportion, comminatoires, et sans mesure, la société O-I a commis un acte fautif du fait de l'envoi de cette mise en demeure, à la société Bouchonnerie Jocondienne.


Dès lors, il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.


Sur l'existence d'un dommage au préjudice de la société Bouchonnerie Jocondienne et son quantum


La société O-I fait valoir l'absence de tout dommage au préjudice de la société Bouchonnerie Jocondienne en faisant état de :

- l'absence de preuve de l'annulation de la commande passée par la société Foirfouille, le courriel versé au débat ne suffisant pas à l'expliciter


- l'existence d'une facture émise en date du 25 avril 2013 concernant cette commande et le défaut de versement d'une contre facturation et d'un remboursement suite à l'annulation

- l'exécution de la commande passée par la société Foirfouille puisque l'intimée avait la possibilité de se fournir auprès de différentes sociétés présentes en Europe (Weck, Bormioli, Excellens, C Ab, Lock Eat et Spem), ce qui montre l'existence de produits concurrents sur le marché, qui répondent aux critères et besoins des consommateurs français concernant la conservation et les modalités d'usage (formes, modalités de fermeture, bouchons etc)

- l'impossibilité de commercialiser les produits et le non-renouvellement d'un marché avec Leclerc ne sont pas avérée en l'absence de toute preuve en ce sens concernant la société Leclerc et le caractère peu probant des différentes factures remises qui ne permettent pas de déterminer la perte alléguée, mais aussi quelles sont les gammes de produits qui n'ont pu être vendus au titre de cette opération commerciale

- la nécessité s'agissant d'une perte de chance, de démontrer que le dommage est né, actuel et certain

- l'absence de lien de causalité entre les dommages allégués et l'envoi de la mise en demeure puisque la société Bouchonnerie Jocondienne n'a pas annulé la commande passée par la société Foirfouille et ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle devait être engagée par la société Leclerc dans le cadre du renouvellement pluri-annuel d'une opération commerciale

- le choix de la société Bouchonnerie Jocondienne qui a préféré annuler les commandes plutôt que de rechercher d'autres moyens de se fournir pour assurer les commandes dont il était question

- le fait qu'une mise en demeure ne créé aucune contrainte physique, et qu'il appartenait à la société Bouchonnerie Jocondienne de prendre ses responsabilités dans la situation, et de déférer ou non à la mise en demeure, étant rappelé que l'intimée a pris sa décision après avoir eu recours à un professionnel du droit.


À titre subsidiaire, la société O-I fait valoir que les demandes indemnitaires sont infondées et surévaluées du fait de :

- l'application d'une marge erronée par le tribunal de commerce qui a appliqué s'agissant du premier chef d'indemnisation un taux de 51,52% de marge brute alors que la société Bouchonnerie Jocondienne indique un taux de 25%

- l'absence de valeur probante des documents communiqués par la société Bouchonnerie Jocondienne concernant les marges appliqués sur les produits à hauteur de 25%, document non attestés par l'expert-comptable ou le commissaire aux comptes, sur les prix d'achats auprès de ICERAM et les tarifs pratiqués

- la nécessité d'évaluer le préjudice sur la base d'une marge nette

- le caractère infondé de la demande au titre du non-renouvellement de l'opération avec Leclerc.


Sur les préjudices dont la société Bouchonnerie Jocondienne entend se prévaloir, elle met en avant :

- la perte de la commande Foirfouille qui représentait un chiffre d'affaires de 36.285 euros HT en raison du courrier reçu, l'intimée indiquant ne pouvoir être en mesure de fournir la commande en raison de la mise en demeure reçue et la Foirfouille confirmant l'annulation de la commande concernant l'OP1326

- l'absence de toute facture adressée à la Foirfouille seule une commande ayant été passée mais non facturée comme le démontre la pièce versée au débat, la date de livraison souhaitée étant fixée au 13 septembre 2013, la facturation ne pouvant donc être faite en date du 25 avril 2013, outre la référence au numéro de commande

- l'impossibilité pour cette commande de s'approvisionner auprès de tiers dans le délai de deux mois, étant rappelé qu'en Aa, le produit dont il était question n'est fabriqué que par ICERAM et qu'au Portugal, l'entreprise « Le Perfecto » fabriquant le produit était également engagée dans un procès avec la société O-I

- le fait que les entreprises étrangères citées par la société O-I dans ses écritures, ne commercialisent pas les produits dont elle avait besoin à savoir une gamme complète de bocaux conditionnés en pack de six pour la conservation, les réponses des sociétés concernées montrant l'impossibilité de se fournir auprès de Weck, Ac, Excellens, C Ab et Massily


- le défaut de réponses de la société O-I concernant chaque gamme de fournisseurs, notamment la conformité aux habitudes des consommateurs français, le caractère complet de la gamme, mais aussi la forme des bocaux

- la volonté de la société O-I de torpiller la société ICERAM qui était une alternative, étant rappelé que la société Bouchonnerie Jocondienne ne travaille pas avec des revendeurs ou sites de e-commerce mais directement avec des fabricants

- concernant l'impossibilité de commercialiser les produits ICERAM pendant 5 ans, la perte de la marge liée à la commercialisation des produits en stock soit 23.000 euros

- le rappel qu'aucun des fournisseurs européens ne fournit la même gamme de produits que la société ICERAM, ce qui a entraîné une perte de chiffre d'affaires

- la perte de l'opération mise en œuvre avec Leclerc pendant 5 ans en raison de la mise en demeure adressée par la société O-I avec l'existence d'une réelle perte de chance pour un dommage évalué à 75.000 euros.


