Jurisprudence : TA Montreuil, du 09-06-2023, n° 2306357

TA Montreuil, du 09-06-2023, n° 2306357

A75049ZX

Référence

TA Montreuil, du 09-06-2023, n° 2306357. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96860624-ta-montreuil-du-09062023-n-2306357
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Abstract

► Doit être suspendue l'organisation d'une consultation du public par une commune relative à un projet de création d'un centre culturel.


Références

Tribunal Administratif de Montreuil

N° 2306357


lecture du 09 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande au juge des référés du Tribunal, statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative🏛 :

1°) de suspendre l'exécution des décisions du maire de la commune du Bourget d'une part de diffuser une communication intitulée " la lettre de votre maire " à compter du 19 avril 2023, d'autre part d'organiser une consultation du public sur un projet de création d'un centre culturel ;

2°) d'enjoindre à la commune du Bourget d'inclure les " lettres du maire " dans les publications devant réserver un espace d'expression aux élus de l'opposition en modifiant le règlement du conseil municipal, de cesser le recueil des données liées à la consultation sur le projet de centre culturel et de ne pas diffuser les résultats recueillis.

Le préfet soutient que :

- l'absence d'espace réservé à l'expression des élus de l'opposition au sein du document intitulé " la lettre de votre maire " méconnaît l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales🏛 ;

- la consultation du public sur le projet de centre culturel est entachée d'incompétence faute d'avoir été adoptée par le conseil municipal ;

- les modalités de consultation sur le projet de centre culturel méconnaissent l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration🏛.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2023, la commune du Bourget conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de légalité n'est fondé.

Le président du tribunal administratif de Montreuil a désigné, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛, M. Le Garzic, président, M. Marchand, premier conseiller et Mme Renault, première conseillère, pour statuer en qualité de juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 6 juin 2023 en présence de Mme Valcy, greffière :

- le rapport de M. Le Garzic, qui informe les parties que l'ordonnance est susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions relatives à la suspension de l'exécution d'une décision de diffusion d'une communication sont irrecevables dès lors que cette décision a entièrement été exécutée avant l'introduction de la requête ;

- les observations du représentant du préfet de la Seine-Saint-Denis, qui soutient que sa requête est recevable et reprend ses écritures en ce qui concerne la légalité des décisions attaquées ;

- et les observations du représentant du maire du Bourget, qui reprend ses écritures.

La clôture de l'instruction est intervenue à l'issue de l'audience.

Vu :

- le déféré tendant à l'annulation des décisions contestées, enregistré le 25 mai 2023 sous le numéro 2306358 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales🏛, reproduit à l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. () Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. () ".

2. Il résulte de l'instruction que les 20 et 21 avril 2023, la commune du Bourget a procédé à la distribution auprès des habitants de la commune d'un document daté du 19 avril 2023 et intitulé " La lettre de votre maire ", de quatre pages, comportant un texte signé de son maire ainsi qu'un coupon à détacher permettant aux destinataires de se prononcer sur un projet de centre culturel. Le préfet de la Seine-Saint-Denis demande la suspension de l'exécution des décisions révélées par ce document, d'une part de procéder à sa diffusion, d'autre part de procéder à la consultation du public sur un projet de centre culturel.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la décision de diffusion d'une communication :

3. Il ne résulte pas de l'instruction que la diffusion de la communication du 19 avril 2023 et intitulée " La lettre de votre maire " présenterait un caractère autre que ponctuel et révèlerait une décision de procéder à la diffusion périodique d'informations générales. Dans ces conditions, la décision de procéder à sa diffusion doit être regardée comme ayant été entièrement exécutée à la date de la requête visée ci-dessus, de telle sorte que les conclusions tendant la suspension de son exécution sont dénuées d'objet. Il en résulte qu'elles sont irrecevables et peuvent être rejetées pour ce motif.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la décision d'organiser une consultation :

4. Aux termes de la première phrase de l'article L. 1112-15 du code général des collectivités territoriales🏛 : " Les électeurs d'une collectivité territoriale peuvent être consultés sur les décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de la compétence de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics ".

5. Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont la faculté, pour concevoir une réforme ou élaborer un projet ou un acte qui relèvent de leur compétence, de procéder à la consultation du public, notamment sur un site internet. Lorsqu'une autorité administrative organise, sans y être tenue, une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières.

6. Il incombe en particulier à l'autorité administrative qui organise une consultation dans les cas qui relèvent de l'article L. 131-1 du code des relations du public et de l'administration d'en déterminer les règles d'organisation conformément aux dispositions de cet article et dans le respect des principes d'égalité et d'impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère. L'autorité administrative doit notamment mettre à disposition des personnes concernées une information claire et suffisante sur l'objet de la consultation et ses modalités afin de leur permettre de donner utilement leur opinion, leur laisser un délai raisonnable pour y participer et veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. La régularité de la consultation implique également, d'une part, que la définition du périmètre du public consulté soit pertinente au regard de son objet, et, d'autre part, qu'afin d'assurer sa sincérité, l'autorité administrative prenne, en fonction de cet objet et du périmètre du public consulté, toute mesure relative à son organisation de nature à empêcher que son résultat soit vicié par des avis multiples émanant d'une même personne ou par des avis émis par des personnes extérieures au périmètre délimité. Il incombe enfin à l'autorité administrative de veiller au bon déroulement de la consultation dans le respect des modalités qu'elle a elle-même fixées.

7. Le moyen tiré de ce que la commune du Bourget procède à une consultation méconnaissant les dispositions de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration, alors qu'il est constant qu'elle ne relève pas de l'article L. 1112-5 du code général des collectivités territoriales🏛, apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de la décision de la commune du Bourget d'organiser une consultation du public portant sur un projet de création d'un centre culturel.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. La suspension d'exécution prononcée par la présente décision implique nécessairement, par elle-même, que la commune du Bourget cesse de recueillir les données liées à la consultation et qu'elle ne procède pas à la diffusion des résultats. Elle n'implique en revanche aucune mesure d'exécution, de telle sorte que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision de la commune du Bourget d'organiser une consultation portant sur la création d'un centre culturel est suspendue.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à la commune du Bourget.

Délibéré à l'issue de l'audience du 6 juin 2023 où siégeaient :

- M. Pierre Le Garzic, vice-président du tribunal, président,

- M. Arnaud Marchand, premier conseiller, juge des référés,

- Mme Thérèse Renault, première conseillère, juge des référés.

Fait à Montreuil, le 9 juin 2023.

P. Le Garzic

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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