ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat
Statuant au contentieux
N° 181648
9 / 8 SSR
Epoux Chauvin de Vendômois
M Fabre, Rapporteur
M Courtial, Commissaire du gouvernement
M Fouquet, Président
Lecture du 26 Novembre 1999
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 2 août 1996, le mémoire complémentaire, enregistré le 2 décembre 1996, et les productions, enregistrées le 10 juin 1997 et le 13 octobre 1998, présentés pour M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS, demeurant 2, Place Maurice Dayras à Aubusson (23200) ; M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 juin 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux les a rétablis aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1988 et 1989 à raison de l'intégralité des droits supplémentaires auxquels ils avaient été assujettis et dont le tribunal administratif de Limoges leur avait accordé réduction par jugement du 1er août 1994 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Parmentier, avocat de M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS,
- les conclusions de M Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 196 du code général des impôts : "Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : 1° Ses enfants âgés de moins de dix-huit ans ou infirmes ; 2° Sous les mêmes conditions, les enfants qu'il a recueillis à son propre foyer" ; que l'article 196 bis du même code dispose : "1 La situation et les charges de famille dont il doit être tenu compte sont celles existant au 1er janvier de l'année de l'imposition. Toutefois, en cas d'augmentation des charges de famille en cours d'année, il est fait état de la situation au 31 décembre " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS ont accueilli dans leur foyer, en septembre 1988, un enfant libanais âgé de huit ans, acheminé vers la France par l'association "Liban Fraternité", à laquelle il avait été confié par ses parents, dont les conditions d'existence avaient été gravement affectées par les événements violents qui se déroulaient alors au Liban ; qu'à compter de cette date, et, notamment, durant l'année 1989, M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS ont assumé la charge exclusive tant de l'entretien que de l'éducation de cet enfant, sans aucun concours effectif de l'association "Liban Fraternité", bien que celle-ci se fût engagée à "assurer un suivi régulier de l'enfant" et, en cas de difficultés financières de la famille d'accueil, à contribuer aux frais de son entretien ; que, dans ces conditions, alors même que la séparation de l'enfant d'avec ses parents ne devait par être définitive, et qu'elle ne s'était pas accompagnée d'un transfert de l'autorité parentale, M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS devaient, contrairement à ce qu'a jugé la cour administrative d'appel, en vue de la détermination du nombre de parts applicable pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû par eux au titre de chacune des années 1988 et 1989, être regardés comme ayant "recueilli à leur foyer", au sens de l'article 196 précité du code général des impôts, l'enfant dont il s'agit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS sont fondés à soutenir que l'arrêt attaqué, entaché d'une inexactitude de qualification juridique des faits ressortant du dossier, doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif a accordé à M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS la décharge de la fraction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de chacune des années 1988 et 1989 et qui résultaient de la réduction de cinq à quatre du nombre de parts retenu pour le calcul de cet impôt ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'ordonner que l'Etat versera à M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS, au titre des frais exposés par eux etnon compris dans les dépens, tant devant la cour administrative d'appel que devant le Conseil d'Etat, la somme qu'ils réclament ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 juin 1996 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 18 000 F.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M et Mme CHAUVIN de VENDOMOIS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.