Jurisprudence : CA Amiens, 02-06-2023, n° 22/02277, Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

CA Amiens, 02-06-2023, n° 22/02277, Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

A11329ZX

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CA Amiens, 02-06-2023, n° 22/02277, Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur . Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96758680-ca-amiens-02062023-n-2202277-fait-droit-a-lensemble-des-demandes-du-ou-des-demandeurs-sans-accorder-
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ARRET

N° 160


S.A.S. [8]


C/


CARSAT PAYS DE LA LOIRE


COUR D'APPEL D'AMIENS


TARIFICATION


ARRET DU 02 JUIN 2023


*************************************************************


N° RG 22/02277 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOA2


DECISION DE LA CARSAT PAYS DE LA LOIRE EN DATE DU 01 janvier 2022



PARTIES EN CAUSE :


DEMANDEUR


S.A.S. [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Salarié : M. [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 6]


Représentée et plaidant par Me MAMBRE, avocat au barreau de PARIS substituant Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS


ET :


DÉFENDEUR


CARSAT PAYS DE LA LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représentée et plaidant par Mme [Aa] [G] dûment mandatée



DÉBATS :


A l'audience publique du 17 Février 2023, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président assisté de Monsieur [M] [Ab] et Monsieur [Ac] [H], assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.


Monsieur Renaud DELOFFRE a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 02 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛.


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Ad A adjointe administrative faisant fonction de greffier


PRONONCÉ :


Le 02 Juin 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Renaud DELOFFRE, Président et Mme Blanche THARAUD, Greffier.


*

* *


DECISION


Monsieur [W] [J] a été salarié de l'entreprise [8] du 17 février 1969 au 31 décembre 2000 où il a occupé les postes de tôlier à l'emboutissage, de conducteur d'installation de formatage et de conducteur de ligne au montage train vissage et accrochage.


Il a établi en date du 22 mai 2019 une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un « cancer bronchique type adénocarcinome » inscrit au tableau 30 bis des maladies professionnelles.


Par courrier du 6 février 2020 la caisse primaire d'assurance maladie a indiqué à la société [8] qu'elle prenait en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée par Monsieur [Ae] et ce à la suite d'un avis favorable du CRRMP.


Les incidences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [Ae], à savoir un CCMIP 4, ont été inscrites sur le compte employeur 2020 de la section 2 de l'établissement de la société [8] situé [Adresse 2] portant le numéro de siret [N° SIREN/SIRET 5]



Par courrier du 19 mars 2020, la société [8] a formé un recours gracieux auprès de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Pays de la Loire (CARSAT Pays de la Loire) afin de solliciter l'inscription au compte spécial de la maladie du 22 mai 2019 déclarée par Monsieur [Ae], en application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995🏛.


Par courrier en date du 17 juillet 2020, la CARSAT des Pays de la Loire a rejeté la demande de la société et les incidences financières de la maladie professionnelle du salarié ont été inscrites sur le compte employeur de la société.


Par acte d'huissier de justice délivré à la CARSAT des Pays de la Loire le 10 septembre 2020 pour l'audience du 05 février 2021, la société [8] sollicite l'inscription au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [Ae] déclarée le 22 mai 2019 sur le fondement des dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.



Par arrêt en date du 2 avril 2021 la Cour a décidé ce qui suit :



La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Dit qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision passée en force de chose jugée dans la procédure engagée devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire du Mans en inopposabilité à la société [8] de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [W] [J].


Ordonne la radiation de la présente procédure et dit qu'il appartiendra aux parties de solliciter du greffe de la cour sa réinscription au rôle dès que la décision attendue sera intervenue.

Réserve les dépens.


Par assignation délivrée à la CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE en date du 25 février 2022 pour l'audience du 16 septembre 2022, la société [8] demande à la Cour de :


Dire et juger que doivent être affectées au compte spécial les dépenses relatives à la maladie

déclarée par Monsieur [W] [J].

Enjoindre à la CARSAT de retirer les frais de la maladie de son compte et de procéder au recalcul du taux de cotisations pour l'année 2022.


Par conclusions n° 2 enregistrées par le greffe à la date du 16 février 2023 et soutenues oralement par avocat, la société [8] demande à la Cour de dire que la CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE ne rapporte pas la preuve de l'exposition au risque à son service, de dire que la maladie de Monsieur [J] ne lui est pas imputable, d'enjoindre en conséquence à la CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE de retirer les frais de la maladie de Monsieur [J] du compte employeur de son établissement du Mans et de rectifier en conséquence son taux de cotisations AT/MP pour 2022 et subsidiairement d'enjoindre à la CARSAT d'inscrire au compte spécial les dépenses relatives à la maladie déclarée par Monsieur [W] [J].

