MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 11 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la SCI [Adresse 10] demande à la cour de :
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 10 septembre 2020, en ce qu'il a condamné in solidum la société Abri Sain et son assureur MMA Iard à indemniser la SCI [Adresse 10] des préjudices subis, et lui a alloué la somme de 44.000 € HT pour le coût des travaux de remise en état consécutivement au traitement de la mérule,
-Le réformer en ce qu'il a limité le montant des indemnités allouées,
Statuant de nouveau :
-S'agissant du coût du traitement de la mérule, condamner in solidum la société Abri Sain et MMA Iard à verser au syndicat de copropriété de la [Adresse 10], en sa qualité d'intervenant volontaire, la somme de 63.024,52 € TTC dont il a fait l'avance, et décerner acte à la SCI [Adresse 10] de ce qu'elle s'engage à reverser la somme de 12.825 € TTC allouée par le tribunal au titre du traitement de la mérule (11.825 € + 1.000 €),
-A titre subsidiaire, condamner in solidum la société Abri Sain et MMA Iard à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 18.907,36 € (soit 30% du total de 63.024,52 € TTC), correspondant à sa quote-part du coût des travaux réglé par la copropriété pour le traitement de la mérule,
-Condamner in solidum la société Abri Sain et la société MMA Iard à verser à la société [Adresse 10] la somme à parfaire de 86.000€ en réparation du préjudice de jouissance,
-Dire que les sommes allouées au titre des travaux de remise en état, seront augmentées le cas échéant des taxes en vigueur applicables, et indexées sur la variation de l'indice BT01 du coût de la construction, l'indice de référence étant le premier indice publié au 1er janvier 2020 et l'indice de comparaison le dernier indice publié au jour de la décision à intervenir,
-Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation,
-Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'
article 1343-2 du Code civil🏛,
-Condamner in solidum la société Abri Sain et la société MMA Iard à verser à la société [Adresse 10] la somme de 25.000 € au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, correspondant aux frais de première instance, en référé et au fond, aux frais d'assistance aux opérations d'expertise, et aux frais de la présente instance en appel,
-Débouter la société Abri Sain et la société MMA Iard de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
-Les condamner aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire, les frais de référé expertise et d'extension outre ceux de la procédure au fond.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 06 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard, son assureur demandent à la cour de :
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 10 septembre 2020 en ce qu'il a :
*Dit la SCI [Adresse 10] irrecevable en ses demandes indemnitaires concernant les désordres affectant les parties communes de la copropriété située [Adresse 3], et en ses demandes indemnitaires concernant les désordres affectant les parties privatives de cette copropriété qui ne font pas partie du lot 2 de la copropriété qu'elle a acquis par acte authentique du 19 janvier 2018 ;
*Dit que la franchise contractuelle restant à la charge de la SARL Abri Sain sera déduite de l'obligation à la dette de la SA MMA Iard envers la SCI [Adresse 10] ;
*Débouté la SCI [Adresse 10] de ses autres et plus amples demandes ;
-Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 10 septembre 2020 en ce qu'il a :
*Condamné in solidum la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard à verser à la SCI [Adresse 10] les sommes de 11.825 TTC, 1.000 TTC et 44.000 euros HT plus TVA applicable au jour du jugement, au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel ;
*Dit que ces sommes sont indexées sur la variation de l'indice BT01 du coût de la construction, l'indice de référence étant le premier indice publié au 1er janvier 2020 et l'indice de comparaison étant le dernier indice publié au jour de la décision à intervenir ;
*Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2020 ;
*Dit que les intérêts seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;
*Condamné in solidum la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 4.000 € au titre de son préjudice de jouissance ;
*Dit que la SCI [Adresse 10] d'une part et la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard d'autre part supportent chacune la charge de la moitié des dépens de l'instance, de la moitié des dépens de l'instance de référé 18/00261 et de la moitié des frais d'expertise judiciaire ;
