Jurisprudence : CE 1/4 SSR, 01-02-1993, n° 98959

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 98959

MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI
contre
Société Vicat

Lecture du 01 Février 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 1ère et 4ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du Contentieux,
Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 10 juin 1988 ; le ministre demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 1988 par lequel le tribunal administrtif de Grenoble a annulé, à la demande de la société Vicat, la décision du 20 juin 1985 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la sixième section de l'Isère en date du 13 février 1985 rattachant M. Guiboud à un collège électoral pour l'élection des représentants du personnel à un comité d'établissement, et a d'autre part, décidé de ce rattachement ; 2°) de rejeter la demande présentée par la société Vicat devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail applicable, en vertu de l'article L. 435-2, à l'élection des représentants du personnel aux comités d'établissement "Les représentants du personnel sont élus, d'une part, par les ouvriers et employés, d'autre part, par les ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés sur des listes établies par les organisations syndicales représentatives pour chaque catégorie de personnel" ; qu'aux termes des cinquième, sixième et septième alinéas du même article "... le nombre et la composition des collèges électoraux ne peuvent être modifiés par une convention, un accord collectif de travail, étendus ou non, ou un accord préélectoral que lorsque la convention ou l'accord est signé par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise... La répartition des sièges entre les différentes catégories et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise ou son représentant et les organisations syndicales intéressées. Dans le cas où cet accord ne peut être obtenu, l'inspecteur du travail décide de cette répartition entre les collèges électoraux conformément au cinquième alinéa du présent article, ou, à défaut, conformément à la loi" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'accord sur la répartition du personnel dans les collèges électoraux, l'inspecteur du travail est compétent pour décider de cette répartition, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le désaccord porte sur des salariés individuellement désignés ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence d'accord entre la société Vicat et les organisations syndicales intéressées, sur la répartition du personnel dans les collèges électoraux, quant au rattachement de M. Guiboud pour l'élection des représentants du personnel à un comité d'établissement, l'inspecteur du travail de la sixième section de l'Isère a, par une décision du 13 février 1985, classé ce salarié dans le second collège ; que, statuant sur un recours hiérarchique, formé par l'intéressé, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a, par une décision du 20 juin 1985, annulé cette décision et classé M. Guiboud dans le premier collège ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'inspecteur du travail, puis le ministre saisi d'un recours hiérarchique, étaient compétents pour décider du rattachement de M. Guiboud à l'un des deux collèges électoraux de l'établissement, nonobstant la circonstance que le désaccord ne portait que sur le classement de ce seul salarié ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur cette circonstance pour annuler pour incompétence la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 20 juin 1985 ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Vicat devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, les décisions administratives qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ne sont soumises à l'exigence d'une motivation que si elles présentent le caractère de décisions individuelles ; que la décision par laquelle l'inspecteur du travail et le cas échéant le ministre chargé du travail sur recours hiérarchique fixent, en application des dispositions précitées de l'article L. 433-2 du code du travail, la répartition du personnel dans les collèges électoraux n'a pas le caractère d'une décision individuelle ; qu'il suit de là que le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'était pas tenu de motiver sa décision du 20 juin 1985, et qu'il était compétent pour retirer la décision de l'inspecteur du travail en se fondant sur un motif tiré de l'illégalité de cette dernière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Guiboud, "employé principal" qui occupait alors un poste d'employé, a été officiellement chargé, à compter du 8 octobre 1984, "de surperviser et de coordonner l'activité des employés du service expéditions, et d'assurer en cas d'absence leur remplacement, d'assurer la gestion des expéditions et des réceptions", mais n'exerçait pas effectivement les fonctions ainsi définies, ne disposant notamment pas de pouvoirs sur des subordonnés ; que, dès lors, quels qu'étaient l'indice du salaire qu'il percevait, et le régime de retraite dont il relevait, l'intéressé devait être classé dans le premier collège des ouvriers et employés institué par les dispositions précitées de l'article L. 433-2 du code du travail ; qu'il en résulte que la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 février 1985 rattachant M. Guiboud au second collège étant illégale a été légalement annulée par la décision ministérielle classant ce salarié dans le premier collège ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision en date du 20 juin 1985 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 18 avril 1988 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Vicat devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Vicat, à M. Guiboud et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

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