Elle fait valoir que le rapport d'enquête se borne à retranscrire les déclarations du salarié, qu'elle ne peut se prévaloir d'une décision de justice concernant un autre salarié, qu'elle conteste les déclarations du salarié, que la CARSAT ne prouve pas qu'elle ait exposé le salarié.


Par conclusions dites récapitulatives n° 3 visées par le greffe le 17 février 2023 et soutenues oralement par sa représentante, la CARSAT PAYS DE LA LOIRE demande à la Cour de juger que Monsieur [Ae] a été exposé au risque de sa maladie professionnelle déclarée le 22 mai 2019 au sein de la société [8], juger que les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies et, en conséquence, confirmer sa décision de maintenir sur le compte employeur de la société [8] les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 22 mai 2019 par Monsieur [Ae] et débouter la société [8] de l'ensemble de ses demandes.


Elle fait en substance valoir qu'il ressort des conclusions du rapport d'enquête administrative que Monsieur [Ae] a été exposé à l'amiante pendant toute sa période d'emploi au sein de la société [8] soit pendant 31 ans du 17 février 1969 au 31 décembre 2000, qu'en outre l'exposition à l'amiante de conducteurs d'installation au sein de l'établissement de la société [8] a été reconnue par la présente Cour dans un arrêt du 9 octobre 2020, que la société [8] doit donc être déboutée de ses demandes de retrait de la maladie professionnelle de Monsieur [J] de son compte employeur et de rectification des taux impactés, qu'en ce qui concerne la demande de la société [8] en inscription des coûts litigieux au compte spécial, il convient de rappeler que les déclarations du salarié, notamment dans sa déclaration de maladie professionnelle, ne sauraient suffire à apporter la preuve de son exposition au sein d'une entreprise, que le salarié a en outre exercé les métiers de peintre en bâtiment et de miroitier sur une très faible période, que le rapport d'enquête fait apparaître que le salarié a été exposé 31 ans chez la demanderesse.


MOTIFS DE L'ARRET.


Attendu qu'il résulte de l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable, que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur à rapporter la preuve dans les conditions prévues à l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs ( 2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447⚖️, Af. Civ., II, no 302 ; 2e Civ., 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18.986⚖️; Civ.2ème, 8 octobre 2009, pourvoi n°08-19.273⚖️ Civ. 2ème, 21 juin 2012, pourvoi no 11-17.824; 2e Civ. 3 juin 2021, pourvoi n° 19-24.864; 2e Civ, 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724⚖️ ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi no 20-13.690, publié).


Qu'il résulte de ces textes et de l'article D.242-6-17 du Code de la sécurité sociale qu'un employeur autre que le dernier employeur exposant peut également se voir imputer la présomption précitée et mettre à sa charge les coûts correspondant sauf si cet établissement est nouveau au sens de l'article D.242-6-17 du Code de la sécurité sociale et qu'il ne soit pas considéré comme issu du précédent ce qui suppose que le nouvel établissement n'exerce pas une activité similaire avec les mêmes moyens de production et qu'il n'ait pas repris au moins la moitié du personnel du précédent établissement .

Que c'est sur le fondement de cette présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant ou à son successeur au sens tarifaire prévue par les textes précités et sous le contrôle du juge de la tarification que les CARSAT et la CRAMIF inscrivent les coûts des maladies professionnelles aux comptes des employeurs.

Attendu qu'il convient de bien distinguer les deux problématiques tout à fait distinctes des conditions d'application de la présomption, qui suppose que l'employeur soit le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque avant la constatation médicale de la maladie ou qu'il soit le successeur de ce dernier employeur et de la preuve contraire à cette dernière, qui suppose lorsqu'est invoqué le 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que la multi-exposition du salarié soit établie et qu'il soit impossible de déterminer dans quelle entreprise l'affection a été contractée ( posant très clairement cette distinction les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252⚖️21-12.523⚖️, n° 21-14.779⚖️ indiquant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service »). 

Que l'employeur peut contester devant le juge l'application même qui lui est faite de la présomption légale en contestant que ses conditions d'application soient remplies.

Qu'il peut également, sans contester que la présomption lui soit applicable, tenter d'en renverser les effets en établissant qu'il est fondé à obtenir l'inscription des coûts litigieux au compte spécial pour un des motifs tirés de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Qu'il peut également à la fois, comme tel est le cas en l'espèce, contester l'application qui lui est faite de la présomption et s'attacher à y apporter la preuve contraire.


Attendu que les règles de droit substantiel concernant les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 doivent s'articuler avec les charges processuelles résultant des articles 6 et 9 du Code de procédure civile🏛🏛 dont il résulte qu'il appartient à l'auteur d'une prétention d'alléguer les faits concluants propres à la fonder puis de les prouver ( sur la charge de l'allégation et de la preuve qui constituent les charges processuelles et qui, selon ces auteurs « déterminent le plaideur qui perdra le procès si l'édifice de fait apparaît comme insuffisant » Messieurs [Y] et [Z] [D] au Dalloz Action droit et pratique de la procédure civile n° 321-101 et 321-82 et suivants édition 2021-2022), sauf à réserver l'hypothèse où la loi fait supporter tout ou partie de la preuve au défendeur à l'action.