*Condamné in solidum la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau,
-Débouter la SCI [Adresse 10] et le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] de l'intégralité de leurs demandes ;
A titre subsidiaire,
-Juger que seul un préjudice de perte de chance est susceptible d'être indemnisé ;
En conséquence,
-Débouter la SCI [Adresse 10] le Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] qui ne formulent aucune demande à ce titre ;
A titre infiniment subsidiaire,
-Ramener les prétentions indemnitaires de la SCI [Adresse 10] et du Syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] à de plus justes proportions ;
En tout état de cause,
-Juger que toute éventuelle condamnation de la SA MMA Iard en qualité d'assureur de la société Abri Sain sera limitée à 305.000 €, montant du plafond de garantie ;
-Condamner la SCI [Adresse 10] ou toute partie succombant à payer à la Société Abri Sain et à la SA MMA Iard la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner la SCI [Adresse 10] ou toute partie succombant aux entiers dépens, qui comprendront les frais du référé et d'expertise judiciaire ;
Subsidiairement,
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 10 septembre 2020 dans toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 02 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, le [Adresse 10], pris en la personne de son syndic Aprogim, demande à la cour de :
-Déclarer le [Adresse 10] recevable en son intervention volontaire,
A titre principal,
-Condamner in solidum la société Abri Sain et son assureur la société MMA Iard à verser au syndicat des copropriétaires de la villa Émeraude une somme de 100.707,20 euros TTC,
A titre subsidiaire,
- Condamner in solidum la société Abri Sain et son assureur la société MMA Iard à verser au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] une somme de 63.024,52 euros TTC,
En tout état de cause,
- Condamner in solidum la société Abri Sain et son assureur la société MMA Iard à verser au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10] la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner in solidum, la société Abri Sain et son assureur la société MMA Iard aux entiers dépens.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la responsabilité du diagnostiqueur à l'égard de la SCI [Adresse 10]
a. Sur la faute
Il est admis que tout manquement contractuel de l'opérateur intervenant dans le cadre des diagnostics réalisés conformément à l'
article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation🏛, préalablement à une vente immobilière, engage à l'égard de l'acquéreur du bien sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'
article 1240 du code civil🏛, aux termes duquel : « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En l'espèce, le grief fait par la SCI [Adresse 10] à l'encontre du diagnostiqueur est de ne pas avoir, dans le cadre de son diagnostic, identifié l'existence d'un champignon de type mérule infestant l'habitation.
Il convient toutefois de préciser que la SARL Abri Sain était chargée d'établir un état relatif à la présence de termites dans l'appartement et la cave et non pas de dresser un état parasitaire répondant aux exigences de la norme AFNOR 03-200 dont l'objectif premier est la recherche de tous les parasites (insectes et champignons) susceptibles d'infester les bois.
Le diagnostic réalisé par la SARL Abri Sain au moment de la vente portait donc prioritairement sur la recherche d'indices d'infestation du bien par les termites.
Le rapport rappelle d'ailleurs les textes réglementaires et normatifs applicables à cette mission, c'est à dire en l'occurrence l'arrêté du 7 mars 2012 définissant le modèle et la méthode de réalisation de l'état du bâtiment relatif à la présence de termites, ainsi que la norme NF P 03-201 de février 2016.
Il ressort de la norme Afnor NF P 03-201 que « L'investigation consiste à faire un examen le plus complet possible de la situation du bâtiment désigné par le client sur le contrat de mission vis à vis des termites ».
Par ailleurs, l'opérateur doit signaler au paragraphe « constatations diverses» (Voir 5.i) du rapport, la présence des éventuels indices d'agents de dégradation biologique du bois autres que les termites. »
Il s'en suit que les autres agents de dégradation biologique des bois ne doivent être mentionnés qu'au titre des constatations diverses.
Plus précisément, s'agissant des constatations diverses, la norme indique dans un paragraphe 5.i : « constatations diverses : indices d'infestation des autres agents de dégradation biologique du bois, présence d'indices d'infestation de termites aux abords immédiats, signes de traitement antérieur, etc.
