Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 30-06-2023, n° 448159, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 30-06-2023, n° 448159, mentionné aux tables du recueil Lebon

A806197P

Référence

CE 9/10 ch.-r., 30-06-2023, n° 448159, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97477237-ce-910-chr-30062023-n-448159-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-03-05-03 Lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l’année en litige, il appartient au juge de l’impôt, saisi d’une demande en ce sens, de rechercher s’il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l’année précédente. ...Tel n’est pas le cas lorsque le taux de l’année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimé au titre de l’année en litige.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 448159⚖️


Séance du 07 juin 2023

Lecture du 30 juin 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société civile professionnelle de placements immobiliers (SCPI) France Investipierre a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 à raison de locaux dont elle est propriétaire à Montreuil

(Seine-Saint-Denis). Par un jugement n° 1809299 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de la cotisation de l'imposition en litige au titre de l'année 2017 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 24 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SCPI France Investipierre, qui possède des locaux situés à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a sollicité la décharge de ses cotisations primitives de taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre des années 2016 et 2017, en invoquant, par la voie de l'exception, l'illégalité des délibérations de l'établissement public de coopération intercommunale Est-Ensemble ayant fixé les taux de ces taxes. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande au titre de l'année 2017.

2. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts🏛, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article

1379-0 bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales🏛, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal ".

3. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les article L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales🏛🏛, relatives à ces opérations. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

4. D'autre part, aux termes du III de l'article 1639 A du code général des impôts🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente ". Ces dispositions autorisent l'administration, au cas où la délibération d'une collectivité territoriale ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l'impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l'année précédente.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition au motif que ce taux est manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir l'année en litige, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher s'il y a lieu de lui substituer le taux résultant de la délibération applicable à l'année précédente. Tel n'est pas le cas lorsque le taux de l'année précédente est manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses estimé au titre de l'année en litige.

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir jugé que le taux de 8,69 %, voté au titre de la taxe d'enlèvement pour les ordures ménagères pour l'année 2017, était manifestement disproportionné, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'administration fiscale tendant à y substituer le taux voté pour l'année 2016, au motif que ce dernier taux, fixé à 8,83 %, bien que non manifestement disproportionné au regard du montant des dépenses que la taxe avait vocation à couvrir au titre de l'année 2016, l'était nécessairement au regard du montant des dépenses estimé au titre de l'année 2017. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif de Montreuil n'a pas commis d'erreur de droit ni davantage entaché son jugement d'une contradiction de motifs.

7. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement qu'il attaque. Son pourvoi doit en conséquence être rejeté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SCPI France Investipierre.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juin 2023 où siégeaient :

Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et

M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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