Qu'ainsi, s'il résulte des article 6 et 9 du Code de procédure civile et 1315 devenu 1356 du Code Civil qu'en matière de tarification la charge de l'allégation et de la preuve incombe en principe au demandeur, il résulte par exception de ces textes qu'il appartient à l'organisme tarificateur, lorsque l'employeur conteste que la présomption d'imputabilité au dernier employeur ayant exposé le salarié au risque lui soit applicable, de prouver, lorsqu'elle est contestée, l'existence de cette exposition fondant l'imputation des coûts litigieux au compte de l'employeur ( en ce sens les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 décidant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci » et que lorsque l'employeur prétend apporter la preuve contraire à la présomption d'imputabilité en sollicitant l'inscription des coûts litigieux au compte spécial, il appartient également à la caisse, d'établir l'exposition du salarié chez l'employeur demandeur lorsque l'absence d'une telle exposition constitue une des conditions d'application de la règle ( en ce sens l'arrêt du 1er décembre 2022 sur pourvoi 20-22.760⚖️ publié indiquant que lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale / dans le même sens 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-16.229⚖️ ) tandis que l'employeur doit pour sa part alléguer et prouver les autres faits de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité et ce sous peine de rejet de sa demande.


Qu'ainsi si l'employeur entend contester que les conditions d'application par l'organisme tarificateur à son encontre de la présomption d'imputabilité soient remplies, il lui appartient en application des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, en fonction des termes du litige, de faire valoir de manière argumentée des faits permettant d'exclure que la présomption précitée lui soit appliquée, la charge de l'allégation et de la preuve dépendant de la question de savoir si l'organisme tarificateur a appliqué la présomption à l'employeur en sa qualité de dernier employeur exposant ou bien s'il l'a lui a appliquée en sa qualité de successeur du dernier employeur exposant et la charge de la preuve étant partagée entre la caisse et l'employeur, la première devant établir l'exposition du salarié au risque chez l'employeur considéré par elle comme le dernier exposant au risque avant la constatation médicale de la maladie, lorsqu'elle est contestée, tandis que l'employeur doit pour sa part alléguer et prouver les autres faits de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité.


Que de même, si l'employeur entend apporter la preuve contraire à la présomption d'imputabilité, sans nécessairement d'ailleurs contester que les conditions d'application de cette dernière soient remplies en ce qui le concerne, il lui appartient en application des articles 6 et 9 du Code de procédure civile d'alléguer puis de prouver les faits justifiant l'inscription au compte spécial permettant d'apporter cette preuve contraire, à l'exception de l'absence d'exposition au risque du salarié à son service lorsqu'il s'agit d'une condition d'application de la règle dont il revendique l'application, la caisse devant pour sa part rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements.


Que les déclarations du salarié peuvent être retenues à titre d'éléments de preuve mais à condition d'être corroborées par d'autres éléments du débat et notamment des présomptions graves précises et concordantes en application de l'article 1383 du Code Civil🏛 ( en ce sens s'agissant d'accidents du travail 2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.672⚖️ 2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-17.276⚖️; 2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.372⚖️ ;2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.968 et en ce sens s'agissant d'une maladie professionnelle 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724) et que le juge peut notamment retenir à ce titre les énonciations d'un jugement dépourvu de toute autorité de la chose jugée pour ne pas être intervenu entre les parties au litige ( sur ce point le fascicule du JurisClasseur Civil Art. 1382 Date du fascicule : 8 Mars 2018 Date de la dernière mise à jour : 8 Mars 2018  PREUVE DES OBLIGATIONS . ' Modes de preuve. ' Preuve par présomption judiciaire rédigé par Monsieur [O] [L] - Professeur à l'université de [Localité 7], Doyen honoraire, citant les arrêts suivants : Cass. soc., 14 janv. 1950 : D. 1950, p. 330 ; RTD civ. 1950, p. 538, n° 8, obs. [A] [K]. ' Cass. 2e civ., 4 déc. 1975 : Af. civ. II, n° 325 ; JCP 1976, IV, 32).


Attendu qu'en l'espèce la société demanderesse conteste à titre principal l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité puisqu'elle sollicite à titre principal le retrait des conséquences financières de la maladie de son compte employeur en faisant valoir que ce sinistre ne peut lui être imputé, à défaut de preuve d'une exposition du salarié au risque chez elle, et elle prétend à titre subsidiaire apporter la preuve contraire à la présomption en obtenant l'inscription des coûts litigieux au compte spécial sur le fondement de la multi-exposition du salarié.