Les indices d'infestation des autres agents de dégradation biologique du bois sont notés de manière générale pour information du donneur d'ordre, il n'est donc pas nécessaire d'en indiquer la nature et le nombre.
Cependant la situation de ces autres agents sera indiquée au regard des parties de bâtiments concernées.
NOTE 1 : Si le donneur d'ordre le souhaite, il fait réaliser une recherche de ces agents dont la méthodologie et les éléments sont décrits dans la norme NF P 03-200 ».
En l'espèce, le rapport dressé par la SARL Abri Sain a conclu à l'absence de termites et mentionne, au titre des constatations diverses, la présence de pourriture cubique au niveau du bâti de la fenêtre dans la chambre n°2.
Contrairement à la norme Afnor 03-200 (état parasitaire), la norme 03-201 (termites) n'impose pas au diagnostiqueur de rechercher, notamment au moyen d'un humidimètre, les zones d'humidité propices au développement de champignons.
Il n'en reste pas moins qu'au titre de ses constatations diverses, la SARL Abri Sain aurait dû mentionner la très forte humidité affectant l'appartement en certains endroits dès lors que, selon l'expert, cette humidité ne pouvait passer inaperçue pour un professionnel.
S'il ne peut être reproché au diagnostiqueur, en charge de rechercher la présence de termites, de ne pas avoir rendu compte de manière complète de l'infestation de mérule dans le bien vendu, il convient toutefois de considérer que celui-ci aurait dû repérer et signaler les indices évidents pour un professionnel de tels désordres.
Or, il ressort du rapport d'expertise qu'il existait des indices manifestes d'attaque fongique par simple contact visuel et sans recherche spécifique notamment dans la cave privative au lot vendu, où l'expert a indiqué qu'il existait au-dessus de la porte d'accès une « importante fructification de mérule ou sporophore, visible et caractéristique », que « les éléments de structures bois sont encore à saturation d'humidité » ( page 28) et que « les solives sont contaminées et dégradées, la solive d'angle est détruite. Tous les abouts de solive sont détruits ou fortement dégradés ».
La SARL Abri Sain ne peut sérieusement soutenir que ces indices manifestes de présence d'agents de dégradation du bois n'étaient pas visibles lors de son contrôle, dès lors qu'aucune modification de la cave n'a été opérée entre son diagnostic et l'expertise, d'une part, et que, d'autre part, de telles dégradations ne peuvent s'être développées en l'espace de sept mois seulement. A cet égard il est observé que, dès le lendemain de la vente, les entreprises chargées des travaux de rénovation ont repéré des « moisissures suspectes», notamment dans la chambre n°2 ( page 5 du rapport d'expertise) et que la présence de divers foyers de mérule a été confirmée par l'entreprise spécialisée Rolland des bois, à peine trois mois après le diagnostic de la SARL Abri Sain.
Ces seules observations suffisent pour considérer qu'entre les indices mentionnés dans son rapport ( présence de pourriture cubique en un endroit de la maison) et ceux qui, étant évidents, auraient dû y figurer, le diagnostiqueur a manqué à son obligation de conseil.
En effet, l'objet de l'information relative à la découverte d'autres agents de dégradation du bois à l'occasion du diagnostic termites est d'alerter le donneur d'ordre afin de lui permettre de faire dresser un état parasitaire répondant aux exigences de la norme NF P 03-200.
La norme NF P 03-201 applicable en l'espèce précise d'ailleurs que « Si le donneur d'ordre le souhaite il fait réaliser une recherche de ces agents dont la méthodologie et les éléments sont décrits dans la norme NF P 03-200 ».
Cette mention aurait dû être reproduite dans le rapport litigieux dressé le 2 décembre 2017 et le diagnostiqueur aurait dû préconiser, en l'état du bien et de ses propres constatations (pourriture cubique), l'établissement d'un état parasitaire répondant aux exigences de la norme NF P 03-200.