Sur ce,


S'agissant de la commande avec la société Foirfouille, il ressort des pièces versées aux débats que cette dernière avait passé une commande en date du 24 avril 2013, aux fins de livraison à la date du 13 septembre 2013 pour un montant de 36.285,90 euros HT, sur les produits inclus dans la mise en demeure de la société O-I.

La lecture intégrale de cette commande permet d'établir qu'aucun paiement n'est intervenu à la commande, d'autant plus que la date de livraison est en septembre.

La société Bouchonnerie Jocondienne verse aux débats le courrier du 8 juillet 2013 adressé à son client l'informant de l'impossibilité de lui fournir l'objet de la commande en raison de la procédure en cours entre la société O-I et la société ICERAM, la société Foirfouille annulant la commande par courrier du 11 juillet 2013.


La société O-I estime dans ses écritures que la société Bouchonnerie Jocondienne disposait d'un délai suffisant à compter de la mise en demeure du 14 juin 2013, pour se procurer les produits nécessaires afin de réaliser le remplacement de ceux fournis par ICERAM.

Toutefois, la société Bouchonnerie Jocondienne rapporte la preuve de ce qu'aucun fournisseur ne disposait des produits commandés en lot, ou dans la quantité indiquée, pour pouvoir passer une commande, sachant que cela impliquait de prendre contact avec une société tierce, de s'assurer de la disponibilité des produits mais aussi de trouver un accord sur les tarifs, tout en restant dans le tarif indiqué initialement dans la commande de la société Foirfouille.


Eu égard au délai imparti, trois mois dont le mois d'août, la société Bouchonnerie Jocondienne ne disposait pas du temps nécessaire pour réaliser les recherches mais aussi négocier des contrats, d'autant plus que les sociétés nommées par la partie appelante ne fournissait pas les produits recherchés, sans compter que la seule société correspondant à ses besoins, à savoir la société « Le Perfecto », ne pouvait être retenue pour les mêmes raisons que la société ICERAM.


Dès lors, la société Bouchonnerie Jocondienne a effectivement subi une perte en raison de la mise en demeure envoyée par la société O-I, du fait de l'annulation de la commande de la société Foirfouille.

En outre, la société Bouchonnerie Jocondienne rapporte la preuve de l'application, dans le cadre de ses relations commerciales avec la société Foirfouille d'une marge spécifique de 51,52%, qui doit être retenue dans le cadre de l'indemnisation.


En condamnant la société O-I à payer à la société Bouchonnerie Jocondienne la somme de 18.694 euros à titre d'indemnisation pour la perte liée à l'annulation de la commande avec la Foirfouille, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.


S'agissant de la perte liée à l'impossibilité de commercialiser la gamme produite par ICERAM pendant 5 ans, et de l'impossibilité de renouveler une opération commerciale avec la société Leclerc, il convient de faire une appréciation in concreto du préjudice allégué.


Tout d'abord, la société Bouchonnerie Jocondienne ne rapporte pas la preuve de ce que la société Leclerc l'ait sollicitée à nouveau pour réaliser une opération commerciale à partir de 2013, ou pendant les cinq années suivantes.

De la sorte, elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice exact ou même d'une perte de chance qu'il serait possible de quantifier. De fait, le préjudice évalué à 75.000 euros par la société Bouchonnerie Jocondienne ne saurait être retenu.


En outre, elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait été mise dans l'impossibilité pendant les années suivantes de trouver un nouveau fournisseur, lui livrant les produits qu'elle souhaitait commercialiser et se rapprochant des gammes fabriquées par la société ICERAM, le temps lui étant laissé de prendre contact avec différents fabricants et d'engager des négociations.


De fait, le préjudice évalué à 23.000 euros par la société Bouchonnerie Jocondienne ne saurait être retenu.


Au regard de ces éléments, il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.


Sur les demandes accessoires


La société O-I échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.


L'équité commande d'accorder à la société Bouchonnerie Jocondienne une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société O-I sera condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros.



PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel


Confirme la décision déférée dans son intégralité,


Y ajoutant


Condamne la SAS O-I Aa à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,


Condamne la SAS O-I Aa à payer à la SAS Bouchonnerie Jocondienne la somme de 5.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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