Attendu qu'il résulte des textes précités de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, 6 et 9 du Code de procédure civile et 1315 devenu 1356 du Code Civil qu'il appartient en l'espèce à la CARSAT d'établir l'exposition du salarié au risque chez l'employeur dont elle a imputé le compte du ou des coûts litigieux en application de la présomption d'imputabilité au dernier employeur ayant exposé le salarié au risque.


Qu'au titre de la preuve de cette exposition la CARSAT PAYS DE LA LOIRE invoque le rapport d'enquête administrative établi par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe dans le cadre de l'instruction de la déclaration de la maladie de Monsieur [J] et l'arrêt de la présente Cour du 9 octobre 2020.


Attendu que le rapport d'enquête de la caisse fait état des déclarations du salarié quant à son exposition à l'amiante et indique que « Monsieur [Ae] n'est pas en mesure de fournir des coordonnées de collègue, la plupart étant décédés, ni d'autres éléments permettant d'appuyer ses dires », la CARSAT n'ayant pas répondu à la demande d'avis qui lui avait été adressée, et qu'il retient au titre de la synthèse du rapport ce qui suit :

Cessation d'exposition : 31 décembre 2000.

Liste limitative des travaux du tableau : non respectée ( pas d'éléments probants à l'appui du dossier.

Délai de prise en charge : respecté.

Date d'exposition : salarié du 01 novembre 1959 au 31 décembre 2000.


Attendu que le rapport d'enquête se fonde uniquement sur les déclarations du salarié et il indique que ces dernières ne sont appuyées ni par des déclarations de collègues ni par d'autres éléments faute de réponse notamment de la CARSAT à la demande d'avis par la caisse.


Que s'il retient l'existence de l'exposition du salarié au risque ( mais non le respect de la liste limitative des travaux faute d'éléments probants ) , il résulte clairement du rapport que cette conclusion de l'enquêteur ne se fonde que sur les déclarations du salarié non étayées par des éléments extrinsèques.


Attendu que l'avis du CRRMP, dont on peut raisonnablement penser qu'il était susceptible de contenir des éléments de nature à confirmer la réalité de l'exposition du salarié au risque au service de la société [8], n'est pas produit aux débats.


Attendu ensuite qu'il résulte des énonciations de l'arrêt du 9 octobre 2020 de la présente Cour, intervenu dans un litige intéressant les mêmes parties mais au sujet des coûts de la maladie d'un autre salarié qu' « il est '. suffisamment établi que Monsieur [S] a été exposé au risque de sa maladie au sein de la requérante pour la période du 8 décembre 1969 au 30 avril 2005 »


Que cette seule affirmation apparaît cependant insuffisante à emporter la conviction de la Cour dans le présent litige et ce d'autant moins que l'exposition au risque dépend du contexte de travail particulier à chaque salarié, comme le fait remarquer à juste titre la société [8], et que rien n'établit en l'espèce que le salarié dont la maladie est à l'origine du litige ayant donné lieu à l'arrêt du 9 octobre 2020 ait effectué les tâches qui lui étaient confiées dans le même contexte de travail que celui dont la maladie est à l'origine du présent litige.


Qu'en conséquence de tout ce qui précède, il convient de dire que la preuve de l'exposition de Monsieur [J] au risque au service de la société [8] n'est pas suffisamment rapportée par la CARSAT PAYS DE LA LOIRE et que cette dernière ne justifie pas du bien-fondé de l'inscription des coûts litigieux au compte de la société [8] et, dans les limites de la demande, d'ordonner le retrait de ces coûts et le recalcul du taux 2022 de la section 2 de l'établissement impacté par ce coût et, s'il y a lieu, sa rectification.


Que succombant en ses prétentions la CARSAT PAYS DE LA LOIRE doit être condamnée aux dépens.



PAR CES MOTIFS.


La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,


Dit bien-fondée, faute de preuve de l'exposition du salarié au risque, la contestation par la société [8] de l'application est faite par la CARSAT PAYS DE LA LOIRE de la présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant avant la constatation médicale de la maladie et dit au contraire mal fondée la décision de la CARSAT précitée, notifiée à la société [8] par courrier du 17 juillet 2020, de maintenir les conséquences financières de la maladie litigieuse sur le compte de son établissement.


Ordonne en conséquence le retrait par la CARSAT PAYS DE LA LOIRE du coût litigieux d'incapacité permanente de catégorie 4 inscrit par elle sur le compte employeur 2020 de la section 2 de l'établissement de la société [8] situé [Adresse 2] portant le numéro de siret [N° SIREN/SIRET 5] ainsi que le recalcul du taux 2022 de cet établissement et, s'il y a lieu, sa rectification.


Condamne la CARSAT PAYS DE LA LOIRE aux dépens de la présente procédure.


Le Greffier, Le Président,

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