La faute du diagnostiqueur au titre du devoir d'information est caractérisée à l'égard de l'acquéreur.
b. Sur le lien de causalité et les préjudices
La SCI [Adresse 10] entend se prévaloir de la jurisprudence de la
Cour de cassation (Ch. mixte., 8 juillet 2015, pourvoi n°13-26.686⚖️), aux termes de laquelle la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné, les préjudices subis du fait de ce diagnostic erroné ayant un caractère certain.
Il s'infère de l'arrêt précité que l'objectif du diagnostic technique relatif à la présence de termites annexé à la promesse de vente en application de l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation est d'identifier la présence éventuelle dudit insecte et donc de garantir l'acquéreur contre ce risque.
Au cas particulier, cette jurisprudence n'est pas transposable dans la mesure où le diagnostic établi par la SARL Abri Sain dont l'objectif était de garantir la SCI [Adresse 10] contre le risque « termites » ne s'est pas révélé erroné : le rapport conclut à l'absence de termites et le bien est effectivement exempt de toute infestation de ce type.
Le diagnostic litigieux n'était pas censé garantir l'acquéreur contre le risque « mérule » mais seulement de lui apporter une information générale sur l'existence de ce risque afin de lui permettre d'apprécier l'opportunité d'effectuer un état parasitaire complémentaire. La cour a considéré que sur ce point, l'information donnée à l'acquéreur n'avait pas été suffisante au regard des indices existants.
Tout au plus convient-il de considérer que la faute du diagnostiqueur consistant en un manquement à son devoir de conseil, pour ne pas avoir préconisé l'établissement d'un état parasitaire relatif à la recherche de champignons lignivores et d'insectes xylophages, a causé aux acquéreurs une perte de chance de mieux apprécier l'opportunité de contracter et le cas échéant de négocier le prix en appréhendant plus précisément la nature et l'ampleur des travaux rendus nécessaires par l'état du bien.
La perte de chance est la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. Il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence de son préjudice qui doit résulter de manière directe et certaine de cette perte. La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En l'espèce, la perte de chance de la SCI [Adresse 10] ne peut qu'être minime.
En effet, les associés de la SCI [Adresse 10] ne sont autres que les consorts [S] dont les parents sont déjà propriétaires depuis les années 1970 de l'appartement situé au premier étage de la Villa Émeraude. Les associés de la SCI [Adresse 10], ce qu'il ne contestent pas, n'ignoraient donc pas l'absence totale d'entretien et de travaux dans la bâtisse, l'état de l'appartement ainsi que des parties communes.
S'agissant des parties communes, il ressort du rapport d'expertise que les façades extérieures sont vétustes, que le ravalement n'a jamais été repris depuis la construction de la maison, qu'il existe des défauts d'étanchéité manifestes très importants et des entrées d'eaux par les anciens conduits de cheminées. L'expert conclut que :« l'absence de syndic de copropriété, l'absence de gestion normale de l'immeuble et l'insuffisance voire l'absence de tout entretien des parties communes depuis de nombreuses années sont à l'origine des humidifications de la structure ayant permis le développement du champignon mérule en plusieurs points de l'immeuble. »
S'agissant de l'appartement, les photographies annexées au rapport d'expertise permettent de constater l'extrême vétusté des lieux. Il n'est d'ailleurs pas contesté que dès le lendemain de la réitération de la vente chez le notaire, la SCI Émeraude avait fait venir des entreprises en vue de procéder à des travaux de rénovation. Au vu du mauvais état général du bien, les travaux à entreprendre ne pouvaient consister en un simple rafraîchissement.
La SCI [Adresse 10] a manifestement acquis cet appartement avec le projet d'une réfection totale.
La cour observe à cet égard que la vente a été conclue en janvier 2018 moyennant le prix de 250.000 euros pour un appartement de 84,89 m2 situé dans une villa d'architecture remarquable dotée d'un jardin, où séjourna [K] [U], en front de mer de la commune très prisée de [Localité 8].
Il est justifié que, dans la même villa, s'est vendu le 14 juin 2019 un appartement de 90 m2 au prix de 345.000 euros.
D'évidence, le prix de vente a été négocié bien en deçà du prix du marché afin de tenir compte de l'état de l'appartement voire de l'immeuble en général et des travaux à prévoir.
Au bénéfice de ces observations, dès lors que l'état de dégradation avancée du bien était parfaitement connu des acheteurs, que des travaux d'ampleur étaient en toute hypothèse prévus et qu'au surplus cette acquisition permettait aux consorts [S] de devenir majoritaires au sein de la copropriété, il est peu probable que la SCI Émeraude aurait renoncé à acquérir ou qu'elle aurait pu négocier encore davantage le prix de vente déjà très bas. Il convient donc de considérer que la probabilité, même mieux informée, de ne pas avoir à supporter les travaux supplémentaires induits par la présence de mérule dans le lot acquis était en définitive très faible.
La cour évalue cette perte de chance à 10 %.
En appel, la SCI [Adresse 10] expose que les travaux de remise en état de l'appartement se sont élevés à la somme de 121.616,44 euros dont 60.003,34 euros en lien direct avec la présence de mérule.
Le traitement de la mérule dans la totalité de la bâtisse a été supporté par la copropriété pour un montant total de 13.519,00 euros (selon facture de la société Rolland des bois). La quote-part de la SCI Émeraude au vu des tantièmes qu'elle détient dans la copropriété est donc de 13 519 x 30%= 4.055,70 euros.
Au titre des travaux de rénovation de l'appartement rendus nécessaires par la présence de l'infestation fongique, la cour retient au vu des factures produites, les sommes suivantes :
-1.399 euros au titre du lot plaquiste
-2.379,18 euros au titre du lot parquet
-8.973,00 euros au titre du lot menuiserie intérieure
-13.308,89 euros au titre du lot enduit
-19.318,52 euros au titre du lot menuiserie extérieures
- 3.176,50 euros au titre de la maîtrise d'œuvre ( soit 7% du coût des travaux retenus).
Le surcoût des travaux que la SCI [Adresse 10] a été contrainte d'exposer en raison de la présence de mérule s'élève donc à la somme de 48.555,09 euros.
Ainsi, le préjudice de la SCI [Adresse 10] correspond à 10% des travaux supplémentaires qu'elle a dû exposer, soit 10 % x (4. 055,70 +48.555,09) = 5.261,08 euros.
Au titre du préjudice de jouissance, il n'est pas contesté que ce bien ne constitue pas le logement principal des membres de la SCI [Adresse 10] à laquelle il incombe de justifier de son préjudice.
En l'occurrence, la SCI [Adresse 10] ne donne aucune explication sur l'usage réel qu'elle fait de ce bien. En particulier, elle ne justifie pas que celui-ci est destiné à la location « à l'année » ou de manière saisonnière. La cour en déduit qu'il est donc seulement utilisé à titre de résidence secondaire.
Compte tenu des travaux de rénovation de l'appartement entrepris dès le lendemain de l'acquisition, il est certain que la SCI [Adresse 10] n'aurait pas pu entrer dans les lieux dès le 19 janvier 2018, comme elle le prétend.
L'expert a indiqué qu'en raison de l'état très dégradé de l'appartement, celui-ci nécessitait des travaux de rénovation qui ne l'auraient pas rendu disponible avant le 1er juillet 2018.
La SCI [Adresse 10] a été privée de la jouissance de son bien à compter de cette date et pendant toute la durée de l'expertise et des travaux d'éradication de la mérule.
L'expertise judiciaire ordonnée en avril 2018 s'est achevée le 11 décembre 2019 avec le dépôt du rapport de l'expert. Elle a donc duré 20 mois.
L'expert a par ailleurs évalué la durée des travaux de traitement de la mérule à trois mois.
En tout état de cause, il ressort du rapport de la société Phidias que le traitement de la mérule et la plupart des travaux étaient achevés au 17 juin 2020. La cour décide de retenir cette date et non la date de réception du chantier ( au 29 juillet 2021) dès lors que le chantier inclut des travaux étrangers à la mérule.
Il y a donc lieu de retenir que la présence de mérule a allongé la durée des travaux de 23 mois.
Cependant, une résidence secondaire n'étant par définition pas occupée toute l'année, il y a lieu de retenir que le préjudice de jouissance s'établit sur 16 mois et de l'indemniser à hauteur de 1.000 euros/ mois.
En l'état d'une perte de chance fixée à 10%, le préjudice de jouissance est donc estimé à la somme de 1.600 euros.
Après infirmation du jugement, la SARL Abri Sain et son assureur seront solidairement condamnés au paiement de la somme totale de 6. 861,08 euros au titre de la perte de chance.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et les intérêts seront capitalisés dés lors qu'ils seront dus pour une année entière.
La SA MMA Iard en qualité d'assureur ne sera tenue solidairement que dans la limite de sa garantie contractuelle.
3°/ Sur les demandes du Syndicat des copropriétaires
La mission du diagnostiqueur ne portait que sur le lot n°2 de la copropriété vendue à la SCI Émeraude. La SARL Abri Sain n'avait donc aucune obligation d'inspecter les parties communes ni les autres parties privatives dépendantes de la copropriété.
La SARL Abri Sain ne peut par conséquent être tenue pour responsable des désordres affectant les zones situées en dehors de son périmètre contractuel de repérage.
La SARL Abri Sain n'était tenue d'aucune obligation de conseil à l'égard du syndicat de copropriétaire. Elle aurait d'ailleurs été bien en peine de délivrer une quelconque information puisque au moment de son diagnostic, la copropriété était dépourvue de syndic habilité à la représenter.
En toute hypothèse, le diagnostiqueur n'est assurément pas responsable de l'état de l'immeuble, identifié comme étant la cause du développement de la mérule.
Ainsi que déjà indiqué, l'expert a mis en évidence que : « l'origine des désordres est située en partie commune, pour le débordement de gouttière et de descente d'eau et vraisemblablement en partie commune pour le défaut de protection des têtes de cheminées (') l'absence de syndic de copropriété, l'absence de gestion normale de l'immeuble et l'insuffisance voire l'absence de tout entretien des parties communes depuis de nombreuses années sont à l'origine des humidifications de la structure ayant permis le développement du champignon mérule en plusieurs points de l'immeuble. »
Il ressort d'ailleurs du rapport d'expertise (page 5) que l'appartement appartenant à l'indivision [Z] avait déjà fait l'objet d'un traitement curatif d'un champignon mérule en 2008 avec remplacement ou renforcement de solives. Il s'en déduit que les copropriétaires ont été informés du risque d'infestation ou, du moins, qu'ils auraient dû l'être par les copropriétaires concernés. En tout état de cause, aucun diagnostic de la bâtisse n'a été fait à cette époque.
A ce jour, le syndicat de copropriétaires ne peut sérieusement prétendre voir financer la réfection totale de la [Adresse 10] dont l'entretien a été négligé pendant de très nombreuses années, aux frais du diagnostiqueur et de son assureur.
Il convient de considérer que la prolifération de mérule est totalement imputable à l'incurie des copropriétaires et ne présente aucun lien de causalité avec le défaut d'information retenu à l'encontre du diagnostiqueur dans le cadre de sa mission de diagnostic « termites » dans le lot privatif n°2 vendu à la SCI Émeraude.
Par conséquent, le syndicat des copropriétaires sera débouté de l'intégralité de ses demandes.
4°/ Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a partagé les dépens en ce compris les frais de l'instance de référé et de l'expertise judiciaire et en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Abri Sain et la SA MMA Iard à payer à la SARL [Adresse 10] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Abri Sain et la SA MMA Iard seront tenues in solidum aux dépens d'appel.
Aucune circonstance tirée de l'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La SARL Abri SAIN et son assureur la SA MMA Iard, le syndicat des copropriétaires ainsi que la SCI [Adresse 10] seront donc déboutés de leur demande respective sur ce fondement.